Je suis seul, au milieu du blizzard. Non… C’est plutôt un épais brouillard. Une purée de pois si opaque et si blanche que je ne distingue rien d’autre que mon propre corps. La réverbération me fait plisser les yeux… Et je me rends alors compte que mes autres sens sont complètement réduits à néant. Je ne sens rien ; j’ai l’impression de flotter dans le vide, comme si j’étais emmêlé dans les cordages d’un navire. Il n’y a pas d’odeurs. Pas de son. J’ai envie de crier, de savoir si quelqu’un m’entend, mais je ne peux bouger. Soudain, je ressens. Une douleur au crâne, à la tempe. Là où les Docteurs Freeman et Octavius m’ont installé mon implant. Je sens le sang couler le long de mon visage, jusqu’en bas de mon menton. C’est d’autant plus douloureux que c’est la seule chose que je ressens… Mais c’est presque agréable. Comme le plaisir sadique qu’on prend à se gratter une croûte ou à se tirer un pansement.
Et puis il y a un flash.
Un éclair de sensations qui parcourt mon corps… Et je ressens tout d’un coup. La peur. La colère. La douleur. Le froid. Le temps qui passe. La honte. Le regret. Et je suis happé. Comme si d’un coup, les cordages se tendent et me tirent violemment vers l’arrière.
Je ferme les yeux.
Lorsque je les ouvre, je me sens à nouveau moi. Je suis dans un bâtiment dont les murs et le sol sont couverts de glace, et où l’air est globalement froid : c’est Drum. Le fameux Palais des Glaces, peut-être ? Ce serait sensé, vu le nom… Mon corps est endolori. Je fais un pas, mais sans que je ne le veuille. Comment ça se fait ? Je veux baisser le regard pour vérifier le problème avec mes jambes, mais ma tête refuse de bouger. Je ressens tout, mais je ne peux rien faire. Bloqué dans une prison de chair. Otage de mon propre corps.
Finalement, et je sens que ce n’est pas de ma propre volonté, je regarde au sol et derrière moi. Il y a des corps, entassés les uns sur les autres. Je suis pris d’un frisson d’angoisse, d’un hoquet de surprise… Avant de me rendre compte qu’il s’agit d’animaux. Des ours et des lapins, aux tailles démesurées, quasi humanoïdes. Leur fourrure est couverte de sang. Mon regard poursuit sa course sur mon corps et mon uniforme, couverts de traces de coups et de lacérations. Mes mains sont rouges de sang. Que font-ils là ? C’est moi qui vient de combattre ces animaux ? Pourquoi ?
Au détour d’un couloir, un homme apparaît. Il semble blessé, et a de la peine à se déplacer. Qui est-ce ? Peut-être qu’il peut m’aider. Peut-être que je peux l’aider.
Au secours ! On m’attaque !
Hé ! Je suis le Commodore Raines, êtes vous blessé ? Pouvez-vous m'expliquer ce qui se passe ici ?
Aucun mot n’est sorti de ma bouche. Pourtant, c’est ce que j’ai voulu dire. J’avance vers l’homme. C’est un civil, et il a l’air d’être en danger. Je dois l’aider…
Qu’est-ce que… Non, un Marine ! Au secours !
Non… Pourquoi ? Les marines représentent la justice… Nous sommes là pour aider, rendre service, sauver… Pourquoi nous fuir ? Pourquoi me fuir ? Je tends mon index et mon majeur, repliant les trois autres doigts de ma main droite. Je sens les muscles de cette dernière se tendre d’une manière que je reconnaîtrais entre mille. Mais pourquoi ferais-je ça ? Non… Je dois tendre la main, et l’aider… Pas ça…
Trop tard.
Mon Shigan part à toute vitesse, comme une balle de fusil. Mes doigts mordent directement dans sa gorge. L’horreur se lit sur son visage alors qu’il porte ses mains à son cou. La carotide est touchée, et il commence à saigner abondamment.
Aaaargh !
Non… Ce n’est pas possible… Ce n’est pas moi… Jamais je ne ferais une chose pareille… C’est une blessure mortelle… Et je contrôle mes coups. Je ne suis pas un tueur. Je ne vise qu’à incapaciter mes adversaires, pas à le tuer. Il tombe au sol, et commence à s’étouffer dans son propre sang dans un gargouillis qui me fait monter la bile au fond de la bouche. Raines ! Ressaisis-toi ! Reprend le contrôle ! Tu dois l’aider ! Je peux encore le sauver ! Je peux faire pression sur l’artère, et si je l’opère vite, je peux peut-être le sauver !
…
Grgll…
Mais rien n’y fait. Mon corps refuse de m’obéir, et je tourne le dos à cette personne qui est en train de mourir. Je veux tourner la tête. Je veux faire demi-tour. Allez ! Bouge ! Retourne-toi ! Rien n’y fait. Je ne peux que l’entendre mourir lentement alors que je m’éloigne et que j’enjambe les cadavres des animaux.
Faites un carnage, Commodore Raines !
La voix du Docteur Freeman se déverse une fois de plus dans ma tête, comme un puissant torrent, engloutissant tout le reste, noyant mes pensées sous des trombes d’eau sombre. Ma vue commence à se troubler à nouveau. Les acouphènes reviennent. J’ai l’impression que mon corps s’engourdit de plus belle, comme si je me faisais anesthésier. Et je me sens partir à nouveau, les cordages autour de mes membres me tractant dans l’autre direction. Non…
Je ne veux pas obéir… Je ne veux pas continuer à tuer…
Ce n’est pas qui je suis… Je crois ?
Tout se mélange, et je sombre à nouveau.
Et puis il y a un flash.
Un éclair de sensations qui parcourt mon corps… Et je ressens tout d’un coup. La peur. La colère. La douleur. Le froid. Le temps qui passe. La honte. Le regret. Et je suis happé. Comme si d’un coup, les cordages se tendent et me tirent violemment vers l’arrière.
Je ferme les yeux.
Lorsque je les ouvre, je me sens à nouveau moi. Je suis dans un bâtiment dont les murs et le sol sont couverts de glace, et où l’air est globalement froid : c’est Drum. Le fameux Palais des Glaces, peut-être ? Ce serait sensé, vu le nom… Mon corps est endolori. Je fais un pas, mais sans que je ne le veuille. Comment ça se fait ? Je veux baisser le regard pour vérifier le problème avec mes jambes, mais ma tête refuse de bouger. Je ressens tout, mais je ne peux rien faire. Bloqué dans une prison de chair. Otage de mon propre corps.
Finalement, et je sens que ce n’est pas de ma propre volonté, je regarde au sol et derrière moi. Il y a des corps, entassés les uns sur les autres. Je suis pris d’un frisson d’angoisse, d’un hoquet de surprise… Avant de me rendre compte qu’il s’agit d’animaux. Des ours et des lapins, aux tailles démesurées, quasi humanoïdes. Leur fourrure est couverte de sang. Mon regard poursuit sa course sur mon corps et mon uniforme, couverts de traces de coups et de lacérations. Mes mains sont rouges de sang. Que font-ils là ? C’est moi qui vient de combattre ces animaux ? Pourquoi ?
Au détour d’un couloir, un homme apparaît. Il semble blessé, et a de la peine à se déplacer. Qui est-ce ? Peut-être qu’il peut m’aider. Peut-être que je peux l’aider.
Au secours ! On m’attaque !
Hé ! Je suis le Commodore Raines, êtes vous blessé ? Pouvez-vous m'expliquer ce qui se passe ici ?
Aucun mot n’est sorti de ma bouche. Pourtant, c’est ce que j’ai voulu dire. J’avance vers l’homme. C’est un civil, et il a l’air d’être en danger. Je dois l’aider…
Qu’est-ce que… Non, un Marine ! Au secours !
Non… Pourquoi ? Les marines représentent la justice… Nous sommes là pour aider, rendre service, sauver… Pourquoi nous fuir ? Pourquoi me fuir ? Je tends mon index et mon majeur, repliant les trois autres doigts de ma main droite. Je sens les muscles de cette dernière se tendre d’une manière que je reconnaîtrais entre mille. Mais pourquoi ferais-je ça ? Non… Je dois tendre la main, et l’aider… Pas ça…
Trop tard.
Mon Shigan part à toute vitesse, comme une balle de fusil. Mes doigts mordent directement dans sa gorge. L’horreur se lit sur son visage alors qu’il porte ses mains à son cou. La carotide est touchée, et il commence à saigner abondamment.
Aaaargh !
Non… Ce n’est pas possible… Ce n’est pas moi… Jamais je ne ferais une chose pareille… C’est une blessure mortelle… Et je contrôle mes coups. Je ne suis pas un tueur. Je ne vise qu’à incapaciter mes adversaires, pas à le tuer. Il tombe au sol, et commence à s’étouffer dans son propre sang dans un gargouillis qui me fait monter la bile au fond de la bouche. Raines ! Ressaisis-toi ! Reprend le contrôle ! Tu dois l’aider ! Je peux encore le sauver ! Je peux faire pression sur l’artère, et si je l’opère vite, je peux peut-être le sauver !
…
Grgll…
Mais rien n’y fait. Mon corps refuse de m’obéir, et je tourne le dos à cette personne qui est en train de mourir. Je veux tourner la tête. Je veux faire demi-tour. Allez ! Bouge ! Retourne-toi ! Rien n’y fait. Je ne peux que l’entendre mourir lentement alors que je m’éloigne et que j’enjambe les cadavres des animaux.
Faites un carnage, Commodore Raines !
La voix du Docteur Freeman se déverse une fois de plus dans ma tête, comme un puissant torrent, engloutissant tout le reste, noyant mes pensées sous des trombes d’eau sombre. Ma vue commence à se troubler à nouveau. Les acouphènes reviennent. J’ai l’impression que mon corps s’engourdit de plus belle, comme si je me faisais anesthésier. Et je me sens partir à nouveau, les cordages autour de mes membres me tractant dans l’autre direction. Non…
Je ne veux pas obéir… Je ne veux pas continuer à tuer…
Ce n’est pas qui je suis… Je crois ?
Tout se mélange, et je sombre à nouveau.