- « Négatif lieutenante. Je recommencerais autant de fois qu’il le faut si tes bestioles s’avèrent menaçantes ou impertinentes. Si tu t’es empressée de bouffer le fruit, c’est donc de ton ressort de vite le maitriser. Tu n’aimerais ni être un boulet, ni être une menace pour tout l’équipage, je présume ? »
La sympathie et le laxisme avaient bien évidemment leurs limites ; et c’était sans aucune gêne avec un regard tout à fait sérieux que je faisais comprendre à la gamine qu’elle n’avait pas son mot à dire sur mes actions. Qu’elle se prenne elle-même la vague de haki n’était pas mon problème. Etais-je sévère sur le coup ? Un peu. Mais en même temps, TDI ou pas, pouvoir divin ou pas, il fallait mettre des limites à ce que ses autres « moi » puissent se permettre de faire. Pour le coup, que son premier alter égo l’ait compris était une bonne chose. Au moins, il comprendrait que si j’étais permissif la plupart du temps, déconner avec moi n’était pas une option. Pour le reste, j’étais quand même déçu de ne pas avoir de réponses, mais en m’affirmant qu’elle prenait également tout de plein fouet, la conclusion qui s’imposait était évidente même quand on était pas un expert en psychologie : toutes ces paroles provenaient de son subconscient/inconscient… Dire que j’étais mortifié ou même étonné serait certainement mentir à ce stade…
Mais alors que je comptais reprendre la parole en lui faisant comprendre que j’allais quand même la ménager compte tenu de la reconnaissance, une alarme interne retentit bruyamment et mis tout le navire en effervescence. L’alerte rouge semblait lancée. Étonné dans un premier temps que les sirènes et les gyrophares du bâtiment se déclenchent aussi soudainement, je finis par me calmer pendant que Meilan fonçait droit vers la cabine de contrôle. Il ne restait plus que nous deux dans ce vacarme tonitruant, si bien que je tournai ma gueule vers l’éclaireuse : « La réponse va pas tarder, faut croire. Cependant, tu es en convalescence. Il y a donc moyen que je te laisse en arrière-garde, surtout que tu viens de manger un fruit dont tu n’as apparemment pas la maitrise. » Manquerait plus qu’elle se mange encore des blessures par ma faute. Et puis, quel serait le mérite à foutre une gamine blessée sur le champ de bataille ? J’avais moi aussi mes limites et puis de toute façon, ce n’est pas comme si on manquait de bras. Plus qu’à voir ce qui allait se passer…
- « SALEM ! » Meilan déboula une nouvelle fois comme une furie avec un air tellement grave qu’on aurait dit qu’elle avait aperçu la flotte d’un empereur à l’horizon… « C’EST L’ESCARGOPHONE ARGENTÉ ! »
Et là, blanc. Un blanc dans un capharnaüm, certes. Je restais pantois pendant quelques secondes, avant que mon den-den-mushi portatif ne se déclenche également. Et lorsque je décrochais, la voix qui me parvint fut celle du célèbre Mountbatten :
- « J’ai déclenché l’escargophone doré que tu m’as filé. Je suis tombé sur du gros. Les coordonnées mènent à l’île d’Aeden sur West Blue, qui se trouve être le quartier-général de la Révolution sur les Blues… C’est une sorte d’utopie révolutionnaire, avec des villes splendides et richissimes, et qui regorge d’anciens esclaves et de convaincus à la cause. Bref, ça mérite bien d’être rasé… Les forces en présence n’ont pourtant pas l’air si puissantes que ça. Je me trouve dans la capitale politique, Elysée, située au centre de l’île. Le chef du coin est l’atout Thomas Bolton, dit le Pape. Concernant la topographie de l’île, le principal point d’accès est le port de la cité d’Ivoire, à l’ouest. Il y a même un chantier naval, qui fournit probablement une bonne partie des navires de l’Armée révolutionnaire… Je dirais même que cette ville est une cible prioritaire. Sans leurs bateaux pour s’échapper, ces vermines seront foutues. Par contre, Elysée se trouve au milieu d’une gigantesque forêt, ce n’est pas impossible que les canons des cuirassés n’arrivent pas à l’atteindre. Donc attendez vous à un minimum de résistance pour l’assaut. J’attends de tes nouvelles. En attendant, je continue à récupérer du renseignement… Le plan, c’est que j’élimine les dirigeants de l’île juste avant votre arrivée. Et le reste sera du gâteau. C’est bon pour toi ? »
Un silence s’en suivit dans tout le boucan… Puis, d’un sourire aussi tordu qu’inhabituel, je finis par répondre…
- « Et comment que c’est bon, Mount ! Maintenant que le Buster Call est déclenché, on arrivera dans moins de 24 heures. Tâche de ne pas trop trainer sur les côtes. Ce serait bête que tu crèves avant de devenir corsaire… D'ailleurs, si tu peux commencer un petit nettoyage de ton côté, ma foi… »
Et sur ce, je raccrochai, avant de me perdre dans un petit rire hystérique, comme si c’était plus fort que moi. Meilan se renfrogna. Le Salem qu’elle avait en face d’elle était rarement de sortie… Mais quand il l’était, elle savait plus que quiconque ce que ça impliquait, évidemment. Je finis néanmoins par me calmer pour ne pas donner une mauvaise image de moi-même aux deux femmes qui étaient en ma présence, avant de passer une main dans sa chevelure : « On coupe par Calm Belt, direction West Blue ! Préviens le vice-amiral Fenyang Seniror, qu’il nous rejoigne. Puis dis au QG qu’on a besoin de trois autres vice-amiraux. Essaye de voir si on peut grappiller des pacifistas et préviens le sous-amiral de West Blue qu’on aura également besoin de lui. Vite ! » Devant la solennité de mes demandes, Meilan se mit au garde-à-vous, avant de s’en aller, non sans m’adresser un regard un peu inquiet. Et quant à moi, une dernière fois…
- « De toute ma carrière, je n’ai jamais participé à un Buster Call… Mais j’imagine que tu sais ce que c’est, gamine ? Les livres d’histoire de la marine en parlent pas mal… » Que déclarai-je en me tournant vers Pandore… « Finalement, j’vais p’être oublier que t’es pas encore guérie. C’est là que tu vas devoir te dépasser… Et me prouver à quel point t’es motivée à faire régner l’ordre et la justice… » Conclus-je sous un sourire qui cachait très mal l’excitation du moment. Celle d’aller charcuter des révolutionnaires encore et encore…