Pot-au-feu traditionnel
Le vagabond avançait à bonne allure. La jungle indomptée s'étendait à perte de vue, dans un tourbillon de lianes et de ronces et d'arbres, jusqu'à en donner le tournis. L'épéiste déplaçait la végétation à grands coups de bokken, pour se tailler un passage dans un véritable labyrinthe végétal. Cela étant, la flore locale n'avait pas été la seule à se voir rouée de coups. Depuis son arrivée, Hayato avait rencontré trois de ces « zombis ». À dire vrai, en écoutant Jasper, il aurait plutôt pensé tomber nez à nez avec les autochtones, ces fameux cannibales. Le mercenaire croyait qu'ils avaient étendu leur rayon de chasse, jusqu'à en devenir problématiques pour les îles aux alentours. La peur et les ragots amplifiaient généralement les histoires, au fur et à mesure que le bouche à oreille faisait son effet. Cela ne pouvait être qu'une rumeur infondée. Aussi, quelle n'avait pas été sa surprise lorsque le premier adversaire s'était relevé, encore et encore, peu importait le nombre de coups qu'il recevait.
*Il a fallu que je lui brise les quatre membres pour qu'il reste à terre...*, se rappela-t-il en frissonnant.
Et encore ! La créature continuait à grogner et à bouger la tête pour chercher à le mordre. C'était comme si la douleur n'avait aucune emprise sur elle. Le deuxième affrontement avait tourné à l'étude des points forts et des faiblesses de ces monstres. À force de procéder par tâtonnements, Hayato avait trouvé la parade : leur fracturer le crane. Fort de ce constat, la dernière rencontre ne dura qu'une fraction de seconde. S'ils étaient tous de cet acabit, il n'avait pas grand chose à craindre ! Néanmoins, le problème restait entier : quel phénomène inexplicable était à l'origine de ces morts-vivants ? Un fruit du démon ? Une autre aptitude maudite inconnue ? Un scientifique fou ? Les idées se bousculaient dans sa tête mais, il le savait, se perdre en conjonctures ne l'avancerait à rien. L'épéiste s'enfonça donc de plus en plus loin, au sein de la forêt lugubre, les sens aux aguets.
À force de tendre l'oreille, il avait fini par se rendre compte d'un détail important : il n'était pas le seul chasseur sur cette île. Au loin, étouffés par la végétation touffue, des échos de batailles lui parvenaient. Des coups de feu, des cris et des bruits sourds de lutte. Plus il avançait, plus les sons lui parvenaient avec une netteté accrue. Néanmoins, par expérience, le vagabond savait malheureusement à quoi s'en tenir : ce n'était pas parce qu'ils se battaient tous contre les morts-vivants, qu'ils étaient forcément du même camp. Fort heureusement pour lui, il n'avait pas écopé d'une prime, puisqu'il prenait grnad soin à rester dans la légalité la plus totale, jusqu'à présent. Mais que se passerait-il si une escouade de la marine venait enquêter, en même temps qu'un équipage pirate partait à l'aventure sur ces terres ?
Il soupira à cette idée.
L'épéiste se concentra sur la situation présente, lorsque les arbres se clairsemèrent peu à peu, jusqu'à ce qu'il arrive dans une prairie. Le soleil brillait haut dans un ciel bleu dégagé, tant et si bien qu'il put apprécier la vision d'horreur dans le moindre détail. Il venait de découvrir un village de cannibales, cela ne faisait aucun doute. Les huttes en terre cuite, éparpillées comme des champignons, pouvaient aiguiller. Le totem central, taillé avec des motifs tribaux et décoré de peintures criardes, aidait également. Les chevalets de tannage où trônaient des peaux d'hommes et de femmes, les cranes humains empilés en monticules précaires et, surtout, l'énorme chaudron central, eux, représentaient des arguments de poids.
Et cela, c'était sans compter la multitudes de zombis qui erraient, en titubant sans but.
Hayato déglutit avec difficulté. Ils avaient beau demeurer faibles, pris isolément, une masse grouillante de ces créatures allait le submerger. Son cœur commença à battre la chamade, alors qu'une goutte de sueur glacée ruissela le long de son dos. Lentement ; très lentement, il recula d'un pas, puis d'un autre. Fort de longues années d'entrainement et d'une vie mouvementée, l'épéiste garda son calme. Il respira le plus silencieusement possible, alors que son cerveau fonctionnait à toute allure. Il ne pouvait pas s'occuper d'eux tout seul, pas plus qu'il ne pouvait s'enfuir et laisser cette menace déferler sur North Blue. La seule solution possible était d'attendre les autres explorateurs, ceux qu'il avait entendus en cheminant jusqu'ici.
Il ne restait plus qu'à espérer qu'ils sachent tous se montrer raisonnables et s'unir face à un tel péril.