Après de longs jours en mer, Méria posait enfin le pied sur Armada. Ses navires prirent la direction de son cadran, quittant de fait ceux dirigés par Lamia, la dirigeante des chevaliers du lac. Leur attaque sur Drum avait été un véritable succès et les pirates revenaient au bercail avec les cales remplies d'or et d'autres richesses. Fatiguée par le voyage, la Peste prit la direction de son grand skali. À peine de retour dans le quartier qui était dorénavant le sien, elle put constater que le regard des siens était toujours le même qu'avant. Bien qu'elle soit la nouvelle Walkyrie, personne ne l'aimait, pire encore, personne ne lui était véritablement loyal. Loin d'être idiote, Méria savait tout cela, mais elle savait aussi qu'elle était trop forte pour qu'ils puissent la déloger. Elle régnait par la crainte, avec une main de fer ensanglantée. Naïvement, elle avait pensé que le pillage de Drum permettrait à ses Skjaldmös de changer d’opinion la concernant, mais ce ne fut pas le cas. Dévisagée par les habitants, elle pénétra dans le skali qui se trouvait au centre du cadran avant de se servir une choppe de cervoise. Plusieurs guerrières au bouclier quittèrent rapidement le bâtiment, mais la plupart restèrent.
« Maman est de retour à la maison les enfants ! »
Aucune réponse, rien d'autre que des regards froids et une désapprobation globale. Ricanant toute seule, la pirate avala sa boisson d'une traite avant de se servir à nouveau. Avançant au centre de l'immense pièce sans se soucier du regard des autres, elle alla s’asseoir sur son trône en bois. Quelques secondes après, plusieurs des guerrières commandées par Hedda et Melkorka firent irruption dans le skali. Les bras plein de trésors, elles vinrent les agglutiner à quelques mètres de Méria. Le tout formait un joli tas qui donnait particulièrement envie d'y plonger. Une fois mis en vrac, l'or avait cette propriété d'être souvent très impressionnant, il fallait le reconnaître.
« Pas mal non ? »
Malgré leur piètre opinion de leur nouvelle dirigeante, les skjaldmös présentes ne purent s'empêcher pour certaines de montrer une certaine approbation. Plusieurs murmures se répandirent au sein du bâtiment, mais guère plus. Silencieuses, les deux capitaines venues à la Walkyrie piller Drum se contentaient de la regarder, chacune loin de l'autre. Presque cachée dans un coin, à la faveur de l'obscurité, Asrunn, l'ancienne cheffe du cadran était morose.
« Faites pas les fines bouches, bande de sales ingrates. C'était quand la dernière fois que vous avez récolté autant en si peu de temps ? Hein ? On parle en mois ? En années peut-être bien ? Vous me faites marrer avec votre chasse au gros. La piraterie, voilà ce qui rapporte, vous l'avez oublié ou quoi ?!
- Nous respectons les traditions. »
Nouveau murmure dans la salle, mais d'approbation cette fois. Plissant les yeux, la Peste envoya un regard mauvais en direction de celle qui venait de parler. Toujours dans son coin, Asrunn leva les yeux vers elle, la défiant du regard avec force mais respect.
« Les traditions. Ouais, bien sûr, vos fameuses traditions. Regarde à quoi elles t'ont réduite. Le minable petit laquais d'une cheffe que tu détestes.
- Il ne me revient pas de questionner nos coutumes ni la volonté des anciens. Si cela est arrivé, c'est qu'il y a une raison derrière tout cela.
- C'est le genre de choses que tu te racontes le soir pour te rassurer quand tu pleures à chaudes larmes ? Fais donc la grande dame digne devant nous tous, on sait tous très bien ce dont il retourne vraiment.
- Si vous le dites.
- Assez ! J'en ai marre de vos sales tronches. Déguerpissez de ma vue, toutes, bande de connasses ingrates. Vite, avant que j'en pende plusieurs pour l'exemple ! »
Personne ne se fit prier pour quitter les lieux. Furieuse, la Louve envoya son verre heurter la pile de trésor. Celui qui s'énervait de cette manière perdait toujours aux yeux des autres. Cela faisait donc d'elle une perdante ? En aucun cas, elle ne le permettrait pas. Cette impertinente Asrunn ne cessait de remettre son autorité en jeu, elle devait la remettre à sa place. Le plus dur serait certainement de ne pas la tuer. Faire d'elle un martyr serait la pire des choses à faire à ce stade. Ruminant dans son coin, Méria resta sur son trône à grogner des insultes jusqu'à ce que toutes les bougies du skali ne viennent à s'éteindre. Dans l'obscurité, les deux yeux de la bête scintillèrent d'une lueur malveillante.
ciitroon
Liberté, Liberté Chérie !