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[FB1622]Dans les rouages de l'homme poisson [FINI]

Ils étaient quinze matelots,
Sur le coffre du mort,
Yo ho ho ho et une bouteille de rhum !


La nuit tombe prudemment sur l’un des quartiers les plus pourris de Last Camp. Laissant persister une dernière lueur de clarté pour les pauvres retardataires encore dehors au moment ou le soleil se couche.
Dans la rue laissée aux truands de toutes sortes, un pauvre vétéran beugle une vieille chanson de marin en faisant tourner la manivelle de son orgue de barbarie…

Tous finiront par danser la gigue
La corde au cou au quai des pendus
Toi John Forrest et toi John Merick
Si près du gibet qu'j'en ai l'cou tordu


Bandeau sur l’œil, barbe de deux semaines, habits crasseux et odeur de fauve. Il n’y guère que la possession de l’orgue qui le différencie du fond du fond de la vermine des taudis de Last Camp. Une possession qui, si maigre soit’elle suffit dans le coin à faire naitre l’envie. Pendant qu’il avance au hasard dans les rues, trois silhouettes se glissent dans son sillage. Furtives, prédatrices, l’encadrant doucement mais surement et attendant le moment propice pour frapper. Le musicien choisit un embranchement, et les suiveurs jubilent, le vieux s’est engagé dans une impasse. Immédiatement les trois hommes convergent vers leur proie prise au piège.

-Hé le vieux, tu t’es perdu on dirait, t’inquiète on va t’aider à rentrer à la maison…
-Commence par nous filer l’orgue et le pognon… On va les porter pour toi…
-Ouais, et comme on est des bons gars après on va te chauffer les os avec nos bâtons…

La vie est dure à Last Camp, et les petits poissons solitaires ne font pas long feu dans les rues.
Le vieux ne moufte pas, prenant la coupelle posée sur l’orgue, il la tend avec les quelques pièces qu’elle contient vers ses agresseurs. Souriant méchamment le premier s’approche pour la récupérer quand le vieux lui crochète le poignet. Il n’a pas le temps de réaliser ce qui se passe que déjà le vieux lui enfonce sauvagement la coupelle métallique au fond de la gorge, lui faisant sauter la moitié de ses dents au passage… Les autres ont aussi un temps de latence, difficile de comprendre ce qui a foiré entre le moment ou tout allait bien, et le moment ou leur pote se retourne vers eux en crachant du sang, avec un regard qui passe de la surprise à la panique la plus totale. Mais les habitudes reprennent vite le dessus, sortant couteau et batte à clou, les deux voyous encadrent le vieux et passent à l’attaque.
Le premier n’a pas le temps de comprendre d’où sort la machette que le vieux tient dans la main. Celui ci bloque le bras de l’agresseur avant de lui enfoncer quarante centimètres d’acier de la mâchoire jusqu’au haut du crane. Tenant le type il pivote juste assez pour que le corps lui serve de bouclier. Et pendant que le dernier type contempla d’un regard étonné la batte qu’il vient de planter dans le crane de son pote, le vieux sort un couteau et lui poinçonne les reins à plusieurs reprises.
Dans la ruelle le calme revient lentement, normal, même lui se méfie. Le musicien qui semble soudain nettement moins vieux termine tranquillement le boulot, il achève le premier larron d’un coup de dague dans l’œil, essuie ses lames sur les cadavres, peste en constatant qu’ils se sont chiés dessus et qu’il ne pourra pas récupérer les fringues. Puis leur fait consciencieusement les poches avant de vider les lieux…
La vie est dure à Last Camp, et les petits prédateurs malchanceux ne font pas long feu dans les rues.

Ils étaient quinze matelots,
Sur le coffre du mort,
Yo ho ho ho et une bouteille de rhum !




Une mission de surveillance… On lui avait confié une mission de surveillance, à lui… Red était sur le cul, outré. Vingt ans de Cypher Pol pour en arriver la. A faire une mission de surveillance habituellement dévolue aux débutants…
Il revoyait encore le briefing batard qu’il avait reçu…Enfin le briefing, plutôt le papier à entête du service qui l’envoyait au boulot sur la verrue de West Blue. L’atoll le plus pourrie de cet océan minable… Last camp.

Agent Red … bla bla bla … Importante mission de surveillance… bla bla bla …Contrebande, marchandises illégales, grand banditisme …L’imposante boutique de Cigare d’El Monstro… Planque et surveillance … durée indéfinie...

C’était du délire pur et simple. Franchement, une mission visant à localiser une bande ou un réseau de contrebandier à last Camp… Ici c’est les citoyens n’ayant rien à se reprocher qui sont rares, pas les truands. Et une bande de trafiquants lié à une boutique de ventes de cigares… C’était même plus du délire… Le sombre crétin d’officier à l’origine de cette mission devait carrément avoir sombré dans la démence…
Le problème évidemment quand on est agent, c’est que supérieur dément ou mission pourrie, quand on est en bout de chaine de commandement on se doit d’obéir sans discuter.
Et c’est précisément à cette chaine que l’agent Red devait de se retrouver planqué devant une putain de boutique de cigare de luxe, implantée dans un quartier tellement pourri que malgré son costume de clochard ivrogne on avait manqué à trois reprises d’essayer de l’agresser pour lui tirer ses pompes… Et il n’était la que depuis deux jours…

Red se lève une nouvelle fois de la paillasse pourrie qui lui sert de couchage. Il jette un regard morose sur les murs de terre, le toit de branchage à l’étanchéité douteuse, et le sol encombré de détritus et de débris divers. Et il regrette une fois de plus d’être un agent consciencieux et scrupuleusement respectueux des impératifs de sa couverture. Parce que parfois, respecter sa couverture, c’est dur. Et c’est rien de le dire.
Red tend la main pour récupérer le ptit déj du matin, des rations de survie de la marine qui sont son unique repas depuis trois jours. Un genre de biscuit brunâtre, dur comme une brique, à peu prés inodore et parfaitement imputrescible. Le genre de truc qu’on ne peut mâcher qu’une fois longuement trempé dans un liquide quelconque. Enfin, si on est un marines normal. Un agent du Cypher Pol lui, les avale tel quel… Mais si c’est nourrissant, c’est aussi tout à fait infâme. Ce qui, quand on y réfléchit parait logique. Un type ne mangeant que ce genre de bouffe devient rapidement d’une humeur tellement mauvaise qu’il peut se lancer dans n’importe quoi. Et voila pour la réputation de terreur des troupes d’assaut de la marine… Juste une histoire de biscuits.

La ration du jour avalé Red enfile ses frusques, des habits soigneusement déchirés, salis avec soin et un certain sens artistique, trainés dans la boue, couverts de taches de vins, et dégageant une odeur capable d’agresser violemment un individu normal à prés de trois mètres. Il récupère ses outils de travail, la sébile pour les éventuels généreux donateurs, le bandeau, le vieil orgue de barbarie et la bouteille d’alcool qui lui servent de couverture, Puis il retourne au boulot. L’aube pointe à peine à l’horizon quand il se retrouve à pied d’œuvre devant la boutique de cigare. Et qu’il continue comme tout les matins de noter patiemment tout ce qu’il s’y passe.
D’abord il y a cette bande de types, les Princes, une bande de truand qui rodent autour de la boutique. Red, qui tient à faire du boulot soigné les suit pendant trois jours avant d’abandonner. Les types sont des truands presque haut de gammes pour le milieu local, une vingtaine de types, tous jeunes, spécialisés dans les drogues qui font planer et dans les petits services maison, tabassage, vidage de baraques, voire meurtres et plus si affinités.
En faisant chanter un de leur revendeur Red se fait une idée claire de leur business, en payant une bande locale pour une baston il se renseigne sur leur force de frappe. Il passe même une soirée avec eux à chanter des chansons de pirate histoire de compter précisément le nombre de présents…Red note tout, et en quelques semaines il a fait le tour de leurs noms, de leurs planques, de leurs amis et de leurs façons de fonctionner. S’il n’avait pas passé la limite d’âge qu’ils ont fixé, il pourrait même être embauché dans le gang.

Mais surtout Red à découvert pendant ses planques un truc que son instinct pressent énorme…Un truc qui n’a rien à voir avec les Prince, mais tout avec la boutique de cigare. La boutique de cigare sans histoire mais avec qui le gang semble avoir des problèmes…
Alors Red laisse trainer l’oreille, paye des gens, suit les clients et note leurs noms et ce qu’ils achètent… Et ce qu’il découvre est formidable. La boutique n’est qu’une couverture, une couverture pratique et tout ce qu’il y a de plus vraie. Mais quand on achète des cigares on achète aussi autre chose. Des services illégaux, meurtres, contrebandes, planques, contrefaçons…Des marchandises volées... Mais surtout des renseignements, des renseignements tellement précis qu’ils ne peuvent provenir que d’un seul endroit, le QG de la marine. Ce qui signifie qu’un gradé est impliqué dans l’affaire. Le ver est dans la pomme…
Alors Red se met à chercher le gradé, et en agent hors pair, il finit par le débusquer dans le passé d’el Monstro… Toji Arashibourei. Le seul colonel homme poisson de la Marine…
Un très très gros poisson mouillé jusqu'au cou. De quoi enchainer les mauvais jeux de mots.

Red rassemble son épais dossier et se prépare au meilleur moment de sa mission, le moment ou il va rendre des comptes, ou on se rendra compte qu’au lieu de la petite bande sans intérêt qu’on lui a demandé de surveiller il a découvert un superbe abus d’autorité et à de quoi faire chuter un haut gradé de la marine.
Cette fois c’est sur, aujourd’hui Red se fait mousser et grimpe sur le tableau d’honneur du CP. Mais d’abord un petit détail, contacter la hiérarchie.



Via escargophone:
- Ici l’agent Red, au rapport pour la mission code « pas de fumée sans feu ». Passez-moi le patron
-Une minute agent Red, je vérifie…
Dix minutes plus tard
-Euh agent Red ? J’ai des consignes un peu particulières pour cette mission, je vous passe l’officier qui s’en occupe…
Dix minutes d’attente supplémentaires, mais avec cette fois ci une sensation désagréable en train de naitre creux de l’estomac..
-Agent Red ? Une voix grave et rapeuse, menaçante, comme une scie mordant de l'os...
-Euh oui monsieur… Euh… Qui est à l’appareil ?
-Ici le colonel Toji Arashibourei
Dans la tête de l’agent Red, l’importance des relations du capitaine Toji vient de subir un énorme changement d’échelle…. Bordel ce type se paye des agents du CP5 pour faire son boulot…
-Agent Red, ou en êtes vous de votre mission ?
-Euh…de ma mission ? Et bien.. Et bien j’ai infiltré les princes et… Et je pense savoir tout ce qu’il y a à savoir sur eux monsieur.
-Rien d’autre d’intéressant ?
-Non monsieur, rien d’autre…
-Beau boulot agent Red. Pour la suite, mettez vous en contact avec l’agent El Monstro. Il vous indiquera vos nouvelles instructions…. Arashibourei, fin de transmission…


Dans sa baraque pourrie Red regarde tristement l’épais faisceau de preuves et de présomptions qu’il a patiemment réunie depuis un mois… De quoi créer un sacré remue ménage au Qg de la marine… Ou pas évidemment, peut étre juste de quoi faire sauter un agent du Cypher Pol 5…
Red hausse les épaules et vide sa bouteille d’alcool sur le dossier avant d’y mettre le feu. Quand on est un pauvre agent en bisbille avec sa hiérarchie, il y a des lièvres qu’il vaut mieux éviter de lever. Red reste assis devant le feu jusqu'à ce que la dernière feuille soit partie en fumée, puis, récupérant le dossier sur le gang des Princes, il part vers la boutique de cigare…



Dernière édition par Red le Sam 7 Jan 2012 - 14:57, édité 3 fois
    Pour L’agent Red, faire un rapport à un homme poisson était une première. Pas encore une raison pour faire un vœu, mais une première quand même...
    Le problème étant qu’en fait de rapport, il n’avait pas des masses de retour de conversation depuis le monstre en face de lui. Enfin Le monstre, El Monstro, avec les majuscules…
    A vue d’œil la bête faisait un bon deux mètres cinquante, bien tassé, et avec pas grand-chose d’autres que du muscle et du cartilage. Au moins… hum … pas loin de trois cent kilos, le tout surmonté d’un regard aussi froid et inexpressif que possible, le genre qui donne toujours l’impression d’être en train d’évaluer les dix meilleures manières de te mettre en pièce, et d’une bouche plein de dents assez large pour engloutir une tête humaine. Une grosse tête humaine…Ou deux petites faut voir…Et le tout emballé dans un costume rayé bleu nuit du plus bel effet, et avec un cigare. Un ensemble pour le moins surprenant.

    Red s’était pointé à l’aube, à l’ouverture de la boutique de cigare. Avec un look un peu plus conforme au standing du lieu histoire de pas se faire éjecter à coup de bottes. Lavé, repassé blanchi... Après une semaine passée à jouer les amis de la décharge, ça faisait quand même un bien fou. Presque assez pour finir de digérer la pilule saumâtre que le boulot lui faisait avaler.
    Conformément à ses nouvelles directives il avait remis le résultat de plusieurs semaines d’observation du gang des Princes à El Monstro, avant de lui faire un rapport détaillé plutôt à sens unique…

    -Euh salut je suis l’agent Red.
    -…. (Regard parfaitement désintéressé, juste une façon de dire, effectivement, tu es l’agent Red, je t’ai vu, et je n’en ai rien à cirer)
    -D’accord… euh bonjour aussi, vous savez pourquoi je suis la ?
    -Hum ? (Développe pour voir ?)
    -Vous êtes bien l’agent… euh… El Monstro ?
    -Humm (plutôt affirmatif genre, toi mon gars t’es vraiment une lumière…)
    -Je prends ça pour un oui ? Bon ok…Du coup, vous auriez cinq dix minutes pour discuter ?
    -(Regard suspicieux, vérification de l’extérieur par le judas, puis un vague geste de la main en direction du fond de la boutique.)
    -Euh, on discute la bas ? Parfait… (Red passe dans l’arrière boutique et s’assied sur une caisse qui à l’air plus accueillante que les autres)
    -(Regard noir, sourcils froncés, danger…)
    -Ah, pas cette caisse hein ? Désolé, je me mets ailleurs… (Changement de caisse, pas de signal de danger, cette fois c’est la bonne)
    -Bon, puisque on sait tout les deux pourquoi on est la, inutile de perdre du temps hein ?
    -(Regard neutre, expression corporelle parfaitement indéchiffrable, code 4, vas‘y cause toujours…)
    -Alors, j’ai réuni pas mal d’infos sur les Princes, tout est la, j’ai leurs noms, une bonne idée de leurs capacités, les lieux ou ils squattent, ceux ou ils rangent leurs affaires… (Bla bla bla, et c’est parti pour un exposé d’au moins une heure devant un homme poisson toujours aussi disert)
    -… Voila, je pense qu’on à fait le tour du problème, maintenant il faut voir ce qu’on en fait, et la, d’après mes ordres c’est plus mon domaine. Alors euh… On fait quoi ?

    -(Cligne deux fois des yeux, signe d’une grande réflexion ?)
    -Ah oui, tiens, dans les infos utiles et récentes j’ai aussi un détail amusant, les Princes préparent un assaut sur la boutique. Apparemment ils ont décidé qu’un seul fond de commerce suffisait dans le quartier. Alors ils liquident dans trois jours. Et une liquidation sévère à priori.
    L’homme poisson hoche la tête, et se décide enfin à parler. Voire même à reconnaitre l’agent Red comme un allié de circonstance.
    -On va s’en occuper avant. Juste toi et moi.

    -T’es pas du genre bavard hein ? Ok ça me va. Alors on passe au plan liquidation du gang royal. On s’en occupe comment ? J’ai préparé un plan du secteur et j’ai quelques idées, on pourrait arriver par la et …



    La nuit est tombée sur Last Camp et sur le QG des princes. Dans l’une des rues qui borde l’ancien entrepôt transformé en tanière Tony, nouvelle recrue du gang, est en train de monter une garde vigilante. Il a un flingue, un sabre à sa ceinture, et il vient de prendre une dose de ce qui se fait de mieux sur le marché, la glace. Une drogue qui vous offre un sixième et même un septième sens. Avec ça tout devient plus clair, vous captez toutes les informations qui vous entoure, vous devenez tellement rapide que tout semble se mouvoir au ralenti. Avec la glace, même une recrue comme Tony peut tailler en pièce un tueur expérimenté…
    Alors Tony est confiant, sur de lui, il fait parti du gang le plus dangereux du quartier, il est le type le mieux armé et le plus méchant du coin. Vraiment aucune raison de s’en faire. Manque de bol, ce soir, Tony se trompe complètement.
    Une main surgie de nulle part se colle soudain sur sa bouche pendant qu’une lame on ne peut plus aiguisée lui transperce la base du cou, descendant perforer les poumons. Tony en est encore à se demander ce qui se passe quand le deuxième coup le frappe sous les cotes, droit vers le cœur. Quand l’inconnu qui vient de le surprendre le lâche, Tony n’a toujours pas compris ce qui lui arrivait. Il bascule au sol, incapable de bouger ou de crier. Seule la glace lui permet de rester suffisamment lucide pour voir le mec qui l’a tué essuyer rapidement son couteau sur ses fringues et se diriger comme une ombre vers le guetteur suivant. Et Tony se retrouve tout seul à se demander ou est ce qu’il a bien pu merder… Et puis il meurt. Parce que franchement, Tony, tout le monde s’en fout.

    Pendant ce temps la Red a éliminé deux autres gardes, ce qui fait six avec les trois qui ont eu le malheur de croiser le chemin d’El Monstro. Celui-ci est un peu moins soigné dans la démarche, mais quand on est capable de briser un cou d’une seule main, inutile de s’embarrasser de frappes chirurgicales. Détail amusant, aussi brutal soit’il El Monstro est méticuleux dans le rangement. Et le voir plier méthodiquement un type de quatre-vingt kilos pour le ranger dans une poubelle est un spectacle plutôt impressionnant.

    -J’ai fini les miens, tout les guetteurs sont morts, c’est bon pour toi ?
    -Hum (regard amusé, genre, évidemment, tu m’as pris pour qui ?)
    -Bon, alors on passe à la phase deux, j’envoie les gaz, tu comptes jusqu'à cinquante et tu rentres par la porte principale. Je fais la même chose de l’autre coté et pendant que ses crétins sortent en crachant leurs tripes on se les fait tous…
    -Humm (Oui la phase deux quoi…)
    -Ok à tout à l’heure. Bonne chance quand même.
    -Hum (Haussement d’épaules, pas besoin de chance pour moi…)

    Red et El monstro partent chacun de leur coté, El Monstro pour la porte et Red pour déclencher les dispositifs fumigènes récupérés dans les réserves de la boutique. Des trucs infâmes, mélange improbable entre un feu de détresse et le plus mauvais des tabacs. Un fumigène capable de cracher pendant quinze minutes une fumée suffisamment épaisse pour napper littéralement les poumons du pauvre malheureux passant à proximité, une fumée suffisamment corrosive pour décrocher la peinture des murs et faire chialer et vomir le plus endurci des fumeurs…
    Et Red en balance dix dans l'entrepot.
    Le temps de compter jusqu'à cinquante et la fumée s’échappe par tous les trous de la baraque. Et suivant la fumée, les pauvres gangers dormant à l’intérieur se mettent à couiner comme des renards pris au piège, et comme les bestiaux les moins malins, ils tentent de se barrer au plus vite.
    Et voila les princes qui foncent en désordre vers la sortie, à peine réveillés, à moitiés à poil, et toussant comme si ils voulaient poser leurs poumons sur la table. Et au moment ou ils touchent au but, ou l’air libre semble se tenir à portée de main, c’est pour tomber sur la silhouette d’El Monstro et sa capacité à concasser un humain comme on broie une boite de conserve ou pour tomber sur un virtuose de la lame adepte de l’équarrissage de précision. Sale nuit pour les Princes…

    Red de son coté est en train de se dire que pour une fois tout se passe bien. Les types qui ont passé la porte de derrière sont tellement surpris que c’en est presque trop facile. C’est un peu comme écraser des bébés chats. On sait qu’on doit le faire mais ça devient vite un sale boulot.
    Il en est la de ses réflexions quand trois types débarquent dans la ruelle, ils ont l’air d’hésiter entre une certaine perplexité et un certain agacement. Qui vire rapidement à la haine quand ils voient Red au milieu de ses cadavres et comprennent ce qui se passe.
    De son coté Red a fait le point très vite. Les trois types qui sont sortis se balader de nuit ne sont autres que le chef et deux sous fifres quelconques… Pas de bol…
    Profitant de l’effet de surprise Red réagit le premier, et dégainant un flingue il loge une balle dans la téte du type le plus proche. Le larbin survivant dégaine son sabre, le chef lui en sort deux, c’est normal, c’est le chef.
    Comme de juste c’est le larbin qui entame la danse, sabre pointé en avant il avance droit sur Red en fendant l’air devant lui, un vrai moulin. Red le laisse s’échauffer un peu, puis d’un pas glissé il rentre dans sa garde et l’éventre de la hanche à l’épaule. Amateur…

    Puis c’est au tour du chef. Et celui-ci est salement meilleur, il bouge bien, il bouge vite, Red se retrouve à sortir un nouveau couteau pour contrer les deux lames du Prince, mais ça ne suffit pas. Il est plus rapide, mais l’autre se bat mieux. Et ses lames lui donnent une allonge bien supérieure à celle de Red… Le combat dure et Red commence à transpirer, de passes en passes il donne une touche, en prend deux. Il commence à fatiguer alors que les yeux brillants de l’autre drogué lui font clairement comprendre qu’il est en pleine forme et ne semble absolument pas sentir la douleur…
    Il est temps d’utiliser la ruse pour gagner. Red aspire un grand coup et se jette dans la fumée.

    Et évidemment, l’autre le suit.
    Dans la fumée il perd son avantage, ses armes plus longues ne lui servent à rien, sa maitrise non plus. Tout n’est plus qu’une question de perception. Et le fait que Red porte une protection en travers du visage est aussi un plus non négligeable. Échaudé par le début du combat Red joue la prudence. Il contourne discrètement le sabreur qui commence à tousser en taillant la fumée. Surgissant derrière lui Red sectionne l’arrière du genou, manquant malgré tout de se faire découper le haut du crane. Il se relève au contact du chef pour le gêner dans ses mouvements, et lui enfonce son sabre dans le ventre juste avant d’encaisser un coup de boule mémorable qui le propulse à l’extérieur complètement sonné…

    Il se relève juste à temps pour voir ce putain de survivant sortir de la fumée, trainant sa jambe morte derrière lui, un sabre planté dans le bide, et les yeux encore plus allumés qu’avant. Il a même lâché ses sabres. Et il n’a pas l’air décidé du tout à mourir sans faire d’histoire.
    Et quand il imprime son poing dans le mur de la ruelle, Red s’aperçoit qu’en plus il est tout fait capable de le buter. Alors il se bouge, esquive les pains de brute que lui envoie le Prince et profite du fait que celui-ci, complètement shooté, ne fonctionne plus qu’a la force brute pour le planter dans les endroits ou ça fait mal. L’intérieur du coude, l’épaule, les reins… Le prince se fait de moins en mobile à mesure que ses articulations décident d’arrêter de servir.
    Au point qu’il finit par ne plus pouvoir bouger du tout et par s’effondrer à genou sur le pavé…

    Red n’est pas du genre à épargner un ennemi vaincu et au so. Surtout quand ledit ennemi lui a fait une mi douzaine d'estafilade un peu partout, lui a pété le nez et manqué de lui ouvrir le crane d'un coup de sabre. Il s’empresse donc d’achever le boulot pour pouvoir enfin souffler un peu.
    Moment de paix qu’El Monstro choisit évidemment pour revenir.

    -C’est fini, ils sont tous morts.
    -Je m’en doutais un peu, je me suis même occupé du chef.
    - Alors c’est terminé. (El Monstro sort de sa poche de costard une épaisse liasse de billet et la lance aux pieds de Red) La moitié de la prime.
    -Sympa. On va boire un coup ?
    -Non… (Et sur un signe de téte qui doit quand même signifier à la prochaine, El Monstro retourne se fondre dans le noir)



    QG de la marine, quartiers du Cypher Pol

    -Mais enfin patron, j’ai fait exactement ce que vous vouliez.
    -Exactement ce que je voulais? Vous partez sur une mission de collecte d’info et au lieu de rentrer ramener votre rapport vous outrepassez vos ordres et vous décidez subitement d’éliminer tout le monde ? Qu’est ce qui ne va pas chez vous agent Red ?
    -Mais je croyais que j’étais censé obéir à ….
    -Obéir à qui agent Red ?
    -Non patron désolé, oubliez ce que je viens de dire, j’ai merdé, je suis désolé…
    -C’est ce que vous dites à chaque fois agent Red. Allez dégagez de mon bureau, je vous ai assez vu…