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Si tu es pressé, fais un détour.


Si tu es pressé, fais un détour.







La brise matinale caressait la peau d'Hayato. Asanagi. C'était ainsi que son défunt père adoptif et mentor l'avait surnommé, après l'avoir vu contempler le lever du soleil, jour après jour. C'était une habitude qu'il avait prise depuis sa plus tendre enfance, dans les bas fonds de Las Camp. Se lever aux aurores, se tenir droit et fier face à la nature, pour en apprécier la beauté, au sein de ce monde tumultueux. Les années étaient passées mais, toujours, Hayato avait gardé ce rituel.


*Que de souvenirs...*, se rappela-t-il en pensée. *Que de chemin parcouru.*


En ce jour, l'épéiste se tenait à la proue d'un navire, en équilibre sur un sloop bravant les flots de North Blue. Il admirait un autre lever de soleil, bercé par les vagues et les vents marins. Le vent frais sifflait à ses oreilles, tandis que les embruns de la mer volaient en tous sens, lorsque le navire retombait sur les flots avec fracas. En ce jour, le vagabond marquait d'une pierre blanche une étape clé de son voyage. Le simple civil allait s'éteindre, pour laisser le chef de famille s'éveiller. En ce jour, Suisou Hayato terminait son long périple initiatique à travers les Blues.

En ce jour, il allait continuer son chemin auprès de son nouveau clan.

Les paroles de Jinro-san lui revinrent, aussi nettement qu'onze ans auparavant, lors de son dix huitième anniversaire. « Hayato, aujourd'hui tu deviens un homme. Loin d'être une sinécure, la route d'un homme est percluse d’embûches, de lourdes responsabilités, et doit être arpentée avec honneur. Alors, mon fils, je t'en conjure... Si tu es pressé, fais un détour ! ». Il lui avait alors lancé un de ses sourires espiègles qui amusaient tant Hayato. Trop jeune à cette époque, il n'avait pas saisi toute la portée des mots de son bienfaiteur. Fort heureusement, alors qu'il quittait Las Camp dans des circonstances tragiques, deux ans plus tard, l'épéiste avait mesuré l'ampleur du chemin qui lui restait à parcourir et, comme s'il l'avait aidé une dernière fois, ces mêmes paroles de Jinro-san lui étaient revenues.

Quel détour !

Neuf ans plus tard, il avait mûri. Assez pour le comprendre et, surtout, assez pour reconnaître que cette fameuse route s'ouvrait à peine devant lui. À présent qu'il avait su séduire et regrouper un groupe aussi hétéroclite que prometteur, Hayato souriait. Seul sur le ponton, le vagabond souriait à la vie, à la mer et au royaume de Luvneel, dont il apercevait la silhouette au loin. Son développement personnel l'avait reconduit jusqu'ici mais, à présent, ses plus grands défis l'attendaient : créer une famille soudée, puis rassembler, fédérer et guider des hommes et des femmes aux valeurs similaires, qui croiront en lui et l'épauleront, dans la dure tache qui l'attendait. Rendre fier son père adoptif signifiait se hisser au sommet du monde, mais aussi devenir un homme d'honneur.


« Le plus dur reste à faire. », s'amusa Hayato en pensée.


Comme toujours, Hayato était serein, malgré l'avenir incertain qui s'étendait devant lui. Ses compagnons avaient-ils réussi à rejoindre leur point de ralliement ? Allait-il réussir à trouver les mots justes, à réunir ces fortes personnalités sous sa bannière, à présents qu'ils étaient tous rassemblés au même endroit ? Car si leurs aventures en duo lui avaient permis d'attiser respect et considération chez chacun d'entre eux, encore fallait il qu'ils s'apprécient ou, à défaut, se tolèrent. Il gardait un cruel souvenir de son frère adoptif qui, par jalousie autant que par ambition, avait poussé le clan Suisou à la ruine. Des cendres de sa famille, le nouveau Oyabun auto proclamé entendait bien faire jaillir une flamme ardente. Ses questionnements n'avaient en rien entamé sa détermination. Il bravait donc les flots, aussi calme qu'au premier jour, en direction d'une nouvelle vie.

Alors que les autres voyageurs un peu moins matinaux que lui se réveillaient, il profitait encore du spectacle dans son îlot de paix. Bientôt, il entendit des bruits de pas retentir sur le ponton. Si l'équipage avait le pied sûr, en pleine mer, cette démarche-ci différait foncièrement de celle des marins. Comme tous les épéistes, Hayato avait appris à juger les hommes non seulement à leurs mots et à leur attitude, mais aussi à leur simple manière de se déplacer. De celle de l'ivrogne notoire, lourde, malaisée et titubante, à celle de l'artiste martial, souple, assurée et légère, il existait autant de démarches que d'hommes. Aussi, les sens aiguisés du bretteur surent reconnaître un pas étonnant, au milieu de ceux prestes mais stables de l'équipage. On aurait dit qu'une panthère s'approchait de lui. Toujours entouré d'une aura de calme, animé par cette détermination en ce jour si particulier, Hayato se retourna pour lancer un regard attentif au nouveau venu.

Seul l'équipage s'affairait autour de lui.

Il arqua un sourcil, ne sentant plus du tout cette présence si particulière. Malgré ses multiples tentatives, il ne put repérer quiconque sortant de l'ordinaire. Gardant cette situation déroutante en tête, il se concentra sur son environnement pour le reste du trajet. Une fois à terre, il retrouva un brin de sérénité, ne sentant plus du tout cette fameuse panthère. Il se tourna derechef vers le lever de soleil, lorsqu'il entendit de l'agitation derrière lui. Il repéra un homme dont la silhouette lui disait quelque chose, sans réussir à mettre un nom sur ce visage. Il inclina légèrement son buste, avant de lancer :


- Je pensais être le seul à me lever aussi tôt. Si le coeur vous en dit, joignez-vous à moi, le soleil commence à peine à se lever.


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Si tu es pressé, fais un détour.

Feat. Suissou Hayato



L'ancre "met les voiles" vers une île, drôle de manière d'annoncer sa venue lorsque l'on sait que le navire est entièrement à vapeur. L'équipage de la Malbaude est fatigué. Il faut dire que son capitaine, Luis D. Santiago, avait décidé de servir d'appât pour la moitié de Marineford dans le seul but d'offrir du temps et un peu de répit aux fuyards. Il avait dû s'aventurer et faire cap sur la Calm Belt, mais les combats n'ont pas cessé pour autant, puisque bon nombre de monstres marins avaient cru bon de croiser le fer avec cet équipage de féroces gladiateurs. Mais une fois sur les Blues, tout s'est calmé subitement. L'ancre fait donc "moteurs" vers Luvneel. Il fallait bien s'arrêter dans une zone densément peuplée pour se fondre dans la masse, mais aussi avoir accès au chantier naval pour réparer les avaries.

L'espace sous le pont du navire est très confiné, crasseux, sentant mauvais l'eau croupie, le goudron, la saleté et les excréments de rats et d'insectes géants. L'équipage dort dans des hamacs ou par terre, mais une partie d'entre eux passe la plupart du temps sur le pont par manque de place, sauf en cas de tempête où Luis prend soin de rappeler à tout le monde que la place à bord n'est jamais acquise. Par beau temps, on ouvre les sabords et écoutilles afin d'apporter un peu d'air et de lumière au pont, car il y fait sombre, humide et étouffant.

Les membres de l'équipage sont constamment occupés par leurs corvées, car il faut faire avancer ce navire, réparer les équipements abîmés et nettoyer leurs armes. Cette dernière tâche est obligatoire et notifiée dans l'acte de chasse-partie, chèrement défendu par Luis, qui n'est autre qu'un Capitaine des Neufs, prônant le Code des pirates avant tout autre chose. La nourriture des pirates de la Malbaude est peu variée et vraiment peu appétissante, car ils n'ont guère l'occasion d'embarquer de la nourriture fraîche en raison de leurs longs voyages. Ils embarquent cependant des poules pour avoir des œufs frais, des porcs, des chèvres et pêchent du poisson. L'eau potable se gâte très vite, ils s'arrangent donc pour mélanger le rhum avec l'eau de manière à ce qu'elle tienne plus longtemps. Les pirates mangent leurs biscuits de marins, durs comme du bois, dans le noir, afin de ne pas y voir grouiller les asticots. Le cuisinier du navire est appelé "coq", c'est en général un pirate qui a perdu un bras ou une jambe et qui ne peut servir à rien d'autre. Il allume ses fourneaux uniquement par mer calme afin d'éviter un incendie à bord. Il change souvent, car Luis est très difficile en matière culinaire et perd rapidement son sang-froid lorsqu'on lui sert un repas peu ragoûtant. Il a d'ailleurs interdit les jeux d'argent afin d'éviter les bagarres. Non, la vie de pirate que l'on narre dans les contes n'a rien d'exaltant : la maladie, les assauts, la Marine… Tout se dresse contre vous, mais parfois, un navire s'égare et cache des richesses dont nul autre ne peut rêver !

Le navire accoste doucement au port de Luvneel, tandis que l'astre solaire peine encore à se lever et que des rayons chaleureux se font des plus timides. Luis sort sur le pont et appose son tricorne sur sa tête avant qu'un des mousses ne lui apporte son café, du pur café volé dans un navire marchand tout récemment. Satisfait de l'attention, il gratifie le marin d'un simple sourire avant de voir petit à petit le personnel non essentiel se rassembler sur le pont principal en rang et en silence.

« Messieurs ! Bonjour ! »

« Bonjour Capitaine ! »

Les cris à l'unisson satisfont les délicates oreilles de Luis. Ce dernier déplie un journal et en lit les gros titres, comme à son habitude matinale pour l'équipage.

« Messieurs, voici les nouvelles de ce monde : Les Cinq Vénérables l'ont demandé, ils l'ont obtenu. Après l'élimination d'une cellule révolutionnaire à Shabondy, les renseignements recueillis ont conduit le pirate nommé Mountbatten à Aeden, le quartier général de l'Armée Révolutionnaire sur les Blues. Grâce à son infiltration, un élan de libération dirigé par le vice-amiral Salem s'est révélé être un succès éclatant. Le Fantôme a donc rempli le contrat proposé par le Gorosei et a prouvé sa valeur. Ce dernier s’est remettre une lettre de marque, faisant de Mountbatten un membre des Sept Grands Corsaires, sous le nom de Pride. Par ailleurs, le Vice-Amiral Salem est nommé Amiral ! »

Il jauge l'ensemble de ses hommes avec un sourire taquin. Il arbore une moue amusée et désabusée.

« Messieurs ! Et… Madame… Désolé Kira. Une femme à bord… Ça porte malheur. Alors… Je sais que la moitié d'entre vous est incapable de réfléchir… Mais je tente ! Que nous dit cet article messieurs ? Qu'apporte-t-il dans notre voyage ? »

Les marins se murent peu à peu dans le silence, au grand désarroi du Forban qui tente tant bien que mal d'élever le niveau des illettrés. Il soupire avant que le jeune mousse Moineau ne lève la main. Moineau est le plus jeune membre d'équipage du haut de ses quatorze ans.

« Scusez Captain. Je peux me tromper mais… Je pense que cette action est fausse. Les rares fois où j’ai vu la Marine en action, c'était pas pour cueillir des pommes à deux vaches. Je pense que Aeden a été rasé de la carte, ou sévèrement amoché. Un tel article fait passer la Marine pour les sauveurs. Et… Je pense que ces deux nominations ont pour but de dynamiser le moral des troupes, un nouveau Corsaire et un nouvel Amiral, c'est un signal fort pour une nouvelle ère Captain. »

Luis hausse les épaules et juge du regard l'assurance, puis il pose ses mains sur la rambarde avant de reprendre.

« Comment se fait-il qu'un gamin de douze ou quatorze ans soit capable de sortir de telles réponses et pas vous messieurs ?! Qu'on donne une ration supplémentaire au Moineau ! Maintenant tas de fainéants, ouvrez grand vos esgourdes, respirez par la bouche et buvez mes paroles ! »

Ces subalternes le rejoignent sur le pont afin de jauger les effectifs, tous ont leurs rôles à jouer et la prochaine mission de Luis est des plus délicates.

« Messieurs, suite à cette annonce du Gouvernement Mondial, nous nous devons d'agir. Nous sommes la Malbaude, fiers membres des Neufs Filibustiers, flotte de notre patron : Red ! Nous avons un devoir de piraterie. Nous allons rappeler à la Marine et au Gouvernement que nous sommes des pirates ! Nous allons rappeler que nous frappons n’importe où et n’importe quand ! Nous allons leur faire regretter de se pavaner dans les journaux et nous allons montrer que chaque acte a des conséquences ! Accostez sur Luvneel, soyez discret, faites ce que vous avez à faire, je ne veux aucun débordement. Dans le cas contraire, nous appliquerons le code ! Une fois que vous serez tous prêts, nous partirons… Vers le Quartier Général de la Marine de North Blue. »

Il tourne les talons et ordonne d'ouvrir le pont du haut pour laisser les créatures et insectes géants sortir prendre l'air, une nuée d'abeilles géantes profite dès lors de virevolter autour du navire qui accoste finalement, bien qu'il soit en piteux état il garde une fière allure. Luis est le premier à descendre et ses bottes de cuir délavées frottent les planches briquées du ponton secondaire, il était inutile d'accoster au ponton principal, ça ne ferait qu'attirer les regards davantage. Mais le maître d'accostage ne l'entend pas de cette oreille et se dirige vers Luis.

« Vous croyez que je ne vois pas votre drapeau de pirate ?! Je peux faire appeler le garde et… »

« Oh là ! On se calme mon ami. Si tu appelles la garde que se passera-t-il ? Non seulement je devrais me défendre, mais je devrais aussi piller les lieux. Il serait dommage que tu finisses accroché sur la proue de mon vaisseau tandis que ce dernier fasse hurler ses canons sur la ville non ? Tiens prends, tu n'as rien vu. »

Il dépose une petite bourse dans la main du fonctionnaire avant de tourner ses talons, Kuroken, son Katana, est à sa ceinture et il laisse une main sur son pommeau, plus par habitude que par méfiance. Alors qu'il pense enfin pouvoir s'engouffrer dans la ville, il est interpellé par un homme.

« Je pensais être le seul à me lever aussi tôt. Si le cœur vous en dit, joignez-vous à moi, le soleil commence à peine à se lever. »

Luis arque un sourcil, voilà une façon rare et cavalière d'aborder les gens, mais ce n'est pas sans déplaire au pirate. Après tout, la vie n'est-elle pas faite de rencontres et de discussions ? Il toise l'homme du regard, le regardant de haut en bas. Il n'a pas l'air d'être un pirate, et encore moins un chien du gouvernement.

« Ma foi, monsieur. J'ai rarement reçu de si directe invitation. Je me joins volontiers à vous ! Je suis… »

Il hésite un moment, devait-il dire son vrai nom ? Mentir ne l'amènerait à rien, l'homme verrait bien rapidement que le navire derrière n'est clairement pas un vaisseau marchand ou une frégate de la Marine.

« Je suis Luis D. Santiago ! Forban de son état, pour vous servir. Et donc vous… profitez du soleil matinal ? Une coutume locale ? »

Il est dès lors dérangé par un bruit qui lui est familier, celui du pont d'envol qui s'ouvre dans un concert de cliquetis et de rouages grinçants. Un épais filin est déployé, laissant un homme dans une nacelle qui gonfle un épais ballon dirigeable afin de fournir à la vigie une vue imprenable sur la mer et la terre pour avertir de tout danger.

« Pardonnez les bruits qui émanent de mon navire, nous sommes issus d’un peuple rustique et peu commode, le raffinement ne fait pas vraiment partie de nos attributs. Mais laissez-moi me faire pardonner. »

Il siffle une fois avec ses doigts pour être entendu, un mousse aux pieds nus et crasseux s'avance en courant vers lui.

« Oui Capitaine ? »

« Fais venir une table ici et apporte-nous donc le petit-déjeuner, cet homme est mon invité ! »

« À vos ordres capitaine ! Je vais prévenir les cuisines ! »

Il repart aussitôt en courant et alerte les cuisines des ambitions de son chef. Ce dernier se concentre à nouveau sur le lever de soleil. L'astre est bien moins chaud dans North Blue, mais il lui rappelle à quel point sa patrie natale lui manque. Myriapolis est une terre désertique sans cesse réchauffée par un soleil cuisant qui n'a de cesse que de former une chaleur d'étuve. Un brin nostalgique, il continue de scruter les lieux sans vraiment comprendre l'invitation, mais il n'a jamais répondu négativement à quiconque lui proposait une telle expérience, aussi farfelue soit-elle.


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Si tu es pressé, fais un détour.



Luis D. Santiago.

À présent Hayato comprenait pourquoi le visage de cet homme lui semblait familier : il était placardé sur les affiches de recherche du gouvernement. Si ses souvenirs étaient bons, ce forban détenait une prime de plus de cent millions sur sa tête, appartenait aux neuf flibustiers qui, eux même, avaient rejoint un des empereurs pirates : le capitaine Red. Que faisait une telle supernova sur North Blue ? Malgré ce lourd passif avec le gouvernement mondial, il ne ressentait pas en Santiago un sauvage assoiffé de sang. D'ailleurs, sa réaction à son invitation le lui confirma : il avait peau embrasser la vie de pirate, cet homme disposait d'un savoir vivre appréciable.


- Je me nomme Suisou Hayato, enchanté. Il s'agit d'une vieille habitude personnelle, j'aime admirer l'immensité de la nature. Cela me rappelle l'humilité nécessaire pour survivre, peu importe nos ambitions.


L'épéiste tomba des nues lorsqu'un homme aussi réputé que son interlocuteur s'excusa du vacarme créé par son navire. Il n'eut pas le temps de lui confier n'être en rien gêné par ce tapage que, déjà, Santiago l'invitait à sa table en guise de compensation. En un rien de temps, son équipage dressa un déjeuner improvisé, au beau milieu des quais. Embarrassé par cette intention, le vagabond s'inclina respectueusement :


- Je vous remercie de votre bonté, Santiago.


Après un dernier regard vers la beauté du panorama, Hayato se détourna de sa routine matinale. Sans qu'on ait besoin de le lui dire par deux fois, le bretteur s'installa. Servi comme un prince par l'équipage de son hôte, il débuta son repas. Ne voulant pas paraître impoli, ni même froisser son bienfaiteur, il engagea la conversation tout en dégustant les mets proposés :


- Pardonnez ma curiosité, mais que fait un homme tel que vous sur les Blues ? Je me serais plutôt attendu à vous voir arpenter Grand Line.


Alors qu'on lui servait des pâtisseries, divers thés et cafés de luxe, du pain, différentes confitures et du beurre, Hayato se força à manger calmement. Il ne voulait pas passer pour un goinfre, ni même un profiteur. Alors qu'il tendait l'oreille pour écouter son hôte, la désagréable sensation qu'il avait ressentie sur le navire le reprit. Il arrêta son geste instantanément, laissant sa tartine beurrée entre la table et sa bouche. De coups d’œils furtifs, il tenta de localiser le petit curieux qui l'observait. En vain. Tout en prenant bien garde à écouter Santiago, il fronça légèrement les sourcils sous la concentration.


*Si je ne l'avais pas déjà repéré depuis la navette, j'aurais pensé qu'il suivait Santiago... mais dans ces conditions, difficile de se tromper. Que me veut il ?*, s'interrogea Hayato en pensée.


Retournant à la conversation, le voyageur reprit son repas comme si de rien n'était. Outre sa curiosité face à la présence de ce forban renommé, le nouveau chef de clan entendait bien profiter de cette aubaine. Quelles chances avait-il de recroiser un chef d'équipage doublé d'un combattant de ce calibre, à l'avenir ? Elles étaient bien maigre, dans l'absolu, sauf à se rendre sur Grand Line. Puisqu'il ne comptait pas naviguer sur la route de tous les périls dans l'immédiat, Hayato savait qu'il avait en face de lui une opportunité rare : profiter de l'expérience d'un homme aguerri.

Il entendait bien saisir sa chance.


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Si tu es pressé, fais un détour.

Feat. Suissou Hayato



Le ballon se déploie totalement, la chaleur engendrée par le réchaud fait gonfler lentement mais sûrement le dirigeable qui est toujours accroché au filin. Les bruits s'estompent, mais le silence est parfois brisé par le vent qui s'engouffre dans la toile. Luis surveille d'un œil avisé la mise en place de la table, de la nappe blanche qui a jauni avec le temps et la mise en place des services. Une fois que les épais fauteuils sont amenés, Luis s'assoit et intime à son comparse d'en faire de même, tandis qu'ils attendent les mets.

« Suisou Hayato, je n’oublie jamais un nom et le tien ne me dit rien ! L’humilité que tu décris est une qualité qui manque de plus en plus sur nos mers et océans. Ne plus avoir d’humilité fait naître bien des torts ici-bas. Et concernant ma bonté, attention ! L’enfer est pavé de bonnes intentions. »

Il dépose son katana contre le bord de la table. C'est ainsi qu'il avait perdu Kotoku Yoru, le sabre du légendaire Mihawk Œil-de-faucon. Il ne peut s'empêcher de refréner un petit rire nerveux à cette idée, puis il décide de s'affairer à son nouvel invité. D'ailleurs, pourquoi l'avoir invité ? Tout simplement par ennui et lassitude. Il était las de discuter avec les pirates de son équipage. La plupart n'avaient pas inventé l'eau chaude, et les seules théories et réflexions qu'il pouvait échanger étaient des plus minimes. Alors qu'il avait terminé sa première réponse, le repas arriva.

Le soleil matinal, encore timide, éclaire doucement le quai baigné d'une atmosphère chaleureuse. Les effluves alléchants de café fraîchement moulu et de pain toasté flottent dans l'air, titillant les sens des convives. C'est le moment privilégié du brunch, cette union exquise entre le petit-déjeuner et le déjeuner.

Les serveurs, bien qu'en habits pirates, s'affairent discrètement à servir des mimosas étincelants, mêlant le pétillant du champagne à la douceur du jus d'orange. Les verres tintent, créant une mélodie légère qui accompagne la conversation joyeuse et légère qui s'élève. Les plateaux dressés comme des œuvres d'art dévoilent une palette infinie de saveurs et de textures. Des œufs brouillés moelleux, des tranches de saumon fumé d'une élégance rare, et des pains aux céréales croustillants se partagent la scène avec des salades fraîchement composées, égayées par des radis croquants et des tomates juteuses.

Les plats sucrés rivalisent en séduction, des pancakes gonflés à la perfection aux fruits rouges qui débordent en une symphonie de couleurs. Les pots de yaourt grec, accompagnés de granola maison, ajoutent une touche saine et délicate à cette symphonie gourmande. Luis et Hayato s'attardent autour de la table, savourant chaque bouchée avec délectation. Le brunch, éloge de la convivialité et de la diversité culinaire, incarne un rituel gastronomique où le temps s'étire, où les saveurs se marient en une danse harmonieuse, laissant dans son sillage le doux parfum d'une matinée bien remplie.

« Un homme tel que moi ? Je ne suis personne, tu sais, juste un homme libre qui tente de se frayer un chemin dans ce monde. Mais pour répondre davantage, je suis ici car j’ai réalisé quelques choses après la bataille de Marineford. J’ai emprunté la Calm Belt grâce à mon navire, et comme tu vois… Je ne suis pas aussi bien équipé que la Marine pour cette traversée puisque mon navire, aussi blindé et moderne soit-il, a subi quelques avaries. Mais oui… J’étais en route pour le Nouveau-Monde à la base, mais j’ai besoin de quelque chose ici… Sur les Blues. J’ai besoin d’ouvrir un business qui va me permettre de me lancer dans quelque chose de plus grand. Mais j’ai aussi besoin de deux autres choses. Une humiliation pour la Marine et l’un de leurs officiers supérieurs. »

Il marque une pause et gratifie son comparse d’un large sourire amusé. Pourquoi devrait-il mentir ? Il n’avait encore ni la cible, ni la nature de l’humiliation, et ce même s’il en avait une petite idée. Alors qu'il engloutit son deuxième cappuccino et un plat frugal de saumon en croûte de sel, il plonge à nouveau son regard dans celui du voyageur.

« Et toi ? Pourquoi être sur les Blues ? Un choix ? Un lieu de vie ? Une destination ? »

Il était des années lumières de savoir quel plan mijotait Hayato, ni le rôle qu’il aurait dans ce dernier. Comme quoi, les rencontres sont de réelles invitations aux voyages.


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Si tu es pressé, fais un détour.



La désagréable impression sur sa nuque persistait. Même si elle était faible, cette sensation d'être épié le gênait terriblement, comme une démangeaison qu'on ne saurait soulager. Qui était responsable de cette filature ? Un agent du gouvernement ? Cela semblait peu plausible : il demeurait simple civil aux yeux de la Loi et, du peu qu'on avait pu entendre de lui sur les Blues, un civil fervent défenseur de la veuve et de l'orphelin. Un ancien ennemi revenu se venger ? Possible... mais la liste était longue, après neuf ans d'aventures, aussi abandonna-t-il l'idée de déterminer l'identité de son poursuivant. Faisant contre mauvaise fortune bonne figure, l'épéiste écoutait calmement son hôte, tout en profitat des largesses de sa table. Il ne s'étonna pas d'être un parfait inconnu pour cet homme, tant il avait pris garde à ne jamais croiser le chemin de la justice. Hormis peut être récemment, sur Boréa... Chassant ces souvenirs, il reprit le fil de la conversation. Que Santiago abonde dans son sens concernant l'importance de l'humilité, pour les hommes de leur trempe, le rassura.

La suite de la discussion lui donna du grain à moudre. Ainsi, un pirate de Grand Line pouvait trouver fort à faire sur les Blues ? Qu'il cherche à infliger une cuisante déconvenue à la marine fit sourire Hayato, lui qui échafaudait déjà une intervention similaire, à moyen terme. Mais ce qui l'intéressa bien plus, fut cette envie d'implantation commerciale. Aussi, lorsque le forban l'interrogea sur ses propres projets, l'épéiste lui offrit un sourire éclatant, avant de répondre :


- Croyez-vous en la destinée, Santiago ? Pour ma part, l'expérience m'a aidé à intégrer la chance, le hasard, le « destin » comme une variable non négligeable, dans l'élaboration de mes plans.


Après s'être assuré qu'il avait capté l'attention de son hôte, il reprit d'une voix sereine :


- Je pense que vous vous en doutez, je ne suis pas un simple civil. Je viens retrouver mes hommes, à qui j'ai ordonné de se regrouper sur cette île, afin que nous débutions un projet de taille. Vous avez été honnête avec moi, aussi vous renverrais-je la politesse.


Ici, Hayato se pencha en avant et, tout en fixant Santiago dans les yeux, lui déclara d'une voix plus basse, afin que personne mis à part eux deux ne puisse l'entendre :


- Nous allons monter sur le trône de la pègre, en commençant par cette mer.


Le chef de clan se renfonça dans le dossier de son fauteuil, avant de reprendre d'une voix maîtrisée :


- Il ne s'agit ni d'esbroufe, ni de paroles en l'air. Les autres familles sont divisées, amoindries et dispersées. Malgré tout, le projet sera long et difficile, mais à quoi bon s'évertuer à gravir une montagne, si l'ascension est trop aisée ?


Il marqua une courte pause, afin de laisser à son interlocuteur le loisir d'intégrer ce qu'il venait de dire, avant de reprendre d'une voix claire :


- Vous recherchez un business, dites-vous ? Si vous êtes intéressé, je me ferai une joie de vous aider à vous implanter sur cette mer.


Laissant à Santiago tout le loisir de méditer sur ces paroles, Hayato continua à satisfaire son appétit démesuré. La pression sur sa nuque s'était nettement accentuée, alors qu'il proposait ni plus ni moins à une supernova de s'associer à lui. Il avait cru un instant pouvoir forcer son poursuivant à se trahir, en formulant cette demande aussi éhontément. S'il avait laissé un instant la révélation le surprendre, il ne s'était pas laissé prendre... Dommage. Mais, pour l'heure, il avait bien mieux à faire que de débusquer un petit curieux : la réponse du forban l'intéressait au plus haut point.


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Dernière édition par Suisou Hayato le Ven 12 Jan 2024, 13:09, édité 1 fois
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Feat. Suissou Hayato



Alors qu'il finit de déguster la plupart de ses mets et des plats qui s'offrent à lui, il observe d'un œil avisé son compagnon de route, qui semble pour le moins stressé voire décontenancé, sans pour autant savoir ce qu'il se trame. S'il ne l'avait pas perçu immédiatement la première fois, cette fois-ci son langage corporel le trahit allègrement. Par politesse, il n'affiche pas immédiatement de manière ouverte qu'il ressent un problème, préférant se concentrer sur le reste.

"Je ne crois pas au destin. Je pense que tout homme est libre de prendre en main sa destinée et qu'elle n'est pas régie par une puissance ou une entité supérieure. Par contre... La chance, ça... J'y crois fortement ! N'est-ce pas la chance qui m'a conduit sur ces flots ? J'aurais pu mourir dans une tempête, me faire dévorer par un monstre marin, mais il n'en est rien. La chance est omniprésente, tout comme son acolyte la malchance. Non ? Je suppose qu'on peut bien en parler des heures."

Il s'attarde sur sa cuillère pour racler la mousse brune restante au fond de sa tasse et vient s'en délecter goulument tout en écoutant toujours son comparse avec un intérêt des plus vifs et aiguisés.

"Un simple civil. Kololololo - Personne n'est « simple » ou « innocent » ; tout est question de perception. Sur mon île natale, je suis un ardent défenseur de la justice, le protecteur des lieux. Pour la Marine, je suis un criminel, et pour vous dans l'instant présent, je ne suis ni plus ni moins qu'un compagnon de brunch. Mais surtout, vous êtes qui vous êtes, et ce sans jugement. Maintenant, parlons sérieusement, mais avant ça…"

Il prend un air grave et claque des doigts ; l'un des mousses rapplique aussitôt avant de demander à son capitaine ce que ce dernier peut bien lui vouloir. Le forban semble étonné de la demande et s'en va en courant pour rejoindre l'Ancre. Quelques minutes après, il réapparaît avec deux verres et une bouteille de rhum maison faite par l'équipage. Il en sert deux rasades qui débordent du verre, Luis vient saisir le sien.

"Si nous devons sceller des affaires, autant que ce soit avec du vrai rhum et pas cette piquette odieuse qu'essaie de vendre le Gouvernement ! Tu veux donc monter sur le trône de la pègre de North Blue ? Intéressant ! Les familles sont effectivement en ruine, c'est une certaine... Farore S. Corsandre qui a mis en lambeau les familles de Manshon. On raconte qu'elle s'est battue récemment contre un grand Corsaire. Aussi, je ne pense pas que nous la reverrons de sitôt par ici. Je peux me tromper, mais... Tu veux m'aider... Intéressant ! Je pense plutôt que c'est toi qui as besoin de mes hommes, de mon navire et ma force de frappe ! Je ne pense pas qu'ils vont te laisser prendre leur bien sans coup férir. Alors... Hayato... Dis-moi donc un peu. Quel est l'objectif, quel est le moyen, quelle est la récompense à tout ceci ? Tu ne peux pas prétendre vouloir prendre le pouvoir sans avoir préparé de plans, et tu n'es pas un homme à mentir, je le sens bien !"

Il dévoile un large sourire qui affiche des dents carnassières, comme si l'appel de l'argent et de l'aventure avait déclenché en lui un simulacre d'injection de dopamine qui lui aurait irradié le corps et l'esprit.

"Si tu veux mon aide, il faut clairement me la demander. Si tu veux mes hommes, tu ne devras pas me convaincre moi, mais eux ! Nous appliquons le code des pirates ; chacun a le droit de prendre part aux affaires courantes du navire. Mon avis et ceux de mes seconds comptent doubles cependant. Si tu es prêt, nous pouvons monter à bord et rassembler l'équipage pour que tu puisses faire part de ton projet. Attention par contre, mon garçon... Je ne te vends ni plus ni moins que ce que je te promets, choisis donc bien tes demandes et tes mots. Le travail n'est pas gratuit, aussi bon soyons nous, la bonté ne nourrit pas. Et si tu prends une prime, je ne serai pas fautif."


Il utilise sa serviette pour s'essuyer la bouche et intime à ses marins de bien vouloir débarrasser le tout. Il s'engage sur la passerelle qui relie le quai au pont supérieur avant de faire signe à Kira, la seule femme à bord. Cette dernière hoche simplement la tête avant de sortir de sa ceinture un pistolet à silex et d'ouvrir le feu en l'air. La détonation résonne dans tout le port, et l'ensemble de l'équipage de l'Ancre se masse sur le pont inférieur.

"Bougez-vous le train, tas de raclures de l'écume!"

Kira se place à côté du capitaine ; les autres quartiers-maîtres sont occupés en ville pour réapprovisionner le navire ou veiller à sa réparation. Ainsi, Luis s'approche de la rambarde et force la voix.

"Messieurs... Dame... Désolé Kira, une femme sur un navire ça porte malheur. Je vous présente Suissou Hayato ! Cet homme, que j'ai rencontré ce matin... A besoin d'un coup de pouce. Aussi, en application directe du Code et pour le Code... Vous avez tous le droit de donner votre avis sur les affaires courantes du navire... Dieu merci, certains d'entre vous n'ont plus de mains ou de bras pour voter... Il va vous présenter son projet, puis vous poserez vos questions habituelles... Non, monsieur Gibs, on ne viole toujours pas ! Puis nous passerons au vote!"

Luis se retire et fait un bref signe de main à Hayato.

"Je ne saurais trop te conseiller d'utiliser des mots simples."


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Si tu es pressé, fais un détour.



La discussion glissait peu à peu. Initialement anodine, le flux de pensées des deux hommes sinuait lentement, à la manière d'une rus. À mesure que leurs idées venaient abreuver les flots, le rus devint ruisseau, jusqu'à se jeter brutalement dans un fleuve au courant agité. Voilà l'impression qui domina l'esprit d'Hayato, suite à la réaction du pirate. Mais à quoi s'attendait-il, au juste, de la part d'un aventurier de la mer ? Les échanges philosophiques étaient derrière eux, à présent. D'une manière aussi retentissante qu'extravagante, Santiago avait fait mander son équipage. Déjà, les échos du coup de feu inquiétaient les premiers badauds. Mais surtout, il le repéra enfin. Si voir la jeune pirate tirer en l'air avait surpris l'épéiste, le brusque changement d'atmosphère avait, un court instant, déstabilisé la personne qui le suivait depuis la navette. D'un vif mouvement de tête, l'épéiste put enfin mettre un visage sur l'homme qui le suivait.

Ou plutot la femme.

Jeune, menue, les cheveux clairs et une aura discrète. Ses traits glissèrent hors de sa mémoire, presque aussitôt qu'elle se soustraya à sa ligne de vue, en disparaissant dans une venelle. Il plissa les yeux car, malgré tout, il fut prit d'une certitude : il ne l'avait jamais croisée. Il revint bien vite à la situation présente, bien conscient des conséquences qu'aurait un tir de pistolet dans ce matin calme. Si le gouvernement mondial était absent du royaume de Luvneel, les milices et la garde royale auraient tôt fait de venir enquêter. Ne perdant pas de temps, Hayato s'essuya la bouche, repoussa son fauteuil, puis se leva. Il sourit en coin devant le conseil de Santiago : utiliser des mots simples ? Il aurait préféré jouer finement, mais s'il en croyait le forban, les membres son équipage ne brillait pas par leurs intellects. Cela restait dans ses cordes, malgré tout. Il monta à bord du navire à son tour, avant de se jeter à l'eau devant l'équipage au grand complet :


- Messieurs, madame, je vous salue. Je m'appelle Suisou Hayato, et j'aimerais proposer à votre équipage une alliance. Vous recherchez l'aventure. Vous avez besoin d'argent pour vos affaires. J'ai un plan pour nous procurer le tout, et plus encore. Mon équipage n'est pas aussi grand que le votre, mais il est fort vaillant, lui aussi.


Il marqua une courte pause, avant de sourire à l'assemblée :


- Voilà ma proposition : une aventure digne d'un équipage de la route de tous les périls ! Nous allons conquérir une île sous-marine : Carcinomia. Je sais de source sûre qu'elle comblera nos attentes. Je vous promets des combats exaltants. Je vous promets de l'or. Je vous promets la découverte d'un repaire exotique à conquérir, ensemble. Voyez cela comme le premier pas, pour prendre pied sur cette mer. Vous trouverez en ma famille des alliés sincères, déterminés et généreux. Nous aurons tôt fait de nous montrer dignes de la confiance que vous nous accorderez. Ce que vous m'apporterez, je vous le rendrai au centuple.


Il laissa alors les mouettes et l'échos des vagues emporter ses derniers mots. Un instant, il laissa son cœur et son avenir entre les mains des pirates qu'il venait de rencontrer. Plusieurs années auparavant, il n'aurait jamais osé prendre un pari aussi risqué. À présent, sa vison s'était acérée, à la manière de celle d'un rapace. Cette approche qu'il aurait jugée trop risquée, des années auparavant, prenait les allures d'un pari asymétrique. Qu'avait il à perdre ? Des moqueries ? Un refus ? Être ignoré ? Des oreilles indiscrètes qui le catégorisent comme criminel ? La belle affaire ! Il était déterminé à embrasser cette voie depuis bien longtemps. Quant à souffrir des quolibets ou de l'indifférence, il n'en avait cure. Non, tout l'intérêt résidait dans la récompense à la clé. Si l'équipage se laissait tenter, si Santiago était intéressé, ce simple mouvement sur l'échiquier lui rapporterait bien plus qu'il n'aurait pu l'espérer, en plusieurs années de travail ! Il ne pouvait tout simplement pas laisser cette occasion passer.


- Quelle est votre réponse ? lança-t-il.


Une bourrasque fit virevolter ses cheveux, attachés en catogan, tandis qu'il se tenait, droit et fier, sur le pont du navire. Les dés étaient jetés.


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Si tu es pressé, fais un détour.

Feat. Suissou Hayato



Au fur et à mesure que l’inconnu parle, les messes-basses vont bon train, les murmures indiscrets, et les chuchotements gênants aussi. Luis, quant à lui, reste stoïque et croise les bras non loin d'une Kira aux aguets, buvant les paroles de l’orateur et fomenteur de complot national. Les hommes de Luis ne sont pas tous des lumières ; la plupart sont issus des conditions âpres de la vie de gladiateur au sein d’un système matriarcal propre aux arachnéens de Myriapolis. Car oui, sous ses aspects de forban et d’aventurier, la raison initiale de vivre de Luis est bel et bien Myriapolis. S’il avait quitté les lieux quelques mois, c'était par nécessité, celle d’acquérir une renommée suffisante et de devenir dangereux. De cette façon, il assurerait la protection de Myriapolis de manière indirecte. Il comptait bel et bien monter sa propre flotte de navires et déferler sur Grand-Line pour faire régner la piraterie véritable – celle régie par le code – et il y parviendrait coûte que coûte. Comme le dit l’adage : une fois, c’est une coïncidence, deux fois c’est un accident, trois fois c’est intentionnel.

Par trois reprises, Hayato avait semble-t-il eu une perte passagère d’attention pour se focaliser sur des badauds ; cette fois encore, ça n'avait pas échappé à Luis. Mais ce dernier, finissant son élogieux discours, devait se soumettre au vote du navire. Telle est la volonté du code, telle est la voie.

« Messieurs ! Hayato ici présent a été on ne peut plus clair. Voici l’ouverture des votes à mains levées comme toujours ! Commençons par Kira ! »

Il tourne légèrement la tête pour jeter un regard furtif à Kira – celle qui porte malheur – comme la surnomment bon nombre des membres d’équipage. Une femme à bord est pire que la légende du Kraken.

« Je suis contre ! Je ne le connais ni d’Ève, ni d’Adam, je n’ai aucune confiance en cet homme qui, comme par hasard, se retrouve sur notre route pile au moment où nous décidons d’abattre des cibles clés de la Marine. Et je ne connais pas cette île, je ne sais pas ce qu’il s’y trouve, ni même si nous avons une chance d’aboutir à quoi que ce soit. C’est un non définitif, mais que l’équipage vote ! »

Luis hoche la tête positivement en guise d’approbation, non pas de la décision, mais bel et bien de l’avis et des raisons qui la poussent à émettre un tel refus. Il soupire malgré tout avant de reprendre de plus belle en regardant sa troupe en attente.

« Vous avez entendu la dame… Force est de constater que ce qui porte le plus malheur à bord est aussi le plus sensé ! Bref, cessons cette misogynie de peur de réveiller la Grande-Karen ! Ce terrible monstre marin femelle à la coupe de cheveux droite… Pour ma part… Je vote pour ! Non seulement j’y vois la possibilité d’y voir un allié sur North Blue lorsque nous serons partis… Mais je vois aussi l’intérêt financier. Si nous pillons cette île, nous pourrons amasser suffisamment de richesse pour nos projets sur Grand Line. Nous pourrons aussi ouvrir des établissements placés sous le contrôle de notre ami ! Mieux encore, nous… Nous pourrions en faire une figure crédible de la pègre, dresser en lui un portrait terrifiant de malfrat ! Imaginez… Un homme sorti de nulle part, épaulé par un équipage pirate, qui s’empare d’une île et qui attaque avec nous… Le Quartier-Général de la Marine de North Blue ! Qui oserait s’en prendre à lui après un tel haut-fait ? Personne. Je… Je… Je ne sais pas quoi vous dire en fait. Nous sommes, pour moi, à la veille du plus grand combat de nos carrières de forbans. Tout se joue aujourd'hui sur North Blue. Soit nous nous construisons en tant qu'équipage, soit nous nous écroulons, centimètre après centimètre, combat après combat, jusqu'à la fin... Nous sommes en enfer messieurs. Croyez-moi. Nous pouvons y rester, nous faire massacrer... Ou nous pouvons nous battre et revenir dans la lumière. Nous pouvons remonter de l'enfer pouce après pouce. Je ne peux pas le faire à votre place. Je suis trop vieux, trop orgueilleux aussi. Je regarde autour de moi, je vois ces jeunes visages et je me dis que j'ai fait tous les mauvais choix qu'un homme mûr peut faire. Croyez-le ou non, j'ai claqué tous mes Berrys par le passé. J'ai fait fuir tous ceux qui m'ont aimé. Ces jours-ci, je ne peux plus me regarder dans la glace... Quand on vieillit, certaines choses vous sont enlevées. Ça fait partie de la vie. Mais on n'apprend ça que quand on commence à perdre des choses. On apprend que la vie se joue centimètre par centimètre. La piraterie aussi. La marge d'erreur est très mince. Un demi-pas trop tard ou trop tôt, et on n'y arrive pas tout à fait et on se retrouve en cabane ou au bout d’une corde. Une demi-seconde avant ou après, et le boulet de canon part trop en avant ou trop en arrière. Ces centimètres que nous voulons sont partout autour de nous. Dans chaque phase de nos abordages, à chaque minute, à chaque seconde. Dans cet équipage, on lutte pour chaque centimètre. Dans cet équipage, on se déchire et on déchire tout le monde autour pour chaque centimètre. On griffe de nos ongles pour chaque centimètre. Parce qu'on sait qu'à la fin, le total de tous ces centimètres fera la différence entre gagner et perdre ! Entre vivre et mourir ! Je vais vous dire : dans tout combat, c'est celui qui est prêt à mourir qui gagnera ce dernier centimètre de la victoire. Et si j'ai encore un peu de vie, c'est que je veux encore lutter et mourir pour ce centimètre. Parce que vivre, c'est ça ! Ces fichus centimètres sont devant vous ! Je ne peux pas vous y forcer ! Regardez ce type à côté de moi ! Regardez-le dans les yeux ! Vous verrez un type qui foncera avec vous. Vous verrez un type qui se sacrifiera pour l'équipage parce qu'il sait que le moment venu, vous en ferez autant pour lui... C'est ça un équipage messieurs. Soit nous guérissons, maintenant, comme équipage... Soit nous mourrons, comme individus. C'est ça la piraterie, les gars. Rien de plus. Eh bien, qu'allez-vous faire ?"

L’équipage se met à hurler, la majorité des mains se lèvent en faveur de la proposition. Devant cet harangue en règle, Kira soupire davantage avant de se mettre à rire. Luis avait le chic pour obtenir ce qu’il voulait, mais dans le fond, il avait plus que jamais raison. Il était plus que temps que la Malbaude fasse parler d’elle et que la piraterie moderne prenne exemple sur le code des pirates et ses règles coutumières. Luis saisit fermement l’épaule d’Hayato.

« Je crois qu’il est temps de monter à bord. Non ? »


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Si tu es pressé, fais un détour.



Le temps sembla ralentir, tandis qu'Hayato attendait la réponse de l'équipage. Il lui semblait étonnant de recourir à un vote, après l'aveu du capitaine que les membres de son équipage ne disposaient pas forcément des capacités cognitives suffisantes pour déterminer ce qui était bon pour eux. Jinro-san lui avait démontré, des années auparavant, que ce genre de système pouvait devenir une calamité, s'il était mal géré. Sous certaines conditions, une hiérarchie dirigée par un meneur avisé et compétent, se révélait plus propice au développement qu'une organisation noble d'esprit comme celle-ci. De son côté, même si les voix de ses compagnons demeureraient toujours importantes, il respecterait son propre code d'honneur, celui inculqué par son maître : la voix de l'oyabun faisait Loi, au sein du clan. Si les conseils et les discussions argumentées étaient courantes, remettre en question ouvertement, ou de manière non constructive, la décision du chef de clan était extrêmement mal vu. Tandis que les marins chuchotaient entre eux, l'épéiste s'amusa des différences de fonctionnement au sein de ce monde. Après tout, cela semblait fonctionner pour eux et, surtout, tant le capitaine que l'équipage y trouvaient leur compte. C'était bien le principal !

L'intervention de Kira le tira de ses considérations philosophiques. Effectivement, il s'attendait à ce genre de réaction. Venu comme un cheveux sur la soupe, se voir débouter ainsi ne le surprenait qu'à moitié. Bien plus étonnante fut la décision de Santiago ! Dans un discours enflammé, le forban primé le défendit comme un beau diable. Hayato fut le premier stupéfait. Il ne pensait pas avoir fait si forte impression. Ou bien devait-il ce soutien au même type de raisonnement que celui qu'il avait suivi ? Après tout, le pirate n'avait pas grand chose à perdre, et beaucoup à gagner après leur arrangement. Cela étant...


*Attaquer le quartier général de North Blue ?*, s'étonna-t-il en pensée.*C'était cela la fameuse « humiliation de la marine » dont il parlait ? Eh bien ! Il n'a vraiment pas froid aux yeux.*


Peu à peu, à force d'haranguer la foule et d'attiser l'imaginaire de chacun, il rallia son équipage à sa propre conviction. Si la seconde du navire sembla soupirer de dépit un instant, elle finit par éclater de rire. Les pirates avaient le chic pour tout faire de manière entière ! Lorsque son tout nouveau partenaire officiel lui attrapa l'épaule virilement, l'épéiste sourit à s'en faire plisser les yeux. Il éclata de rire avant de s'incliner, tout en affirmant haut et fort :


- Je vous remercie de votre confiance. Mademoiselle Kira, je me ferai une joie de vous prouver que l'équipage a fait le bon choix.


Il retrouva un brin de sérieux, malgré ses yeux qui devaient pétiller. La nouvelle le transportait ; il n'avait pas ressenti une telle allégresse depuis plusieurs années. Ses plans venaient de s'accélérer à une vitesse phénoménale et, surtout, il faisait un premier pas démesurée dans sa quête jusqu'alors poursuivie de manière timorée. Il se tourna vers Santiago, avant de lui répondre :


- Avant de monter sur votre navire et de vous expliquer en détail mes plans, il reste quelques points à régler. En premier lieu, il faudrait que je rejoigne mon clan et que je les tienne au courant de ce nouvel arrangement. Vous êtes bien entendu les bienvenus ! Le lieu de rendez vous ne sera sans doute pas assez grand pour accueillir tout l'équipage, mais les plus curieux ou les plus pressés peuvent se joindre à nous.


Il se gratta la tête d'un air benêt, avant de reprendre :


- Par ailleurs, j'ai besoin de me trouver un sabre digne de ce nom. Je ne peux décemment pas me lancer dans une quête pareille armé d'un simple bokken.


Il garda pour lui la portée symbolique de ce changement. Passer d'une arme non létale à un sabre digne de ce nom marquait également un point de bascule. À présent, il allait ostensiblement arpenter la voie des criminels, avec une arme capable d'ôter la vie. Ses compagnons lui avaient conseillé plusieurs adresses d'armureries discrètes et abordables, du fait de son faible pécule actuel. Il se racla la gorge avant de lancer au forban :


- Souhaitez-vous m'accompagner, Santiago ?


Qu'il accepte ou non, Hayato se dirigerait sans plus tarder à l'intérieur du royaume de Luvneel. Il s'aventurerait à travers diverses ruelles, prenant garde à transiter par des voies désertées plutôt que par les artères centrales. Bien vite, il sentit de nouveau le regard insistant sur sa nuque, mais n'en laissa rien paraître. S'il voulait débusquer la jeune femme, il avait besoin de la forcer à se trahir une nouvelle fois. Ensuite, en fonction de ses justifications, il saurait quoi faire d'elle. Sans modifier son pas, il avança donc en direction du bar tenu par un ami. Au cours de ses aventures, il avait sauvé un civil qui s'était installé sur Luvneel et lui avait promis de lui rendre la pareille, s'il avait un jour besoin d'aide. Ainsi, lorsqu'il avait reçu son appel, le nouveau barman avait privatisé son bar pour son clan sans une once d'hésitation. En théorie, il devait être attendu par ses sept compagnons, à présent réunis.

Au détour d'un chemin, il se rapprocherait de Santiago et lui glisserait :


- Une femme me suit depuis que j'ai pris la navette. Elle a relâché sa vigilance, pendant que nous déjeunions, donc je sais à quoi elle ressemble grossièrement, mais j'ai du mal à la débusquer. Peau blanche, yeux foncés, cheveux blancs, des vêtements clairs. Avez-vous une idée ?


C'était la première fois qu'on le suivait avec autant d'insistance et de savoir faire. Lors de ses précédentes aventures, il avait toujours pu profiter de multiples erreurs de ses traqueurs. Mais cette fois-ci, elle semblait bien plus déterminée et prudente que la normale. Aussi, il s'était naturellement tourné vers le pirate. Peut être jouissait-il d'une expérience en la matière, lui qui devait être traqué par des chasseurs de primes ?


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Si tu es pressé, fais un détour.

Feat. Suissou Hayato



Les deux nouveaux compagnons descendent de l'Ancre et retrouvent le quai. Pour Luis, il est inutile de donner des ordres pour la simple et bonne raison que les hommes savent ce qu'ils doivent faire. Ainsi, il prend un plaisir matinal à accompagner Hayato en ville. Il avait à son tour bu les paroles du chef de clan concernant les détails et les finitions, puis il s'attarde sur la phrase fatidique... Trouver un sabre... Un élan de colère s'empare de Luis. En revanche, Hayato, non, mais bel et bien contre lui-même, ne peut s'empêcher de repenser à ce jour, celui où il avait perdu Kokuto Yoru, l'un des douze sabres de légende. Il laisse sa main vérifier que Kuroken, son sabre actuel, est bien à sa ceinture et dans son fourreau, ce qui est le cas. Tout en marchant, Luis dégaine Kuroken et laisse le fil de la lame scintiller sous le soleil.

« Voici Kuroken… C’est l'une des vingt-quatre lames les plus raffinées de ce monde. C’est un sabre maudit, dit la légende... Quiconque le touche est épris d’une frénésie sanguinaire. Je ne sais pas si je suis l'exception qui confirme la règle ou si toutes ces histoires ne sont que des salades… Mais je n'ai jamais eu de frénésie folle. Je te souhaite de trouver un sabre aussi digne que le mien… »

Il doit restreindre ses émotions pour ne pas tomber dans une rage indiscible en pensant au Kokuto Yoru. C'était son arme ! Celle qui avait fait de lui le meilleur sabreur du monde ! Il l'avait acquise à la loyale même si Red l'avait fortement aidé dans le processus d'acquisition. Animé par une profonde déception, il poursuit sa route. Bien entendu, Kira reste sur le navire pour superviser les tâches tandis que les autres quartiers-maîtres sont déjà en ville pour assurer le bon fonctionnement du navire. Tandis qu'ils poursuivent la route menant au centre-ville, Hayato fait une confession peu anodine, qui ne fait que confirmer les soupçons déjà bien affirmés de Luis.

« Une femme, hein ? Il se trouve que j'ai des talents de traqueurs. Disons que vivre sur Myriapolis offre certains avantages et compétences. Je pense pouvoir sans mal déceler ton amie d'infortune. Je propose de séparer nos routes. Je vais progresser en parallèle de toi et m'assurer de ne pas être suivi pour prendre la dame sur le fait. Agis naturellement et ne cherche pas son contact visuel… »

Luis se dissocie immédiatement de son nouvel acolyte pour se fondre dans la masse grouillante d'un marché. Il utilise ses compétences de traqueur pour camoufler sa présence et ses traces afin de prendre à son propre jeu la poursuivante. Après plusieurs minutes, il vole discrètement une cape qui traîne et s'enveloppe dedans avant de couvrir sa tête, devenue invisible aux yeux du monde. Il agit de manière plus souple et naturelle pour suivre son amitié. Après quelques instants, il aperçoit la jeune femme. Elle a une démarche assurée, un pas feutré, sa silhouette est celle de madame tout le monde, la rendant parfaitement anodine et donc quasiment indétectable. Elle est à une trentaine de mètres tout au plus de sa cible. Luis décide d'emprunter un chéneau et de l'escalader afin de prendre suffisamment de hauteur pour l'intercepter. Cette histoire n'avait que trop duré, et il était hors de question pour Luis de perdre son nouvel allié et de voir son plan capoter à cause d'un simple trouble-fête. Une fois sur la toiture, il dégaine son épée et sort une fiole de sa ceinture. Il déverse le contenu sur la lame et esquisse un large sourire carnassier avant de se laisser tomber dans le vide et maîtrise parfaitement son atterrissage pour arriver sur le flanc de sa victime.

Si tu es pressé, fais un détour. 69c9033e2ed0a8be4151f6336f255069

Il érafle la jeune femme à la joue de la pointe de sa lame. Ni une ni deux, le poison fait effet, et la voilà totalement paralysée et à la merci de ses cibles. Le chasseur devient donc la proie.

« Hayato ! Je l'ai… Elle est à toi. »



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Si tu es pressé, fais un détour.


Ainsi donc, le sabre qui pendait à la ceinture de Luis était un meitou. Rien d'étonnant à cela, compte tenu de la réputation du porteur. L'épéiste apprit avec un brin d'appréhension qu'il s'agissait d'un sabre maudit, attisant les pulsions sanguinaires du combattant qui le maniait. Si Santiago n'avait pas l'air d'en souffrir pour le moment, la raison en incombait-elle à la force mentale de son partenaire, aux rumeurs infondées quant à la damnation de l'arme... ou bien le sabre n'avait-il tout simplement pas eu le temps de tourmenter le pirate ? Hayato chassa ces pensées futiles pour le moment, et se concentra sur la réponse de son collègue. Il le salua comme s'ils se séparaient, le plus naturellement du monde, avant de poursuivre sa route à une allure nonchalante. Lentement mais surement, il sentit la pression sur sa nuque grandir. La jeune femme allait-elle passer à l'action, avant que le forban ne l'intercepte ?

La réponse lui arriva bien vite.

La voix de Santiago s'éleva, derrière lui, l'informant du succès de l'opération. L'épéiste s'arrêta net, fit demi-tour, puis rebroussa chemin sans se presser. Il fixa la jeune femme qui, loin de paniquer, gardait un sang froid admirable, ainsi prise entre deux feux. À mesure qu'il s'approchait, le chef de clan découvrit les traits de la traqueuse, jusqu'à pouvoir confirmer de manière définitive son impression première : c'était bien la première fois qu'ils se voyaient. D'un physique passe-partout, son aura ineffable semblait s'évaporer, même lorsqu'il la regardait bien en face. On aurait dit que ses yeux glissaient sur elle, alors qu'elle était le centre de son attention. Quel genre de capacités cette jeune femme possédait, pour réussir pareil tour de force ? Lorsqu'il arriva enfin à son niveau, il remarqua la fine estafilade qui avait suffit à son associé pour la paralyser. Un pouvoir effrayant. Laissant ces considérations de coté, Hayato s'inclina légèrement, avant de prendre la parole :


- Je suis absolument certain de ne jamais vous avoir croisée. Mes excuses pour vous avoir ainsi forcé la main, mais votre filature devenait gênante.


Comme la jeune femme ne réagissait pas le moins du monde, Hayato arqua un sourcil, avant d'échanger un regard étonné avec Santiago. Toujours serein, l'épéiste tenta une autre stratégie :


- Malgré les apparences, nous ne vous souhaitons pas le moindre mal. Nous sommes simplement pressés, aussi nous devions nous assurer de vos intentions.


Si tu es pressé, fais un détour. 1-HDM-Ninja-Matsuri-180x400


- Je sais, finit-elle par répondre. Vous n'êtes pas un adepte du carnage, Hayato. C'est d'ailleurs pour cela que je vous suis.
- J'ai peur de ne pas comprendre, réagit l'intéressé. Vous me suivez, car je ne suis pas une brute sanguinaire ?
- Maintenant que je suis dos au mur, j'imagine que je n'ai plus le choix, soupira la jeune femme. Je vous suis depuis l'ilot flottant.


La révélation fit froncer les sourcils d'Hayato. Il ne s'en était rendu compte que ce matin ! Ou alors...


- Vous vous êtes volontairement montrée depuis ce matin, comprit-il.
- Précisément. J'allais vous aborder, mais votre ami ici présent a compliqué le tableau. Je ne m'attendais pas à ce que vous ayez de telles connaissances.
- Ah ! Nous nous sommes rencontrés sur le port, mais j'ai bon espoir que nous nous entendions sur le long terme, n'est ce pas Santiago ?


Le vagabond se racla la gorge, avant de recentrer le débat :


- Pourquoi me suivez-vous, et surtout qui êtes vous ?
- Je m'appelle Matsuri. Je vous suis car j'ai besoin de votre aide et que nos objectifs convergent. Je... je sais que vous visez une île particulière, dont je tairais le nom en plein milieu de la rue. J'ai entendu votre conversation avec les hommes-poissons, après que vous ayez sauvé la famille des revenants qui s'en prenaient à eux.
- Attendez un peu... vous m'observiez déjà à ce moment là ?


La jeune femme abonda légèrement du chef, toujours paralysée par le poison du forban, avant de reprendre ses explications :


- Je me suis rendue sur l'îlot flottant, après avoir entendu les rumeurs de mort-vivants qui attaqueraient des civils. Je cherchais une personne qui souhaiterait aider son prochain, comme vous, car j'ai cruellement besoin d'assistance. De tous les combattants présents, vous étiez le seul qui répondait à tous mes critères : non affilé au gouvernement ou à la piraterie, la tête sur les épaules, affable et compétent. Mais j'avais besoin d'un peu plus de temps pour m'assurer de votre nature profonde... avant de vous aborder.
- Soit, vous avez besoin de moi, mais pourquoi devrais-je vous aider ? Je ne suis pas un bon samaritain à ce point...
- Je pense que si, au contraire, le coupa-t-elle. Mais je ne cherche pas votre pitié, je saurais me rendre utile. Je connais parfaitement l'ile que vous souhaitez envahir : je m'en suis échappée. La conformation des lieux, les clans avec leurs effectifs, leurs spécialités, ainsi que leurs passifs... je peux tout vous dire. Je ne vous demande pas l’aumône, mais le même traitement que celui qui me retient : un échange de bons procédés.
- Et que devrais-je faire, de mon coté ?
- Libérer ma sœur, qui est restée sur l'île et a été réduite en esclavage, par le chef d'un des clans. Le type d'homme qui refuserait de collaborer avec vous, et qui se battrait jusqu'à la mort plutôt que de perdre son autorité.


Ici Hayato croisa les bras, perplexe. Si les hommes poissons lui avaient révélé la présence de Carcinomia, après avoir suivi les sous-marins dans North Blue par curiosité, ils n'avaient jamais mis les pieds sur l'île. Lui-même avait bien réussi à récolter de minces rumeurs, mais rien de bien probant. Il n'avait donc aucun moyen de vérifier ce qu'elle avançait. Cela dit, si elle pouvait réellement leur fournir autant d'informations, leur expédition s'en retrouverait d'autant plus facilitée. Il regarda Santiago avec insistance, avant de lui demander son avis :


- Je ne suis plus le seul à décider, Matsuri. Qu'en pensez-vous, Santiago ? Devrions nous lui faire confiance ? Peut être avez-vous une manière de vous assurer de sa bonne foi ?


Il était curieux de découvrir la manière de procéder de son associé, dans ce genre de situation. Cette jeune femme plein de promesses pouvait effectivement se révéler utile. Après tout, la probabilité qu'un agent du gouvernement mondial ou un marine infiltré le suive, lui qui ce matin n'était encore qu'un simple civil, avant même qu'il ne rentre en contact avec le pirate primé devant lui... était quasi nulle. Était-ce son jour de chance, pour enchainer ainsi les rencontres providentielles ? Il préféra attendre la réponse de Santiago, avant de faire des plans sur la comète.


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Si tu es pressé, fais un détour.

Feat. Suissou Hayato



Toujours prêt à laisser son arme embrocher l’intruse, Santiago écoute avec attention le récit poignant et saisissant de la dame. Un brin d’émotion s’est emparé de lui et un frisson bien humain a parcouru son échine, lui rappelant que même la plus épaisse des brutes pouvait ressentir la compassion. Il range son arme, sans prendre la peine de répondre ni à Hayato ni à la jeune femme. Il détache son arme de sa ceinture et la tient fermement dans ses mains avant de mettre un genou au sol et de présenter sa lame. Kuroken, la lame sombre, semble munie d’une âme qui lui est propre ; on pourrait presque entendre ses murmures faisant l’apologie de la violence et de la destruction.

« Dame Matsuri… Moi, Luis D. Santiago, j’offre ma lame et mon savoir pour venir en aide à votre sœur. Ne vous méprenez pas. Je suis un pirate, je pille, je vole, je tue, j’agis de manière illicite dans bien des domaines. Mais j’ai en horreur l’esclavagisme. Si une telle île pratique cette horrible privation, elle connaîtra des tourments éternels, leurs fondateurs seront passés au fil de ma lame sans aucune forme de traitement. »


Il se relève lentement et raccroche son arme à sa ceinture avant de prendre une posture on ne peut plus droite. Il pose son regard successivement sur Hayato et Matsuri avant de regarder le ciel. Le temps se gâte. Bien qu'ils soient sur les Blues et que l’Ancre dispose d’un système de propulsion qui lui est propre, la houle pourrait être suffisamment violente pour les retarder de quelques jours.

« Hayato ! Je retourne sur mon navire pour effectuer les ultimes préparatifs. Je te souhaite de trouver la lame de ton choix et que cette dernière te soit aussi chère que la mienne. Je vais faire aménager rapidement quelques couchettes dans la cale… C’est spartiate, mais nous veillerons à ce que vous ayez tout le confort nécessaire pour le voyage. Je propose que tu nous expliques ton plan, à moi et aux Quartiers-Maîtres une fois que nous approcherons de l’île afin d’assurer le bon déroulement de tes opérations. »

Il s’incline poliment devant l’ensemble avant de tourner les talons pour rejoindre le port. Rapidement, un homme comparable à un géant en armure s’approche de lui avec un gigantesque estramaçon dans le dos.

« Oh Blaine ! Quel plaisir. Toujours décidé à ne pas parler ? »

« … »

« Je me disais bien… »

Blaine est le genre de personnage qui attire l’attention, muet, impassible. On discerne à peine ses yeux au travers de son casque qu’il n’ôte jamais, comme son armure. Naaru les rejoint lui aussi, le chef alchimiste de Myriapolis arbore son demi-masque squelettique, mais ses yeux trahissent ses émotions en permanence.

« Oh Luis ! Kira m’a dit que tu nous avais dégoté une affaire ? »

« Oui, nous allons attaquer une île pour une pègre naissante. »

« La pègre hm ? Toujours moyen de faire des affaires avec ces gars-là… Tu as une idée derrière la tête toi hein ? »

« Plus ou moins… Cet homme est « jeune » dans les affaires. Mais je le sais prometteur, il voudra sûrement davantage sur North Blue, mais il devra affirmer sa position. Quoi de mieux pour lui que d’avancer un temps avec nous et d’affirmer sa position en frappant une cible clé de la Marine ? Il enverra un message fort « Je peux attaquer la Marine, ne me cherchez pas. », tu ne penses pas ? Par ailleurs, si nous trouvions une source financière ici, elle serait difficilement retrouvable, on ne nous attend pas sur les Blues. Nous aurions ainsi un approvisionnement de base pour… »

Il marque une pause, Naaru sourit largement, si bien que sa bouche dépasse presque du masque. En tant que Quartier-Maître, il est l’un des seuls à connaître le projet véritable de Luis. Aussi, il se permet de le couper pour terminer sa phrase.

« La Cross-Guild. »

Luis hoche la tête positivement avant d’esquisser un large sourire et de rire à gorge déployée.

« Faudra qu’on trouve un nom un peu plus pimpant ! Mais oui… C’est l’idée… Et si nous établissons une relation de confiance avec cet homme… Nous pourrions par la suite ouvrir une antenne ici et prendre le contrôle de ce Blue pour lui. À voir. »

« Je vois… Tu as déjà préparé les plans pour le QG ? »

« Oh, ne t’en fais pas pour ça… Une chose à la fois mon vieil ami. »

Après leur discussion, la troupe se met en branle sur le navire afin de le rendre parfaitement opérationnel pour la prochaine traversée. Luis donne ses ordres et la plupart de ses sbires s’exécutent sans sourciller, plaçant aveuglément leur confiance au sein du navire, du capitaine et surtout de son credo.



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Si tu es pressé, fais un détour.



Si Santiago était resté de marbre, durant les échanges entre Hayato et Matsuri, sa réaction surprit une nouvelle fois l'épéiste, après qu'il lui eut demandé son avis. Comme un preux chevalier, ce dernier s'agenouilla et jura solennellement à son ancienne captive de l'aider. Ainsi, ce forban aux allures si sauvages abhorrait l'esclavagisme autant qu'Hayato ? La nouvelle avait semblé le perturber ou, tout du moins, changer ses plans immédiats. Après avoir confirmé indirectement à son associé qu'il faisait confiance à la jeune femme et lui prêterait main forte, Santiago se releva et annonça qu'il retournait préparer leur voyage sur son navire. Il semblait animé d'une flamme violente, déjà prêt à en découdre et impatient de mettre hors d'état de nuire leurs ennemis sur Carcinomia. D'un hochement de tête, le bretteur abonda dans son sens :


- Très bien. Nous vous aiderons donc, Matsuri. Je me hâte de mettre la main sur une lame digne de ce nom, puis après avoir retrouvé mon clan, je nous ferai tous embarquer dans les plus brefs délais.


À présent libre, Matsuri s'inclina devant Santiago en le remerciant, malgré leur rencontre quelque peu brutale. Elle semblait encore un peu engourdie, aussi Hayato lui proposa-t-il son bras pour l'aider dans ses premiers pas. Ensemble, ils parcoururent les rues de Luvneel à la recherche d'un commerce bien précis, avant de se rendre au fameux lieu de rendez-vous. En chemin, le vagabond apprit à connaître la jeune femme qui, malgré sa réserve apparente, savait tenir une conversation en bonne et due forme. Il récolta ainsi quelques informations utiles la concernant :


- Vous avez été formée au ninjutsu sur Wa no Kuni, dans le Nouveau Monde ? s'émerveilla-t-il. Impressionnant ! Cela explique pourquoi j'ai eu tant de mal à vous repérer...
- Ne vous en voulez-pas, il est très rare qu'on arrive à sentir ma présence. J'avais déjà ce don avant mon entrainement. Tournez à droite, ici.


Hayato la regarda d'un air éberlué. Elle ne connaissait pas leur destination, mais se permettait de le guider ? Devant son air confiant, l'épéiste se laissa aller à sa curiosité. Après plusieurs embranchements pris selon les conseils de la jeune femme, ils finirent par arriver devant une armurerie minuscule, coincée entre deux immenses maisons. Le jeune homme regarda Matsuri avec étonnement, avant de sourire.


- Vous avez d'autres talents cachés, à ce que je vois. Voyons si votre instinct est bon.


La kunoichi ne répondit pas et accompagna l'épéiste dans l'échoppe qui ne payait pas de mine. La porte grinça sous la poussée d'Hayato, pour les laisser découvrir une salle rectangulaire, tout en longueur. D'entrée de jeu, des odeurs de renfermé, de tabac froid et d'acier agressèrent les narines du vagabond. De part et d'autre de la pièce étaient accrochés, sur des promontoires fixés aux murs, des armes de toutes sortes. Katanas, claymores, dagues, tridents... la liste était longue. Un simple coup d'oeil suffit à Hayato pour comprendre qu'elles étaient toutes parfaitement entretenues. Au bout de ce couloir de métal, trônait un bureau sur lequel somnolait à moitié un vieillard, au menton orné d'une barbe clairsemée. Il était coiffé d'un bonnet et emmitouflé dans une couverture qui devait avoir le même âge que lui. Lorsqu'il entendit la petite sonnette accrochée à la porte, qui annonçait la venue d'un nouveau client, il ouvrit un œil inintéressé. Son regard se fixa sur Hayato, puis sur son bokken. Alors, l'ancêtre se redressa lentement et sourit d'un air espiègle.


- Bienvenue, jeunes gens ! Entrez, entrez, je vous en prie. J'espère que vous trouverez votre bonheur.
- Je vous remercie, monsieur, répondit poliment Hayato.


Loin de se lever pour se renseigner sur la recherche du bretteur, l'ancêtre s'étira, puis ouvrit un tiroir de son bureau pour en sortir une pipe et une blague de tabac. D'un air distrait, il se prépara de quoi fumer, sans lâcher Hayato et Matsuri des yeux. Si le premier portait ostensiblement son sabre de bois au flanc, la deuxième n'avait aucune arme apparente, par dessus son kimono blanc et gris. Circonspect, le vagabond promena son regard aux alentours, laissant ses yeux glisser sur les outils de mort étalés devant lui. Il avança de quelques pas, avant que la sonnette ne retentisse de nouveau. D'un coup d'oeil par dessus son épaule, il remarqua l'arrivée d'une bande d'hommes aux mines louches. Les fripouilles ricanèrent dès leur entrée et bousculèrent tant Hayato que Matsuri pour se frayer un chemin jusqu'au tenancier. Celui qui menait la bande s'esclaffa :


- Oi l'ancètre ! Trouve-moi un sabre, le dernier que j'avais s'est pété !
- Et un bon ! surenchérit un autre larron.
- On ne « trouve » pas un sabre, soupira le patron de la boutique.
- Hein ? On a de l'argent, file nous un sabre, le vieux !


Alors qu'Hayato rapprochait sa main gauche de sa ceinture, pour dégager son bokken discrètement, Matsuri l'arrêta calmement, d'une main sur son épaule. Ils échangèrent un regard muet, tandis que le marchand sautait de son tabouret pour disparaître dans l'arrière boutique. Il revint à peine quelques secondes plus tard, toujours emmitouflé dans sa couverture, mais avec un sabre flambant neuf dans les mains.


- Ça fera cent mille Berrys.
- Ouais, ça fera l'affaire ! déclara l'intéressé après avoir à peine posé le regard sur l'arme.


Ils jetèrent sur le bureaux la somme requise, avant de sortir comme ils étaient venus, tentant de bousculer de nouveau Hayato et Matsuri, au passage. Ces derniers laissèrent glisser les insultes sans broncher, sous les regards goguenards des malfrats. Lorsqu'ils furent partis et que le calme revint, le vieil homme soupira en secouant la tête, avant de se réinstaller et de rallumer sa pipe. L'épéiste reprit alors son inspection silencieuse, tandis que le patron gromellait quelques imprécations dans sa barbe. Arrivé au centre de la boutique, l'artiste martial respira calmement, avant de fermer les yeux un instant.




En un instant, il entra en transe, tous les sens en éveil. Des années de méditation quotidienne lui avaient permis de pousser cette capacité à un stade avancé. Lorsqu'il ouvrit de nouveau les yeux, cette sensation si particulière de plénitude l'enveloppait tout entier, à la manière d'une bulle d'air tiède qui se serait formée autour de son corps. Il se sentit enveloppé d'une aura de sérénité. D'instinct, il tourna lentement la tête vers la gauche. Son corps avança, animé par la démarche fluide d'un bretteur expérimenté. Seul le son de ses sandales sur le parquet de bois venait briser le silence religieux qui s'était installé sur la boutique.

Ses pas le guidèrent face à une arme d'exception.

Lorsque ses yeux se posèrent sur elle, il sut. Il sentit la lame accepter sa demande muette. D'un geste précis, il décrocha le katana de son socle, avant de le ramener devant lui. Il détailla le pommeau, en acier trempé, la poignée orné de soie verte pour un tressage de qualité irréprochable, ainsi que la garde en métal doré, façonné tel un trèfle à quatre feuilles. Le fourreau était en bois solide, peint en vert, et l'embout, renforcé, en métal doré lui aussi. Une arme magnifique et finement ouvragée. D'un geste expert, il testa l'équilibre parfait du katana, sous son regard émerveillé. Enfin, il dégaina lentement, pour laisser apparaître le fil de la lame et sa trempe. Immédiatement, la qualité incomparable de cette dernière le subjuga. Les ondulations semblaient danser sous la simple lumière du jour, à mesure qu'il en dénudait la lame, tant et si bien qu'il aurait pu jurer que la lame devenait liquide lorsqu'il la manipulait. D'une rotation du poignet, l'épéiste plaça le fil du sabre sous son œil, pour en apprécier l'entretien exemplaire.


*On dirait que tu es prêt à m'accompagner une partie de route...*, pensa pour lui-même Hayato.


Derrière lui, le son d'une pipe que l'on frappe sur un cendrier le tira de sa contemplation extatique. La voix du vieil homme s'éleva :


- Vous avez l'oeil, jeune homme. Ce sabre est un meitou, une arme exceptionnelle ! Elle se nomme...
- Kashuu, termina Hayato en un murmure.


Il rengaina d'un geste assuré, avant de se tourner vers le marchand. Ce dernier le regardait, bouche bée et les yeux écarquillés. D'un sourire gêné, le chef de clan leva le doute :


- J'ai déjà vu cette lame dans un livre, sur West Blue, lui confia-t-il.
- 'Me faites pas des frayeurs comme ça à mon age, chenapan ! le taquina le vieil homme.
- Haha ! Mes excuses, monsieur, cela m'a échappé.


Reprenant son sérieux, Hayato s'approcha du comptoir et y déposa le meitou, avant de s'incliner poliment devant le patron. Il se releva et posa la question fatidique :


- À combien acceptez-vous de me laisser Kashuu ?
- Pour vous, un million de Berrys.


L'épéiste tiqua, sans en rien montrer. Cela représentait la totalité des maigres économies qu'il avait réussi à réaliser, ces dernières années. Il ne pensait pas qu'il aurait à tout dépenser pour son arme. Pourtant, il n'hésita pas une seconde :


- Marché conclu.


Une poignée de main plus tard, Hayato et Matsuri sortaient de la boutique, laissant un vieil homme songeur derrière eux. Retrouver le poids d'un véritable sabre à sa ceinture rappela de vieux souvenirs au vagabond. Il sourit benoîtement, se remémorant l'époque passée en compagnie de Jinro-san, sur Las Camp, une décennie auparavant. Il retourna au moment présent, puis murmura à la kunoichi :


- Je ne sais pas comment vous avez fait, mais merci.



Ils repartirent en silence, avançant telles deux panthères, dans les rues du royaume. Après plusieurs carrefours déserts traversés, l'épéiste finit par arriver devant une enseigne toute simple. On pouvait lire en lettres d'or sur fond rouge : « Le premier bar avant la fin du monde ». Le nom fit sourire le vagabond. D'un coup d'oeil à travers une fenêtre, il reconnut ceux qui formaient sa nouvelle famille. Son cœur s'emballa un instant et un sourire niais étira son visage, une nouvelle fois. Il n'avait pas revu certains d'entre eux depuis des années ! Certains manquaient encore à l'appel, mais ils feraient tous le déplacement, il en était convaincu. Le chef de clan se tourna alors vers Matsuri pour lui lancer :


- La plupart sont déjà arrivés. Entrons.


De cette simple poussée sur le vantail en bois, Suisou Hayato entama officiellement un nouveau voyage. Mais, à présent, il n'arpenterait plus le monde seul ! À force d'errances, il avait réussi à créer son clan, qui le soutiendrait dans sa tâche ardue. Il se tenait donc sur la ligne de départ, au début du chemin pour devenir un des plus éminents criminels de ce monde. Il avait hâte d'y faire ses premiers pas, avec eux.


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Note HRP : Je précise que la transe d'Hayato est un effet purement RP et ne procure aucun avantage.


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