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L'Envol du Dragon


L'Envol du Dragon


Seconde partie de la quête Démarrage en douceur

Le soleil se couchait avec la majestuosité des grands astres sur la ville de Jing, la plèbe vaquait à ses occupations tandis que les premières tavernes et fumoirs allumaient doucement leurs lanternes. Aujourd’hui était un jour important pour Feng. Lui et son neveu allaient prendre leur toute première revanche sur l’Empire. Voilà bien longtemps que le patriarche des Han avait jeté son dévolu sur l’entrepôt impérial du quartier des lanternes. Il l’avait visité cinq ans auparavant et s’était fait surprendre par les merveilles qui y étaient entreposées. Espace de stockage affecté à la conservation d’artefacts impériaux, il était peu défendu et recelait de nombreux objets capables d’être revendus sans trop attirer l’attention. Le casse était facile. Ils n’avaient qu’à se faire passer pour des officiels impériaux de passage et, au détour d’une inspection, ils feraient disparaître une partie des marchandises. Cela servirait à financer leur départ de l’île. L’objectif était de tirer quelques millions de la revente pour ensuite pouvoir armer le Bai Laohu, son nouveau navire.

Bien qu’il ne se soit nullement attendu à toucher un héritage de son Sifu, Feng n’avait pas décidé de le refuser. Au contraire, même dans la mort, son maître avait trouvé le moyen de l’aider. Ce navire lui permettrait de partir de l’île. Libre. Et maître de son destin. Le coup de ce soir trancherait son lien avec l’Empire. Pour cela, il s’était vêtu d’un de ses habits d’officier impérial qu’il n’avait pas mis depuis son exil politique. Avoir l’habit requis était un premier pas vers la réussite de son plan. Il avait refilé des habits similaires à Haoyu et avait ensuite fait jouer ses contacts pour la suite de l’opération. Par le biais de son guanxi, ce fameux réseau propre aux kanokuniens, il avait réussi à obtenir des laissez-passer réglementaires et des papiers d’identité falsifiant leur qualité d’inspecteurs fiscaux impériaux.

Leur couverture était parfaite. Aussi étaient-ils désormais devant l’entrée de l’entrepôt impérial, accompagnés de quelques mules de bât et de deux chevaux empruntés pour l’occasion. Avec tout cet attelage, leur statut prenait une autre ampleur. Peaufinant sa mise en lissant sa moustache, Feng observa l’imposante porte qui se dressait devant eux et sourit en se rappelant à quel point l’Empire avait à coeur de montrer sa puissance en donnant à l’extérieur de ses bâtiments de nombreux rappels symboliques à la puissance de l’Empire. Les symboles de l’empereur étaient peints sur les drapeaux hissés à chacun des quatre sommets de l’immense entrepôt parallélépipédique. Les baraquements, installés sous les combles, étaient affublés de banderoles rappelant que ce lieu était propriété de l’Empereur, qu’il était le plus beau, le plus fort, le plus grand. Bref, de la propagande. Cela rappela à Feng ce pourquoi il se battait. Si tout se passait bien, un jour peut-être, il reviendrait renverser l’Empereur.

Faisant toquer Haoyu à la grande porte de l’entrepôt, il déclara, d’une voix puissante, les propos suivants :

« Par ordre du conseiller Pi Ming Ling, haut inspecteur fiscal de l’Empire, je vous ordonne de nous donner l’accès à cet entrepôt. Nous allons procéder à une évaluation des biens. »

La phrase avait le verbe et l’arrogance impériale nécessaire pour déclencher une réaction. Du haut de leur tour de guet qui surplombait la porte, les deux sentinelles, armées chacune d’un arc, dévisagèrent avec perplexité la troupe qui se présentait à eux et, au bout de quelques instants, l’une d’entre elles descendit dans les baraquements, sans doute pour aller chercher un responsable. Qui ne se fit pas prier pour donner l’ordre d’ouvrir les portes. Aussi, les deux vantaux de bois laissèrent la vue aux deux Han sur un officiel de l’Empire un peu gras, entouré de six soldats en armure. Celui-ci s'incline bien humblement devant les deux hommes et considéra un instant le jeton d'autorité que présentait distraitement Feng. Il usait de la morgue arrogante dont faisaient preuve nombre d'officiels une fois que leur autorité était bien assise. C'était détestable mais les subordonnés ne faisaient pas de caprices pour autant et se mettaient à les servir avec d'autant plus d'entrain. On ne plaisantait pas avec l'autorité administrative dans l'Empire. Si le haut inspecteur fiscal de l'Empire était impliqué, mieux valait obéir. Profitant de l'accès, Feng fit entrer le convoi dans la cour intérieure de l'entrepôt. Ils étaient saufs, la porte était franchie, une bonne chose de faite.




Dernière édition par Feng Han le Dim 18 Fév 2024 - 9:06, édité 2 fois
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Je soupesais dans ma main les quelques berrys qu’il me restait en poche, autour de moi, le brouhaha de la taverne ronronnait à son habitude. Des marins se saoulaient, des manutentionnaires dévoraient leur déjeuner et des révolutionnaires attablés, discutaient politique.

Une journée classique dans le port de Jing. Malgré les destructions qui balafraient toujours la ville, cette dernière grouillait d’activité. La Révolution avait transmis une fièvre au Pays et chacun était fébrile, à l’affut des opportunités.

Pour ma part, je sentais pertinemment que mes opportunités étaient plus que comptées dans le pays. Il fallait que je décarre avant que les agents de la Révolution ne s’intéresse à mon cas et ne parviennent à m'identifier comme un agent du CP6.

Cependant, une question se posait. Comment quitter le port ?

Aucun capitaine ne prendrait un étranger à son bord sans le connaître au préalable. Il restait bien l’option de graisser des pattes mais encore fallait-il pour cela avoir des billets. Les maigres piécettes qui tressautaient entre mes doigts, m’indiquaient le contraire.

Une chopine, payée avec mes dernières économies, m’accompagnait dans ma réflexion.

Où trouver une grande quantité d’argent rapidement ? Bien évidemment, la voie légale semblait disqualifiée d’office. D’autant plus que je devais garder profil bas et fréquenter le moins possible les habitants du port.

Du temps de ma couverture, lorsque j’exerçais comme officier impériale aux douanes, j’eus le temps de me faire connaître de beaucoup de monde.

Les douanes... Voilà qui était une idée des plus interéssante.

Les entrepôts de l’Empire, regorgeaient de marchandises saisies. La plupart de ces marchandises pourrissaient par simple oubli administratif ou bien finissait par être “réquisitionnées” par des officiers peu scrupuleux. La gestion impériale était un véritable chaos, le passage de la guerre civile n’avait dû guère améliorer cet état de fait. Qui sait quel trésor pouvait encore résider dans des caisses poussiéreuses et oubliées de tous ?

Plus tard dans la journée.

Les égouts de Jing étaient un véritable labyrinthe et depuis les combats, certaines sections s’étaient complétement effondrées. S’y retrouver n’était pas chose facile mais les contrebandiers et les criminels en avaient fait leur terrain d’opération. Autant dire que lorsque je luttais contre ces réseaux, je fis également de ces lieux un terrain familier.  

Mes souvenirs n’étaient pas trop rouillés car j’étais assez sûr d’où me menaient mes pas. Vers les bordures de la ville, où se trouvait un entrepôt isolé et réputé pour être l’un des moins défendu.  

Autrefois, ce bâtiment avait servi de manufacture de teinture et par sa fonction il avait été relié au réseau d’égout afin de pouvoir y déverser ses eaux usées. A la suite de sa nouvelle fonction, on avait pris soin de murer les accès au réseau mais je savais également que ces travaux-là commençait à s’effondrer de toute part sans que quiconque daigne affecter des crédits à d’éventuels réparations.

L’un de ces accès se tenait devant moi. Le ciment rongé par l’humidité, des briques déchaussés parsemées le sol. Il ne me faudrait guère que quelques heures pour me créer une entrée et me faufiler dans le bâtiment. La salle des coffres ne serait plus qu’à un pas et ses richesses également.
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L’Envol du Dragon

« Quelle plaie… » A l’étroit dans ces habits qui ne lui convenaient guère, Haoyu déambulait aux côtés de son oncle, grimé en inspecteur fiscal. Ses cheveux noués à l’impériale, sa gestuelle travaillée, l’onirocrite ne se reconnaissait pas à chaque pas qu’il faisait dans les rues étroites de Jing à l’heure du coucher du soleil. Les teintes écarlates que le ciel prenait rappelaient à quiconque levait les yeux que, malgré les vicissitudes des Grands de l’Empire, la fin du monde tardait à venir. Une démangeaison caractéristique du manque le saisissait de temps à autre telle une litanie viscérale, vicieuse. Mais le jeune Han ne pouvait pas : pas maintenant, pas sous le regard impérieux de son oncle ni celui, curieux, des manants et des urbains qui, parfois, préféraient observer les deux hommes plutôt que de continuer de s’affairer. Pourtant, il savait sa pipe cachée, comme à son accoutumée, dans les plis de ses vêtements. Cela, Feng l’ignorait, bien évidemment. Haoyu ne put pas s’empêcher de contrevenir à son ordre et à sa confiance. A vrai dire, la présence de la pipe calmait le manque ; il se savait en capacité d’y remédier aussitôt une occasion propice se manifestait. Mais, dans l’immédiat, il devait se contenter de flatter l’encolure des cheveux et mules pour faire taire cette envie dévorante en occupant ses mains, sinon par la confection d’un madak au moins grâce à cette action muette.

Le bâtiment qu’ils devaient cambrioler paraissait gigantesque, habillé de ses tours majestueuses, crénelées, drapé dans les délicats drapeaux brodés du sigle de l’Empire et de son Empereur. D’un signe de tête, Feng enjoignait Haoyu à frapper au heurtoir en acier finement travaillé de la porte titanesque ; un heurtoir aux antipodes de l’aspect belliciste du lieu, une sorte de rappel de l’élégance supposée des kanokuniens, peut-être. Malgré tout, l’oniromancien prit le temps de souffler pour se donner contenance et martela avec vigueur, tel un officiel de l’Empire l’aurait fait. Quelques secondes plus tard, une sentinelle archère à la livrée impériale jetait un œil intéressé à la compagnie qui venait se présenter devant ses portes. Les costumes d’inspecteurs ainsi que l’expérience de Feng dans l’administration firent leurs effets et les portes s’ouvrirent tarder, permettant un accès aisé au sein d’une forteresse. Rien dans le comité d’accueil ne paraissait de bon augure mais la diligence des employés de la bureaucratie sclérosée et absconde de l’Empire provenait d’un sérieux contraint à force de sanctions, de réprimandes publiques et de rites propitiatoires en l’honneur de cette même bureaucratie, implémenté dans l’Empire par la providence du couronné. En tout cas, tel est le discours officiel. Le ventripotent contremaître et ses gardes faisaient pâle figure à côté de Feng qui, grimé tel qu’il l’était, personnifiait merveilleusement bien le carriériste intransigeant.

Haoyu prit la parole, imitant avec verve et précision les paroles que tenaient, autrefois, ce même genre d’homme à la Cité Rouge. « Messieurs ! Dois-je vous rappeler que cet entrepôt est la propriété de l’Empire ? Qu’avez-vous à dire à propos de l’immonde état dans lequel vous le laissez ? Ne l’entretenez-vous pas ? N’êtes-vous donc pas la fierté de Jing ? Vous me faites vomir de honte ! » Il ne criait pas mais influait, dans sa voix, cet accent de dignité et de noblesse qui enjoignait le commun à la proskynèse. Pointant d’un doigt impérieux un groupe de garde, il continuait : « Vous ! Nettoyez-moi cette cour qui respire l’injure à notre Empereur ! » Comble de l’imprésario, il soufflait d’exaspération et s’en retournait aux chevaux tandis que son oncle prenait les commandes. L’oniromancien tremblait ni de peur ni d’adrénaline mais le manque venait à se faire sentir dans ses viscères…
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L'Envol du Dragon


L’illusion tenait bon. Ils étaient enfin rentrés dans l’entrepôt impérial et les mules de bât étaient prêtes à être chargées. Il fallait seulement qu’il utilise un prétexte quelconque pour déporter une partie du stock sur un autre site. Il avait un papier tout prêt rédigé en ce sens. Haoyu jouait le jeu à fond et ses réflexions semblaient porter sur les individus en présence. L’officier qui les avait accueillis semblait être embarrassé par leur présence mais n’osa pas protester outre mesure devant la prestance des deux officiers impériaux. Une fois à l’intérieur, ils purent librement déambuler parmi les galeries de babioles et d’objets entreposés là depuis des années. Il y avait largement de quoi financer les besoins d’aventure des Han. Mais l’objet de ses recherches était tout autre. Enfin… Feng était venu ici pour récupérer un objet qu’il mourrait d’envie d’avoir depuis un moment. Lóng Yuè Dāo, la Lame du Croissant du Dragon. C’était une guandao de légende dont Feng connaissait toute l’histoire. Elle avait servi sous les dynasties Biao, Jia, Fei et bien d’autres encore. Et sa légende résidait dans son utilisation pour les conquêtes ayant permis d’établir la domination kanokunienne sur le peuple Quanrong. Ce serait son arme. Si tant est qu’il la trouvait. L’entrepôt était clairement immense et le rangement n’était pas optimal.

« Ces hommes-là, que font-ils ? »

Quelques types un peu débraillés semblaient jouer aux cartes comme dans un tripot, assis sur des caisses au milieu d’une allée. Leurs dégaines et les armes pendant à leurs ceintures les désignaient comme des pirates. Et s’ils étaient là, c’étaient sans aucun doute des Chinjao. La question de Feng avait donc un double sens. Savoir quelles étaient les motivations de ces types mais surtout leur degré d’implication dans les opérations qui avaient lieu ici. Le gras Gwai, de son prénom, lui répondit qu’ils étaient engagés pour la sécurité de certains bien particuliers, sans préciser lesquels. Cela posait un problème. Le risque était bien plus grand que prévu. D’un regard, Feng fit signe à Haoyu de les garder à l’œil.

« Puis-je avoir accès au registre d’inventaire des matériels militaires ? Le conseiller Ming Ling veut pouvoir réévaluer les amortissements des équipements de l’entrepôt. »

Le ventripotent fonctionnaire lui amena une caisse comportant une douzaine de gros ouvrages bien entretenus. Les éplucher aurait pris un temps gigantesque mais Feng n’en était pas à son coup d’essai dans ce domaine. Limitant son choix à trois ouvrages grâce à sa connaissance profonde des mécaniques de tri impériales, il les parcourut avec la rapidité de l’expert qui sait ce qu’il cherche. Il survola même la page concernant la Lame du Croissant du Dragon. Rangée AF. Emplacement 289. En plein coin de l’entrepôt. Parfait. Tendant les ordres de transfert à Haoyu, il lui intima de s’occuper de faire transborder un maximum d’objets de valeur sur les mules, lui laissant libre quartier par la même occasion. Il annonça ensuite qu’il allait faire un tour d’inspection et qu’il n’avait pas besoin du fonctionnaire pour l’accompagner. Celui-ci ne fut que trop heureux qu’il se désintéresse au coin surveillé par les Chinjao et ne l’ennuya pas plus que cela. Aussi, il se mit à déambuler dans les travées de l’entrepôt jusqu’à arriver à l’endroit recherché. Sauf que le destin décida de se jouer de lui. Là, dans la pénombre poussiéreuse du fond d’un couloir isolé, une ombre se penchait discrètement sur le contenu d’une caisse entreposée dans la rangée AF et, au doigt mouillé, à l’emplacement 289. Feng ne put réprimer un juron et laissa échapper les mots suivants :

« Hé vous ! Que faîtes-vous là ? »

Certainement pas la meilleure manière de rester discret mais il espérait que l’importun ne soit qu’un employé de l’entrepôt. Sinon, il aviserait.


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Depuis les niveaux inférieurs, je me faufilais au travers des étages poussiéreux et humides. Ces niveaux ne contenaient guère de richesses, au contraire, là était stocké ce qui n’avait pas de valeur marchande comme de vieilles archives ou bien d’obscurs cadeaux diplomatiques plus symboliques que précieux. Ce qui attisait ma convoitise se trouvait plus haut, dans l’entrepôt principal.

Les couloirs étaient peu fréquentés mais à ma grande surprise je pus apercevoir des hommes de main Chinjao. Ils détonnaient avec les fonctionnaires impériaux portant la livrée du pays des fleurs et leurs faces balafrées ne laissaient guère de doutes sur leur appartenance au crime organisé. Qui d’autres que les Chinjao pour être capable de s’infiltrer au sein des institutions impériales. Mes années de couverture m’avaient permis d’appréhender à quel point cette famille pirate était influente dans le pays.
Si les Chinjao étaient présents, cela rendait le casse d’autant plus dangereux car tout un chacun à Kanokuni savait ce qu’il en courait de nuire à leurs intérêts.

Fort heureusement, les brigands prenaient leur travail de garde avec une diligence toute relative. Avec mes compétences d’ancien agent et l’inefficacité chronique des butors chinjao, me frayer un chemin incognito jusqu’à la salle des objets précieux fut un jeu d’enfant.

L’entrepôt grouillait de caisses arborant les marques des différentes dynasties de l’Empire. Certains trésors pourrissaient depuis des siècles, oubliés de tous si ce n’est d’un registre en pleine décomposition dans quelques alcôves de l’aile des archives du Palais impérial.  
Ma couverture au sein des services des douanes me donnait cependant un avantage certains. D’une part je connaissais les prises qui avaient été saisies sous mon autorité et d’autre part j’avais pu avoir vent des caisses les plus précieuses. Le genre de savoir que les officiers des douanes tout comme les administrateurs des entrepôts se transmettaient de génération en génération.
Parmi toutes ces rumeurs, il y en avait une que j’affectionnais particulièrement.
La Lame du Croissant du Dragon, une arme légendaire pour l’histoire du pays et bien que sa symbolique soit tombée en désuétude depuis bien longtemps, nul doute qu’au marché noir des collectionneurs avisés seraient prêt à la payer une petite fortune. Si je parvenais à la vendre à quelques contrebandiers de Jing, je tiendrais mon ticket de sortie du pays.

La caisse n’avait pas bougé depuis le jour ou l’ancien gérant de l’entrepôt m’en avait parlé. A l’époque j’étais encore ce jeune officier en pleine ascension qui apportait une saisie conséquente d’artefacts exotiques importés illégalement. Le symbole sur la caisse ne m’évoquait rien mais nul doute qu’un historien aurait eu bien des choses à en dire. En revanche, l’intérieur de la caisse répondait à toutes mes attentes.
Elle était sublime, reposant dans un écrin de bois précieux, même un amateur pouvait dire qu’elle était superbement ouvragée. Au-delà de sa valeur historique, en tant qu’objet elle valait déjà son pesant de berrys.

Alors que je m’apprêtais à la soupeser, j’entendis une voix claquer dans mon dos.  
Je réprimais un juron. Ebloui par ma trouvaille j’avais relâché mon attention un court instant mais suffisant pour me faire surprendre.

L’homme qui se tenait face à moi n’avait rien d’un administrateur de l’entrepôt. A vrai dire il y avait bien des choses à dire sur l’individu. Bien qu’arborant la livrée d’un fonctionnaire, un œil un tant soit peu avisé se serait interrogé sur sa silhouette musculeuse. Un physique de guerrier que confirmait son regard. Le regard vif d’un homme poursuivant des ambitions bien au-delà de l’horizon morne des fonctionnaires subalternes dont la vie se résumait à cirer les bonnes pompes.

Cependant, malgré ces observations je ne pouvais pas manquer de reconnaître un noble aussi célèbre que Feng Han. Un nobliau déchu qui avait louvoyé dans les hautes sphères de la politique de Kanokuni mais qui avait choisi le camp des perdants. Dans un sens, nous avions beaucoup en commun car si je devais aujourd’hui quitter le pays en vitesse, c’était justement que le camp que je servais autrefois s’était fait évincer.
J’ignorais ce qui amenait un renégat dans cet entrepôt mais ce que je savais c’était que mon temps était limité. J’allais devoir me débarrasser du bougre le plus vite possible.
J’affichais mon sourire le plus charmeur avant de lui adresser une courbette emplie d’humilité et d’obséquiosité.

Cai : “Je suis navré de vous importuner, ô noble fonctionnaire. L’humble magasinier que je suis a été chargé de mener un inventaire. Le nouveau régime souhaite disposer d’une vision claire des trésors de l’Empire. Cependant je ne souhaite point nuire à votre mission. Je vous en prie, venez admirer le trésor de notre nation.”

Oui, approche-toi mon petit nobliau bouffi d’orgueil et lorsque tu me tourneras le dos, je ne manquerais de cisailler cette buche qui te sert de gorge. Le sang bleu coule aussi bien que le commun.
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L’Envol du Dragon

L’entrepôt impérial, comme toute structure de ce type, possédait une organisation centralisée ; c’est-à-dire qu’il n’était autre chose qu’un pur produit de la bureaucratie dont les rouages vieillissants empêchaient toute révolution structurelle. Pour autant, ce qui s’y passait relevait plutôt des fantaisies de son officier préposé. Et de fait, il semblait s’être accommodé des us et des coutumes de la ville : des brutes aux visages patibulaires gardaient, supposément, certains objets inventoriés – si toutefois ils l’étaient. Nul doute que leur présence signifiait que l’entrepôt ne répondait qu’en partie aux attentes du pouvoir ; l’autre partie paraissait avoir été galvaudé pour le profit de quelques brigands. Faux-semblants et tromperies, encore une fois mais il restait à savoir si le fonctionnaire agissait sous la contrainte ou au contraire facilitait une telle entreprise. La Cité Rouge n’y coupait guère, elle fonctionnait sur une base similaire quoique les manières y furent plus civilisées et moins criantes de brutalité. Alors, Haoyu ne s’en souciait que peu : il les garderait à l’œil.

Feng lui donnait un maroquin quelque peu usé par le temps dans lequel y était retranscrit un inventaire extensif des matériaux entreposés, dont le matériel militaire : la cible de son oncle. Il jetait un œil curieux sur les différentes colonnes, prit le temps de paraître circonspect à la mention de quelques objets – comme n’importe quel fonctionnaire le ferait pour se donner l’air sérieux et intègre – et, alors que Feng s’éloignait, Haoyu dit d’un air impérieux :

« J’imagine que ce coin ne paraît pas sur le registre. Présumons que vous ayez une autorisation, je n’ai pas le temps de m’y intéresser. »

Les joueurs de cartes, ces coupe-jarrets, apparaissaient suspendus aux lèvres de l’onirocrite – ce qui ne manquait pas de l’amuser autant que de le flatter, il aimait donner spectacle et il se plaisait dans le rôle de l’officier imbu – et se détendirent aussitôt Haoyu partit. Un dernier coup d’œil vers le petit groupe lui indiquait que la partie reprenait malgré les quelques murmures peu amènes qu’ils s’adressaient, circonspects et inquiets de la présence de fonctionnaires impériaux. « Inutile de m’en soucier, ils ne me poseront aucune menace particulière si je ne m’aventure pas à les voler… »

Suffisamment éloigné, Haoyu sortit sa pipe et bourra la cupule d’un madak plus léger que les autres. Il lui fallait répondre à l’envie qui lui soulevait le cœur avec force. La faible dose ne devrait pas le rendre apathique mais, au contraire, l’exciter raisonnablement afin de contrevenir aux quelques ersatz de peur qui lui saisissait les entrailles. La pipe allumée, délicatement coincée entre ses lèvres, il se laissait déambuler dans les allées et contre-allées du titanesque entrepôt. « Un si grand endroit est bel et bien l’endroit parfait pour qu’un larcin passe inaperçu. Mon oncle est donc décidément ingénieux ! » Au fur et à mesure que son madak se réduisait par la prise de bouffées rapides et expertes, la mule se chargeait de quelques biens onéreux empruntés à différentes catégories : équipement naval, pièce d’armure, médailles… L’oniromancien se concentrait davantage sur les capitaux de petite taille et d’importance modérée au lieu de subtiliser artefacts et reliques trop riches pour ne pas éveiller les soupçons. Lorsqu’il vit que la mule ne pourrait supporter la cupidité croissante de son propriétaire, il décida de rejoindre son oncle : et il était persuadé de savoir où il se trouverait.  
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L'Envol du Dragon


L’individu qui se trouvait dans la rangée AF ne semblait pas être un individu travaillant dans l’entrepôt. Pourquoi cela ? Car à peine avancé vers lui, Feng aperçut un bout de tissu replié devant les yeux de son interlocuteur. Un aveugle ? Non. Au vu de la manière dont il avait traité la caisse, cela ne faisait pas sens. Peut-être un malvoyant alors. Sans se départir de sa méfiance, le Han écouta ce dernier justifier sa présence aussi avant qu’il ne lui présente ensuite le trésor que Feng était venu chercher. A la vue de ce bijou de métallurgie, il ne put qu’avancer de quelques pas intrigués. La lame scintillait comme dans le souvenir qu’il en avait, effilée comme la plus dangereuse des armes blanches. Marquant son prochain pas d’un sourire avenant, il répondit à l’homme qui venait de lui parler.

« Une bien noble tâche que voici. Faîtes-bien attention à ne pas vous couper sur cet objet illustre. Il s’agit d’un des plus beaux trésors de l’Empire. »

Et voilà qu’un quelconque magasinier vient l’observer pour un inventaire, parmi tous les articles luxueux disposés dans l’entrepôt. La ficelle était un peu grosse d’autant plus qu’il avait utilisé la même et que, connaissant les rouages impériaux, il n’y avait aucune chance de double contrôle sur ce site le même jour. Quelque chose de louche collait donc à la peau du personnage qu’il avait en face de lui. Voleur, cambrioleur, pirate ? Tout était possible mais pour s’en prendre aux Chinjao, il fallait un orgueil démesuré ou alors une certaine dose d’inconscience. D’autant plus que le trouble individu venait de lui adresser un salut d’étiquette bien trop poli et précieux pour un simple magasinier d’entrepôt. Se rapprochant de lui sans marquer de ralentissement, le Han fit en sorte que ses mains ne quittent pas trop la proximité de la poignée de son épée, de sorte à pouvoir réagir rapidement si le voleur supposé tentait de le transformer en brochette. Tendant les mains vers la guandao pour la recevoir, il dit :

« Elle est aussi belle que dans mon souvenir. Et regardez ces incrustations d’or et de jade. Un véritable bijou. »

Se tournant volontairement pour observer la lame à la lumière des hautes et fines ouvertures qui éclairaient faiblement le lieu, le Han se raidit d’avance dans l’attente de l’assaut qui ne manquerait pas de le cibler. Son expérience de ce genre d’évènement lui donnait un avantage discret. Il savait que le coup porterait sans doute sur la partie haute de son corps. D’instinct, un tueur chevronné visait la tête ou le cœur. Les reins n’étaient qu’une option alternative peu envisageable, surtout à cette distance. Le futur lui donna raison quand un bruissement de tissu démarra vers le haut de son corps. S'arquant en avant, le Han fit glisser le manche de la lance dans sa main et la planta dans le torse de l’individu qui croyait le prendre par surprise. Dans un monde idéal, il aurait frappé en plein thorax pour couper le souffle de son adversaire mais celui-ci, par chance ou par habitude, avait amorti le coup en orientant son buste à la perpendiculaire du coup. La force de Feng lui permit cependant de creuser un écart de quelques mètres avec son adversaire, lui donnant la portée idéale pour se servir de l’exceptionnelle arme qu’il avait dans les mains. La posture qu’avait choisi son adversaire minimisait la surface d’attaque pour les coups d’estoc de Feng et, étrangement, aucun échange verbal n’eut lieu entre les deux personnes. Son adversaire était un professionnel. Ses quelques réactions venaient de confirmer cela au Han et il n’avait plus l’ombre d’un doute. La manière dont il lui bondit dessus à mains nues pour tenter de porter une demi-douzaine de coups ultrarapides et d’autant plus précis faillit le déstabiliser mais ses réflexes martiaux prirent le dessus et le Han manqua de peu de cisailler en deux parts égales son adversaire sur une contre-attaque aussi vive que sournoise. Les deux hommes se toisaient en silence et tous deux savaient qu’ils en avaient encore sous le pied. Le souci ? Ils semblaient tous les deux déterminés à ne pas se faire repérer. Intrigué par ce dangereux adversaire venu importuner ses plans, Feng se demanda où se trouvait le jeune Haoyu et s’il avait pu récupérer d’intéressants objets avant que leurs échanges ne reprenne. Il allait devoir régler ça vite et bien.


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Je ne m’étais pas trompé, il s’agissait bien de l’homme qui avait naguère conduit des armées au services du pays. Malheureusement pour moi, le soldat de métier ne semblait rien avoir perdu de sa dextérité martiale malgré sa déchéance. Non seulement le bougre avait déjoué mon coup surprise tout en me repoussant mais après un bref échange il avait manqué de peu de me trancher en deux.

La situation puait pour mon joli derrière. Il était le genre d’adversaire qu’il valait mieux tuer dans un guet-apens avec du poison par exemple. Affronter un guerrier de profession et qui plus est réputé, était pour le moins risqué et je ne me donnais pas gagnant au vu des réflexes du bonhomme.  

Je balayais rapidement la pièce du regard tout en maintenant une distance de sécurité, il me fallait quelque chose, une idée, n’importe quoi pour me sortir de cette situation. Je pouvais toujours m’enfuir mais sans cette arme, je retournais au point de départ, coincé dans ce foutu pays et sans le sou avec la menace de la Révolution se resserrant autour de moi. J’eus soudain un déclic au détour de cette réflexion.

Cai : “Je dois dire que les rumeurs ne vous rendent pas suffisamment grâce seigneur Han. Vous êtes bien plus redoutable en vrai que lorsque l’on m’a conté vos exploits. Néanmoins, c’est une pitié de voir un homme de votre acabit réduit à se faufiler dans un entrepôt tel un voleur.”

Je lui offris un sourire espiègle tandis que ses traits se resserraient sous la pique.

Cai : “J’avais cru comprendre en effet que les affaires de votre famille tournaient mal mais je suis surpris de vous voir voler dans les trésors de l’Empire. Espérez-vous donc sauver ce qui peut l’être du patrimoine national ? A moins que vous n’ayez besoin comme moi de quelques monnaies sonnantes et trébuchantes en ces temps difficiles ?”

Je laissais mes dernières paroles faire leur office pour mieux analyser sa réaction. Comprendre ce qui le poussait à s’infiltrer ici. Après tout, le conflit n’était pas la seule solution, je pouvais me le mettre dans la poche et qui sait partager mes gains tant que j’avais assez pour m’offrir un billet hors de ce trou.

Cai : “Vous savez seigneur Han, je puis vous faire rencontrer d’éminents marchands aussi discrets que bien pourvus, qui pourraient offrir un prix des plus honorables pour cette arme.”

??? : “Je ne crois pas que vous sortirez vivant d’ici !”

La voix résonna dans l’entrepôt tandis qu’un homme de haute stature en armure surgissait d’une porte excentrée de la vaste pièce. Le nouveau venu portait également une guandao et il était accompagné par une dizaine de gardes qui prirent aussitôt le parti de nous encercler.

L’homme me disait quelque chose, sans doute avais-je déjà vu son visage mais trop brièvement pour que je m’en souvienne. Cependant il transpirait également l’expérience martiale et son regard me disait trop qu’il se complaisait d’avoir attrapé deux souris avec lesquelles il allait pouvoir s’amuser.

Cai : “Seigneur Han, peut être pourrions-nous reporter notre désaccord à plus tard ? Je n’ai pas le plaisir de connaître notre nouvel ami mais mon petit doigt me dit que nous aurions tout intérêt à coopérer pour nous en sortir vivant.
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Tandis que certains se préoccupaient de dérober des biens de manière plus ou moins subtile pour remplir une cale de navire, une silhouette filiforme se glissait lentement vers le port à l'insu de tous. Non pas pour prendre part à un quelconque larcin mais pour rentrer par effraction à bord d'une bateau sécurisé. Ce qui était tout de même bien mieux.

Et si s'infiltrer quelque part n'était d'ordinaire pas une grande difficulté pour l'Homme-Poisson, la douleur qui lui transperçait le flanc rendait la chose plus difficile. La couture de fortune qu'il avait improvisé peinait à maintenir la plaie fermée et chaque pas tirait sa peau un peu plus. Il avait besoin d'un endroit calme pour prodiguer de véritables soins et laisser son corps récupérer mais il était convaincu que chaque minute passée sur le territoire de Kanokuni représentait un danger...
Il avait certes épargné la vie de son maître mais il doutait que ce vieil aigri fasse preuve de la même clémence après pareille humiliation... Et même si Liu ne se mêlait de rien, il ne savait que trop bien comment les gens de ce pays percevaient les membres de son espèce. Ojom n'avait aucune envie d'être le monstre de l'autre côté d'un trident et d'une foule en colère. Il devait partir. Et pour cela il utiliserait la même méthode qui l'avait amené ici en premier lieu : Il lui fallait un navire.

Il avançait depuis en direction du port, sentant la fièvre qui embrumait ses pensées. Combien de temps s'était écoulé depuis sa fuite du palais ? Quelques heures ? Quelques jours ? Il n'en était pas certain... Il se souvenait avoir plongé dans les douves et s'être laissé porter par le courant. Après quoi il avait du perdre conscience car lorsque ses yeux s'étaient ouverts de nouveau il était au fond d'un lac. Et il avait une faim de loup.
Quoi que puisse être la véritable durée de son sommeil, il avait l'impression d'être tout juste sorti de la mêlée. Les hurlements de douleur des soldats bourdonnaient encore dans ses oreilles, tout comme le fracas des lances et le crépitement des flammes. Même l'odeur du sang et de la cendre étaient encore fermement ancrés dans ses narines. Clairement la guerre était chose qu'il valait mieux observer à bonne distance... Et pourtant ce serait mentir que de dire qu'Ojom ne ressentait pas encore les palpitations d'avoir été au cœur de l'action pour la première fois de sa vie. Il ne s'était pas découvert un soudain amour de la violence, loin de là. Mais... Ces sentiments méritaient certainement d'être analysés plus en profondeur. Plus tard. L'instinct de survie venait avant la curiosité, aussi maladive soit-elle.

C'est sous le couvert de l'océan qu'Ojom s'était faufilé sans grande peine jusqu'ici. Maintenant il devait grimper à bord d'un navire sans se faire remarquer et s'y cacher aussi longtemps que nécessaire. Le port était un endroit animé, surtout à cette heure de la journée. Les quais étaient la scène d'un ballet constant de caisses et de tonneaux transportés entre les navires et les entrepôts. Les marins profitaient d'être à terre pour noyer leur ennui dans un verre ou auprès d'une charmante compagnie. Ojom aimait cette ambiance. Elle lui rappelait les humains de passage sur l'île des hommes poissons. Combien en avait-il vu tenter en vain de séduire une sirène ou soufflé par la puissance surprenante de l'alcool à base d'algues ? Il aurait aimé passer des heures à les épier depuis les profondeurs mais la douleur de sa plaie le rappela à l'ordre.
S'il eut peut être été plus prudent d'attendre la nuit, la foule abondante avait paradoxalement plus de chance de distraire les gardes. Peu s'attendaient à un intrus arrivant depuis les flots après tout.

*Il me faut un navire de bonne taille...*

Une embarcation trop petite n'offrirai pas assez de cachettes et il avait déjà fait l'expérience d'être capturé et vendu par un équipage. A l'inverse, s'il montait par erreur sur un bateau appartenant à un haut dignitaire de l'Empereur, il y aurait des soldats partout.
Après avoir passé en revue ceux actuellement à quais, il y en eut un qui attira son attention. C'était une fière coque de noix, avec une soute suffisamment large pour abriter un cargo conséquent mais qui ne semblait pas avoir assez d'espace de vie pour un équipage nombreux. Surement la propriété d'un marchant. Ce qui voulait dire une montagne de marchandises qui étaient autant de recoins sombres où l'Homme Poisson pourrait se fondre.
Approchant du bâtiment marin depuis les flots, Ojom observa en silence les allées et venues sur cette partie des quais jusqu'à trouver un trou dans la surveillance. Rapide comme une anguille, il s'empara de l'échelle de corde. En un battement de cil il était déjà sur le pont. Pas le temps d'admirer le paysage, le requin des abysses plongea en toute hâte vers les niveaux inférieurs, priant silencieusement pour que personne ne remarque les traces mouillées qu'il laissait dans son sillage.  



Dernière édition par Ojom le Mar 26 Mar 2024 - 14:42, édité 1 fois
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L’Envol du Dragon

Flânant en marchant dans les travées de l’entrepôt, l’oniromancien ne se dépêchait aucunement de rejoindre son oncle : l’odeur âcre de sa pipe collait à ses vêtements et il ne voulait guère une énième remontrance acerbe de la part de son oncle. Il lui vint alors l’idée de raccompagner le chargement aux portes afin de sécuriser les mal-acquis puis de rejoindre son coreligionnaire. Il repassait ainsi devant les malfrats à qui il adressa un salut rudimentaire et, la pipe de nouveau dissimulée dans les plis de ses vêtements, ramena le chariot aux portes, enquit un garde en livrée de messager et lui paya une somme coquette afin de diriger le chariot jusqu’au navire des Han. Ceci étant fait, il retournait sur ses pas, sifflotant de contentement et l’esprit quelque peu grisé par les effets thébaïques de son doux secret. De retour dans l’entrepôt, il filait droit vers la rangée qui abritait les espoirs de son oncle, une lame ancestrale et chargée d’histoire autant que d’un profond symbolisme impérial dans l’esprit de Feng. Tout dans cette arme avait de quoi nourrir une ambition effrayante pour celui qui se sentait dépossédé de son droit ; un droit inaltérable, immarcescible. Haoyu savait pertinemment qu’une telle obsession pour la gloire passée provoquait chez les Hommes un sentiment particulier, sauvage, incontrôlable qui en emmenait de nombreux sur un chemin scabreux. En vérité, il se sentait attiré par une telle voie aussi mais nullement une voie qui lui était propre. Non. Une voie où il agirait telle une bougie éclairant la ténèbre des songes de son aïeul. Peut-être était-ce un phantasme de s’imaginer pasteur guidant le troupeau mais il ne pouvait s’en empêcher. La symphonie des Han résonnait en un psaume entraînant : le glaive de Feng s’unirait à la fumée d’Haoyu pour construire le monde qui surgira de la cendre.

Perdu dans ses pensées, il en sortit brutalement en même temps qu’il se cognait dans un garde au détour d’une travée. Surpris, il voulut houspiller l’étourdi qui eut osé s’en prendre physiquement à un officier impérial mais il préféra se taire. Autour de son oncle et d’un inconnu dont le chiffon ceignant ses yeux indiquait une infirmité évidente se trouvait une poignée de gardes menée par un commandant à la tranquillité martiale. Evidemment, il ne pouvait plus compter sur une quelconque discrétion pour échapper à la violence des gardes ; il ne connaissait que trop bien la cruauté sauvageonne dont ils étaient intimement capables. A cette pensée, son corps se raidit de crainte et d’une appréhension presqu’enfantine : les souvenirs de son exil depuis la Cité Rouge le hantait quelque peu encore.

Néanmoins, la présence de l’ambroisie azurée dans ses vaisseaux sanguins, dans ses poumons et l’effervescence intellectuelle qu’il ressentait de par les effets du madak consommé lui donnait une idée terrible. Une vengeance des plus viles sur le substrat inconscient de son péché. « Vous agissez ainsi, sans gloire ni honneur. Alors… Le soleil se couchera à l’horizon de vos vies plus tôt que vous ne l’avez appréhendé. » Et il frappait de toutes ses forces sur l’arête du nez du garde le plus proche tandis qu'il se jetait corps et âme dans un pugilat féroce.
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L'Envol du Dragon


La journée allait de mal en pis. Tout d'abord son adversaire le connaissait. Ce n'était pas une information bien importante mais une certaine curiosité s'était emparée de lui quand on avait fait mention de son nom. Ajouté à cela que l'homme en face de lui semblait avoir besoin d'argent d'après ses dires et cela créait un cocktail détonant que venait de se prendre en pleine poire l'ex-patriarche des Han. Bref, une situation épineuse se présentait à lui et, pendant que son opposant lui offrait de l'introduire auprès de marchands pour revendre son arme, chose que Feng aurait fait de bien meilleure manière de son côté, voilà qu'une autre péripétie venait le heurter de plein fouet.

Une voix rauque et grave monta d'une des coursives de l'entrepôt et lui glaça le sang. La dernière fois qu'il l'avait entendue sur ce ton, c'était en 1609 à sa sortie de l'académie militaire. Pour le briefing pré-diplôme qu'il leur avait servi. Ou plutôt le sermon stupide selon lequel malgré toutes ces années d'entraînement ne leur serviraient pas dans la vie car ils étaient des moins que rien. Cette voix était celle du commandant Chen à n'en pas douter. Une ordure de la pire espèce qui avait pris grand soin à faire vivre à sa promotion un calvaire pendant ses cinq ans à l'académie. Capable de briser une recrue pour s'amuser, le commandant n'était qu'un de ces grouillots en milieu voire fin de carrière qui n'avait pas eu la possibilité de s'élever par faute de vertus ou de médailles. Il avait été mis au ban de toute activité en lien avec les recrues une fois que Feng avait récupéré son poste de maréchal, le faisant muter par un jeu de services rendus à l'autre bout du pays. Et il était apparemment de retour. Avec nombre de soldats au vu des bruits de bottes militaires qui piétinaient non loin.

Il allait falloir réagir vite car il se retrouverait pris dans la nasse sinon. Le voleur en face de lui sembla avoir la même idée en lui proposant de coopérer temporairement pour se sortir d'ici. L'idée paraissait louable si ce n'est que sur ces entrefaites surgit le neveu de Feng comme un cheveu en pleine soupe. Les gardes s'étaient raidis et semblaient surpris par l'attitude étrange du jeune homme qui, comme pris d'une frénésie brutale, se jeta dans la mêlée avec la férocité d'un fauve. S'il avait pu réfléchir quelques secondes, Feng aurait sans doute suspecté chez le membre de son sang un usage de l'opiacé dont il était si friand. Sauf qu'il n'avait pas le temps ni mêle le loisir d'articuler une pensée dans cette direction. Il leur fallait se tirer d'ici car, là par contre il s'en doutait, les pirates ne tarderaient pas à débarquer. Des pirates au service des Chinjao de surcroit. Il fallait qu'ils décampent fissa d'ici voire même de l'île.

« Bien. Reportons , déclara Feng à l'individu aux yeux bandés. Je vous serais gré d'ouvrir la voie. Nous pourrons discuter de cela dans un terrain plus calme. Haoyu tu as pu terminer ce que nous étions venu faire ?»

D'un mouvement de guandao, Feng expulsa trois gardes un peu trop près de lui, se gardant bien d'offrir une ouverture à l'homme qui se présenterait plus tard à lui sous le nom de Qin Shi Cai. Ce dernier allait pouvoir foncer dans la trouée que Feng venait d'ouvrir. Avec ses prouesses martiales, il aurait tôt fait d'ouvrir le chemin vers la sortie. Ou peut-être l'entrée qu'il s'était ménagée pour venir jusqu'ici. Quoi qu'il en soit, ils allaient surtout essayer de s'en sortir vivants. Un rugissement rauque attira l'attention du Han tandis qu'il para de justesse un violent coup de masse avec la hampe de son arme. La violence de l'impact le fit valser jusque dans une caisse en bois qui se fracassa sous son poids.

« Alors Han, on fait dans le cambriolage maintenant ? J'aurais tout vu hak hak hak. Je vais me faire un plaisir de te massacrer en l'honneur du bon vieux temps. »

L'animal n'avait pas changé. Le même rire hoqueteux, la même armure noire de suie, un regard de sanglier furieux et un sourire torve. A cela près que le coup qu'il avait porté à Feng avait paru plus léger que dans son souvenir. Après tout, Feng n'était plus le jeune adulte de jadis. Il était l'ex-maréchal Feng Han, l'un des plus fiers défenseurs de l'Empire. Evitant un second coup de masse accompagné d'une gifle oblique, Feng frappa du bout de son arme sur l'armure pour gagner un peu de distance. La lutte autour de lui paraissait intense mais il devait parer les assauts continus du commandant. Au bout de quelques parades un peu trop intenses, il perçut une ombre frapper le commandant dans le dos avec la rapidité d'un assassin. Le coup n'était pas mortel mais il avait laissé une ouverture flagrante dans les attaques jusqu'ici ininterrompues du buffle en face de lui. Saisissant l'opportunité qui se présentait à lui, le Han frappa de toutes ses forces dans un des piliers qui soutenaient les marchandises stockées en hauteur dans l'entrepôt. Son coup de poker paya car une des piles de marchandises s'écroula littéralement sur son adversaire qui ne put lâcher qu'un "Putain" sonore.

« Courez ! »

Le temps était venu de fuir.


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Tout devenait confus dans l'entrepôt mais cela ne me déplaisait pas, la confusion était un atout dont je me délectais. Peu après l'irruption de ce qui semblait être un allié de Feng Han, les hostilités commencèrent lorsque ledit allié se jeta à la surprise générale sur un des gardes et commença à le massacrer consciencieusement. Aussitôt, les gardes se précipitèrent sur lui tandis que d'autres restaient ballant à hésiter entre se jeter sur moi ou aller prêter main forte à leurs camarades pour maitriser le fou furieux.

Je profitais de cette hésitation pour disparaître derrière un jeu de caisses tandis qu'une poignée de soldats se lançaient dans les dédales de stockage pour me retrouver. Perdus entre les piles de malles et autres reliquaires, je me faufilais depuis leurs angles morts pour frapper les parties vulnérables de leurs armures. Ici la gorge, là le talons... De ceux qui s'étaient lancés à ma poursuite, aucun ne regagna les vastes travées dégagées de l'entrepôt.


Du sommet d'une colonne de caissons, je distinguais la scène en contrebas. Les deux colosses militaires s'échangeaient des coups de Guandao faisant vibrer l'air tandis que plus loin, le jeune fauve semblait crouler sous les assauts de la soldatesque. Ces mêmes guerriers qui en étant totalement focalisés sur leur cible en devenaient d'autant plus vulnérables.
Sans attendre je bondissais pour atterrir à l'arrière du groupe et commencer un macabre écrémage.

Je parvins à en neutraliser plusieurs jusqu'à ce qu'ils pivotent pour me faire face et essayent de m'encercler.
Je n'étais pas sans manquer d'échappatoires, cependant j'avais déjà une délicieuse idée. Plus loin derrière moi se trouvait le duel opposant le commandant à Feng, malgré son adversaire je ressentais bien que le vétéran qu'affrontait mon allié opportun ne relâchait pas sa garde et restait attentif à toute embuscade.
Je laissais les gardes m'acculer, me refouler lentement à coup de lances m'égratignant toujours plus profondément à chaque attaque.

Le mouvement presque naturel me permit de déjouer l'attention du commandant en entrant dans son champs sans déclencher de réaction. Un violent échange le poussa à se dévoiler toujours plus alors qu'il multipliait les assauts contre Feng. Je dévoilais l'espace d'un instant un croc carnassier face à l'ouverture qui m'était enfin donnée.
En faisant mine d'échapper à l'assaut d'une lance visant ma gorge, je me projetais vers l'arrière puis pivotais prestement tout en concentrant la force du mouvement dans un poing qui s'enfonça dans les côtes de l'officier. L'art antique du hasshoken fit ricocher l'impact à travers son armure et  sa chair jusqu'à le faire ployer un bref instant. L'instant de trop qui permit à Feng de lui asséner un choc terrible qui l'envoya valdinguer dans un monticule de marchandises. Les biens s'effondrèrent sur le malheureux et les hommes qui pensaient m'avoir maitrisés.

L'heure était venue de s'enfuir mais des bruits de course venant d'au-delà des entrées m'indiquaient que des renforts confluaient vers nous. D'un geste, je me tournais vers l'escalier menant aux niveaux inférieurs par lequel j'étais arrivé.
Cai :" Si vous voulez vivre, suivez moi !"

Nous nous enfoncions dans les entrailles du bâtiment, quelques pirates Chinjao tentaient de s'interposer mais ils étaient balayés tels des fétus de paille par notre force commune. Néanmoins la horde à notre trousse se rapprochait.

Nous débouchâmes au pas de course dans la cave humide où se trouvait le mur de briques en ruine qui donnait sur les égouts. Je m'y engouffrais sans une once d'hésitation.
Cai :" Les égouts sont un vrai labyrinthe, nous pourrons les semer ici."

Il ne fallut guère plus que dix minutes à crapahuter dans les souterrains putrides de Jing pour entendre les cris se faire plus distants jusqu'à s'évanouir en une rumeur lointaine dans l'obscurité.
Alors que nous reprenions notre souffle, mon regard glissa subrepticement vers l'arme que tenait fermement le seigneur Feng.

Cai : "Je pense que nous sommes en sécurité désormais et je crois que vous m'êtes redevable seigneur Han. Je m'appelle Qin Shi Cai et je ne désire rien de plus qu'une humble part du butin afin que je puisse quitter ce pays qui ne m'est plus si hospitalier."
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L’Envol du Dragon

L’observance érémitique de la mystique oniromancienne n’avait jamais empêché le jeune Haoyu d’apprécier l’art moins empreint de merveilleux qu’est le pugilat. Et nonobstant le physique gracile du triste rêveur ses coups pouvaient causer une souffrance adéquate en cela augmentée par la technique et par la sauvagerie thébaïque. Par chance, son premier assaut brisa l’arête nasale de son adversaire improvisé qui s’effondrait alors, inerte, le visage brouillé par le sang noirâtre qui s’écoulait en de grotesques caillots. Cela ressemblait étrangement à ce genre de rêverie que les gens font parfois : le visage d’un allocutaire dont on ne peut se rappeler les traits mais qui nous semble si familier, bien que ceux-ci nous échappe. L’onirocrite de Kanokuni n’eut pas le temps toutefois de s’émerveiller d’une telle vision hypnotique et se relançait dans le brouillard de la guerre. Il ne savait guère ce qui le poussait à se comporter ainsi si ce n’est peut-être le dégoût de sa propre personne qui l’inhibait ou encore la drogue azurée qui le désinhibait. Les coups violents s’abattaient sur lui mais il échappait grossièrement aux plus dangereux ; à vrai dire, il ne s’étonnait même pas de ses réflexes puisqu’ils étaient comme augmentés par la haine de sa propre personne qui l’amenait à ignorer l’urgence métabolique lui indiquant de se replier. Nul doute que le rendu extérieur le desservait. L’ivresse du combat et consommation de l’opiacé devait déformer ses traits de la plus vilaine façon mais cela il n’en avait cure ; il préférait voyager dans un rêve bleuté où la fluidité de ses mouvements rappelait les maîtres d’antan. La réalité ne l’avait jamais intéressé alors il ne se souciait pas de ce que pouvait percevoir son oncle et cet étrange étranger.

La paralysie temporaire du commandant sonnait le glas du combat et l’hallali de la fuite. Haoyu emboîtait le pas de son tuteur sans regard en arrière, encore grisé par l’adrénaline abrutissante qui se déversait avec fureur dans ses veines. Il souriait stupidement, plaquant sur ses traits un masque tordu et fiévreux : le visage d’un hystérique. Il courait volontiers malgré la fatigue, le souffle de plus en plus court, les membres en feu, échangeait quelques coups à l’aide de sa pipe à opium contre des pirates malintentionnés jusqu’à ce que l’étranger stoppa la troupe improvisée et solidaire dans la mésaventure. Il réalisait alors qu’ils crapahutaient dans des égouts et fit la moue ; c’est-à-dire qu’il n’aimait que trop peu les endroits salissants et grossiers.

« Excusez-moi, cher oncle, je ne pouvais pas vous répondre au vu de la cacophonie mais maintenant je le peux. J’ai bien accompli la mission que vous m’aviez donnée. J’ai craint le pire en ne vous voyant pas revenir alors j’ai décidé de me joindre à vous. Je vois que vous vous êtes fait un ami des plus originaux… »

Haoyu prit enfin le temps d’observer l’énergumène. Un bandeau de malvoyant, une grande taille (il l’estimait à sept pieds de haut au maximum), un aspect manifestement musculeux dans la souplesse et la précision, un tatouage que l’oniromancien qualifierait volontiers de grossier parachevait une image de bandit, de rat d’égout – en cela aidé par le contexte. En somme, il ne lui trouvait que des défauts et il espérait que cet allié de circonstance ne deviendrait pas un de ces chats de gouttières que son oncle s’enticherait de conserver à ses côtés pour des raisons obscures de bonté.  

« Je me prénomme Haoyu, neveu de Feng. Quémander ainsi une part de notre juste rétribution me paraît osé. N’est-ce-pas mon oncle ? »
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L'Envol du Dragon


A la grande surprise de Feng, le voleur venu par les égouts sembla trouver son chemin dans la fange et il les emmena bien rapidement à l'abri. Peut-être Feng aurait-il dû le déposer là et lui asséner un coup fatal mais son instinct lui intima le contraire. Cet homme cherchait à quitter le pays. Le Han et son neveu devaient faire de même désormais. Embarquer une part des possessions des Chinjao revenait à tirer un trait sur toute possibilité de prospérer sur l'île, d'autant plus que leur navire était situé sur un embarcadère également détenu par les corsaires. Résolu, le Han compris qu'il fallait donc quitter l'île qui l'avait vu naître. Plus tôt que prévu certes mais ils n'avaient plus le choix. Golden Hand allait leur faire donner la chasse. Emergeant des brumes opiacées, Haoyu sembla confirmer ses dires en déclarant que le convoi de produits dérobés avait bien quitté l'entrepôt. Vu le temps qu'ils avaient mis lors du combat, son majordome devait déjà faire charger les marchandises sur le Bai Laohu. Ils n'avaient donc qu'à appareiller.

« Ce n'est pas faux Haoyu. Troquez donc le butin pour une carte de sortie du pays Qin , trancha Feng. Je peux vous faire partir de cette île dès ce soir si vous nous faîtes déboucher sur le port. A l'heure qu'il est, la marchandise volée doit être chargée à bord de mon navire et je ne peux pas me permettre de vous laisser partir. Venez donc avec nous. »

Serpentant dans les boyaux lugubres, la mauvaise troupe arriva bien vite à une grille défoncée caractéristique des opérations contrebandières du coin. Ils venaient d'arriver non loin du port, non sans s'être teintés d'une souillure bien odorante. En moins de temps qu'il ne fallut pour le dire, ceux-ci se trouvèrent sur les quais attenants au ponton du Bai Laohu. Peng, le majordome de Feng, venait de renvoyer les porteurs en charge de l'embarquement des marchandises et il les accueillit avec une certaine nonchalance. Un heureux coup du sort. Faisant monter à bord tous les infortunés cambrioleurs, le Han laissa à son majordome le soin de s'occuper du nouveau venu à bord, lui permettant de s'installer dans la cale tandis qu'il en profita pour se changer, troquant les vêtements ornés couleur rouge et odeur merde contre une armure impériale de bonne facture.

« Messieurs, je crois qu'il est grand temps de mettre les voiles ! »

Sans ajouter un mot, il entreprit de relâcher les voiles du navire, demandant à Peng, Haoyu et Qin de l'aider à appareiller. S'installant à la barre, il se mit à diriger le navire vers la sortie du port. Sans doute le chargé de surveillance de la capitainerie trouverait-il bizarre qu'ils partent si vite. Sauf que Peng lui indiqua qu'il avait déjà fait le nécessaire. Leur départ ne paraitrait donc pas louche et ils n'auraient pas à couler une frégate Chinjao en sortie du port. Ouf.
Quinze minutes plus tard, le Bai Laohu voguait sur les flots, sans autre but précis que de s'éloigner au plus vite de l'île.
En la voyant rétrécir petit à petit, Feng Han était loin de se douter qu'il n'y remettrait pas les pieds avant quelques années. Aussi son cœur ne se serra pas autant que ce qu'il aurait dû en de telles circonstances.

Il partait à l'aventure.


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Ojom n'eut aucun mal à se faufiler dans la cale. Toute l'attention des quelques employés qui vagabondaient encore sur le navire, les bras chargés de caisses, était entièrement tournée vers la fin imminente de leur service. Ils n'avaient d'yeux que pour le verre d'alcool et la couche douillette qui les attendaient une fois la livraison achevée et n'avaient que faire d'une ombre fugace dans le coin de leur champ de vision.

Les niveaux inférieurs du navire étaient chargés à en déborder. Le requin des profondeurs n'aurait pu espérer de meilleures conditions. Les murs de caisses attachées les unes aux autres formaient un dédale où les recoins sombres étaient légion. Imitant les rats, l'Homme-Poisson rampait à même le sol, profitant de chaque opportunité pour s'enfoncer plus profondément sans être vu, serpentant de cachette en cachette. Le risque d'être repéré et jeté de nouveau en cellule, ou pire, exécuté sur-le-champ, pesait lourd dans l'esprit du passager clandestin. La morsure de l'acier dans sa chair, la poigne glacée des chaînes... Leur souvenir lui arrachait des frissons.

Ce n'est que lorsqu'il repéra enfin un endroit qui lui semblait adéquat qu'il sentit ce fardeau s'alléger. Avec l'empressement d'une bête apeurée, Ojom se faufila dans un petit espace entre deux piles qui s'étendaient jusqu'au plafond. Ce trou n'avait rien de confortable... C'était tout juste assez large pour son physique élancé et s'asseoir était hors de question. Mais au fond, il préférait les choses ainsi. S'il était heureux d'être sorti de sa cage, la vérité était que les espaces trop larges mettaient encore un peu mal à l'aise le requin noir. Il s'y sentait trop exposé, comme un rongeur à la merci d'un faucon. Une demi-décennie dans une cave n'avait pas aidé son agoraphobie.

L'Homme-Poisson reposa son dos contre le fond de sa cachette et un soupir de soulagement franchit ses dents fines comme des aiguilles. Une pause, enfin. Personne n'irait vérifier un endroit pareil, même un enfant ne se risquerait pas à se faufiler ici. Le passage était compliqué et la position était inconfortable au possible. Pire encore, si une vague venait à faire glisser les caisses autour de lui, il finirait écrasé comme un insecte. Fort heureusement, il avait eu tout le temps de sentir les courants avoisinants en se rendant ici. Il était confiant que la mer serait d'huile pendant encore un petit moment. Assez pour aviser de la suite des opérations en tout cas.

Gargblrgblbl

Oh. En parlant de la suite des opérations... Il n'avait rien avalé depuis son évasion. Maintenant que sa survie n'était plus en danger immédiat, les gargouillements de son estomac le ramenaient à une réalité bien plus terre à terre. Et cette délicieuse odeur saline qui lui chatouillait les narines... Elle provenait de la caisse juste sous son nez. Ses griffes glissèrent le long du bois épais.

*Est-ce bien prudent ?*

La raison indiquait que le choix prudent était d'attendre sans faire de bruit. Mais la faim avait tendance à écraser de telles considérations. Ojom n'entendait plus les va-et-vient des employés et maintenant qu'il l'avait reniflé, le fumet de la nourriture était une torture qui lui tordait les intestins. Tant pis pour les précautions. La position n'était pas idéale pour armer un coup mais ce n'était pas une caisse qui allait résister à ces 5 dernières années d'entraînement assidu. Les grands maîtres du karaté auraient honte de voir leur art utilisé pour un larcin aussi risible. Qu'ils aillent se faire voir. Le poing fermé du requin des abysses s'enfonça dans le bois usé comme si c'était du tofu, ressortant une poignée de poissons saumurés.

La bave aux lèvres, Ojom enfonça ses crocs dans la poiscaille au regard vitreux sans hésiter une seconde. Écailles comme arêtes, il mangeait tout avec l'enthousiasme d'un enfant devant des sucreries. Le goût salé du poisson saumuré cru aurait rebuté la plupart des marins mais pour Ojom c'était le goût de la liberté.

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Le ventre rempli par le fruit de son larcin, Ojom prit un instant pour faire le point sur sa situation. Le navire était plein comme un œuf et d'une bonne taille. C'était sûrement un vaisseau marchand. Tant mieux. Cela ne l'enchantait guère mais s'il venait à être découvert il aurait plus de chance de vaincre des commerçants apeurés que des soldats entraînés.

*Je devrais pouvoir-*

Cette pensée fut interrompue par le bruit des bottes au-dessus de sa tête. Plusieurs personnes venaient de monter à bord. Au moins l'un d'entre eux était un militaire à en juger par sa démarche aussi lourde que régulière. Zut. Avec un peu de chance c'était simplement un garde du corps embauché par le propriétaire ? Raison de plus pour ne pas bouger d'ici.

Soudain Ojom sentit son centre de gravité glisser légèrement. Le tangage régulier du navire était devenu plus rapide, le bruit des vaguelettes s'écrasant contre la coque plus prononcé. Le bateau venait de quitter le port. Le requin se fendit d'un sourire crochu. Chaque seconde qui s'écoulait mettait un peu plus de distance entre lui et sa vieille prison. Adieu maudite cage, puisse-tu ne plus jamais faire partie de sa vie. Son seul regret aura été de ne pouvoir dire adieu à l'unique allié qu'il s'était fait sur cette île maudite.
Ou du moins c'était ce qu'il croyait. Car alors qu'il se laissait aller à l'allégresse du départ, il entendit la voix familière de son bienfaiteur à qui le majordome de Feng Han présentait ses nouveaux "quartiers". Le cœur d'Ojom commença à s'emballer. Était-ce un signe du destin ou un genre de piège trop complexe pour faire sens ?! Non, l'homme qui avait été d'une si grande aide à son évasion n'avait aucune raison de le pourchasser. Mais il ne pouvait pas prendre le risque. C'était plus prudent de faire semblant de rien et de rester planqué. Et... Oui mais la curiosité était si forte. Et Ojom n'avait su résister à l'appel d'un mystère. Il devait savoir. Il devait comprendre.
Lentement l'Homme-Poisson s'extirpa de sa cachette pour jeter un coup d'œil au reste de la cale. Sa voix sifflante murmura en direction de son bienfaiteur.

- Seigneur Qin Shi Cai... ?

Nul doute que la vision des yeux brillants dans le noir d'Ojom, le corps tordu et les crocs barbouillés de restes de saumure était tout à fait ce qu'espérait trouver Qin là maintenant tout de suite.



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