Méria était en colère. Quoique, le terme exact était plus énervée. Porter un uniforme de la marine, dont le grade lui échappait, était déjà un affront pour la supernova qu'elle était, mais pire encore, bien pire, elle avait été contrainte de changer d'apparence. Suite à une visite sur le cadran du pirate de renommée mondiale Reyson, elle avait acheté dans sa boutique phare une petite fiole dont le contenu permettait de de se métamorphoser. Rien que ça. Si le fait de se déguiser ne la dérangeait pas plus que ça, devenir un homme avait été une autre paire de manches. Depuis sa plus tendre enfance, elle les détestait. La Peste avait bien des défauts, mais celui qui ressortait le plus était sans conteste sa misandrie. Elle ne pouvait pas supporter le sexe que l'on disait soit disant fort. Des absurdités pour cette femme forte et sanguinaire. Pourquoi avoir accepté de s'humilier de la sorte dans ce cas ? Tout simplement pour coller au plan qu'elle avait concocté avec Jeyne. Parlant de cette dernière, elle n'était pas loin. Affichant fièrement les trais de Joe Biutag, célèbre membre des Sept connus comme étant la Cupidité incarnée, elle faisait plus vrai que nature. Pour sa part, Méria avait les bras croisés et un l'air furieuse. Dorénavant, elle ressemblait à un homme d'une quarantaine d'années avec une épaisse barbe noire et une calvitie naissante. Au fond d'elle, Jeyne était amusée de la réaction de sa capitaine, mais elle se garda bien de le faire remarquer.
Voguant à pleine allure, les Louves de Givre faisait route vers Tequila Wolf. Connu sur toutes les blues, le bagne était un endroit à part. Entre son climat froid, voire même glacial, et ses ponts interminables toujours en construction, il ne ressemblait à aucun autre endroit. Pour beaucoup, cette prison était le symbole même des dérives du Gouvernement Mondial. Pour Méria, ce n'était qu'un pas de plus vers son objectif. La souffrance des autres ne lui importait pas et elle était notoirement connue pour sa cruauté, il aurait été donc été hypocrite de sa part de condamner la Marine pour l'utilisation de ce bagne. Installées dans le quartiers du capitaine, feu un lieutenant prometteur, les deux comparses se préparaient.
« T'as toujours le plan en tête ?
- Gravé dans ma mémoire.
- C'est mieux. »
Revenant se mêler au reste de l'équipage, les deux dirigeantes à bord donnèrent leurs dernières instructions. Les mines des guerrières étaient basses. S'attaquer de front à une prison de la Marine était une chose dangereuse. Mais plus que tout, elles ne comprenaient pas pourquoi elle agissaient ainsi. Les buts de leur capitaine étaient un véritable mystère pour elles. Malgré tout, elles obéissaient, non par loyauté, bien sûr, mais bien par crainte. Toutes savaient qu'au moindre signe de désobéissance, le supplice de la planche n'était jamais loin. Dans le meilleur des cas.
« Une fois qu'on pose le pied à terre, vous me suivez moi et le plan. »
Toujours remontée, Méria attendait dorénavant avec impatience le moment où elle pourrait commencer à faire couler le sang. Il fallait qu'elle se défoule. Par chance, elle n'aurait plus à attendre très longtemps. À sa ceinture, le den den qu'elle avait volé au lieutenant se mit à sonner. Grâce à lui, elle put converser avec les autorités sur les ponts et expliquer qu'elle venait livrer des pirates qui l'avaient attaqué en mer. Une fois l'autorisation d'accoster reçue, la caravelle entama sa manœuvre d'approche. Le tout dura cependant plus longtemps que prévu, la faite à un brouillard épais qui venait de se lever. Après de longues minutes, le navire toucha quai. Ce dernier se trouvait au pied de l'un des innombrables piliers permettant de soutenir les ponts. Non loin, plusieurs autres caravelles, quelques croiseurs et même un cuirassé étaient visibles. Pas de quoi former une grande flotte, mais suffisant pour représenter une menace. Plissant les yeux, Méria jura dans sa barbe. Une fois la coupée mise à terre, elle descendit du bâtiment. Face à elle, plusieurs soldats vinrent à sa rencontre.
« Vice-lieutenant. »
Se mettant au garde à vous, le plus vieux des quatre, qui ne l'était d'ailleurs pas tant que ça, salua la Peste déguisée en soldat barbu. Marquant un temps d'arrêt, elle jeta un œil à ses galons. Tel était donc son grade. C'était bon à savoir.
« Repos soldat. »
Le sergent, car c'était son grade, tiqua légèrement face à la réponse car c'était l'équivalent pour lui d'une provocation. Malgré tout, il garda son calme.
« Vous n'étiez pas annoncés, je n'ai rien sur le registre de la semaine.
- Les pirates préviennent pas souvent avant d'attaquer.
- Euh... Certes, c'est juste que nous sommes hors procédure. La nouvelle colonelle est assez pointilleuse vous savez.
- J'ai entendu dire.
- Et encore, vous avez même pas idée. Bref, j'aurai besoin de parler avec votre capitaine. Le lieutenant Gray c'est ça ? »
Méria n'avait pas la moindre idée du nom de cet avorton qu'elle avait tué quelques jours plus tôt. Jetant un regard derrière elle, elle scruta la caravelle pendant quelques secondes.
« Oui, voilà, lieutenant Gray. Il est malade.
- Rien de grave ?
- Non, juste une sale grippe. On peut voir ça entre nous ?
- Eh bien, c'est à dire que... En fait non, je dois m'adresser à lui directement. J'ai mes vaccins à jour, je peux aller le voir.
- Non.
- Vice-lieutenant ? »
En un temps record, voilà que la situation échappait à la Peste. Bien sûr, elle avait prévu dès le départ que les choses allaient dégénérer, mais pas forcément aussi vite. Visiblement hésitante, elle regarda tour à tour son navire puis le sergent. Ne comprenant pas grand chose à la situation, ce dernier commençait également à se poser des questions. Après de longues et très gênantes secondes à réfléchir, la pirate haussa les épaules.
« Et puis merde. »
Jouer la comédie ça allait deux secondes. Tirant un pistolet de sa ceinture, elle tira une balle en plein crâne du soldat qui lui faisait face. Interloqués, ses camarades ne réagirent pas assez vite, la faute à l'effet de surprise. Ne faisant pas dans la dentelle, Méria continua sur sa lancée. Dégainant son sabre, elle trancha les gorges des trois autres d'un unique et large coup latéral. Alerté par le coup de feu, un jeune marin qui se trouvait à une vingtaine de mètres donna l'alarme. Malgré le fait qu'elle ait réussi à le tuer, la Peste ne put empêcher le signal d'être envoyé. D'un coup de pied, elle envoya le den den à l'eau. Une fois retournée, elle vit ses guerrières en uniforme déferler hors de la caravelle pour venir se joindre à elle. Il était grand temps d'entrer dans le vif du sujet.
ciitroon
Liberté, Liberté Chérie !