Partout sur les mers du globe, on pouvait trouver de petits îlots inhabités. Certains ne possédaient aucune richesse, d'autres n'étaient pas adaptés à la vie humaine ou bien ils mélangeaient les deux. Parfois, c'était leur taille ridiculement petite qui faisait que personne ne s'intéressait à eux. La destination que prirent les Louves de Givre après le massacre de Suna Land trouvait sa place dans plusieurs de ces catégories. Le Griffe, comme on l’appelait, était une île perdue de South Blue. Ridiculement petite, elle n'était presque qu'un amas de petites falaises écharpées empêchant d'y accéder. Toute végétation y était par ailleurs inexistante, et la vie tout aussi rare. En somme, il n'y avait rien d’intéressant sur place. L'endroit ne pouvait même pas se vanter d’abriter quelques ressources en son sol. Rien que des pierres, du vent et quelques oiseaux. Cependant, si on savait observer, il était possible de remarquer, au hasard d'une des parois, qu'une petite crique était accessible. D'une taille réellement réduite, elle permettait à peine le passage d'une caravelle, mais guère plus. C'était là que Méria, à bord du Placide, la caravelle volée de la Marine, décida de faire escale. Lentement, et en prenant gare aux récifs, le navire s'approcha puis jeta l'ancre. À l’abri des vagues, les pirates se trouvant à bord purent descendre en sécurité et découvrir une grotte cachée à fleur de la falaise. Elle n'était pas bien grande, mais tout juste assez pour accueillir l'équipage. Conformément aux ordres du faux Biutag, alias Jeyne, tout le monde commença à décharger les richesses pour les cacher sur l'île. Les prisonniers capturés sur Suna Island suivirent. Une fois les feux allumés, de la viande fut mise à rôtir et l'alcool ne tarda pas à couler à flots. Si l'on mettait de côtés les captifs paniqués, tout le monde s'amusait. Il fallait dire que le dernier sac avait été particulièrement juteux.
« Rhum ? »
Tournant la tête, Méria, qui avait toujours la forme d'un vieux pirate barbu, vit que le faux Biutag s'était approché une bouteille à la main. Haussant les épaules, elle opina du chef.
« Tes blessures sont moins moches.
- Pfff, tu parles, j'ai encore les boules. »
Preuves de son affrontement contre la colonelle de Suna Island, la pirate avait toujours sur la tête plusieurs pansements. Le premier sur l'arcade droite, le deuxième au sommet du crâne. Le simple fait de repenser à cette morue qui avait oser l'attaquer par derrière suffisait à l'énerver ? Heureusement, elle était morte à présent, ce qui restait une petite consolation.
« Toujours sûre de toi ?
- Rien n'a changé.
- C'est vraiment nécessaire ?
- Ne jamais laisser de traces. Tu le sais très bien.
- Oui. Je le sais... »
Visiblement ennuyée, Jeyne avala une gorgée de rhum avant de passer la bouteille à la Peste. Son regard balaya l'équipage qui festoyait pendant de longues secondes.
« Bien. Une fois la nuit tombée.
- Une fois la nuit tombée. »
Répétant ces paroles, la Louve vida d'un trait une bonne partie de la bouteille. L'envie de la vider en entier était grande, mais elle savait qu'elle devait garder une certaine maîtrise d'elle-même. Posant la bouteille, elle se jura de la finir un peu plus tard. L'air de rien, elle alla ensuite manger en compagnie de plusieurs skjaldmös. Comme toujours, ses subordonnées ne lui témoignaient pas la moindre. N'y prêtant pas attention, la Peste dévora ce qu'il y avait dans son assiette avant d'aller se poser dans un coin. Attendant patiemment, un chapeau sur le visage, elle faisait mine de dormir. De son côté, Jeyne continuait de se mêler aux hommes.
Après plusieurs longues heures, les pirates commencèrent à tomber, d'ivresse ou de fatigue. Petit à petit, le calme commença à envahir la grotte. Même les prisonniers finirent par tomber dans les bras de Morphée malgré la peur qui les dévorait. Seules restèrent finalement éveillées Jeyne et Méria. Quand finalement la Peste posa son chapeau au sol, elle sentit que son corps reprenait sa forme normale. Avec grand plaisir, elle se coiffa les cheveux en arrière, particulièrement satisfaite d'être de nouveau une femme. Plus jamais elle ne voudrait utiliser une des fioles de Reyson. Voyant sa capitaine reprendre son apparence, Jeyne l'imita. Pendant quelques secondes, les deux femmes se regardèrent droit dans les yeux. Un moment de battement plus tard, la Peste fit un signe de la tête. Sa seconde l'imita avant de tirer lentement son arme hors de son fourreau. Dégainant deux pistolets, Méria inspira longuement. La seconde d'après, quand elle expira, ses balles commencèrent à pleuvoir. Indifféremment, elle tirait sur ses skjaldmös, les prisonniers ou encore les évadés de Tequila Wolf. De son côté, Jeyne faisait elle aussi des ravages avec son épée. Une fois à court de munitions, la capitaine des Louves de Givre prit sa forme animale et commença à massacrer tous ceux qui passaient à sa portée. Les pirates firent de leur mieux pour survivre, mais ils n'avaient pas la moindre chance de survie. En seulement quelques minutes, les deux félonnes mirent à mort toutes les personnes qui se trouvaient à l'intérieur de la grotte. Quand elle se figèrent, couvertes de sang, il régnait à l'intérieur un véritable silence de mort. Le souffle court, Jeyne lâcha son arme au sol et quitta la grotte pour aller prendre l'air. De son côté, Méria resta seule. Reprenant forme humaine, elle contempla le massacre sans faire signe d'une grande émotion.
« Ainsi soit-il. »
La Peste n'avait pas eu le choix. Jamais ses guerrières n'avaient eu de respect pour elle. Outre le fait qu'elle n'avait aucune sympathie pour elles, il était également hors de question qu'elle laisse des témoins de ses manigances contre Greed en vie. Jeyne lui était indispensable, pas les autres. Pour ne pas prendre de risques, Méria avait donc préféré tous les mettre à mort. Même pour une ordure comme elle, c'était un acte d'une rare basses, la trahison ultime, mais cela ne semblait pas l'ennuyer le moins du monde. Ses alliées étaient devenues des obstacles, elle s'en était donc débarrassé. Il n'y avait rien de plus à ajouter. Après quelques minutes, elle quitta elle aussi la grotte pour rejoindre sa seconde. Tournée face à la mer, Jeyne semblait plus coupable, mais elle demeurait forte malgré tout.
« Ne dis rien. Je sais que nous n'avions pas le choix.
- Pense à Boréa. Pense au trône.
- Je ne fais que ça. »
Laissant sa femme de confiance seule, Méria s'écarta pour passer un coup d'escargophone. Une fois Gida au bout du fil, elle lui donna l'ordre de venir la rejoindre à la crique de la Griffe. Laissée dans les alentours en compagnie d'Helga à bord de son sous-marin, la jeune femme ne tarda pas à faire surface pour s'approcher du Placide. Sans grand mal, elle parvint, en douceur, à se coller à la caravelle de la Marine. Une fois la manœuvre terminée, les deux skjaldmös sortirent du submersible.
« Vous en avez mis du temps.
- Ouais, c'était plus long que prévu.
- Mouais. Bon, y'a de quoi manger à l'intérieur ?
- Si on veut.
- Ok, bah on te laisse, marre de bouffer la merde qu'il y avait à bord.
- Les filles. Vous m'avez servi avec loyauté. Enfin, une certaine loyauté.
- Hum ?
- Je suis désolée. »
Avant qu'elles n'aient le temps réagir, Méria sortit deux dagues de sa ceinture et trancha la gorge des deux guerrières. Les yeux grand ouvert, elles tombèrent au sol avant de se vider de leur sang sans comprendre ce qui venait de leur arriver. Plus loin, Jeyne assista à la scène sans rien dire.
« Je commence à m'occuper des corps. Viens me filer un coup de main dans pas trop longtemps. »
Retournant dans la grotte, la Peste prit sa forme animale. Se servant de sa gueule, elle se mit à transporter les cadavres jusqu'à l'extérieur avant de les jeter à la mer. Après quelques minutes, Jeyne se joignit à l'opération. Quand les deux femmes eurent terminé, elles rassemblèrent les richesses volées sur Suna Land et les enterrèrent dans un coin de la grotte. Ce fut ensuite au tour de la caravelle volée de subir une fin précoce. Saboté, le navire ne tarda pas à couler. Une fois que tout fut réglé, les deux femmes allèrent se coucher à l'intérieur de la grotte ensanglantée. Au petit matin, elles se dirigèrent vers le sous-marin.
« Direction Boréa. »
Opinant du chef, Jeyne emboîta le pas à sa capitaine. Une fois l’écoutille du pont fermée, le navire démarra et quitte la crique. Quelques minutes plus tard, il s'enfonçait sous les eaux. Pour les deux femmes, une première étape venait de se conclure. Greed ne serait plus un obstacle pour la suite, mais il restait un immense objectif à accomplir.
ciitroon
Liberté, Liberté Chérie !