La Légende de Raven des Bois

- ICI ! ICI ! Venez tous, ils sont ici !
- Mort aux intrus !
- Repoussons les vers le bout de la branche  pour les jeter dans le vide !
- Mais qu'est ce qui se passe ? Pourquoi vous criez comme ça ?
- Est ce que quelqu'un a vu Rudy ? Je crois qu'il s'est encore perdu...

Quand on fait partie d'un mouvement aussi populaire que l'Armée Révolutionnaire, il n'y a pas que les louanges d'une population libérée et reconnaissante qu'on a l'habitude de recevoir, en fait, le truc qu'on vous offre le plus, c'est des cailloux, et le plus souvent, on vous les envoie directement dans la gueule... Heureusement le civil lambda vise assez mal, et l'ego du révolutionnaire est entrainé à résister à toutes les déceptions, même celles qui peuvent légitimement vous étreindre quand la population que vous essayez d'aider préfère plutôt tenter de vous acculer au bout d'une branche pour vous jeter dans le vide.

- Disparus !
- Ils ont du changer de branche en volant !
- Il faut faut faire le tour des feuilles !
- Mais qu'est ce qui se passe ?! Pourquoi vous criez comme ça ?
- C'est parce qu'il est vieux maintenant, il y voie plus rien alors j'ai toujours peur qu'il tombe d'une branche...

Pour le groupe de Révo qui en avait vu d'autres, la situation était pour l'instant tendue, mais encore loin d'être désespéré. Certes, depuis leur altercation avec le maudit grand prêtre Morales, chantre de l'église d'Adam farouchement attaché à ce que la population reste sous sa coupe. Certes ils avaient perdu la princesse qui était leur meilleur atout contre le religieux, et qui s'était volontairement rendue au méchant prêtre pour éviter un bain de sang et un début de guerre civile. Certes, ils étaient présentement en fuite vers les hauteurs de l'arbre, bondissant ou volant de branches en branches grâce a l'oiseau géant de Raven et au pouvoir d'America, et présentement traqués par tout ce qui pouvait se trouver de gardes de l'écorce et de locaux xénophobes et fanatiques.

Mais a part ça, bon, tout se déroulait plutôt bien non ?

Planqués dans un bosquet touffu qui n'était en fait qu'une touffe de feuille en train de bourgeonner au bout d'une branche, Paul, America et Raven avait perdu de vue l'oiseau noir et son cavalier qui avait adroitement entrainés la milice en furie plus haut vers les hauteurs, et les trois révolutionnaires faisaient donc les morts, tous sens en aguets, attendant d'être sur que tout danger soit écarté pour sortir.

- Aieuh !
- Chut !
- Un truc m'a mordu !
- Écureuil !

- Ah ben tiens oui, on dirait... Est ce que j'ai une tronche de noisette ?
- Oh, vous avez retrouvé Rudy !
- Mais qu'est ce que vous faites la vous ?!

- Mais vous allez vous taire, oui ?!

On y était presque ! Les Adaméens allaient enfin chercher ailleurs dans l'arbre, mais non, il a fallu que Paul se fasse mordre par un écureuil et que sa propriétaire nous rejoigne dans ce buisson ! A situation désespéré, mesure désespérée ! D'un geste vif j'attrape l'animal de ma main cybernétique qu'il peut toujours essayer de mordre et le montre à l'intruse.

- Sors de là avec ta bête et dit que tu l'as retrouvé et qu'il y a personne ici !

Je pourrais la menacer pour être un peu plus persuasive mais au lieu de cela mon filin d'acier vient s'enrouler autour de sa cheville, la retenant clairement en otage au cas où il lui viendrait l'idée de nous balancer. Heureusement, cette jeune femme est assez vive d'esprit pour réagir immédiatement en faisant ce que je lui demande. Et après un échange des plus banals avec nos poursuivants qui lui demande une nouvelle confirmation, les voilà qui repartent. La princesse Cyprilla nous a longuement expliqué la hiérarchie qui existe entre les sang-verts possédant des longues oreilles, et le reste des Adaméens, et il se trouve que cette dresseuse d'écureuil a effectivement les oreilles particulièrement longues.

Aussi, sa parole n'a pas été prise à la légère. Et ce n'est qu'une fois la foule enfin partie que notre sauveuse revient près de nous dans l'amas feuillu.

- C'est bon, la voie est libre ! Vous pouvez me lâcher maintenant s'il vous plait ? Je dois ramener Rudy au palais...

Déroulant immédiatement le lien qui lui retenait la cheville, je lève la tête avec intérêt lorsqu'elle parle du palais.

- Au palais ? Vous faites partie de la royauté ?
- Moi ? Au non, non ! Moi je suis employée au palais en temps qu'intendante animalière...
- Cet écureuil à pas la rage au moins ?
- Rudy ? Oh non, rassurez vous, il a surement du confondre votre doigt avec une noisette. Le pauvre vieux n'a plus toute sa tête en plus de ne plus rien y voir...
- Est ce que vous pourriez nous conduire au palais ? Nous sommes des amis de votre Princesse Cyprilla et...
- Oh... Je suis désolé de devoir pour l'apprendre mais la princesse a disparu il y a plusieurs années maintenant...
- Oui, on sait, mais justement on l'a retrouvé et...
- VRAIMENT ?! VOUS L'AVEZ RETROUVÉE ?! Tu entends ça Rudy ! Tu vas pouvoir revoir ta maitresse !
- Chuuut ! Pas si fort !
- Oups, pardon. Mais du coup, si vous l'avez retrouvé et que vous êtes ses amis, où est elle ?
- Elle s'est rendue face à Morales.
- Oh ! Alors il va la ramener au palais ! C'est super !

Visiblement, cette fille n'est pas au courant de ce qu'il se passe vraiment dans cet arbre...

- C'est un peu plus compliqué que ça mais... On doit se rendre au palais. Pouvez vous nous y emmener ?
- Si vous êtes des amis de la Princesse je ne vois pas de raison de vous le refuser. Alors allons y !

Et habilement, la jeune femme se rapproche du tronc tout en escaladant les branches, jusqu'à rejoindre le chemin qui serpente tout le long de l'arbre d'Adam.

- Venez, on ira plus vite par la voie !
- Sans doute mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
- Ah oui ? Pourquoi ça ?
- C'est compliqué... On peut vous expliquer en chemin si vous promettez de nous faire entrer au palais sans qu'on soit vu...
- C'est bizarre comme demande quand même... D'ailleurs j'y pense, pourquoi ils vous cherchaient les Racinaux ?
- Si on vous dit que la princesse n'a pas disparu mais a été vendu par votre archiprêtre Morales à des pirates, vous nous croyez ou pas ?
- Ahahahaha, elle est bien bonne celle là ! Un archiprêtre qui ferait du mal à la Princesse ! Tu entends ça Rudy ?! Ahahaha
- America, tu lui montres les images s'il te plait ? Mais si on pouvait avancer en même temps...

Et sous les demandes de Raven, America se tournait vers de larges feuilles vertes qui descendaient le long du chemin pour en boulotter l'entièreté de la limbe et complètement la faire disparaître dans ses entrailles de métal en l'abimant au minimum. Puis il en prit une deuxième, une troisième. Et rapidement les feuillages environnants venaient de perdre une couche entière de feuillage entre les crocs du cyborg. Sans s’arrêter d’avancer, suivant le duo révolutionnaire, sa machinerie se mit en action dans un ronron et sur son flanc tourné vers l’inconnu, une fente se dessina, un raque se déplia et les feuilles vertes consommées glissèrent les unes après les autres avec des images ancrées à même les nervures. Des images de leur aventure depuis leur arrivée sur l’île. De leur capture dans le camp des pirates de Frost, à la princesse se faisant arrêter par l’odieux prêtre Morales. En passant pas une image de glorieuse victoire contre le forban mettant chaque membre du groupe bien trop en avant par rapport à la réalité du moment. Surement car tout cela était un mélange entre les images enregistrées par les capteurs optiques de l’animal et son ressenti du moment.

Heureusement, la jeune adaméenne était bien trop occupée à être époustouflé par la capacité presque magique du chien cyborg pour s’attarder sur les détails. Si elle avait semblé craintive au début, une des images attira son attention et elle saisit le paquet de feuilles imprimées pour toutes les observer et s’arrêter sur celle de la princesse emprisonnée dans le camp pirate.

- “Oh non ! Qui lui a fait ça ?” Demanda-t-elle inquiète en tournant la feuille de la scène vers Raven et Paul.
- “C’est l’archiprêtre Morales qui l’a vendu à un groupe de Pirate de l'empereur Frost. Mais maintenant, elle est prisonnière au Palais.”

La jeune femme restait un moment dubitative. Elle avait sûrement du mal à faire confiance à une technologie inconnue qui venait remettre en question ses croyances les plus primaires. Mais en restant un instant fixé sur l'image de sa princesse emprisonnée, elle redressa la tête avec un air déterminé avant d’ajouter :

- “D’accord, je vais vous aider.”

Et alors elle accéléra le pas, comme impatiente d'arriver et de retrouver sa princesse.

Si la ville au pied de l'arbre était surtout atypique au moment de lever les yeux vers les cimes, et de trébucher sur une racine de la taille d'une maison, les frondaisons d'Adam sont nettement plus dépaysantes. Et démentes. Et peu recommandés aux pauvres gens sujet au vertige. Les branches que l'on parcourt en suivant la demoiselle sont plus large que des rues, si bien qu'il est facile d'oublier qu'on se tient sur une branche et pas sur un sol tout a fait plat. C'est d'autant plus facile que l'écorce des rues a été lissé par les pieds des passants.. Mais dés qu'on se rapproche du bord, tout change. le sol s'incline dans un faux plat vicelard qui vous donne l'impression de marcher à flanc de montagne, et le moindre coup d'œil vers l'extérieur vous fait soudain prendre conscience que vous vous trouvez à des centaines de mètres au dessus des plus hauts toits de la basse ville. Et quand une bourrasque de vent agite les feuilles, c'est soudain toute la perspective qui bascule pendant que votre esprit peine à appréhender la taille gigantesque de l'arbre sur lequel on est perché.

Je n'aime pas du tout cet endroit...

Comprenant que nous devons éviter les gens, notre nouvelle guide nous fait emprunter des chemins de traverse, de fines passerelles de lianes tressés qu'on a installé sur les flancs et en dessous des branches, pendant que le dessus est réservé aux constructions. Je me sens comme une fourmi en train de grimper sur un arbre, sauf que les fourmis ont de quoi se tenir, alors que de mon coté je dois m'en remettre a ses horribles ponts de singe a l'air fragile, et qui ne semble accrochés aux branches que par de trop faibles appuis organiques...

De branches en branches nous finissons par rejoindre le tronc principal, pour découvrir a mon grand soulagement que celui ci est creusé de tunnels, qui prennent place entre l'écorce et le tronc proprement dit, et permettent de circuler facilement d'une branche quartier à une autre ou de monter vers les cimes par des escaliers avec beaucoup trop de marches. D'après la demoiselle, il existe des moyens plus pratique, qu'elle appelle graine ascensionnelle, mais on ne peut pas les utiliser sans se faire remarquer, alors qu'évidemment, personne ne monte par les escaliers de l'écorce...

Et plus de deux heures plus tard, il est aisé de comprendre pourquoi ils sont déserts. Le soulagement de se retrouver enfin dans un espace clos n'a duré que les trois cent premières marches, avant de faire place à un abattement profond dés qu'on lève la tête pour se retrouver face a ces marches qui s'élèvent a l'infini loin au dessus de nous. Et je ne suis même pas le plus malheureux, celui qui fait vraiment la gueule, c'est le piaf, tout juste assez large pour passer dans ces tunnels. Et je ne parle même pas de la chaleur qui se dégage de l'arbre, ou de l'étouffante odeur de sève qui englobe tout, et nous donne l'impression d'avancer dans un brouillard dense, collant et sucré.

- Nous y sommes ! hou ! Je n'étais plus passé par ici depuis toute petite !

Nous débouchons enfin à l'extérieur, sur une plate forme en terrasse desservant une large passerelle qui semble faire le tour de l'arbre. Juste au dessus de nous, le tronc principal se termine. Et la, niché au creux du cercle des branches hautes, une belle esplanade a été dressé pour accueillir un bâtiment couronnés de tour qui ne peut être que le centre local du pouvoir, que ce soit un palais, un grand temple, ou tout autre édifice de même nature.

- Voila le palais !

Gagné... C'était facile, les tyrans ont toujours en commun leur manque d'imagination et leur amour des marques de pouvoir les plus imposantes possibles...

- Et je connais quelqu'un qui pourra surement nous aider, a cette heure ci il est souvent en train de composer un peu plus loin.

Et surprise, nous voila reparti, et pas du tout vers le palais. Plutôt vers l'extérieur des cimes, dans des branches de plus en plus fine, de plus en plus... Branches ? Si fine qu'on se retrouve bientôt a marcher sur une branche qui ne possède pas assez de place pour deux gardes corps ! A la place il n'y a qu'une unique ligne de vie auquel je peux me raccrocher tout en évitant de regarder en bas..

Et la branche bouge !

Heureusement la fin se profile, au bout de cette branche, des artisans vicelard ont installés une sorte de kiosque a musique, cinq mètres à peine au delà de la limite des frondaisons de l'arbre, comme un perchoir jeté en plein ciel. Un perchoir ou un type en habit vert est en train de tripoter une guitare comme n'importe quel dragueur de soirée, en faisant bien garde de n'en tirer que quelques accords.

Et c'est ça qui va nous aider ?

- Bonjour Hana, tu as retrouvé Rudy ?
- Oui votre Majesté, il était encore descendu manger les noisettes...

Majesté ?

Pendant que Plume Noire remue ses longues ailes restées trop longtemps immobiles à force de trop marcher, moi, je reste sur mes gardes, concentrée sur mon haki de l'observation pour lire les intentions de ce nouveau protagoniste qui nous fait face.

Grand, à l'allure soignée, cet Adaméen à l'air enjoué et curieux semble assez jeune malgré quelques rides qui marquent son visage.

- Oh, mais je vois que tu as ramené tout un nouveau public. Bien le bonjour messieurs dame, je suis Adrian. Vos visages ne me disent rien, seriez vous des étrangers venu de contrée lointaine ?
- Vous avez vu juste Majesté ! Ce sont des amis de votre fille !

Le regard du monarque s'attriste soudainement lorsqu'Hana lui parle de sa fille. Puis, rapidement, son air triste se transforme en interrogation.

- Mais... Ma fille n'a jamais quitté le pays, ni rencontré d'étranger ...?
- Votre fille est en vie Roi Adrian.
- Quoi ? Mais... Comment ?
- Je vous en prie, restez assis, ce récit est assez long et lourd de conséquence. Mais avant ça, permettez moi de nous présenter, je suis Raven, Atout de l'Armée Révolutionnaire. Et voici mes compagnons Paul, Jean, America et Plume Noire.

Commence alors le long et répétitif récit de toutes les mésaventures qu'a connue la pauvre princesse d'Adam. Et pendant celui ci, le roi prend un air on ne peut plus sérieux, qui fait alors ressortir toute la sagesse cachée de son âge plus avancé qu'il ne parait au premier coup d'œil.

- ... Votre fille, Cyprilla, nous a demandé d'aider votre peuple, voici pourquoi nous sommes ici. Mais maintenant qu'elle est détenue par l'archiprêtre Morales, nous avons besoin de votre soutien pour la libérer, elle mais aussi votre peuple. Acceptez vous ne nous aider ?

Le regard dans le vague, ses bras accoudés sur ses genoux, Adrian reste de longues secondes pensif, essayant d'intégrer pleinement toutes les affirmations que nous venons de lui expliquer, avec une nouvelle fois les preuves visuelles à l'appuie. Et lorsque finalement il sort de cet état presque léthargique, ce n'est que pour regarder une nouvelle fois les images, puis se masser le front, perplexe.

- Cela parait complètement fou... marmonne t-il pour lui même.
- Et pourtant c'est la vérité. Votre fille est bel et bien en vie, et le peuple de Racinal peut en attester si vous ne nous croyez pas.

Faisant défilé les différentes images, il s'arrête finalement sur un portrait de sa fille sans une cellule.

- Si l 'archiprêtre Morales est bien ce que vous décrivez, alors en temps que Roi... Je ne peux malheureusement rien faire contre les archiprêtres...

Je ne laisse rien paraitre mais j'avais effectivement redouté cette état de fait. De ce que nous a expliqué Cyprilla sur la politique d'Adam, la royauté n'est qu'une figure emblématique sans aucun pouvoir... Notamment face aux archiprêtres.

- Cela dit... Il y a peut être une chance que quelqu'un d'autre accepte de nous aider. Hana, est ce que tu pourrais aller mander l'archiprêtre Ambroise ? Dis lui que je dois absolument le voir dans mon bureau, dès que possible.
- Très bien Majesté ! Par contre, euh, je peux vous laissez Rudy ? Il est fatigué et devrait être ramené dans sa maisonnette.

Elle dépose alors l'écureuil dans les mains de Paul "Parce que si il vous a mordu c'est qu'il est en confiance avec vous" avant de redescendre le chemin arboricole.
Quant à nous, nous suivons le Roi sur son invitation afin de préparer un plan d'action dans le fameux bureau où un nouvel archiprêtre doit nous rejoindre...

Et alors que Rudy commençait déjà à courir entre les doigts de Paul gesticulant pour essayer de le garder en place, les révolutionnaires finissent par arriver dans un grand et large bureau, éclairé par un puit de lumière immense et laissant les rayons du soleil tomber sur une table en bois massif comme s’ils l’éclairaient d’une lueur divine. Circulaire et large, tous purent rentrer dans soucis, même Plume Noir qui n’avait cependant pas l’espace pour étendre ses ailes sans prendre le risque de faire chuter les livres des nombreuses bibliothèques couvrant les murs.

Et le roi allait se poser sur sa chaise, laissant tomber un air particulièrement attristé sur la photo de sa jeune fille en cellule, la seule image qu’il avait gardée en main.

- “Ma pauvre petite fille.”

Et si en temps normal, personne n’aurait trop rien dis sous cette ambiance pesante et triste, c’était bien mal connaître l’Armée Révolutionnaire, aux idées de liberté bien concrètes et qui, tenant toujours ses promesses, lui permettait d’en faire de nouvelles régulièrement.

- “Nous allons la sauver, Roi Adrian.”

Plus qu’une promesse, cela était même une affirmation de Raven. Car s’il y avait bien quelqu’un de déterminé dans le groupe, c’était la sirène. Et même America le savait, sentant les embruns combatifs de l’équipe. Cependant, si les mots de la révolutionnaire avait suffit à redonner le sourire au Roi, il conservait cette odeur propre aux malheureux et aux désespérés. America fit alors le tour de la table pour venir poser sa grosse tête de métal sur la cuisse du roi, le surprenant. Il faisait d’abord une grimace d’incompréhension avant de se laisser porter par le regard empathique de l’animal et de venir lui caresser les plaques d’acier du haut de son crâne.

- “MON ROI, VOUS ME CHERCHEZ ?!”

Un cri strident venait surprendre les révolutionnaires qui se mettaient alors sur leur garde. La jeune Adaméen qui les avait guidés ouvrit alors la porte, suivit d’un vieillard chancelant.

- “Doucement Archiprêtre Ambroise, nous ne devons pas nous faire remarquer.” répondit le Roi en faisant baisser le volume sonore tout en agrémentant ses mots de gestes pour se faire comprendre du nouvel interlocuteur.
- “ J’ai essayé de lui dire, mais il ne m’écoute pas …”

Et alors que la jeune fille venait enfin récupérer son écureuil, elle laissait l’archiprêtre s’avancer pour rejoindre le roi en esquivant avec soin les révolutionnaires.

- “La princesse est de retour ? Où se trouve-t’elle ? Je ne la vois pas.” dit-il en s’abaissant maladroitement pour regarder s’il ne serait pas caché sous le bureau.

- Mais non, elle a été enlevée..
- Sous le buffet ? Jeune homme c'est complétement absurde, il n'y a pas la place de se glisser sous le buffet...
- Mais non, la princesse avait été enlevé ! On l'a libéré, mais maintenant elle est en prison !
- Je n'ai pas trop saisi qui vous êtes mais je vous assure que la princesse ne faisait pas de violon, a mon avis nous ne parlons pas de la même personne, et je sais de quoi je parle je l'ai très bien connue....
- J'ai dit PRISON ! LA PRINCESSE EST EN PRISON ! EN TAULE !
- Anatole ? Enchanté Anatole, je suis l'archiprêtre Ambroise. Mais vous pouvez m'appeler juste Ambroise.
- ON A BESOIN DE VOTRE AIDE !
- Oui oui je comprends, mettez vous à l'aise.. Enfin, si sa majesté l'autorise évidemment..

- Je crois qu'il va nous falloir de quoi écrire...


Et c'est donc encore plus laborieusement, par écrit, que nous expliquons pour la troisiéme fois notre situation a des gens qui semblent complétement à la rue. Les magouilles de Morales qui passe un accord avec Frost pour se débarasser de la princesse, l'enlévemement de la jeune fille par les pirates, sa libération par les héroiques révolutionnaires, l'émeute, la saisie par l'écorce et le grand prétre, et le besoin urgent qu'elle a de secours avant que Morales ne décide que c'est vivante qu'elle est décidément trop encombrante.

- C'est terrible !
- Ah ben enfin une réaction normale !
- Il faut l'excuser il est un peu sourd.
- Sourd comme un pot oui...
- Parlez plus fort je suis un peu dur d'oreille !
- ÇA NE SE VOIT PAS DU TOUT !
- Dire que tout est de ma faute ! Je n'aurais jamais du laisser Morales devenir le grand prêtre ! C'est terrible ! Qu'allons nous faire ?
- Ne vous inquiétez pas, Raven a surement un plan !

Un plan hein. La main soutenant mon menton tandis que tous se sont échignés à faire comprendre la situation à Ambroise, c'est effectivement à cela que j'ai mis ce temps à profit.

- La tâche est ardue car nous nous attaquons directement aux croyances de votre peuple. Des croyances qui semblent très fortes et soutenues par toute la population. Mais nous avons vu plus tôt qu'il y a tout de même certains citoyens de Racinal qui sont prêt à nous croire, du moins à croire en la princesse. Et c'est la dessus qu'on doit jouer.

Il faut qu'on fasse connaître la colère d'Adam face à l'injustice qui a été commise, et plus encore : on doit absolument décrédibiliser les autres archiprêtres qui font croire aux Adaméens qu'ils ont du pouvoir alors qu'ils n'agissent que dans leurs propres intérêts. Pour ça, on va avoir besoin de la population : nous devons trouvez tous ceux que nous avons convaincu pour leur demander de formuler des requêtes auprès des archiprêtres. Ensuite, ils devront nous rapporter les dires de ceux ci et on fera en sorte de contredire les prédictions. Plus il y aura d'échec et plus le doute pourra se répandre dans la population.

Quant à la colère d'Adam... Nous pourrions peut être simuler la chute de branches sur certains bâtiments géré par l'ordre des Archiprêtres ?

J'interroge Ambroise du regard, cherchant à avoir son approbation quant aux dommages que nous pourrions nous permettre de faire à l'arbre sans porter atteinte à leur foi. Sauf qu'évidemment, il n'a absolument rien compris de mes mots. Heureusement, le roi intervient pour moi auprès du vieil homme et réussi à faire passer ma demande.

- Nom d'Adam mais vous n'y pensez pas sérieusement !
- Et bien...

Un peu gênée par cette réaction de rejet de mon idée, je me frotte la nuque de mon cyberbras, cherchant mes mots.

- Dans ce cas... peut être qu'en coupant les feuilles des branches et faisant croire au mal être de l'arbre...
- Adam est sacré, nul n'a le droit de l'endommager !
- Il ne reste donc qu'une solution mais elle est moins crédibles... Nous pourrions faire croire à la décrépitude de l'arbre sans pour autant lui faire le moindre mal... par exemple en jetant des sac de cendres depuis les plus hautes branches en faisant en sorte qu'elles tombent sur les deux villes de l'arbre... Ça plus le soutient d'Ambroise pourrait peut être en convaincre certains ? Et bien évidemment il faut faire connaitre à tout le monde la véritable situation de la Princesse.

Le temps qu'Adrian traduisent mes mots au vieux sourd, je jette un œil à mes hommes.

- Jean, si ça te va je te laisse gérer les citoyens de Racinal pendant que sa majesté et Ambroise gèreront la cité des feuilles. Tu joueras l'intermédiaire entre eux et nous. Tâche de bien nous faire connaitre les prédictions des archiprêtres pour qu'on puisse les déjouer. Mais en attendant que cela commence, Paul, America, on va aller brûler du bois, beaucoup de bois, et évidemment, loin de l'arbre d'Adam... Des questions ?
- Et moi ? Ne m'oubliez pas !
- Tu es une sang vert, donc je suppose que ton aide sera plus que bienvenue pour aider Jean avec les Racinaux.

Et America battait de la queue alors que Paul acquiesçait d'un signe de tête. Une fois de plus, il n'avait globalement rien compris au "plan", mais il avait fini par associer "Raven qui parle longtemps" à "elle va demander quelque chose". Alors il savait qu'il ne lui restait plus qu'à suivre la membre du DRAGON et que cette dernière finirait bien par lui donner des ordres plus cours et concis lorsqu'elle aurait besoin de lui. Ce qui ne tarderait pas à arriver puisque tout le monde semblait avoir accepté l'idée proposé, même le roi qui avait tout de même des doutes finissait par traduire à Ambroise qui se grattait le menton perplexe. Mais au final, personne ne s'y opposa. Alors les voilà partir pour prendre le chemin en marche arrière, abandonnant le prêtre et le roi au palais avant de se séparer pour partir chacun réaliser leur tache.

Et plusieurs jours leur furent nécessaire, pour brûler assez de branche dans l'épaisse forêt avoisinant les côtes. Si la tâche en elle même était simple, le trio de révolutionnaires était régulièrement contraint à changer d'emplacement. Car brûler des trucs, ça faisait de la fumée. Et la fumée ça attirait les pirates autant que les gardes d'écorce qui fouillaient encore chaque recoin pour retrouver la présence de l'Armée révolutionnaire sur l'île. Mais les soldats de la liberté étaient efficace. America avait réarrangé sa machinerie pour se transformer en une otarie cybernétique, glissant en cercle autour du tas de bois regroupé par ses deux camarades, éclaboussant les branches d'une huile hautement inflammable avant d'y mettre le feu avec son lance-flamme. L'épaisse fumée blanche s'élevée, et rapidement, tout finissait par n'être plus que cendre et charbon de bout. D'une main hâtive, chaque morceau était glissé dans un sac. Loin d'effectuer la tache seul, Raven avait rappelé le reste du groupe restait en mer aux abords de l'île.

Et avec une dizaine de sac remplit, les voilà déjà repartit pour le haut des branches du grand Adam. Cependant, il restait toujours à recueillir les histoires décrite aux prêtres et dont les prémonitions restaient à être déjoué. Et pour ça, America restait en l'état bien impuissant.

Pulu pulu pulu !

- Den den !

Pulu pulu pulu !

- y'a un Den den qui sonne !

Pulu pulu pulu !

- Hey ! A qui est ce den den !

Pulu pulu pulu !

- Euh, c'est toi qui sonne Paul...
- Ah oui tiens.. C'est quoi ce den den ?
- C'est celui qu'on a trouvé au camp de Frost non ?
- Ah mince ! Et si c'est lui on fait quoi ?

PULU PULU PULU !

- Décroche !
- J'ai pas envie de parler à Frost moi ! Ou est Raven ?
- Pas la ! Décroche !

Gotcha !

Sous nos yeux le den den se compose une figure qui n'est heureusement pas celle du Terrible Frost, mais arbore maintenant une barbe en pointe familière et une capuche qui me rappelle vaguement quelque chose. Mais c'est quand il parle qu'on le reconnait enfin.

- Il était temps ! Sachez qu'Adam, que ses glands vous écrasent avec brutalité, est très mécontent de vous ! Et moi aussi je suis mécontent !

L’archiprêtre Morales appelle ses alliés pirates !

- Qu'est ce qu'on fait ?
- Joue au pirate ! Fais le parler !
- Mais je suis pas un pirate !
- Fais semblant !

- OHOHOH ! Que se passe t'il archiprétre ?

- Ohohoh ? Mais c'est le père noël ça !
- Les pirates aussi !

- Vous me demandez ce qu'il se passe ?! VOUS AVEZ LAISSÉ ÉCHAPPER LA PRINCESSE BOUGRES D'ABRUTIS !

- Il a l'air colère, il a même pas dit Adam...
- En même temps on les a bien mouchés ces sales pirates...

- Vous pouvez parler ! Vous l'avez vu le corbeau et cette Raven ? C'était pas dans le contrat qu'on allait devoir se battre avec des membres du Dragon ! Vous avez de la chance qu'on soit encore dans le coin !
- Bon, écoutez, rien n'est perdu. Et vous pouvez encore vous rattrapper. Sachez que moi j'ai récupéré la princesse !
- Oh ? Ben, bien joué par... par mon tricorne !  


- Par mon tricorne ? Pfff
- Chuuut !

- Du coup nous pouvons encore faire affaire mais cette fois il faut agir vite ! On me surveille !
- Qu'est ce que vous voulez ?
- Je veux que vous emmeniez la princesse en mer ! Et ensuite je ne sais pas, vous êtes des pirates ! Collez lui un boulet aux pieds et passez par dessus bord ! C'est votre métier non ?! Mais il faut faire vite ! Vous avez vu ce que ça nous a couté de la garder sur Adam !

- Il est très méchant !
- Mais ça peut être une occasion en or de le couler !

- D'accord ! Par ma barbe, on va se débarrasser de cette bécheuse ! Dites nous ou et quand nous retrouvez et cette fois on s'en débarrasse sans laisser aucune trace !
- Voila ce que je voulais entendre ! Rendez vous a trois heures du matin, a l'extrémité sud de jetée de la petite racine du ponant ! Dans deux jours !

CLAP !

- Bon, qui appelle Raven ?