Fin d’journée minable dans un coin minable. Coin d’South jsuppose. Fait un temps à pas mettre les pattes dehors, mais j’y suis. Dehors. J’me plains pas, à quoi ça servirait ? Trempé jusqu’ dans l’âme j’me bouge, direction un coin d’chais pas trop quoi où, à l’abri d’un chambranle vermoulu, jpeux r’garder où j’ai atterri. Ma tignasse finit d’s’égoutter par-d’ssus mes mirettes mais d’vant ça s’éclaircit ent’ les grêlons. J’m’allume un clope en galérant pour faire flamber l’papier mouillé. Une habitude qu’j’ai prise d’puis quelques temps, ça donne un côté stylé qui va bien avec la trentaine grisonnante et l’côté crade chic, puis ça occupe l’esprit. Ca y est, ça grésille, ça sent l’tabac boueux, et j’regarde. Des bateaux, des vieux bateaux tout pourris partout. Démâtés, éventrés, bavant leurs entrailles démolies sur la longueur d’c’qui doit être un ilôt d’terre ferme. A moins qu’le sol soit qu’d’la poussière collée sur une montagne d’autres navires encore plus vieux qui s’s’raient entassés dans c’coin des océans par les bonnes grâces du Hasard.
L’vieux Haz’ c’est mon copain. C’lui qui m’a débarqué ici.
Comme j’ai dit plus haut, jsais pas trop où c’est, ici. South ? Ptêt bien. Ca pourrait être aut’part. T’façon d’puis qu’j’ai quitté East dans les cales des Ghost et qu’j’me suis r’trouvé sur c’t’île de drogués avec l’autre gamin sans savoir comment, j’ai abandonné la navigation. J’vais à vue, rar’ment très droit. Et donc me v’là après une dérive de plus, dans c’cimetière pour rafiots abandonnés par leurs cap’taines et-ou la force du destin. Vrai, si y avait pas c’temps d’crevure, c’s’rait probablement un bon coin pour monter une boutique d’pièces détachées. T’veux un gouvernail pour caraque deux mâts ? Y en a un là-bas qui dépasse du sol poisseux. T’veux un hunier ? J’pense qu’si parfois l’soleil se pointe, y a moyen d’trouver ça quelque part dans c’te forêt d’mâts à moitié brisée. S’ra ptêt un peu déchiré mais y prendra l’vent comme y faut. C’est les poulies ton truc ? Y a qu’à s’pencher pour les ramasser, on dirait des escargots qui sortent avec la flotte. Penche-toi et ramasse, penche-toi et ramasse.
A propos d’s’pencher, va falloir qu’j’m’asseye. C’pas qu’y fait soif mais c’pas non plus c’déluge qui va m’rincer la gorge. Trouver un rade, c’doit bien être d’l’ordre du f’sable ici. L’bazar pour marin en détresse, ptêt jpeux être le premier à avoir eu l’idée, mais si y a bien deux boulots pour lesquels l’est impossible d’être précurseur où qu’y ait d’la vie, c’est pute et barman. Et les ombres qui sautillent ent’ la boue et les hall’bardes pissées par l’ciel, y a pas quarante endroits où elles peuvent aller vu les circonstances. La fosse commune ou l’versoir à prune faite maison. Comme ça qu’ça marchait partout où j’ai foutu les bottes jusqu’à maint’nant, pas d’raison qu’ça change. J’prends l’temps d’en r’pérer deux qui vont dans l’même sens et j’adjuge : c’par là qu’tu vas mon gars. Ca tombe bien, mon mégot vient d’s’éteindre. M’a même brûlé la lippe c’con, probabl’ment pour s’venger. S’venger d’quoi ? D’mande-lui.
"Lugubre", tiens, voilà. Fait pas encore nuit, ‘fin jcrois pas, mais c’est l’mot qu’irait bien au paysage. Que j’me dis pendant qu’j’marche droit vers la lumière au fond là-bas. La lumière au fond là-bas, c’est une meurtrière creusée au pic dans l’seul truc qui doit être en pierre dans c’trou du cul d’monde dévasté. Mais rien qu’la vue en réchauffe la pierre qu’j’ai sous les côtes, alors j’rentre après une dernière glissade sur un truc que jperds pas d’temps à identifier.
La porte craque, et tout l’bruit qui s’ret’nait à l’intérieur m’gicle au tympan. Un bruit d’rires mêlés d’cris et tartinés à la joie crasse d’être avec des bêtes humaines qui comme toi ont deux yeux, deux oreilles, et d’quoi planter les gueules pas nettes. L’genre de bruit qu’tu braves que quand t’as soif. Et j’ai soif. Soif et chaud, j’me rends compte. L’grand feu dans la ch’minée probablement. Vrai qu’c’est pas l’bois qui manque alentour, z’auraient tort de s’priver. J’tombe l’armure et j’la balance sur la première chaise libre que j’croise. Y en a pas des masses, le bouge est plein. A part l’serveur à qui jfais l’signe universel pour dire "une boutanche – verre inutile", personne a r’marqué mon entrée. Ca vaut ptêt mieux, un r’gard m’rappelle que l’humidité fait parfois r’ssortir la mouette sérigraphiée sur l’cuir. Presque dix ans maint’nant, c’te salope d’animal à la vie dure. Ca tombe bien, c’pour ça que je l’garde. J’ricane tout seul et l’patron s’ramène. Lui il a l’œil, mais y dit rien. J’sais pas si j’ai trop une gueule de mouette de toute façon. Ptêt j’ai tué l’gars à qui appartenait l’manteau, qu’y doit penser. Y r’part.
Et maint’nant qu’j’ai tous les éléments en main, j’pense. A m’sure qu’mon œsophage s’imprègne, mes neurones s’agitent. J’pas trop eu l’temps d’voir ça mais la nouvelle du r’tour du colonel Tahgel doit avoir fait dong sur West. Sur East, j’ai en partie cassé une banque de riches. Sur North personne m’connaît. Sur South ça doit aller aussi. J’pourrais rester là, r’commencer une nouvelle vie pépère. Mais c’est des pensées d’mec pas réchauffé ça. J’reprends une lampée, elle m’remet dans l’droit ch’min. J’ai l’souriant qui r’vient, les raisons du pourquoi j’ai fait parler Jeuv le chasseur de primes mort aussi. Les souv’nirs pas glorieux d’avant c’jour où j’ai craqué un boulon en passant d’poivrot à poivrot tueur d’milouf. Pis l’souv’nir d’la Sublime qui doit s’emmerder toute seule chais pas trop où là-bas.
Nan, y a pas, faut qu’jretourne la chercher. Pis expérimenter l’côté connu d’la loi, l’idée m’fait d’l’œil un peu. L’mauvais côté. J’ai des r’lents d’cour martiale qui m’viennent, à moins qu’c’soit l’rhum qui tape trop vite et qu’l’estomac suive pas… Mais même à l’époque j’avais des soutiens dans la force, c’que jveux là c’est du criminel solitaire, qu’a plus qu’ses tripes pour s’tirer d’la merde où y s’met. Etape qu’j’avais pas franchie sur l’moment. J’pense trop, ça m’nuit.
L’vieux Haz’ c’est mon copain. C’lui qui m’a débarqué ici.
Comme j’ai dit plus haut, jsais pas trop où c’est, ici. South ? Ptêt bien. Ca pourrait être aut’part. T’façon d’puis qu’j’ai quitté East dans les cales des Ghost et qu’j’me suis r’trouvé sur c’t’île de drogués avec l’autre gamin sans savoir comment, j’ai abandonné la navigation. J’vais à vue, rar’ment très droit. Et donc me v’là après une dérive de plus, dans c’cimetière pour rafiots abandonnés par leurs cap’taines et-ou la force du destin. Vrai, si y avait pas c’temps d’crevure, c’s’rait probablement un bon coin pour monter une boutique d’pièces détachées. T’veux un gouvernail pour caraque deux mâts ? Y en a un là-bas qui dépasse du sol poisseux. T’veux un hunier ? J’pense qu’si parfois l’soleil se pointe, y a moyen d’trouver ça quelque part dans c’te forêt d’mâts à moitié brisée. S’ra ptêt un peu déchiré mais y prendra l’vent comme y faut. C’est les poulies ton truc ? Y a qu’à s’pencher pour les ramasser, on dirait des escargots qui sortent avec la flotte. Penche-toi et ramasse, penche-toi et ramasse.
A propos d’s’pencher, va falloir qu’j’m’asseye. C’pas qu’y fait soif mais c’pas non plus c’déluge qui va m’rincer la gorge. Trouver un rade, c’doit bien être d’l’ordre du f’sable ici. L’bazar pour marin en détresse, ptêt jpeux être le premier à avoir eu l’idée, mais si y a bien deux boulots pour lesquels l’est impossible d’être précurseur où qu’y ait d’la vie, c’est pute et barman. Et les ombres qui sautillent ent’ la boue et les hall’bardes pissées par l’ciel, y a pas quarante endroits où elles peuvent aller vu les circonstances. La fosse commune ou l’versoir à prune faite maison. Comme ça qu’ça marchait partout où j’ai foutu les bottes jusqu’à maint’nant, pas d’raison qu’ça change. J’prends l’temps d’en r’pérer deux qui vont dans l’même sens et j’adjuge : c’par là qu’tu vas mon gars. Ca tombe bien, mon mégot vient d’s’éteindre. M’a même brûlé la lippe c’con, probabl’ment pour s’venger. S’venger d’quoi ? D’mande-lui.
"Lugubre", tiens, voilà. Fait pas encore nuit, ‘fin jcrois pas, mais c’est l’mot qu’irait bien au paysage. Que j’me dis pendant qu’j’marche droit vers la lumière au fond là-bas. La lumière au fond là-bas, c’est une meurtrière creusée au pic dans l’seul truc qui doit être en pierre dans c’trou du cul d’monde dévasté. Mais rien qu’la vue en réchauffe la pierre qu’j’ai sous les côtes, alors j’rentre après une dernière glissade sur un truc que jperds pas d’temps à identifier.
La porte craque, et tout l’bruit qui s’ret’nait à l’intérieur m’gicle au tympan. Un bruit d’rires mêlés d’cris et tartinés à la joie crasse d’être avec des bêtes humaines qui comme toi ont deux yeux, deux oreilles, et d’quoi planter les gueules pas nettes. L’genre de bruit qu’tu braves que quand t’as soif. Et j’ai soif. Soif et chaud, j’me rends compte. L’grand feu dans la ch’minée probablement. Vrai qu’c’est pas l’bois qui manque alentour, z’auraient tort de s’priver. J’tombe l’armure et j’la balance sur la première chaise libre que j’croise. Y en a pas des masses, le bouge est plein. A part l’serveur à qui jfais l’signe universel pour dire "une boutanche – verre inutile", personne a r’marqué mon entrée. Ca vaut ptêt mieux, un r’gard m’rappelle que l’humidité fait parfois r’ssortir la mouette sérigraphiée sur l’cuir. Presque dix ans maint’nant, c’te salope d’animal à la vie dure. Ca tombe bien, c’pour ça que je l’garde. J’ricane tout seul et l’patron s’ramène. Lui il a l’œil, mais y dit rien. J’sais pas si j’ai trop une gueule de mouette de toute façon. Ptêt j’ai tué l’gars à qui appartenait l’manteau, qu’y doit penser. Y r’part.
Et maint’nant qu’j’ai tous les éléments en main, j’pense. A m’sure qu’mon œsophage s’imprègne, mes neurones s’agitent. J’pas trop eu l’temps d’voir ça mais la nouvelle du r’tour du colonel Tahgel doit avoir fait dong sur West. Sur East, j’ai en partie cassé une banque de riches. Sur North personne m’connaît. Sur South ça doit aller aussi. J’pourrais rester là, r’commencer une nouvelle vie pépère. Mais c’est des pensées d’mec pas réchauffé ça. J’reprends une lampée, elle m’remet dans l’droit ch’min. J’ai l’souriant qui r’vient, les raisons du pourquoi j’ai fait parler Jeuv le chasseur de primes mort aussi. Les souv’nirs pas glorieux d’avant c’jour où j’ai craqué un boulon en passant d’poivrot à poivrot tueur d’milouf. Pis l’souv’nir d’la Sublime qui doit s’emmerder toute seule chais pas trop où là-bas.
Nan, y a pas, faut qu’jretourne la chercher. Pis expérimenter l’côté connu d’la loi, l’idée m’fait d’l’œil un peu. L’mauvais côté. J’ai des r’lents d’cour martiale qui m’viennent, à moins qu’c’soit l’rhum qui tape trop vite et qu’l’estomac suive pas… Mais même à l’époque j’avais des soutiens dans la force, c’que jveux là c’est du criminel solitaire, qu’a plus qu’ses tripes pour s’tirer d’la merde où y s’met. Etape qu’j’avais pas franchie sur l’moment. J’pense trop, ça m’nuit.