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[FB 1604]L'oeil du tigre [FINI]

Marijoa, quelque part dans le QG du Cypher Pol, Service Ressources Humaines.


-Agent Red, stage de médecine !
-Euh chef ? Moi j’avais demandé Rokushiki … Même que ça fait déjà cinq fois…
-C’est médecine ou administratif, Vous avez le choix …
-Ouais bon vu comme ça évidemment, médecine c’est cool, je prends…
-Parfait, agent Red stage de médecine !


(…)


Un mois plus tard. Quelque part sur le continent.


Le Temple. Pas un temple, Le Temple, avec une majuscule. Après lui tous les autres ont un gout de déjà vu, de copie... Il est tellement vieux que même les livres d’histoire ne se souviennent plus des légendes que racontent les glyphes dont les murs sont couverts. Tellement vieux que le paysage semble s’être bâti autour de lui plutôt que le contraire.
Il fait corps avec la jungle qui l’entoure, ici pas de lutte entre le végétal et le minéral, entre l’inerte et le vivant, plutôt une sorte de symbiose, une paix profonde et durable. La jungle, anarchie végétale en constante mutation, à beau croitre et se multiplier elle épargne le temple. N’y laissant entrer que quelques arbres et racines aussi solennelles et anciennes que les pierres.
La grande porte en est toujours ouverte, les tours majestueuses semblent une forêt aussi fournie que la jungle, les statues innombrables sont l’œuvre de sculpteur si inspirés qu’un millénaire après leur mort elles semblent encore vivante, incarnant toujours les valeurs de leur ère.
Quand on rentre dans le temple on traverse d’immense cours de pierres aux dalles gigantesque si parfaitement assemblées qu’on en discerne à peine les jointures, on traverse des portes monumentales recouvertes de verdure et dont les blocs sont soutenus aussi bien par des piliers de pierre que par les troncs qui y poussent.
Et comme le temple est loin d’être mort on y croise une infinité d’animaux, singes, oiseaux, félins… Et même quelques humains retirés du monde qui y perfectionnent d’antiques savoirs…

(…)

-La douleur n’est rien en elle-même. Ce n’est qu’un message…

Pour l’agent Red la théorie c’est plutôt bien. Mais en pratique, la tout de suite maintenant, alors qu’il est suspendu par les pieds depuis bientôt deux heures la douleur se fait quand même vachement présente. Genre message insistant venant de partout, du sang qui lui descend dans le crane, des muscles qu’il n’a pas bougé depuis qu’il est attaché, et des aiguilles d’au moins quarante centimètres qui le transpercent un peu partout.

-Le yoga élève ton niveau de conscience. Tu peux augmenter tes perceptions, mais tu peux aussi filtrer les informations parasites dans le message…

La corde qui retient l’agent Red pivote lentement, le ramenant en face du yogi. Maharishi Mahesh est un vieux type terriblement maigre, sec et coriace comme un vieil acacia, couvert de tatouages et d’une barbe qu’il n’a pas du raser depuis ses quatorze ans. Pour l’instant il est accroupi sur un mince pilier de bois, en équilibre sur un pied, immobile, n’ouvrant les yeux que pour choisir une nouvelle aiguille dans le coffret à coté de lui et la planter quelque part sur le corps de l’agent.

-La douleur n’est rien en elle-même. Ce n’est qu’un message…Le message est qu’il se passe quelque chose dans ton corps. La douleur n’est qu’une information, c’est le message qui est important pas l’information. Tu dois recevoir le message et faire abstraction de l’information.

Red ferme les yeux pendant que le vieux yogi fait naitre une nouvelle pointe de douleur qui lui parcourt le corps comme une lame de fond. Mais la leçon commence à porter ses fruits, et la douleur s’apaise pendant qu’il se retire dans la forteresse qu’il a bâtie dans sa tête. La blessure est la, il sait précisément ou. Mais il n’a plus mal…

-La douleur n’est rien en elle-même. Ce n’est qu’un message…


(…)

Red se tient en équilibre sur le poteau, sur une seule main. Pieds levés vers le ciel, bras attaché dans le dos, aussi immobile qu’une statue, il ne transpire même pas. Il a pas mal maigri ces derniers temps mais la progression est visible. Encore un peu et on le confondra avec les yogi qui peuple le temple, surement à cause de la barbe.

-Tu as commencé à changer. Avec la maitrise des sept chakras et des douze méridiens tu peux influer sur les six énergies qui parcourent ton corps. En modifiant leurs parcours tu peux vaincre la maladie, la douleur, ignorer le froid ou la faim et accélérer la guérison…

Maharishi lui ne change jamais. Il est aussi immuable que les pierres millénaires du temple. Quand Red arrive à l’aube il est déjà la, quand il s’en va avec la nuit il n’a pas bougé. Un mimétisme presque parfait avec les pierres du temple. Une osmose…

-Tu sais maintenant contrôler tes membres, tes muscles, tes organes, tes fonctions vitales. Bientôt tu contrôleras plus encore et les blessures ne laisseront des marques que dans tes souvenirs…
-Oui mais…
Maharishi tend la main et de l’index frappe les cotes de Red d’un coup léger, un coup qui suffit pourtant à ce que Red grimace de douleur avant de s’effondrer en bas de son poteau toute concentration évaporée.

-Bientôt tu seras prêt pour la suite de ta formation et tu apprendras à transmettre l’information sans même le message. Tu apprendras que d’une simple frappe tu peux provoquer douleur et paralysie.
-Nan mais franchement ça va pas hein… ça fait super mal… Et euh… Je croyais que c’était un stage de médecine traditionnelle à la base. En fait. Non ?
-Soigner et guérir sont des gestes plus difficiles que blesser ou tuer. Mais ce ne sont que deux facettes de la même voie. Mal utilisés les plantes guérisseuses sont des poisons. Mal utilisés les aiguilles peuvent mutiler ou tuer. Tu apprendras les deux car c’est à toi de choisir ta voie.


Dernière édition par Red le Sam 7 Jan 2012 - 14:53, édité 2 fois
    -Vous voulez que je me batte à poil. Contre un tigre ?
    -Tu es un élève doué, plus que beaucoup d’autres. Mais ton plus grand ennemi n’est pas le tigre, c’est le doute qui habite en toi.
    -Vous auriez juste pu répondre oui…
    -Souviens toi, ce tigre n’est pas juste un tigre…C’est l’adversaire…

    Quand on est nu on se sent vachement plus humble. Surtout quand on est au bord d’une jungle et qu’on attend un tigre pour le défier en solitaire. Et ce n’est pas parce qu’une bande de vieux bizarre vous a recouvert de tatouages peint qu’on se sent plus confiant…
    Dans le temple derrière lui retentit un long bruit de corne. Le tigre arrive. Du regard Red fait une nouvelle fois le point sur son environnement, derrière lui une muraille recouverte de plantes grimpantes, sous ses pieds nus un sol pavé recouvert de mousses qui en quelques métres à peine cède la place à une jungle touffue…
    Il fait chaud mais Red ne transpire pas, l’air humide grouille de moustique et d’insectes mais plus rien ne distingue Red du paysage et les insectes l’ignorent. Il se prépare, il attend, invisible, vigilant… Et soudain le tigre est la. Lui aussi est discret. Aussi silencieux qu’une lame aiguisé glissant sur la peau. Et tout aussi mortel.
    Le tigre s’arrête sous les dernières branches et regarde l’homme qui regarde le tigre. Chacun à la frontière du domaine de l’autre. L’iris doré du tigre contre le regard mi clos de l’homme. Puis le tigre avance, lui aussi est la pour le défi. Il sort lentement des fourrées, laissant à l’homme le temps de l’admirer passant dans le soleil. Une robe orange foncée rayée de noir, des membres puissants aux intérieurs blanc crèmes. Une impression de force contenue. Prés de trois cent kilos de muscles de griffes, de dents et de sauvagerie animale contre un homme presque dépourvu de tout ce qui fait la force de son espèce.
    D’un bond le tigre saute au centre de l’espace dégagé. Il est confiant, sur de lui. L’humain est seul, sans défense. Alors le tigre prend son temps et entame un cercle lent autour de Red qui le suit sans bouger de sa place…

    Maintenant que l’heure du combat est arrivée Red est à nouveau calme. Aussi immobile que possible il suit le tigre qui lui tourne autour, observant, attendant le moment de l’attaque, l’infime fléchissement des muscles ou la mort dans le regard qui lui permettra de l’anticiper et d’esquiver. S’il veut survivre il doit trouver le rythme du tigre, le comprendre…
    Le tigre bondit. D’une détente fulgurante il saute vers Red qui se jette de coté une fraction de seconde trop tard…Déjà il se réceptionne et Red se relève, son épaule balafré de trois traits qui commencent déjà à goutter de sang… Le tigre ne faisait que jouer. Il a tout le temps…
    Et la ronde reprend autour de l’homme. Lente et mortelle…
    Trois fois le tigre bondit à nouveau et trois fois l’homme esquive de justesse, récoltant de nouvelles balafres et de nouvelles rigoles de sang que vient coller la poussière qu’il soulève en suivant le tigre.

    **La douleur n’est rien en elle-même. Ce n’est qu’un message**

    Malgré les coups de griffes Red ne souffre pas. Il est passé au delà de la douleur, concentré uniquement sur le combat, sur le tigre et ses mouvements, son regard. Il a maintenant l’impression de le connaitre, de le comprendre. Il se voit par ses yeux, faible, vulnérable, humain.
    Et quand le tigre attaque à nouveau il est prêt.

    Le tigre saute et Red s’efface, glissant sous la patte griffue qui vise sa tête, et pendant que le tigre passe assez prés de lui pour qu’il puisse voir les gouttes d’humidité transpirer de sa fourrure, il frappe. Ses deux doigts liés frappent le tigre au niveau de l’aisselle, sous la patte avant. Et au lieu de repartir à l’assaut en effleurant à peine le sol le tigre s’effondre, son harmonie subitement brisé..
    Ça ne dure qu’un seconde et déjà il se relève mais son regard à changé. Il sait maintenant que l’homme aussi est dangereux.
    Les deux adversaires s’observent, se tournent autour, le tigre feinte et saute, atterrissant juste devant Red pour l’étreindre de deux coups de pattes. Mais Red s’est déjà éloigné…

    Le combat dure et de nouvelles plaies apparaissent sur le corps nu de Red, mais le tigre paye au prix fort chacune de ses blessures. Ses mouvements fluides se font douloureux, heurtés. Ses sauts sont moins rapides, ses réceptions moins assurés…

    Et bientôt les adversaires se font face pour la dernière fois. Et quand le tigre saute Red s’élance aussi, droit vers le tigre, se glissant contre lui pour l’enserrer de ses bras avant que ses griffes ne le frappent. Red et le tigre se percutent et les deux mains de Red frappent le cou du tigre, juste avant que le poids et la vitesse de celui-ci ne l’emporte avec lui.
    Red tombe en arrière et le tigre lui tombe dessus, lourd, étouffant, inerte. La frappe de Red a paralysé le tigre, l’empêchant de bouger et de respirer, l’empêchant de mordre la gorge offerte de l’agent.
    Red a vaincu le tigre…

    Red repousse le corps du tigre et se détache des yeux aux iris dorés lentement voilés par l’asphyxie. Sur le mur Maharishi hoche la tête. Impossible de dire s’il est satisfait ou non.

    -Pour le vaincre tu as compris le tigre. Et pour le comprendre tu es devenu le tigre. S’il meurt, tu meurs avec lui. Sauve-toi… (Et d’un geste le yogi lance à Red une poignée de longues aiguilles de cuivre)

    Sauver le tigre. Red manque de temps pour réfléchir, entre l’asphyxie et le blocage de sa circulation sanguine le tigre sera mort dans quelques minutes. D’abord relancer la circulation du sang, mais lentement, pour ne pas faire exploser le corps. Red renverse le corps paralysé sur le flanc et saisissant les aiguilles il entreprend de les planter sur les points vitaux du tigre…
    Ensuite l’asphyxie, posant la tête du tigre sur ses genoux Red entreprend de chercher les points de pression nécessaire, tâtonnant autour de la gorge jusqu'à ce qu’ouvrant la bouche le tigre prenne une longue respiration de presque noyé…
    Red se fige pendant que le tigre se relève, inspire profondément avant de fixer longuement l’humain qui vient de le sauver… Puis le tigre s’écarte, laissant l’agent Red retirer une à une les aiguilles fichés dans sa chair. Et sur un dernier regard pensif à l’agent, le tigre lui tourne le dos et disparait à nouveau dans la jungle…

    -Pfou… Pas mal non ? Je crois que j’ai réussi le test la ?
    -Oui, n’oublie jamais qu’il est toujours plus difficile de guérir que de blesser.
    -Pas de soucis vieux…