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[K]eep making me laugh


Le froid me griffait la peau. Il léchait mon derme, avide et insatiable de ma chaleur, m'attirant dans sa prison glacée. Il me tenait, s’emparer de moi. Il me tirait de mes songes, me raccrochant à une réalité aussi dure que de la pierre. J’étais allongé. Je crois. Je n’étais sûre de rien. Etendue de tout mon long sur ce sol dur, la peau pâlit par le froid. Sa fraicheur me sembla bienheureuse pendant un temps, avant de m’apparaitre aussi terrible et impitoyable. Elle me fit l’effet d’un bain d’eau glacé dans lequel on me plongea brutalement. La joue contre la roche, entrouvrant les yeux doucement, je sentis la tête me tourner. La bile me montait aux lèvres. Pourquoi ? Je n’en savais rien. Quelque chose n’allait pas, quelque chose ne tournait pas rond. J’avais la nausée, j’avais l’impression que mon estomac tentait de se digérer. Et puis une douleur vive qui me fit replonger. Mon corps s’affaissa de nouveau, ma tête heurta le sol brutalement, émanant de là une douleur aigu qui se propageait le long de mon cou, puis de mes épaules, avant de m’embarquer à nouveau dans ces limbes.

...« Arrête de bouger ! Tu vas me faire louper ! »

Bee haussa les épaules, regardant fixement ce qu’on était en train de faire à son avant-bras. Les plaques d’aciers relevés, refermant à présent un canon à air fraichement fabriqué. Elle s’appliquait, sur lui, tournevis en main en faisant son travail avec le plus de précaution possible. Il était attentif, épris surtout. Elle plaça une visse dans sa bouche et reposa l’une des plaques pour cacher l’arme. Puis, elle fit de même pour l’autre. Ensuite, elle dévissa celle de la main, pour lui permettre de s’ouvrir et de laisser le canon de l’arme apparaitre :

« Teste le. »

Il pointa le bras vers un mur et un puissant tir le démoli. Il fut propulsé en arrière par la puissance du choc, mais ne broncha pas. Il revint sur ses pas, regarda Lilou qui semblait ravie. Il l’était aussi, principalement parce que son amie souriait.

« C’est parfait. Il marche. On n’a pas perdu notre temps ! »

Il hocha la tête.

« T’es pas encore prêt pour qu’on puisse se battre tous les deux, mais ça ne saurait tarder. Tu verras, ensemble, on va en dérouiller des méchants ! »

Elle tendit son pouce en avant et lui fit un clin d’œil. Il hocha la tête à nouveau et regarda son buste jaune. Celui-ci sonnait vide. Il avait hâte, hâte de pouvoir être un peu plus utile à celle qu’il affectionnait particulièrement. Lilou remballa ses affaires et les fourra dans son sac, elle leva les yeux vers lui et lui fit :

« Ne bouge pas d’ici, je reviens très vite. J’vais essayer de trouver de quoi te terminer. »

Il s’était assis, faisant mine d’obéir. Mais il n’aimait pas trop se séparer d’elle, alors, de loin, il l’avait suivi...


Comme des poumons que l’on ouvre pour la première fois, une douleur aussi puissante s’élança dans ma cage thoracique. Je portais mon bras anesthésié par le froid à mon flanc, appuyant sur mes côtes pour calmer cette gêne. Mais tel un coup que je me serais portée moi-même, un mal pire encore se fit sentir. J’ouvris les yeux, cherchant du regard de quoi me raccrocher. Ils se posèrent sur une main, portée au niveau de mon visage. Le poignet était gonflé, boursouflé. Et il me devint facile de constater que c’était mon poignet. Je tentais de le bouger, mais il me fit souffrir, comme si des aiguilles se plantaient sous ma peau, doucement, lentement, sournoisement, et grattaient le cartilage, avec cette volonté malsaine de me l’arracher. Ça faisait mal, terriblement mal. A un tel point qu’un glapissement s’échappa de ma bouche, que j’aurais voulu retenir. Je me mis à pleurer, tandis que mon cœur se serrait brutalement. Cette réalité ne m’allait pas, elle n’était rien. Elle n’était pas vraie. Impossible, incroyable. Je voulais m’en convaincre. J’avais cette impression qu’une main, aux ongles aiguisés et aux os saillants, se glissait dans ma poitrine pour tordre mes entrailles. De nouveau, la nausée. Et comme une réaction en chaîne, un cri s’étrangla dans ma gorge, mes cotes semblèrent se planter dans mes poumons, mon oreille droite se mit à bourdonner sauvagement, avant qu’un bruit aigu, assourdissant, ne me fasse tourner de l’œil à nouveau.

...Il lui jeta un regard qui disait « est-ce que tu m’en veux de t’avoir suivi ? ». Elle lui fit un sourire bienveillant, tapota sur son épaule doucement, haussa les épaules et hocha la tête. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Malgré toute la volonté du monde, elle ne pourrait jamais. Il était Bee, et elle avait besoin de lui. Surtout dans cette situation. Ils étaient là, face à des ennemis en surnombre.

« Il est peut-être temps de tester, pour voir si ça marche. »

Il savait où elle voulait en venir. Il se recroquevilla sur elle doucement, et se transforma. Elle était revêtue de cette armure d’acier. Plutôt lourde, songea-t-elle. Ses mouvements n’étaient pas fluides, sa vitesse considérablement réduite. Mais pour le coup, elle avait pensé que ça suffirait à se débarrasser de ses détracteurs. Qu’est-ce qu’ils lui voulaient ? Impossible de le savoir. Et elle ne voulait pas savoir. Pour le coup, elle valait taper avant de parler. C’était ce qu’elle avait prévu. Pas de plan B si ça foirait.

Et ça avait salement foiré.
Principalement à cause du nombre. Trop. Elle avait été submergé. Et elle n’arrivait pas à contrôler cette masse. Bee avait repris conscience et lui avait évité un coup qui aurait pu être tragique. Il se remit d’aplomb, envoya valser trois de ses adversaires avec une colère que l’on aurait pu palper. Elle se tenait les côtes avec un sourire. On avait frappé fort, mais elle avait l’habitude.

« J’y vais, on se retrouve plus tard, d’acc’ ? »

Il avait hoché la tête, à nouveau, et c’était tourné vers ses ennemis. Elle avait pris ses jambes à son cou, tournant dans une ruelle, puis dans une autre, cherchant à rejoindre les avenues passantes. Mais elle se perdit, et son destin l’attendait au tournant. On lui tomba dessus. Le premier coup manqua de la terrasser. Il avait été si fort qu’elle sentit le sang perler sur ses lèvres. Mais elle se ressaisit rapidement, envoyant son poing rencontré les dents de son adversaire. On lui attrapa le poignet et on le lui brisa, avant d’écraser un poing fermé contre sa pommette. Plusieurs fois, on s’acharna, pour qu’elle perde conscience. Ce fut un coup de trop, porté à son oreille, qui eut raison d’elle. De la suite, elle ne savait rien. Mais elle était dans de sales draps...


La nausée me fit ressortir. La bile qui me brulait la gorge. J’eus du mal. Je m’étouffai. Mais j’étais à présent assez consciente, grâce à l’acidité dans ma gorge, pour comprendre que mon nez était brisé, ma pommette probablement éclaté. Je voyais trouble d’un œil, comme s’il refusait de s’ouvrir. L’autre ne marchait pas mieux, il souhaitait se refermer.

Je luttai. J’avais peur, donc je luttai.

La vue rongeait par une noirceur indicible, mon oreille droite bourdonnait sauvagement. Je voulus me relever, mais fus pris d’un vertige ahurissant. Je n’y arrivais pas. Je ne pouvais pas. J’avais mal. J’avais envie que tout cela s’arrête immédiatement. Qu’on me laisse, suppliai-je à mi-voix en me tournant sur mon flanc, avant de tomber sur le ventre. Qu’on m’oublie, qu’on me sauve. Ou qu’on me tue. Et petit à petit, je percevais à terre un parquet rongé par les mites, relevant les yeux vers un mur en pierre, froid et massif. Un halo de lumière perçait cette obscurité malsaine. Il ne me semblait plus rêver, pourtant, le voile entre l’enfer et la réalité me semblait fin. Ou étais-je ? Une cave ? Je me servis de mon bras valide pour me remettre progressivement sur mes jambes. Puis je m’aidai du mur pour me tenir debout. Je m’affalai contre, posant l’arrière de mon crâne sur les briques froides ; ça me soulagea, me permis aussi de reprendre mes esprits. Je devais faire un bilan de mon état. Au vu de la douleur vive à mon oreille, de cette surdité, j’étais certaine de m’être pris un coup, qui m’avait probablement brisé la pommette, ainsi que les os de l’oreille. J’effleurai mon nez, qui était gonflé. Cassé, probablement. Comme ces deux… non, trois côtes. Une fêlée, qui n’attendait qu’à être brisé à son tour. Et puis, le poignet en morceau.

Comme un signe, des représailles.
Un symbole.
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Ma vision est floue. Il plane dans l’air une odeur acre et métallique. Sueur et sang coulent par litres depuis quelques minutes. En face de moi, un homme gigantesque avoisinant les trois mètres. Autours de moi, des barreaux solidement ancrés dans le sol. C’est la cage. Ma cage. Et même si sa main vient d’épouser mon crâne, jetant mes repaires au sol et foutant ma vision en l’air, j'le laisserais pas imposer sa marque ici. C’est chez moi, la loi je la dicte, et nul autre. Un grognement, et j’lui fonce dans le lard, lui brisant quelques côtes d’un genou lancé avec entrain. L’sourire s’glisse et fend mon visage, tandis qu’mon battoir se fraye un chemin jusqu'au siens. Cette fois-ci, c’ma main qui finit dans sa face. Il chancèle légèrement. Un peu trop à mon gout. Alors je termine mon mouvement d’un chassé, pivotant mon bassin et plantant mon pied sur le coté d’un genou. Crac. Je sais pas ce que j’ai touché, mais il a pas l’air d’apprécier vu la couleur qu’prend son visage.

J’me retourne, tandis qu’il balaye la poussière avec sa tignasse brune. La clameur du publique monte enfin, après trois minutes d’un silence religieux. Les cris d’joie s’mêlent à la souffrance de mon adversaire. Les bruits s’répercutent sur les parois d’la cave ou j’office. J’exhorte la foule, portant une main à mon oreille, l’autre bien en vue à plus de deux mètre du sol. Il est l’heure d’en finir, ce combat n’a que trop duré. Mon pied écrase un crâne : Je plains l’technicien d’surface, j’aimerais pas avoir à nettoyer. J’ressors d’la cage, la foule s’excitant tout autours de moi, tandis que j’reste impassible. Fendant la masse compacte d’mon double mètre, j’me dirige vers l’bar. J’ai bien mérité une p’tite récompense, une bonne bière fraiche fera l’affaire. En passant, deux trois badauds m’félicitent, m’remercient, et certains veulent “toucher la bête“. Un sourire mauvais écarte les gueux et gueuses, ma mine patibulaire fait l’reste : Enfin peinard. J’ai jamais aimé la foule quand elle est trop près. Faut dire que c’est une sacrée bande d’abrutis.

En parlant d’abrutis, j’manque de m’étouffer dans mon verre quand j’vois l’bout d’une carcasse dorée qui pointe son bec. Bee, l’canard mécanique, assumant ses quatre mètre facil’ment. Mais qu’est-ce qu’il fout là ?! Posant une piécette sur l’comptoir, j’me barre en deux deux, l’canard risquerait de s’attirer des ennuis. Surtout qu’vu l’potentiel d’sa maîtresse, il doit avoir un karma négatif. J’me dirige dehors, la machine sur les talons.

L’air frais fait un bien fou, surtout vu la cave humide et confinée qu’je viens de quitter. La nuit est bien avancée, les étoiles hautes dans l’ciel, sous l’regard exigeant d’un lune bien ronde. La scène est éclairée d’une lueur argentée, tandis qu’un grand machin essaye de communiquer. Ma mine est improbable, j’capte quedal à c’que tu dis !

- Essaye avec des mots pour voir ? Qu’je lui fais, l’sourcil froncé et l’index relevé.

Parce que là j’capte bezef à tes piaillements. Ca d’viendrait presque agaçant ! Je l’ai pas vu d’puis au moins quatre mois –j’ai pas compté, et j’comprend toujours pas c’qu’il fout là, surtout sans Lilou. Ca sent l’embrouille, sinon j’pense pas qu’il serait venu me chercher… J’suis pas l’genre d’mec qu’on fréquente pour sa discussion. L’impatience m’gagne, le sang pulse à ma veine, s’raccroche à mon palpitant : Mon pied tape le sol une fois. Puis deux. Là c’est Bee qui perd le contrôle en caquetant comme un démon, véritablement déchainé. Bordel Lilou ton bins est encore incontrôlable ! Eh, Lilou ? Attends, elle ou encore celle là ?

- Rah mais calme toi, elle est ou Lilou, y’a qu’elle pour capter c’que tu jacte.

C’la que ça d’vient flippant. Il hausse les épaules et mime une sorte de combat, en finissant par des tronches et des poses louches. J’crois que j’ai capté : Elle est encore dans la merde. Pourquoi c’moi qu’il vient chercher ? Demande pas l’ami, j’en sais encore moins qu’toi sur l'sujet.
La nuit est chaude, elle est sauvage. J’me glisse à la suite de Bee, m’sentant tout d’suite beaucoup plus discret. Il doit m’amener sur les lieux de l’embrouille. J’lui tape sur l’épaule et entre dans un bâtiment assez bas, ressemblant à une ferme de proximité. J’tire sur un levier, ouvre une trappe, me glisse dans une fine ouverture – enfin pour moi. J’en ressors avec le kit du p’tit aventurier : Pièces d’armures, thunes et un gros merlin qu’je pose sur son étui derrière mes hanches. La détresse et l’abattement du gros canard est palpable, elle m’prend à la gorge, elle m’accable. J’sais pas vraiment ce qui s’est passé, mais c’est grave.
Direction l’port pour trouver un navire, Bee m’ayant indiqué clairement qu’il avait volé jusqu’à moi. J’emprunte un p’tit chalutier à un marin complétement soul, qui s’réveillera d’main matin sur l’quais, un foutu mal de crâne accompagnant l’absence de son bâtiment.

Mon regard est dur, pointant sur l’horizon une détermination sans faille. Devant l’navire, un canard me guide. S’en est presque ridicule. Limite pittoresque. Sauf qu’on est pas dans un compte de fée, ni dans une histoire épique et incroyable : C’est la réalité, et le merdier dans lequel j’dois tirer Lilou n’est pas une ligne sur un bout d’papier. J’lance la voile sous l’vent, j’laisse le courant tirer une ligne droite vers une destination inconnue. J’fais flamber quelque buche dans un bout d’tôle retourné, affutant ma lame tout en surveillant mon repas.
J’ai des risques de claquer dans cette aventure, mais c’le dernier de mes soucis. Quand on a bien assez vécu pour voir toute la misère et l’horreur humaine, on peut mourir sur ses deux oreilles. Le temps s’est d’ja bien assez écoulé pour moi. Maintenant j’le prend pour aider les autres, et laisser cette empreinte que l’on donne qu’aux grands Hommes.

Et j’ai bien l’intention d’faire partie du club.
    L’endroit était étroit. J’étouffai. J’avais besoin d’air. Et froid, tellement froid. Je détestai, le genre de lieu qui hante vos cauchemars les plus sordides, un antre malsain et perfide qui vous fait regretter votre venue au monde. Sobre, glaçante, coupée de tout, de l’extérieur, de la vie. Il n’y avait rien pour me donner espoir, si ce n’est cette porte en bois, avec une petite ouverture fermée par des barreaux en acier. Je m’y approchai et regardai l’extérieur avec l’espoir infime d’y voir un visage, une issue, une idée. La main faisant le tour de la tige de métal, le nez collé contre le froid de l’alliage, la portée visuelle était restreinte. Un mur, un simple mur. Peut-être un couloir. Des escaliers ? Du noir. Du rien.

    Je n’osai pas élever la voix, je n’osai pas respirer. Le souffle court, je reculai doucement, comme pour éviter d’attirer l’attention. Je sentis ma poitrine s’affaissait doucement, je sentis l’air me manquer, comme s’il ne voulait plus rentrer dans mes poumons, comme s’il ne pouvait plus le faire. Mes organes se froissaient, ils se tordaient inlassablement sous le coup d’un sentiment que j’avais oublié, à force d’aimer la liberté, de la vivre, de la sentir dans chacun de mes muscles, s’écoulant dans mes veines. J’avais pris goût, j’avais oublié ce qu’était ce désert, cet instant dans notre vie, cette solitude profonde… Cette peur.
    La peur du lendemain.
    Cette peur qui m’avait longtemps maintenue éveillée, des nuits entières, à me dire « Tiens le coup, Hanabi, tiens le coup » ; A se répéter inlassablement qu’espérer n’est pas encore interdit, que l’enfance n’était pas finie. Que j’avais le droit, qu’un jour on entendrait mes cris. Mes cris s’étaient eux aussi étouffé dans ma gorge, j’avais ravalé mes larmes, ma détresse, ma peine, ma tristesse, pour me forger une armure infranchissable, impénétrable. Une armure de rancœur, de haine, de colère. J’étais indéniablement faible et impuissante, a jamais dans les fers. Renvoyée à mon statut d’esclave. Un matricule. 19921209. Rien d’autre.
    Et j’avais oublié, cette petite fille. Une enfant que la vie avait trop maltraité. Par plaisir, par hasard. Une enfant qui avait subi le courroux des adultes, l’ignorance, le dégoût aussi de sa propre existence. Qui était-ce ? Je l’avais oubliée, rejetée de mon esprit. Elle n’était personne, parce que je n’étais plus elle. Mais la peur ramène au premier plan des souvenirs que beaucoup préféré oublié. L’enfermement, le matricule d’une vie, d’esclave, l’impuissance face à la violence. Hanabi s’était accrochée tant de temps pour ne pas s’oublier. Et puis, elle avait décidé devant une amitié nouvelle de mourir, pour devenir une autre.

    Hanabi, c’était moi. Lilou.

    Et Hanabi avait peur. Elle était terrorisée. Elle avait oublié qu’elle pouvait être là, elle avait oublié ce que c’était que d’être derrière une porte infranchissable, un mur de pierre, un mur froid qui ne communiquait rien. Elle s’était blottie dans les bras de gens qui l’aimaient, dans le creux d’un compagnon de route qui ne la lâcherait jamais. Ils avaient pansé ses blessures, elle avait pris soin d’enfermer dans une boite un passé. Elle n’avait pourtant pas jeté la clef, à regret.

    « J’avais oublié... Ce n’est pas juste… »

    Oublier avait été si simple. Si facile. Plus facile que d’affronter. Mais la peur faisait des miracles, pas toujours des bons miracles. Et elle nous les renvoyait en pleine poire, avec un sourire qui disait « bien fait, tu l’as cherché ». Qu’est-ce qu’oublier ? On n’oublie rien. Le passé s’ancre dans nos peaux, il nous marque de cicatrices, il nous subjugue. Le passé est notre base de vie, notre pilier. S’il est bancal, nous sommes bancals. S’il est droit, nous sommes droits. Le mien était biaisé, le mien était foireux. Il n’y avait pas de pilier, seulement des gravats sur lesquels je voulais construire quelque chose de beau, de bon. De la merde. C’était de la merde. On ne construit que sur une terre vierge. On s’accommode des gravats. J’avais voulu oublier les miens, j’avais fait l’autruche en espérant que ça irait. Ça n’allait pas. Rien n’allait.

    Et j’avais toujours aussi peur.

    Ce silence qui m’était pourtant si agréable résonnait à mes oreilles comme un cri perçant. Il hurlait, il criait, il me montait à la tête en me soulant. J’allai tomber dans les pommes, j’avais envie de lâcher prise. Ce silence m’assassinait une seconde fois, il me rouait de coup et me brisant les os. Une reviviscence de sentiments, mes côtes me firent souffrir. Je me pliai en deux, respirant lentement en taisant un glapissement. Je ne voulais pas qu’on m’entende, je ne pouvais pas. Il n’y a que les faibles qui gémissent. Je ne m’étais jamais permis de l’être. J’avais passé mon enfance à souffrir. Hanabi avait passé son enfance à souffrir, elle savait comment ne pas crier, ne pas pleurer. C’était des larmes silencieuses, mais si on ne les entendait pas, alors ça allait.

    Je me recroquevillai sur moi-même, frôlant le mur froid pour me blottir contre lui. Ce froid, je le connaissais. Il me rassurait. Il avait toujours été là pour moi, tout ce temps. Hanabi le savait. Elle s’était habituée à lui. Voilà, l’habitude, c’était toute sa vie. Elle connaissait l’absence, le manque. Deux sœurs qui l’accompagnaient sans cesse. Elle avait appris à les connaitre, à les accepter. Parfois à les aimer, pas par choix.

    On ne choisit jamais, qu’elle me disait. Tu n’as jamais choisi, tu as subit. Et subir, tu sais faire. Je vais t’y aider. Et quand tu en auras marre d’être cette gamine apeurée, qui a appris à se taire, à ne pas pleurer… Et bien tu crieras, Lilou. Tu crieras, et tu sortiras d’ici. Tu t’en sortiras.
    Tu m’as méprisé tout ce temps, parce que la souffrance était trop forte, et tu avais le droit de souffrir. Tu ne peux pas toujours endurer. Je l’ai fait trop longtemps. J’étais là pour ça, j’ai accepté ce sort. Mais maintenant que tu n’es plus moi, ta peur n’a plus lieu d’être. Je suis là, je suis toi. Tu dois m’aider, Lilou. Tu dois m’aider à ne plus subir, tu dois m’aider à ne plus souffrir.

    Je ne suis qu’une petite fille. Et tu n’as plus à souffrir.


    Prise d’une colère soudaine, une explosion à l’intérieur de mes entrailles, je me levai soudainement et fonçai sur la porte. Violemment, sans ménagement, je m’écrasai contre la stature en bois. Elle céda, valsant contre le mur de pierre juste en face en un fracas énorme et sonore. Pas le temps de stopper ma course, je me mangeai le mur en face de moi, lançant un saignement de nez virulent. Je manquai de m’étouffer, sonnée, à moitié confuse, voyant flou, avançant à tâtons pour aller à l’extrémité de ce couloir. Des escaliers en colimaçon, une seconde porte et derrière cette porte…
    Des bruits.

    Il me fallait reprendre un peu de contenance. J’épongeai le sang qui coulait de mon nez avec mon T-shirt. J’arrêtai l’hémorragie en taisant la douleur, je me fichai qu’il soit brisé. C’était pas grave.
    Y’avait pire.
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    Flash. Explosion intense de douleur. Reçue et partagée. Je frappe sans faire de distinction, cagoule ou tête nue y passent. J’rends rubis sur poing, et chacun en à pour son compte. T’es jaloux ? J’en ai encore en réserve, t’en fais pas, ton tour viendra. Je me lance de rue en rue, j’suis un cyclone qui dévaste, une brute qui fracasse : Fallait pas m’énerver.
    Le taureau à des amis, mais même si j’dois me taper tout le troupeau j’irais la sortir de là. J’ai de la haine dans les veines, des remords en tête, et de la violence au bout des phalanges, prête à être utilisée, sans une once d’pitié. Autant t’le dire tout de suite : Ca va chier.

    Igor n’était qu’un caïd de bas étages à l’origine, une raclure des bas quartier à la destinée toute tracée : Les fers ou le sapin.


    Il y’avait l’île. Elle était immense, se posant dans l’océan comme une brique dans la mare, massive et grouillante. Sur un fond gris, le ciel peinait à prendre des couleurs, si bien qu’il faisait une mince bande enflammée qui repoussait difficilement la voute grisâtre. Les étoiles pointaient encore à travers les nuages, et luisait d’autant plus de force que de difficulté à se frayer un chemin jusqu’au voyageur.
    Sa barque avançait lentement, mais implacable comme la faux du destin, son fil brisait l’océan et se rapprochait inéluctablement du rivage.
    Pendu à un escargophone, les pieds pendant de l’autre côté de la barque, la discussion semblait éteinte tant la colère qui grondait et qui vibrait était enfouie en lui. C’est Dino qui lui fournit les infos nécessaires à la suite des opérations. Un indic’ des quartiers populaires, qui connaît North comme son portefeuille, et qui roule sa bosse pour lui.

    Et le visage du voyageur, fermé
    jusqu’à l'or, semblait s’illuminer d’une rage sans commune mesure à mesure qu’il approchait.
    Il la sentit qui montait. Elle était une partie de lui, elle l’a toujours été. C’était comme un bain d’acide dans lequel sa peau se dissolvait et brûlait par plaque, s’en allant comme s’envole la fumée dans l’air d’Inari. La vapeur formait des volutes depuis le ciel, et descendait en cascade sur le miroir qu’il fendait, semblable à une couche d’encre recouvrant l’océan. L’air était pourrit, caractéristique d’une humanité qu’il commençait peu à peu à exécrer. Plus il s’approchait et plus les relents l’entouraient, soulevant son cœur pour porter sa rage à des degrés inconnus.

    C’était comme le roulis incessant d’un navire lorsque la mer s’agitait. C’était comme la force de cette
    GrandeLigne, qui broyait tout ceux qui n’avaient pas l’étoffe de la parcourir. C’était pire que cela, la colère d’un grand fauve, Homme-prédateur pour les hommes.


    Igor Gargarismov qu’il s’appelle. Cet homme me maudira avant la fin de cette soirée de débauche. Débauche de violence et de sang, du mien et du leur qui coule et s’ancre profondément dans le macadam’. Terre d’accueil pour mon jugement, Inari rougeoie, l’atmosphère craque, la violence s’fait dogme.
    Gargarismov est une connaissance de notre ami le Taureau. Quand on l’a prit par les cornes pour lui faire l’coup du matamore, lui a pas apprécié le geste. Pour tout te dire, c’mec est à la tête d’une organisation paramilitaire, qui règne en despote sur une partie d’un océan lointain et pourtant redouté. Cette fameuse ligne de fond. Cette fameuse ligne qui provoque et brise tant de rêves. Enfin, c’mec passe son temps entre extorsion, raquet, impôts perso’ et j’ten passe des meilleurs.

    Un rigolo.

    Y’a qu’un pauvre type pour s’en prendre aux plus faibles. Pour s’en prendre à elle au lieu d’venir me chercher. Il a voulu faire le malin, monter un piège complexe … J’te parie qu’il relâchera Lilou avant la fin, à force de s’faire ravaler fierté et service trois pièces.
    Pourvu qu’elle m’en laisse un croc.

    Flash. L’air crépite, embruni. La fumée voile l’peu de jour qui se lève sur Inari. L’aube commence, et l’aube est rouge carmin. J’frappe. D’ma hache j’débite des tronçons d’humains qui gueulent à faire regretter un porc d’être passé par là. D’mon poing j’écrase un crâne, d’mon pied j’fauche une cage thoracique. L’sang me monte à la tête. Tandis qu’je me vide peu à peu par les trous plombés qu’ils m’ont fait, mon palpitant s’agite. Il s’bat et s'débat, démon de chair et de sang.

    Géant implacable dans une ruelle qui mène à des caveaux. Je m’abandonne à la haine. J’sais pas bien c’que je suis capable de faire. J’sais pas non plus combien de temps j’vais tenir. Je tiendrais.

      J’avais envie de croire que je pouvais aller plus loin. Envie de penser que je pouvais m’en sortir. Je me tenais là, devant cette porte, à attendre qu’elle s’ouvre. Que je l’ouvre. Que j’en ai la force. Le nez tuméfié, dans mon T-shirt, tentant de colmater l’hémorragie qui ne voulait pas s’arrêter, j’attendais avec l’envie d’y croire. Le palpitant battant à cent à l’heure, l’adrénaline s’écoulant dans mes veines au rythme de mon cœur, je tentais de maitriser ma respiration pour me faire discrète et silencieuse.
      Il y avait, dans la pièce à côté, un bruit monstrueux.
      Etait-ce une pièce ? Je sentais sous la porte un courant d’air, à travers les planches cette même fraicheur, presque rassurante. La lumière se faisait pourtant restreinte, timide, tâtonnante, hésitante. Je plaçai mon œil sur la serrure de la porte, découvrant une allée et des escaliers qui remontaient vers la surface de la terre. J’étais bien dans une cave, extérieure. Où ? Une île ? Probablement. Laquelle ? Aucune idée. Et je ne devais que franchir l’endroit pour le découvrir.
      Mais c’est alors qu’un cri perçant attira mon attention alors que je me relevai pour reprendre mes esprits. Un cri, puissant, de douleur. Des coups, par dizaines, qui se distribuaient généreusement. Il y avait quelque chose, ou quelqu’un, là-bas, qui se battait contre d’autres. Qui ? Je n’en savais rien. Je suspectai Bee, qui avait peut être remonté ma trace. Je l’espérai, tout du moins. Et je m’accrochai à ce maigre espoir de toutes mes forces, m’agrippant de mes petits doigts fragiles à ce qu’il me restait.

      Un autre cri, un sifflement qui se rapprochait, j’eus le reflex de m’écarter de la porte en bois. A raison, car le corps d’un homme traversa l’entrée. Des éclats volèrent dans le couloir de pierre, un trou énorme était à présent au milieu du bois. Le gars, lui, était allongé par terre, inconscient ou mort. Je m’approchai de lui et lui pris son T-shirt avant de le déchirer pour m’en faire une écharpe. Dans ces conditions, tout était bon à prendre pour survivre, surtout pour supporter la douleur. Le bras tombant ne m’aurait pas aidé à avancer et je n’avais pas envie de me le tenir, ça m’empêcherait de m’enfuir.

      Bref, ni l’envie ni la patience de m’attarder plus longtemps, surtout si c’était pour voir débarquer des ennemis en surnombre. J’avais eu, pour l’instant, énormément de chance, assez pour pouvoir me tirer de ma prison. Passant dans le nouveau passage que l’on venait généreusement de m’offrir, je posai un pied de l’autre côté, regardant pour voir ou est-ce que j’allai. Je n’étais pas rassurée, vraiment pas. Mais je n’avais pas le choix. Rester ici, c’était rester pour mourir. Tenter le diable, peut être le mieux à faire.
      Je jetai un coup d’œil de gauche à droite, constatant que c’était bien une cave en sous-terrain, avec plusieurs portes en bois. La mienne donnée sur des escaliers qui menaient vers l’extérieure. Une lumière rougeoyante perçait progressivement, mais difficilement au vu des nuages grisonnants qui avaient l’air de rester là. Mes yeux eurent du mal à s’habituer à la lumière, en particulier parce que l’un d’eux était complètement tuméfier, et que l’autre voulait se fermer.

      Gravissant les escaliers, parcourant les quelques mètres qui me séparaient du chahut, je me stoppai net après quelques enjambées. Ma vue troublée, par la peur, l’adrénaline, l’angoisse, les larmes, mit du temps à se fixer sur la haute silhouette que j’apercevais.
      Grand, massif, destructeur.
      Je sentais dans mes tympans mon cœur qui battait. L’une de mes oreilles me fit mal, et manqua de me faire perdre l’équilibre. Je me rattrapai au sol, le bras valide me tenant fébrilement. A côté de cette silhouette, ce jaune flashant, vif.
      Bee et…

      « Ju… Judas ? »

      Je le regardai, tétanisée, au milieu de ces cadavres. J’avais du mal à savoir si c’était lui ou non. Mais mon instinct me disait d’y croire. Et dans quel état j’étais ? Absolument pas présentable. A se demander à quoi est-ce que je pouvais penser : la situation ne prêtait pas à être présentable. Le fait étant que je ne voulais pas que l’on me voit dans cette posture : Le bras en écharpe, à moitié défiguré, sourde. Bonne à causer des soucis, surtout à Bee. Je fis un sourire, me relevant difficilement. Mes jambes tremblaient, je n’arrivais pas à savoir pourquoi est-ce que j’étais aussi pétrifiée.

      « Ahah, contente de te voir !... Comment ça va depuis le temps ? »

      Bee s’approcha de moi, arrivant bien rapidement à mes côtés pour me porter assistance. Je voulus me rapprocher de lui, mais mes jambes me portaient à peine, et mon taux d’adrénaline retombait progressivement dans mon corps, me faisant trembler. Je fis signe à Bee que j’allai bien. Et si je n’y croyais pas, il fallait que lui y croit. Qu’il ne s’inquiète pas. Qu’il ne se soucie pas de moi. Surtout, qu’il ne s’en veuille pas.

      « Qu’est-ce que tu fais ici ?... C’est Bee qu’est venu te chercher ? Fallait pas t’embêter… »

      Un petit rire.
      C’était tout sauf crédible. Tout sauf vrai. J’étais terriblement rassurée de le voir ici. De savoir que je pouvais compter sur lui. Parce que maintenant, j’avais cet espoir, pur et vrai, qui battait dans mon cœur.
      Par contre, impossible de savoir à quel moment et pourquoi est-ce que soudainement j’avais tourné de l’œil. Tout ce que je sais, c’est qu’en quelques secondes, une douleur vive avait saisi ma tempe et que le sol s’était purement et simplement dérobé sous mes pieds. Un contre coup, le choc qui retombait.
      L’adrénaline qui me laissait à la merci du monde.
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      La loi du plus fort. La loi du plus beau. Et celle du plus riche. Trois dictats d’notre monde qui m’débecte. Il y’a des innocents que l’on achète et que l’on vend, comme de la marchandise. On les troc : Vie, souffrance, sentiment, tout est monnayable à présent. J’ai la nausée. Le prix d’leurs actes, j’compte le faire payer en liquide ; Face à Judas, la monnaie devient illusoire. On sait tous comment l’homme termina, ce que l’on ignore, c’est que la légende est tout autre. Un homme meurt par conviction, et celui qui laisse l’argent acheter sa vie vaut pas l’sous. Pas le miens.

      J’suis ni beau, ni riche. J’ai juste ce corps, ces mains. J’possède deux atouts pour faire regretter aux sous-hommes la portée d’leur actes ; Quels qu’ils soient, ou qu’ils aillent. J’suis un prédateur. Vous êtes mes proies.

      Retour à la réalité. Le sang pave les murs et le sol a pris cette teinte brunâtre. Carnage, flash sanglant qui m’obsède. J’sens mon coeur pulser violement. J’sens le démon reprendre ses droits, tandis qu’un bruit de roues sur la pierre m’attire. Obsession. Bee bifurque à droit et avorte une tentative d’embuscade dans l’œuf. En face de moi, un canon. J’attrape ma hache et la cale bien entre mes mains. Perpendiculaire à mon buste, j’avance vers la machine de mort : Elle vaut pas bezef comparé à c’qui m’agite.

      Un cri. Une voix qui sort de moi sans contrôle. Inhumain, il appartient à c’te part sombre que je me trimballe. J’zigzag pour prendre d’la vitesse. Le boulet fonce vers moi : J’lui rend son regard métallique et darde ma volonté ; J’bande mes muscles et fond sur la fonte. Ma hache s’enfonce, comme au ralenti, et j’vois sa masse se fissurer. Elle éclate en morceaux, et m’vla bon pour un ravalement de façade. Heureusement, la position d'frappe protège mon visage : J’ai des éclats qui constellent ma peau de carmin. Mon regard ne porte plus sur cette teinte inquiétant, vers ce rouge qui m’envahit.
      J’continue mon œuvre de mort.

      Inari était une ville comme tant d’autres ; Des pavés au sol, de la brique et de l’ardoise. Son vieux quartier, était une sorte de ville dans la ville ; Labyrinthe impitoyable de ruelle, de petites place et de grandes caves : Paradis pour ceux qui aimaient se perdre pour retrouver leurs chemins.
      C’était le dessous du théâtre, avec ses machineries et ses passages, ses galeries et couloirs à la tournure incompréhensible, comme un immense château de bric et de broc.
      Elle tenait de cette expansion, de cette frénésie de la construction qu’envahit parfois les hommes.


      Un coup qui part de la hanche, une courbe qui scintille, un éclat d’acier qui termine dans un gargouillis. J’enfonce ma hache dans le crâne du premier commis au canon. J’arrache le merlin de son emprise, dans un sale bruit d’ventouse. J’me vois dans l’regard du deuxième homme, qui porte une cagoule blanche comme tout les autres. Il voit un démon. Il voit du sang. Il sent la mort qui l’appelle et l’aspire, son esprit focalisé sur la hache. Tandis que c’est deux plaques d’acier qui viennent lui emboutir le crâne contre le mur.

      J’avance vers la petite place, dernier théâtre de mon apparition. J’suis un feu follet qui danse la mort, qui l’attend, elle et sa froidure de garce. Pourtant, elle se fait attendre, midinette qui n’a de froid que les yeux, et qui aime voir les passions se déchainer entre les hommes.
      Un effort de plus, tandis que le contingent me fonce dessus, de ses piques, de ses lances et de ses baïonnettes. Un bon vieux corps à corps, comme je les aime.

      Mon dernier tour de piste s’fait en beauté : J’éclate la face d’un guignol, d’un revers qui l’assomme pour quelques heures. Ma hache fait un huit dans la chaire qui s’oppose à mon périple. Le blanc se teinte de rouge, créant une sorte de toile inhumaine. Elle montre la force et la faiblesse des hommes : Son sang.
      Le miens s’écoule d’puis trop longtemps.

      J’vacille un peu face au quatrième, qui croit s’glisser par la faille. C’est un genou qui attend son nez, tandis que ma lame perce sa nuque. Je tourbillonne, ma hache tendu comme un étendard : L’os se brise plus qu’il ne se fend. C’est dans un craquement écoeurant que les quatre prochains s’inscrivent sur la liste d’la grande faucheuse.

      J’suis fatigué. Même pas la foi de rattraper les deux fuyards ; J’ai des choses plus importantes à faire. Retrouver une p’tite dame. Et c’est pas une mince à faire, j’connais pas l’coin comme ma poche.

      Ju… Judas ?

      Hein ? J’me retourne plus vite que mon ombre. J’dégaine ma hache par réflexe. Pourtant, ma vision barbouillée mire une jeune femme que j’cherche. Et dire que certains prennent le destin pour un salaud.

      "Eh… ouaip’ on dirait bien. "

      Elle m’fait la discussion comme si on s’était quittés hier. Sacré brin d’fille. Pourtant son bras en écharpe m’fait grincer des dents. Comme une sacrée envie d’emboutir quelques faces d’plus.

      "Bah écoute j’passais dans l’coin, j’ai vu de la lumière … Enfin, tu connais tes classiques." que j’lui répond, calquant mon rire au siens. On va éviter les sujets délicats pour l’moment, et tâcher d’se tirer de là. Et en faisant l’plus de grabuge possible, pour fêter ça dignement.
      Mais plus tard, d’abords j’dois rattraper la p’tite dame qui s’effondre… Et c’est raté, de peu.

      Merde, merde, merde.

      Lumière qui s’agite dans une ruelle, les flambeaux vacille. Bruit de bottes que l’on martèle contre le pavé : Encore des invités surprises, cadeaux de bienvenu d’notre ami commun ? J’prends pas l’temps d’y réfléchir, Bee embarquant Lilou et suivant c’t’idée fixe : La mettre à l’abris, maintenant.
        Tout le monde était visiblement d’accord sur ce dernier point. L’important, était de la mettre en sécurité. En fait, de tous se mettre en sécurité. Bee jeta un regard à Judas, trouvant son aide étrangement appréciable, et faisant remonter dans son estime le statut de l’homme. Pourquoi s’était-il tourné vers lui lorsque Lilou avait eu des problèmes ? Le canard n’en avait pas la moindre idée, mais tel un instinct, aiguisé et sûr, il s’était comme dit que le Samaritain était le mieux placer pour lui filer un coup de main. Parce que la dernière fois, il n’avait mis que quelques minutes à trouver l’adresse de l’Homme qu’ils recherchaient, parce qu’il savait distribuer des beignes plus vite que son ombre, parce qu’il y avait en lui une assurance, un espoir parfois infime, mais là, de survie. Parier sur Judas, c’était presque comme une valeur sûre.
        C’était un instinct que les bêtes avaient. Entre elles, elles se reconnaissaient.
        On ne pouvait pas dire que Bee était l’animal le plus féroce qu’il puisse exister. Mais il savait ce qu’était un prédateur, un fauve, un chasseur. Un traqueur. Il les reconnaissait, parce qu’il pouvait en être la proie, il sentait ça au fond de ses tripes de canard, de bestiole. Et c’était sûrement pour cela qu’il était allé le chercher lui, en premier lieu. Il n’avait pensé à personne d’autre, malgré son affection toute particulière pour Alheïri S. Fenyang, par exemple, qui était probablement plus disposé à aider convenablement une civile. La situation nécessitait de gros moyen. Et qui entendait « gros moyen », entendait : Judas.
        Et c’est en suivant les traces de l’homme, en nettoyant derrière lui, en envoyant valser ses adversaires pour ne pas qu’il se fatigue de trop que Bee avait été certain et fier de son choix. Il avait tiré le bon gars. D’ailleurs, le canard n’avait même pas envisagé un seul instant que le Samaritain puisse refuser de l’aider, surtout au vu de la situation. Même s’il ne l’appréciait pas, s’il avait toujours envie de lui voler dans les plumes pour lui faire payer l’humiliation de leur dernière rencontre, il savait que le gus avait les informations qu’il lui fallait pour retrouver son amie, mais surtout, la poigne d’acier qui lui permettrait de s’en sortir sans trop de soucis.
        Comme déjà dit, l’instinct, c’était ça.

        Le robot posa le corps de sa maitresse sur son épaule, une main la tenant fermement pour ne pas qu’elle n’en tombe, qu’elle soit aussi protéger d’une attaque quelconque pouvant mal tourner. Bee évaluait et envisageait toutes les possibilités pour ne plus qu’elle soit blesser. Car malgré son assurance au sujet du choix de son coéquipier pour cette mission périlleuse et difficile, l’animal savait qu’il avait failli dans une autre de ses missions, et de loin la plus importante de toutes à ses yeux : Il n’avait pas réussi à protéger celle qu’il aimait le plus. Sa sœur, son amie, sa compagne d’aventure.
        Celle qu’il tenait sur son épaule et qui avait souffert pendant tout ce temps. Ce temps où ils étaient séparés, ou il n’avait pas pu empêcher qu’on lui fasse du mal. Et là-dessus, il était le plus dur de ses bourreaux : il s’en voulait terriblement. Il se rendait coupable, se jurant de se rattraper pour ne plus jamais que cela arrive. Il se promit, au passage, de ne plus jamais être séparer de son amie, de ne plus jamais la laisser seule pour ne plus jamais qu’elle soit blesser.
        Et inutile de le souligner : cela faisait beaucoup de « jamais ». Mais il le voulait. Il le pouvait. Mieux encore : c’était un devoir. Un ordre. Une obligation. Il devait lutter contre vents et marées, contre ces Hommes, ces gens qui lui voudraient du mal. Même contre la veuve et l’orphelin s’il le fallait. Il n’en avait plus rien à faire, le plus important était qu’elle soit en sécurité, auprès de lui. Que plus jamais, elle n’ait à souffrir d’un os brisé ou même d’une égratignure.

        Les lumières vacillantes attirèrent son attention. Il suivit Judas, il s’arrangea pour retarder ses ennemis. Tendant son bras libre, il envoya dans la foule un violent coup de canon à air, faisant valser les premiers hommes qui s’approchaient, retardant les autres. L’arme n’était plus très viable, mais il comptait sur elle pour gagner du temps. Et si ça ne suffisait plus, il ne voyait aucun inconvénient à foncer dans le tas. Il fit signe à Judas de continuer tout droit, surtout, de leurs trouver un endroit ou se planquer le temps de se calmer, de reprendre des forces, de pouvoir monter un plan pour aller péter la gueule à ceux qui les avaient cherché. C’était son plus grand désir. Retrouver le fumier qui avait fait souffrir sa compagne.
        Puis, il sentit un mouvement sur son épaule. Tournant la tête, il remarqua la jeune fille qui reprenait conscience doucement. Il l’installa sur son bras, pour qu’elle ait le temps, courant toujours derrière le samaritain. Il envoya un nouveau coup de canon à air derrière lui pour ralentir leurs adversaires et se transforma en canard.


        Je m’accrochai fermement aux plumes de mon confrère, trouvant ce contact beaucoup plus agréable et confortable. Mais une nausée pénible me tenait les tripes, rendant le voyage beaucoup plus compliqué. Il battit des ailes violemment et passa devant Judas avant de le faucher au passage et le faire tomber sur son dos. Le géant n’avait d’autre choix que de s’envoler.
        Bee ne pourrait pas couvrir une grande distance, mais aurait facilement de quoi nous éloigner de l’épicentre problématique.

        « Accroche toi, l’ami, c’est un conseil, lui soufflai-je un peu fatigué en reprenant progressivement mes esprits. »

        Ma main invalide était toujours tenue par le T-shirt, l’autre s’agrippant de toutes ses forces aux plumes jaunes de Bee. Il ne fallut que quelques minutes à l’animal pour prendre de la hauteur et atterrir sur une sorte de clairière déserte, parsemé seulement de temples en tout genre. Je ne connaissais pas l’île, j’avais du mal à discerner les contours des structures au vu de la lumière absente et de mon œil amoché. Mais l’endroit avait l’air plus calme que dans la ville en dessous. Le pan de terre était relié par des poulies et des cordes : Système ingénieux et plutôt curieux.
        Je posais pied à terre, titubant légèrement avant de tomber les fesses sur le sol, en soupirant. J’avais du mal à rester sur mes jambes, du mal à rester concentré aussi. Mais je m’y obligeai, m’infligeant un mal de crâne atroce, s’ajoutant à la douleur de mes multiples fractures. Tournant le regard vers Judas, Bee reprenant sa forme hybride avant de se poser juste à mes côtés, je lui dis avec un sourire :

        « Merci d’être venu… Mais tu as bien vu, j’aurais pu m’en sortir seule. »

        Histoire de ne pas mettre complètement ma fierté de côté…

        « Enfin… J’ai… J’ai du mal à rester consciente alors… tant que je le suis,… Serait-il possible de savoir qui est ce petit tas de merde qui m’a fait ça ? »

        En le disant, je soulevais mon bras et désignai mon œil. J’étais à peu près sûre qu’il avait très bien compris ou je voulais en venir. Parce que non, je n’avais pas l’intention d’en rester là, malgré la peur qui me tenait le ventre, j’avais en moi une sorte de haine palpable qui brulait et qui me rongeait les entrailles.
        Ça allait saigner.
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        Je passe une main sur mon torse, le plomb qui le constellait tombe au sol avec des lambeaux de peau. Le pavé tinte, plus proche du glas que jamais. Au coin du mur, des hommes et encore des hommes. Armés jusqu’aux dents et dangereux : La seconde volée, mieux entrainées, mieux préparées. Je crache dans mes paumes et attrape mon outil d’travail : Le merlin d’un mètre vingt et son bout d’acier de quarante centimètres.

        Au départ, Igor n’était qu’un sous-fifre du sous-fifre d’un homme de main. Pas de quoi faire trembler le monde. Pourtant, une ambition sans commune mesure l’habitait ; Il possédait le démon des affaires. L’homme avait très vite compris que ce n’était pas le légal qui rapportait gros ; Il fallait profiter des plus faibles que soi pour grimper les échelons. Peut importe lesquels.
        Il tentait donc de faire son bonhomme de chemin dans une organisation à bout de souffle. Sur la troisième voie de GrandLine, sa se battait dru pour un peu de pouvoir. Il n’avait aucune chance de réellement s’imposer ; Trop timorée, trop freluquet. C’était la petite touche qui lui manquait. L’agressivité latente que se doit d’avoir le chef de clan. La violence contenue, l’intelligence froide digne de machiavel. Ses capacités n’étaient plus à prouver, sinon on se serait débarrasser de lui et fis-ça. Non, il lui manquait l’étoffe. Jusqu’à sa rencontre avec une pieuvre tentaculaire. Une sorte de légende du monde criminel ; Du genre que l’on parle à mi-voix, près du feu ; Du genre que l’on ne nomme pas sous peine de l’attirer chez soi. Un homme qui dévore tout ce qu’il touche, qui pourrit tout ce qu’il approche : Monstre plus qu’un homme.
        Frankenstein.
        Il commença par ronger l’organisation par le bas. Il la retourna et amplifia son emprise sur les habitants de la voie. Il en fit ce clan redouté ; Plus secte que mafia. Et à sa tête il place un homme dévoré par l’ambition, mais assez intelligent pour savoir qu’il n’était rien sans lui : Igor Gargarismov.

        - Et voilà, c’est tout ce que je sais sur cette p’tite merde.

        L’air de rien, comme ça, histoire de dire : Pas de quoi fouetter un chat. Tant que Franky est pas dans l’coin, rien d’bien méchant. Et vu la débandade et l’manque d’organisation du rapt de Lilou, il doit pas en être l’instigateur.

        - Tu te rappelles le Taureau ? C’était une tentative d’Igor pour étendre son emprise sur les blues. Et j’crois qu’il a pas trop apprécié notre show.

        Premier truc à faire : Se poser pour panser les blessures d’la dame. Deuxième truc sur ma liste : Détruire un fils de pute. J’ai horreur des usuriers. Des racketteurs. De ceux qui s’en prennent à plus faible qu’eux ; Manque de standing. Petit acabit. Quand on est un gros poisson on dépouille les requins et même les rapaces. Les petites gens n’ont pas besoin qu’on vient leur courber un peu plus l’dos.
        Une vieille rancœur s’rallume. J’ai le palpitant qui réclame du sang et des morts ; Une sévère envie de distribuer des tatanes m’tenaillent. D’un coté, laisser Lilou seule n’est pas la meilleur des idées. D’un autre, attirer l’attention loin d’elle est pas trop mal.

        - Deux solutions. Soit tu t’sens d’attaque pour une traque. Soit tu t’repose et j’prend le relais.

        Les grands discours, pas trop mon truc : Mon regard en dit assez long pour moi. J’me relève ; Etendant mes deux mètres et quelques d’vant les premier rayons d’lune.

        - C’toi qui vois.
          Les Hommes font plus cas de se battre contre un dragon, d’affronter des serpents à trois têtes ou de terrifier des vampires que de la conscience elle-même. Parce que ces titans sont ce qu’ils combattent, ils sont les batailles de toute une vie, ils sont surtout matériels et ils vivent.
          Vivre.
          Ils ne savent jamais d’où vient la passion soudaine et ardente à l’intérieur de leurs corps, cet instinct de prédateur, la menace que représente ces hydres magnifiques et dangereuses, ils ne savent pas pourquoi ils ont ce devoir de détruire ces mythes, ni pourquoi on les éduque à les détruire. Mais ils le font. Car leur rôle est de détruire les monstres. Sans savoir qui est vraiment le monstre.

          Les monstres existent, les fantômes aussi. Ils vivent à l'intérieur de nous, et parfois... ils gagnent. Stephen King

          Notre situation n’avait rien d’enviable. Ni pour lui, ni pour moi.
          J’étais dans un état pitoyable, un bras en écharpe, presque défigurée, anesthésiée tant j’avais mal. Mon propre souffle me faisait souffrir, je ne comptais plus mes côtes en morceaux, ni ces os brisés, ni ces plaies qui parsemaient mon corps. Judas n’avait pas eu plus de chance, mais il était visiblement beaucoup plus résistant que moi. Question de chance, de génétique surtout.
          Alors, j’avais posé une question, simple et allant directement au fait. Et Judas ne se fit pas prier pour me dire tous les détails de l’affaire. Les moindres recoins sur l’histoire de mon kidnappeur, de celui qui avait monté toute l’affaire et qui m’avait fait aussi mal. J’étais très concentrée, pour ne pas tomber dans les pommes à nouveau, rester consciente, aussi pour entendre ce que disait mon coéquipier. Mon oreille invalide était complètement HS et un sifflement désagréable retentissait en elle, me donnant de plus en plus la nausée. C’était pire, à mes yeux, que de ressentir la douleur. Car ce que je pouvais nommer et identifier comme étant de la douleur tantôt n’était à présent plus rien. Je ne la sentais plus, ou plus comme je devrais la sentir. Je m’y étais comme habituée, mes nerfs avaient arrêté de transmettre les messages à mon cerveau. J’étais dans un état semi-léthargique peu enviable, tentant malgré tout de rester viable. Bee me regardait du coin de l’œil, inquiet, sur ses gardes. Aux aguets. Il était prêt à intervenir si quelque chose nous tombait sur le coin de la figure, autant dire que sa colère était aussi palpable que celle de Judas.
          Et en parlant de lui, il était aussi prêt que mon compagnon d’arme à faire la peau à ceux qui m’avaient fait ça. De là à savoir s’il avait un plan concret pour ça, je n’en avais pas la moindre idée, et connaissant un minimum les énergumènes, il était quasiment sûr qu’ils allaient simplement foncer dans le tas et risquer leurs peaux bêtement. Et le choix que me laissait Judas n’était pas satisfaisant. Oui, je devais me reposer, me remettre d’aplomb, penser à guérir de mes fractures, mais le laisser se charger du cafard qui m’avait amoché… Pfffiou.

          « Une traque, maintenant ? Ce n’est envisageable ni pour moi, ni pour toi. Regarde toi, t’es blessé aussi et t’as autant besoin de te remettre d’aplomb ! »

          Inutile de montrer les multiples blessures qui parcourraient son corps. Oui, il était blessé, mais lui n’avait pas l’air de s’en soucier ou de le sentir. Et la vérité était que je n’aimais pas le fait de l’envoyer dans la gueule du loup tout seul. Bee pourrait probablement l’accompagner, mais je me sentais aussi responsable de ce qui m’était arrivé, parce que nous avions été deux à faire cette descente chez le Red Bull. Et Judas était probablement le prochain sur la liste d’Igor.

          « Il doit en avoir autant après ta pomme qu’après la mienne. Faudrait peut-être faire preuve d’un peu plus de… discrétion, pour le sortir de son trou. A part, bien sûr, si tu sais déjà ou il crèche et que t’as un plan bien monté pour aller lui casser les molaires. »

          Une pause. Je ne savais plus quoi lui dire. J’étais partagée. Fuir, se tirer d’ici et le laisser dans la merde ou le suivre, me débarrasser de celui qui en avait après moi et affronter en face celui qui m’en avait sérieusement fait baver. Et le pire : je devais choisir entre être la lâche que j’avais toujours été ou être celle qui se découvre un courage nouveau…

          Je n'étais pas courageuse. Je ne l'avais jamais été.
          Je n’étais pas cette fille pleine de témérité qui se jetait dans la gueule du loup à la moindre occasion. Je faisais des vagues, j’en faisais beaucoup. Inconsciemment. Mais lorsque l’avenir ne présageait rien de bon, lorsque je n’entrevoyais aucun espoir sur la suite des évènements, il me semblait bon de me retirer. Je ne voulais pas mourir. Je ne pouvais pas mourir. J'avais pris conscience de certaine limites. J’avais encore beaucoup de chose à faire, à découvrir, de moi, surtout. J’étais dans un état déplorable, jamais atteint jusqu’ici. Et j’avais peur.
          Putain, qu’est-ce que j’avais peur.
          Pour une fois, mon angoisse était palpable et je n’arrivais pas à passer au-dessus, malgré tous mes efforts pour y arriver. Je pouvais me voiler la face et essayer d’y croire, je pouvais essayer de me dire qu’après tout, ça ne pouvait pas être si grave. Mais non, ce n’était pas vrai. C’était se mentir à soi-même. C’était le gout du sang que j’avais dans la bouche. Mon sang. Mes os étaient brisés, mon coéquipier souffrait autant que moi. Je ne tenais pas la route.
          Pire, on n'avait aucune chance de s'en sortir en entier.
          Et non, désolée, je ne pouvais pas continuer comme ça, je ne pouvais pas me permettre d’y laisser la vie. Dans cette cellule, il y avait une partie de moi. Dans la pénombre de cette prison, j’y avais laissé ce que j’étais. J’étais terrifiée, complètement, incapable d’être vraiment cohérente.
          Alors, je battais en retraite. Y’avait plus que ça.

          « Désolée Judas, je ne tiendrais pas. »

          Après mon discours. Après ce que je disais. Je parlais, honnêtement, à cœur ouvert. Non, je ne tiendrais pas.

          « Je veux pas te mentir, je peux pas y arriver. J’en ai pas la force, j’en ai pas les moyens. Je n’en ai pas envie. Je ne peux pas couper la tête d’un monstre si cinq autres poussent à la place. J’ai peur. Là, maintenant, j’ai peur. De ce qui m’est arrivé, de lui. De ce monstre. »

          De la vérité.

          « Je ne pensais pas les gens capable de tout cela, que ça me retomberait dessus. Que j’aurais mal au point de vouloir en crever. Je vais en avoir pour des mois avant de me remettre de mes blessures, des mois entiers, sans savoir quoi faire, ou aller, à qui faire confiance. Je ne pensais pas que ça m’arriverait, parce que je suis du genre à toujours rebondir. T’es venu me chercher, me sauver. Mais, non, désolée, je ne t’aiderais pas pour ce monstre-là. On arrête le massacre. Moi, j’abandonne, je jette l’éponge. Il a gagné. »

          Je me relevai en titubant. Mon coéquipier me rattrapa, écoutant à côté ce que je disais. Il me suivait, parce que j’étais son amie, parce qu’il comprenait. Même si ça signifiait laisser Judas.

          « Bee, on s’en va. »

          Et sans dire un mot, sans un regard, coupant court à tout, il m’aida à grimper sur son dos et décolla.
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          Je regarde Lilou. Elle n’a jamais été aussi belle qu’aujourd’hui ; Malgré son œil tuméfié, son bras en miette, son assurance détruite et sa frimousse en sang. Peut-être qu’elle rayonne d’autant plus que l’on a frôlé le désastre. Peut-être que l’idée de ne plus jamais la revoir me fait peur. Elle est impétueuse, volcanique, détonante. La Lilou que je connais ne laisserait jamais quiconque lui marcher sur les pieds sans le faire regretter. La femme que je connaissais ne se laissait jamais abattre. Igor à changé la donne. Elle est en miette, et ce n’est pas de son corps que je parle. Son esprit bat la campagne, et je vois bien que quelque chose trouble ses yeux, son esprit. Le sang et la douleur pourrait tout expliquer, mais j’sens qu’elle me cache quelque chose. Une chose importante, vitale pour elle.
          L’air est bien plus pur là ou nous nous trouvons. Mon esprit s’éclaircît, la douleur afflue. Pécadilles.
          Je m’assois à coté de Lilou. Mes jambes ne veulent plus répondre de toute façon, autant rester un peu plus près du sol.

          « Je veux pas te mentir, je peux pas y arriver. J’en ai pas la force, j’en ai pas les moyens. Je n’en ai pas envie. Je ne peux pas couper la tête d’un monstre si cinq autres poussent à la place. J’ai peur. Là, maintenant, j’ai peur. De ce qui m’est arrivé, de lui. De ce monstre (...) T’es venu me chercher, me sauver. Mais, non, désolée, je ne t’aiderais pas pour ce monstre-là. On arrête le massacre. Moi, j’abandonne, je jette l’éponge. Il a gagné. »

          Ma gorge est trop serée. Mon cœur bat trop vite, j’ai l’impression qu’il suffoque. Ma bouche est si sèche. Ma poitrine sonne comme un tambour sans cuir qui essaye désespérément de battre la mesure. Elle sonne faux.
          J’aurais tant à lui dire. J’aurais tant voulu lui dire que si elle n’avait plus la force elle n’avait qu’à prendre mon bras ; que si elle avait peur, elle pouvait prendre mon cœur ; que si elle ne peut pas y arriver, je le ferais …. Que je n’imagine pas la douleur qu’elle ressent, que j’aurais voulu la partager ; Que moi aussi, j’avais peur et que je suis si désolé.
          Il y’a tant de chose que j’aurais voulu savoir dire, mais encore plus que j’aurais voulu savoir taire. La balance est faite, ma bouche reste close même si mon regard parle un peu pour moi, c’est surtout la colère qui s’y lit. Massive et mauvaise, trop grande, trop forte. Pareil à l’ocean ou un ennemi, prête à m’emporter.
          J’me redresse, un peu gauche. J’lui jette un dernier regard alors que nos chemins se séparent. Peut-être pour la dernière fois… du moins dans ces conditions j’espère. Je lance mon poing droit vers le soleil, comme un dernier adieu tandis que Bee s'éloigne de moi à tire d'aile ... Plus vite, plus loins ... Car moi aussi je suis un monstre.

          - Vole Lilou, que le vent te porte aussi loin que tes rêves !

          J’ai bien fait de me taire. Cela n’aurait été qu’un poids de plus pour elle. Elle et ses épaules fragiles, son esprit chaotique. Elle veut enterrée les monstres, les cacher sous son lit et ne plus jamais vouloir les revoir ? J’me sens responsable de tout ça. Si je dois enterrer quelque chose, autant que cela reste des cadavres et non pas de la crainte. Je ne peux pas laisser la moindre chance que cela se reproduise. Il n’y a qu’une solution à ce problème : Judas. C’est bien ça que tu veux Igor ? Tu as agité devant ma tanière un grand mouchoir rouge, et j’ai plongé dans ton abattoir.
          Autant te faire regretter ton petit numéro, m’assurer que si jamais l’envie te reprenais d’attaquer mon amie, tu y réfléchira à deux fois. J’attrape mon merlin. Il est magique, déjà tout propre du sang et des petits bouts de malfrat, comme s’il les dévorait.
          La journée bat son plein. L’air est frais. Le soleil est haut. L’agitation des hommes en contrebat est absolue. Le matin est enfin là, avec son lot de bonnes nouvelles pour le croque mort. Un paquet de bonne nouvelle, notre œuvre à Bee et moi. Je descends la première marche en boitant légèrement. Le panorama est démentiel, tout d’or et d’orange, étendant les ombres des bâtiments et des gens. Au pire, une bonne journée pour mourir.

          Les monstres existent, les fantômes aussi. Ils vivent à l'intérieur de nous, et les miens gagnent toujours …

          (Ps : la fin de ce rp sera en deux posts, parce que j'ai la flemme et un sale ordi. Et puis qu'on dirait presque un solo maintenant haha. Bref, a+ pour de la suite / Correc 0).
            J’ai comme un mal de crâne. Un étaux force sur mon boitier par pair de deux. Puis trois. Un rythme grondant et déchirant mes neurones, mes tympans et serrant même mes muscles faciaux. Je descends calmement les étages, rassemblant les pièces du Kidnnaping et mes idées pour en tirer une ligne à suivre. C’est pas compliqué d’se laisser porter par les indices et divers possibilités qu’me laisse le vieux Igor.
            Pour frapper fort, faut déjà savoir ou frapper. D’ou la première partie de notre affaire, retrouver des survivants. Doit bien en rester quelques uns sous les cadavres, Bee est pas aussi impitoyable que mon Merlin quand il s’agit de trancher dans le vif. Et puis sa maitresse n’est pas du genre à dresser pour l’excution. Dans quelques hôpitaux de cette île pourrie, devait se trouver les pourritures qui se raccrochent encore à la vie. Un terreaux de choix pour mes investigations … Les forces devaient être entrain de sortir les derniers hommes vivants du charnier de la place de Castamere.
            Une petite visite sur les lieux et j’aurais toutes les réponses à mes questions, du moins sur le ou et le comment. Pour le pourquoi, j’en fais une affaire rigoureusement personnelle.
            Mon sang n’est plus que fer. Tout mon corps n’est plus que fer : Sous l’action conjugué des traumatismes, de l’adrénaline et de la colère, mon corps est nerveux, tendu. Je sentirais presque un état de transe s’emparer de moi, mais je le chasse assez rapidement ; J’ai besoin de toute ma tête pour leur en mettre plein le cul. J’passe près d’un village agricole, et j’me ravitaille en vivre et en vêtement. Bonne cam’, tout artisanal et presque bio. Les fringues aussi ; Un long manteau de cuir et fourrure en daim, des gants taillés dans le même troupeau, un pantalon droit assez confortable et une chemise en laine. J’garde mes bonne vieilles getas et paye dûment mes achats.

            Une musique m’emplit maintenant la tête tandis que je cache le merlin dans un replis de mon manteau. 09H05. La température est d’environ dix degré, un lourd soleil charrie la puanteur de la vieille ville. Les charognards se repaisse du prix des morts, et des miliciens les chasse à coup de caillasse et d’insultes. Ils me regardent d’un mauvais œil, mais emmerde pas l’eau qui dort.
            Bon caniche. J’remonte la rue perpendiculaire au massacre. Des bandes jaunes barrent l’entrée de la place Castamere tandis que les force de l’ordre évacue les derniers blessés ; Des bandes jaune sérieux ? C’est tout ?! Même pas un cordon de sécurité apte à bouter hors de vue touts les gêneurs … J’passe la limite d’un bond et observe aux alentours. Ils sont tous très concentré sur la machine à café du bar d’a coté, en libre service pour l’occasion.

            - Putain, quel bordel on a eu cette nuit ! Une vraie guerre civile J’te jure sa devient de pire en pire … J’supporte plus ça Jack, j’vais craquer …
            - T’inquiète Brad, sa va passer, c’est juste un coup à prendre …

            Qu’ils se disaient, à s’pleurer sur l’épaule comme deux tarlouzes. Amusant. Les autres étaient moroses. Ils regardaient sans voir le sang qu’ils épongeaient et les cadavres qu’ils décomptaient. C’est vrai que sa fait réfléchir sur l’poid d’une vie, et sa facilité à la perdre. Peut-être qu’ils seront plus intelligent à l’avenir, et ne gâcheront plus leur vie à suivre un gouvernement vicié à sa base.
            J’me planque derrière un chariot de fournitures à la toile sanglante. J’surveille les allés et venue. J’attends patiemment l’heure de la chasse. Les fauves savent reprendre des forces et observer calmement leurs proies avant de s’y attaquer. La patience est la vertu principale du chasseur ; Sa, et une bonne proie. Oui-da.

            - On en a un là ! Whoa il est carrément à moitié encastré sous le canon venez vois c’est hallucinant haha !

            J’ouvre un œil. Parfait, tant que y’a de la vie, y’a de l’espoir. J’entrouve la bache, et vois une civière que l’on transporte jusqu’à une calèche avec deux grands chevaux noirs. Oh putain de merde, ils vont me seumer j’dois me bouger !
            Sortir en trombe du chariot pour foncer à travers le camp, c’était la partie facile. Maintenant j’dois pas m’faire repérer jusqu’au chariot, cela en passant à toute jambe pour rattraper l’ambulance. J’saute. Un bon de trois mètres qui m’place dans l’angle mort de la plupart, pour d’autre se sera la faut à un gros nuage. Un nuage noire qui s’déplace en calèche.
            Igor, ton destin est en chemin en diligence. Ta mort t’attends, sois sage… J’me glisse en découpant un pan de toile et de bois dans le chariot. Le médecin tique mais continue ses soins. Les conducteurs n’ont rien vu.

            - Il est hors de danger ?

            Un long bip et l’air abattue du docteur m’apprennent que non. Trop tard. De toute manière, ça ne pouvait pas être aussi simple, faut se faire une raison. J’assome mon consort d’une beigne, et l’envois par dessus bord. Maintenant on m’appellera Doctor Woo. Le manteau est un peu petit, mais sa ira pour le temps d’une visite de courtoisie. J’lui demande pas plus, pas moins. Le costume doit faire illusion, et c’est pas gagné d’avance.10H05. J’ai réussis à échapper aux conducteurs par un miracle inexplicable. En sautant quelques secondes avant leur stationnement, personne ne m’a remarqué. On dirait que la chance me pousse à plus d’audace que je n’en ai déjà. Un sourire mauvaise me démange. Pourtant j’garde une tête professionnelle, un médecin à pas d’pulsion vénère de revanche. Dans les couloirs, on m’devisage mais sans plus. La question la plus récurrente que l’on peut lire dans l’œil amorphe des malades : Il est vraiment médecin lui ? j’me dirige au registre en attachant mes cheveux grâce à mon bandeau frontal. J’ai presque l’air présentable après un passage aux toilettes pour raser ma barbe en bataille. J’fais beaucoup moins impressionnant, presque correcte. Au passage, j’attrape un fauteuil roulant et un comateux.

            -J’amène un survivant de Castamere.
            - Allez Hall E, salle 15 à 208 et essayez de trouver un lit. Fait la secrétaire sans m’accorder un seul regard.
            Je pousse mon assistant d'une minute dans un couloir parallèle et continue seul vers le Hall E. Je passe devant des portes toutes blanches et identiques, me collant presque une migraine. Ma tête m’élance, et j’ai l’impression de me tenir au dessus d’un abyme de douleur et de ténèbres. Sans me poser de question j’dépasse le Hall F, pour tourner à droite. Une ligne de couleur verte court le long des mur et indique le chemin à suivre pour se rendre à ma destination.
            L’endroit est plutôt vide, touts le personnel occupé à soigner la vague de blessé venant d’arriver. On est au moment propice, il est 10h30 et cela fait deux heures que les ambulances ont commencé leur manège infernal. Déversant toujours plus de blessés ; Une quarantaine au total. Certains sont déjà sur pied, comme l’indique les feuilles de suivies et d’identités placés devant chacune de leur chambre. J’trouve un messager esseulé dans une chambre à demie dans l’obscurité. Le mec dort encore, des sédatifs coulent dans la perfusion collée à son bras comme une sangsue. J’ouvre un des grands placards le long du murs à l’opposé du lit. J’y trouver mon bonheur, un vrai moulin cette pharmacie personnelle. J’aime bien l’idée, et sa me permet d’innover. En mélangeant de l’adrénaline à de l’épinéphrine, j’obtient un mélange explosif pour bien réveiller le dormeur.
            Tu vas voir, si t’aimes l’odeur du napalm au petit dej’, tu vas être ravi. Je tate l’aiguille d’une main sûre, faisant giclée quelques gouttes sur les gants stériles de l’hopital. Je fronce les sourcils en faisant une grimace. Le plastique cède en faisant pop , et le liquide transparent part directement dans ses artères, direction son p’tit cœur et son cerveau. J’coupe l’autre perfusion d’anti-douleur et attends calmement sur le petit fauteuil gris des invités.
            L’effet ne se fait pas attendre. Dans une grande inspiration le ramenant au bercail, quand il est encore innocent, l’immonde homme de main ouvre les yeux. Sa poitrine se soulève et il se redresse à demie. On dirait un coureur épuisé, cherchant la vie dans chaque bouffé d’oxygène. Une bonne claque le sonne encore, et sa vision est clairement floue. Il porte ses mains devant son visage, comme s’il peinait à se croire encore en vie. Ce n’est qu’à se moment qu’il se rend compte de ma présence.
            La peur transpire dans son regard implorant et desespéré. Ses cordres vocales se contracte, mais son passage dans le monde des anges lui a rendu roide et usée ; C’est ma chance, je l’attrape par le coup et le secoue comme un prunier. Ma main sert fort et ne lâche pas prise sous ses coups d’oncles et de dents. Une main de fer dans un gant de fer. Aucune chance pour cet estropié de m’atteindre. Je lui colle une claque pour qu’il s’en souvienne, et il s’calme derechef. J’crois qu’il est dans les vapes. Ah merde ! C’est pas sérieux ça … Je le secoue par l’épaule et ses yeux s’ouvre lentement.

            - Si tu crie, j’te tue. Si tu bouge, j’te tue. Si tu parle pour rien dire, j’te tue. Et si tu réponds pas à mes questions … Joignant geste à la parole, j’empoigne sa blessure encore supurente et appuie d’un index inflexible. J’te ferais regretter d’pas être mort. Compris ?

            Il avale sa salive et comprend que j’rigole pas ; Son coup de tête approbateur me laisse perplexe quand à mon dosage sur l’adrenaline. J’ai peut-être un peu forcé sur la dose, normalement tu devrais pas trembler autant mon gars. La jouant force tranquille, j’le rassure en le traitant comme n’importe quelle autre racaille.

            - Bon … Une facile pour commencer ! Qui vous a engagé pour retenir la rouquine dans les caves ?! Mon ton passe de badin à sombre et froid. Le mec frissonne. S’il peut penser que c’est par peur, tant mieux pour moi. En plus pour une question de vérification, sa donne un bon ton à nos échanges.
            Il me déballe toute sa vie. J’dois l’arrêter plusieurs fois pour le recadrer. Il m’donne les lieux et les noms qu’il connaît, confirmant mes dires et m’éclairant sur leurs positions. Dans ce labyrinthe, son plan m’sera salutaire. J’relache pas la pression jusqu’à ce que touts l’abscès ne soit complètement vidé ; Une fois toute la saleté au grand jour, tout me semble presque plus facile.
            Il tremble encore, et c’est d’une voix chevrotant et pathétique qu’il me demande ce que j’ai prévu pour lui maintenant, si j’ai de la pitié et blahblahblah. Je souris méchamment.

            - Détends toi mec, j’ai de grands projets pour toi … Tu vas leur faire passer un message, un sacré message rassure toi, ils vont pas être déçus !

            - Ah ... Ouai, serieux ? C'quoi ste message ?

            J’attrape un petit pot en verre tout en dévissant son opercule. Sa sent fort et acre. Je rebranche les sédatifs sans qu’le mec puisse rien dire et verse le liquide noirâtre sur sa face et son buste de criminels. Mon briquet claque deux fois, deux bouquets d’étincelles maladroites qui m’tire une mine surprise. La flamme jaillit enfin, et je l’approche dangereusement d’mon ami l’estropié. Ses mains se lèvent, essaye de m’empêcher d’approcher de son visage. Ses bras sont en cotons maintenant, et ses forces nulles. Je m’approche de son oreille pour lui souffler.

            - Règle numéro 1 … Pas de pitié pour les batards.

            Avant de me retourner et de balancer mon briquet sur lui. Une odeur de poulet s’éleve directe dans l’air, et une bouffé de chaleur me pousse en dehors de la chambre. Des alarmes sonnent tandis que je m’esquive par un escalier de secour.
            Maintenant que j’ai tapé dans la ruche, y’a plus qu’à attendre le banc de fourmis qui va pleuvoir sur Inari. Et promis, ils vont pas être déçu de la visite : Parole de Judas. Bee a bien eu raison de venir me voir plutôt que d'aller chercher l'un des nombreux serviteurs de Lilou - Je ne dout pas que cette mignonne frimousse s'est faite plus d'un amis, vu le nombre d'ennemis qu'elle s'attire par seconde- ; J'irais jusqu'au bout, et j'utiliserais touts les moyens. ma pitié se borne aux innocents. Ma patience aux bonnes oeuvres. C'est le dur retour de la veuve et de l'orphelin, et on payera oeil pour oeil, dent pour dent.
            (Correc / 0)

              Une fois qu'on m'a donné de la matière, je peux construire un beau carnage. Je me dirige vers le ports en suivant les indications du survivant. Enfin, ex-survivant. C'est un beau merdier que j'ai laissé à l’hôpital, j'aimerai franchement pas être le mec qui nettoie derrière moi. Sacré boulot de merde que j'lui laisse. Un jour, je lui ferais un petit mot d'excuse et lui laisserait peut-être quelques berrys. Un jour. Aujourd'hui c'est différent, j'ai un dernier tour à faire dans les caves de la ville. Un dernier compte à régler avant de partir et d'oublier toute cette histoire. C'est surtout la raison qui m'pousse à tout dératiser, parce que j'me connais et que cette faim va me laisser sur les dents. Plutôt que de me faire un ulcère à force de ressasser ma bile, autant en finir maintenant et tout laisser derrière moi. Faire cramer les derniers relents de crasse et quitter le navire en cendres. Frankenstein, Igor, ou j'sais pas qui ? Rien à foutre, moi c'est avec un gros poing dans le nez que je vais en finir, et tant que je serais debout, j'emporterais des salopards dans mon sillage.
              Je suis une vague, un courant, une pensée : Destruction. Violence. Vengeance. Une pulsation sourde me prend à la tempe. Mon merlin chante comme si lui aussi ressentait un appel ancestrale, primaire et plus dangereux que n'importe quel animal.

              Judas.

              Un vent imaginaire me pousse en avant, je zappe les immeubles, les gens et tout cette paigaille que j'ai laissé hier. Une seule chose importe maintenant, et cette chose se trouve là ! Devant mes yeux, une porte de fer déborde d'un immeuble. Elle n'a rien de particulier cette porte, elle est muette et aveugle, sans identité. Pourtant je sais que c'est la bonne, et ça me met hors de moi, j'sais pas pourquoi. Elle ne met pas longtemps à céder sous les coup de Merlin, et m'voilà prêt à l'emploi. Devant moi, un trou d'ombre, un néant d'inconnu. J'me plonge jusqu'à l'os dans sa froideur, laissant derrière moi toutes les pensées parasites, toutes les questions, toutes les douleurs. Je suis plus qu'un bloc de haine, deux mètres cinquante de violence prêt à tout casser. J'enfonce un mur. Un voile rouge se lève devant mes yeux. J'enfonce un crâne sans poser de question. Tout devient presque noir sous mes yeux. Je ne dicerne plus rien, mais ma pensée reste intacte. Moi et mes instincts collent tellement bien, que je deviens une bête cognitive. Capable de faire mal, mais surtout en ayant l'envie.

              Rien ne résiste au ras de marée, je balaye tout sur mon passage. Mes poings se font tantôt enclumes, tantôt hachoirs, et la chair devient tendre après mon passage. J'use alors de mon instrument quand je sens la fatigue dévorer mes bras. Mes pieds deviennent rouge du sang versé, et même ma barbe vire au rouquin. Ce soir, ce sera un bain de sang. Parce que je ne supporte pas, non, je n'accepte pas, même un peu, qu'on s'en prenne à mon entourage. Que ce soir soit un avertissement : touche un cheveu de mes protégés, et tu finiras comme ses mecs là. On fera surement une chanson d'ailleurs, un truc du genre les pluies de Castamere tellement j'vais choquer.
              Dommage, j'ai oublié mon parapluie. J'vais me refaire un costume, quelque chose dans les tons rouges probablement. Les hommes se succèdent comme de la chair à canon, dont j'suis l'unique munition. Pas besoin de me recharger, contrairement aux armes modernes. Vous portez des armes !? J'suis une arme. Pas besoin de long discours, je fais parler mes poings pour moi. Ils comprennent que tout dialogues seraient inutiles en voyant mes yeux vidés de toute expression humaine. Maintenant, je represente rien de plus ni d'moins qu'un monstre à leur yeux. C'est ce que je veux être, c'est ce qu'ils veulent faire de moi. Je dévore les dernières proies avec avidité, quand se présente le plat de resistance.

              Krok.