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[FB 1623] Un compte à régler

Il y avait des jours comme ça, où les choses se passaient mal et que tout empirait jusqu’à en devenir inextricable. Trois semaines étaient passées depuis son retour au bercail, trois semaines à enchaîner visite médicale sur visite médicale. Ils étaient comme ça les docteurs, toujours la peur au ventre qu’il puisse arriver quelque chose alors qu’elle savait, que c’était déjà derrière elle. D’ailleurs, elle suivait docilement les consignes, il n’y avait pas d’autre solution quand on voulait que ça finisse vite. Les toubibs de son département n’étaient pas des câlins et ils savaient se faire obéir administrativement et physiquement. Ils ne correspondaient pas à l’image surannée de la blouse blanche, cheveux poivre et sel et lunettes carrées. Ils ressemblaient plus à la pire racaille de South Blue que même le plus élégant des stéthoscopes dûment déposé sur un élégant uniforme ne saurait crédibiliser. Cela, allié à leur méthode ; plus de scalpels et moins de médicaments fichait la frousse à tout l’arbre hiérarchique de la base. À la simple pensée de faire un tour dans leurs locaux, les agents se revigoraient moyennant la médecine douce : bisou sur le bobo, à la limite tisane à la verveine.


Dès qu’elle fut réhabilitée au service, elle se retrouva à nouveau plongée dans le bain de sa routine quotidienne au bureau. Elle était joyeuse, ce jour-là, de retrouver enfin son établi et ses outils. Il n’y avait rien de mieux qu’une journée en tête à tête avec ses choses à elle. Et là, il arriva ce que nul n’aurait pu prévoir. Tout était chamboulé : les tiroirs étaient retournés, ses précieuses acquisitions étaient brisées en tas dans un coin et la table était fendue en deux. Sur le bureau, il y avait une note qui indiquait :



« Joyeux anniversaire, miss trombone. »


Pénélope accusa le coup. Elle sentit la dague que son adversaire lui avait plantée entre les côtes ravager sa poitrine. Pendant un moment, elle resta paralysée, trouvant à peine la capacité d’inspirer et d’expirer régulièrement. On lui avait lacéré jusqu’aux tréfonds de son âme en s’en prenant à ce qui lui était le plus précieux. Elle avait l’atroce sentiment d’être en deuil d’une partie d’elle-même. Comme si on l’avait amputée et elle tomba spontanément à genou ramassant fébrilement les miettes de ce qu’il lui restait. Une larme solitaire coulait sur sa joue pendant qu’elle tentait d’assembler les morceaux épars de ses fournitures. En mission, elle comprenait la perte de ses stocks d’autant plus qu’elle choisissait toujours d’apporter les pièces dont elle pouvait se passer, mais là, un terrible évènement s’était produit et celui-ci avait fauché dans sa démence les plus nobles atouts de sa collection. Elle ne ressentit plus que la douleur de cette perte quand tout espoir fut perdu et se laissa aller à pleurer assise par terre et à passer ses griffes sur la racine de sa nuque. Compressant ses tempes avec ses coudes, elle coinça son menton entre ses genoux pendant que des sanglots incontrôlables la soulevaient. Elle avait perdu toute notion de pudeur et n’avait pas réalisé que quelqu’un la regardait ou plutôt qu’un groupe bien précis de personnes la tenait dans sa ligne de mire. Elle releva un œil injecté de sang, un œil qui annonçait la couleur ; rouge carmin pour étancher sa soif de carnage naissante. Elle était ainsi faite, à chaque coup dur, il lui fallait quelque chose d’assez costaud pour subir sa fureur. Dans ce cas, c’était un coupable qu’elle cherchait. Ce dernier eut l’audace de se désigner lui-même en franchissant la porte de son monastère vandalisé.


« Alors Miss Trombone ? Comment trouve-t-on son cadeau d’anniversaire ? »


Ce sourire narquois, elle se promettait intérieurement de l’effacer définitivement. Elle le sentait que ça montait à l’intérieur d’elle, une éruption de magma qui n’allait avoir aucune limite. Elle le sentait que cette journée devrait se finir par un mort, mais elle ne sentait pas comment elle pourrait y arriver. Même dans la colère, elle arrivait à justifier la mort qu’elle dispensait autour d’elle. Cette fois-ci comme toutes les autres, elle résolut la question.


« Je t’attends dans la salle d’entraînement, conditions réelles. »


Le mot était lancé et il signifiait que personne n’allait retenir ses coups. Habituellement, le combat s’arrêtait d’un commun accord au premier sang versé. Si aucun accord n’était fait au préalable, il n’y avait plus qu’une seule raison de mettre un terme à l’affrontement, c’était qu’il n’y ait plus rien à affronter ou bien un abandon clairement annoncé, sauf que la situation ne s’y prêtait pas.


La bouffée d’adrénaline la faisait littéralement planer si bien que chaque détail du ring se trouva inscrit dans sa mémoire, tout avait une importance et pourrait avoir son utilité le moment venu. Elle regardait surtout son opposant sûr de son fait et nota qu’il avait enfilé son stupide costume catcheur. De son côté, Pénélope opta pour une tenue plutôt adaptée à l’infiltration ; une combinaison noire dont le tissu synthétique avait tendance à glisser des mains. Elle s’était renseignée et avait agi en conséquence. Par contre, il n’était pas question qu’elle fît appel à qui que ce soit pour cette épreuve et y alla désarmée. Il fallait qu’elle le fasse ainsi et pas autrement. Pendant que l’autre se pavanait en la provoquant, elle eut une dernière pensée pour les victimes de l’attentat. Puis, elle se lança à l’assaut de la forteresse de muscles qui se tenait envers elle, bâtisse qui se rendait anonyme par le port d’un masque facial. Cela ne faisait qu’accentuer l’impression de puissance qu’il dégageait. Cependant, la jeune femme était sourde à ce genre d’arguments, elle était sous la coupe d’une ire irrépressible. Elle interrompit son discours en posant un tibia hâtif sur la tranche de son cou. Le choc fut rude, mais le lutteur ne réagit pas. Stoïque, il fit pivoter sa tête en affichant toujours le même sourire goguenard, encore et toujours. Elle lui remit une seconde couche, cette fois plus généreuse sur la portion et il tituba, surpris par la force de la frêle demoiselle. Celle-ci ne se fit pas prier pour enchaîner le temps que l’autre en face établisse un plan avec des commissions affectées à chaque tâche et un autre de soutien. Il fut assez lent pour ne pas réagir au troisième coup qui alla tester la solidité de ses côtes. Elles l’étaient. Le type en face tenta d’agripper la secrétaire avant que ses mains ne glissent sur la combinaison.


Pénélope se retira un moment pour chercher la faille dans la garde de son adversaire. Elle n’était pas dure à trouver étant donné qu’il ne se défendait pas. Il faisait partie d’un groupe bien particulier d’agents qui étaient suffisamment forts pour ratatiner l’écrasante majorité de leurs ennemis en chargeant sans réfléchir aux conséquences. Il y alla preste et vif et elle filait au dernier instant de ses griffes. Elle l’observait se ruer sur elle sans prendre ses précautions. Pourtant, elle n’arrivait pas à retourner cela contre lui. Pour l’instant, elle l’esquivait, plaçant parfois un ou deux coups rapides, pas assez pour l’émouvoir en tout cas.



« Jusqu’à quand tu vas m’échapper ma jolie ? »


Elle sentait que l’échauffement était terminé et qu’elle ne gagnerait rien à économiser ses forces. Il allait l’attraper si elle continuait à économiser ses forces de cette manière et ses intentions étaient plus que limpides. Cette fois-ci, elle fit un rapide pas vers lui précédée d’une droite. Elle l’atteignit au nez et le Shigan eut son tribut sanguin. Elle enchaîna par un crochet du droit, mais il réagit en utilisant le Tekkai. Son poing heurta douloureusement sa mâchoire. Elle avait capitalisé son premier assaut et elle se sentait bien dans le bain. Galvanisée par cette première touche, elle se recula d’un pas pour lui lancer un Ryankaku et en profiter pour l’accompagner de son pied sur sa nuque. Que ne fut-elle pas sa surprise quand elle vit que son attaque n’avait pas porté. Le catcheur lui saisit la jambe et avant même qu’elle comprenne la situation il l’envoya tapisser le mur du fond. Pénélope atterrit rudement, il était bien plus fort qu’elle ne l’avait cru et la protection qu’il arrivait à élever dépassait ses capacités offensives. Il fallait qu’elle finisse ce combat avant que les premiers signes de fatigue apparaissent et que le mastodonte puisse faire parler ses poings sans entrave.


*Il va falloir que je perturbe son Tekkaï. Une fois que ce sera fait, j’aurais toute licence de lui démonter sa sale gueule.*


La sale gueule d’en face souriait encore, invariablement. Il ne semblait pas se soucier de son pif tordu ou du dégueulis de ses artères. Il prit un bel élan et se jeta littéralement sur son adversaire pour lui enserrer la taille dans ses épaules. Par le fait même, il n’était plus protégé et la jeune femme, nullement affolée, cogna directement sa trachée. Ceci le fit tousser et les coups plurent à foison, dévastant la figure du connard en chef, dans la brutale catharsis que s’offrait la secrétaire veuve de ses précieuses affaires.
À mon tour de sourire, je vais tellement t’éclater que tu vas ressembler au contenu de mes poubelles.



« ESPÈCE DE SALOPE ! »


En un tournemain, il la souleva par-delà sa tête et l’éclata contre le sol dans un accès de rage indomptable. Elle crut que sa colonne vertébrale allait se briser tant le choc avait été violent. Le souffle court et le dos intensément endolori, elle sentait une douleur lancinante la parcourir intégralement et faire s’embraser de souffrance tous les centimètres de sa peau. Le salopard d’en face, n’en menait pas large, cependant il avait cette putain de capacité à continuer à se mettre sur la tronche en toute circonstance. Son hésitation donna le temps à l’agent d’esquiver le piétinement qui tenta de couper court au combat et le face à face reprit une nouvelle fois.


La phase qui suivit était un peu brouillonne dans la mémoire de Pénélope. Elle se rappelait vaguement qu’il l’avait étalée encore deux fois, mais qu’elle avait su lui faire don du nombre de plaies nécessaires au changement d’humeur qui était de mise. Il était obnubilé par la haine et s’escrimait à réduire en miettes son adversaire. Celle-ci se battait en invoquant ses dernières ressources pendant que chaque articulation de son corps lui braillait sa meurtrissure. Son âme elle réclamait encore vengeance et enflammait continuellement le cœur de la jeune femme pour qu’elle continue la lutte. Au-delà des limites qu’elle s’était raisonnablement imposées, elle découvrit un vaste domaine où, le choix se limitant à « marche ou crève », la logique perdait toute valeur et laissait place aux instincts les plus fondamentaux. Livrée au supplice et aux affres d’une bataille sans fin, elle gardait la tête émergée de l’océan de merde dans lequel son corps baignait. Puis, le combat bascula et un moment d’inattention malheureux la laissa adossée au mur, son corps anéanti ne parvenait plus à faire prendre forme à sa conscience trop longtemps menacée. Elle cédait doucement à l’évanouissement pendant que le mastoc approchait d’un pas mal assuré.



«- T’as pas bientôt fini de lambiner ? Tu ne veux pas me répondre ? L’autre en face, il va te tuer. Y a aucun doute là-dessus.
- Quelle perspicacité, maman ! »


Pénélope tenta de se relever, mais son effort ne fit qu’amplifier sa souffrance. Elle commençait vaguement à avoir peur, toutefois son évanouissement se faisant imminent, elle se sentait détachée comme si elle observait la scène en spectatrice. Et là, au bout de la route qu’elle avait parcourue en frôlant la mort et en contemplant l’abysse du néant, elle vit enfin ce qui était en elle. Une puissance encore plus grande qu’elle n’avait jamais imaginée. Pendant que le compte à rebours vers son décès arrivait à son aboutissement, elle se laissait envahir par une résolution sourde et inébranlable. Il n’allait pas se moquer impunément des trombones, il ne pouvait pas détruire sa précieuse collection et s’en sortir vivant. Elle refusait de perdre contre cette personne. Si elle s’avouait vaincue, tout ce pour quoi elle aura vécu aurait été foulé au sol impunément.


« SHIGAAAAAN ! »



Sa main écrasa la trachée de son ennemi. Celui-ci la regardait de ses yeux exorbités pendant que la vie quittait ses prunelles. Il s’effondra et elle fit de même.

Il ne souriait plus

Il n’allait plus jamais sourire.



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«- Il faut l’envoyer le plus loin possible.
- Chef, c’était un entraînement en conditions réelles, ce qui s’est passé n’est qu’un accident, du moins aux yeux du règlement.
- Règlement ou pas, je ne peux pas la garder. C’est une vraie catastrophe, elle a même fini par tuer un agent. Elle réussit ses missions d’accord, mais je ne peux pas la garder dans mon équipe. Ce serait la porte ouverte aux assassinats de couloir et aux guerres de clans.
- Y a bien cette mission qui part pour Grandline. On ne résout pas le problème, mais chacun sa merde comme dit le dicton.
- Dès qu’elle sera debout, foutez-la dans le premier transport en partance pour East Blue. En attendant, allez garder personnellement l’infirmerie. Je ne veux pas avoir un autre incident du genre dans mon unité. »
  • https://www.onepiece-requiem.net/t3228-penelope-solete-agent-du-g
  • https://www.onepiece-requiem.net/t3171-penelope-solete-secretaire-en-attente-de-validation-3-4