Posté Dim 26 Fév 2012 - 22:58 par Pludto
Ce ton hautain, ce venin dans la voix ; c'était bien là les paroles d'un noble mondial. Au sommet de l'échelle sociale, mais vivante dans les tréfonds de la méchanceté humaine, ces êtres étaient ce qu'on pouvait trouver de plus terrible à la surface du globe. La satisfaction de pouvoir faire un peu de mal à ses individus était tellement grande que l'on pouvait accepter la divine punition en conséquence sans le regretter. Pludbus aurait aimé faire quelque chose. Il sentait les regards lourds, il entendait les ricanements. Sans même relever la tête, ils savaient tout ce que les gens pensaient. Ils le méprisaient. Ils se satisfaisaient de ses ridicules tentatives pour écarter les pauvres humanoïdes de leur juste courroux selon leur façon de penser, façon de penser qui était encore plus pourri que la majorité des grands criminels du monde. C'est bien simple ; ils étaient eux-mêmes les monstres inhumains de cette société. Monstre sur leur piédestal, inaccessible et intouchable, riant du malheur des autres et de leurs propres bonheurs. Il devinait le sourire sadique du Seigneur Augustus. Pourquoi s'était-il plongé dans cette galère ? Pourquoi n'était-il pas resté dans un coin à attendre un moment plus joyeux tout en matant avec délice les popotins et les poitrines opulentes de quelques nobles qui, malgré leur comportement invivable, étaient parfois bien dotés par la Nature. Une volonté d'aider Keegan dans un premier temps. Une volonté de s'opposait l'espace d'un instant aux Nobles mondiaux.
Et s'il faisait un trait sur son avenir ? Et s'il faisait ce que réclamait tout son corps ? Se soulager, quitte à en mourir.
Se relever lentement sous les regards délicats de l'assemblée, puis relever la tête et plonger son regard assassin dans les yeux malsains d'Augustus. Voir la surprise éclipsait son plaisir inhumain, puis le voir commencer à comprendre, comprendre que quelque chose s'était brisé. Quelque chose qui empêchait précédemment Pludbus de faire une action inacceptable pour l'assemblée présente. Quelque chose qu'il n'avait jamais vécu de sa vie. S'apercevoir aussi que Pludbus est à quelques pas de lui et que cette distance est bien trop courte. S'apercevoir que, malgré tous les hommes qu'il avait autour de lui et le pouvoir qu'il avait accumulé, il était dorénavant à la merci du vice-amiral puisque la barrière du respect n'était plus. Voir son assurance s'effondrait comme un château de cartes. Pludbus faisant un pas en avant, s'approchant de l'éminence, à la stupeur de tous. Voir son poing s'armer, ce poing qui avait frappé tellement de gens, qui en avait même tué beaucoup, ce poing qui avait servi les intérêts de nobles comme lui. Il le voyait se préparer devant lui, renforcé par une haine et un dégout au-delà de la compréhension humaine. Un dégout qu'il avait lui-même créé et renforcé. Un dégout qui allait représenter la haine contenue de millions d'innocents. Ce poing armé, il était lancé à une vitesse fulgurante en direction de ce visage ignoble et détesté de tous. Le silence était fait tellement l'acte est inconcevable. Le bruit du verre brisé rompait ce silence stupéfait. Puis la chair du poing venait rencontrer la chair molle du visage. La force ainsi libérée faisait trembler le visage, la tête, le corps. Incapable de supporter une telle force, incapable, car, n'ayant jamais connu pareille situation, pas même la puissance d'une feuille, le Seigneur Augustus était propulsé à l'autre bout de la salle. Il rencontrait un mur de marbre brusquement, le genre de mur solide qu'il affectionnait tant. Pour son malheur, ce mur allait être son tombeau. Son corps faible, la puissance du coup de poing et la rencontre brutale avec le mur ; son être ne pouvait le supporter. Les os brisés, le corps démembré, le visage ensanglanté ; il tomberait au sol, la vie s'échappant de ses lèvres qui avaient ordonné tellement de souffrance. Puis dans la salle où la stupeur laissée place à l'horreur, le vice amiral Pludbus se serait lancé dans un massacre sans non afin d'emporter dans la tombe le plus de nobles possible. Pour le bien des innocents, pour le bien de tous, pour son bien à lui. Il en serait mort, mais il serait mort heureux, préférant mettre fin à ses jours plutôt que de laisser les nobles se satisfaire de ses tortures.
Vous avez raison, Votre Seigneurie. Laisser une telle chance à ses assassins ; votre bonté est inestimable.
Pludbus se détesta pour ses paroles. Il aurait aimé le frapper. Il avait imaginé toute la scène ! Mais non. Survivre était vraiment trop fort chez Pludbus. Son idéal était encore et toujours de protéger les innocents. Faire une pareille chose aurait-il pu être synonyme de protection de telle personne ? Surement pas. Ce n'était qu'une réaction guidée par tant de haine et de souffrance. Une expiation, tout simplement. Il ne pouvait définitivement pas s'y résoudre. En plus, il avait toujours cette envie de fonder une famille ! Non, c'était définitivement griller. Il ne saurait mettre à exécution cette charge héroïque et suicidaire. En plus, il mettrait Keegan en danger et bien d'autres marines présents. C'était inconcevable. Pas comme ça. Peut-être… un jour… prochain.
Il se releva comme il l'avait pensé, mais il garda la tête baisser. Il ne pouvait supporter de rester une seconde de plus dans cet enfer. Trop de regard malsain, trop de sourires mesquins. Il regarda un instant le petit être à ses côtés. Pauvre petit. Le mot « désolé » fut prononcé silencieusement par l'ex-amiral en chef puis il s'en alla. Le réconfort de Keegan n'avait aucun effet. C'était la mine défaite que Pludbus sortait de la salle. Les marines avaient vu que les ordres précédemment donnés ne servaient rien. Ils se regroupèrent derrière les vice-amiraux et quittèrent à leur suite les lieux. Pas un regard pour les nobles, pas un regard pour les futurs esclaves, ou pire. Quoique, la mort pouvait être une libération tant attendue dans ce genre de situation. Il n'avait même pas envie de parler à son ami. Il lui fallait décamper. Justement, le navire qu'il avait demandé à être affrété était une bonne échappatoire. Sa destination ? Au choix. Le bordel le plus proche pour tout oublier. Ou le champ de bataille le plus sanglant, histoire d'exprimer toute sa rage contenue dans un océan de cadavres et de sang, car son sentiment d'impuissance était à ce moment-là à son plus haut sommet.
Fichue soirée, pour sûr.