Manatannes-Kabool, en voituuure ! Allons allons m’sieurs-dames, déépêêchez !
Qu’siffle le contrôleur. Un vieux gars avec une tête de contrôleur, plus de dents qu’la normale, et moins d’tifs. Sur son badge, y a marqué Harry Burns. Gageons qu’c’est son intitulé. Ca doit pas être évident d’s’appeler « brûlures » n’empêche. Bref. Les derniers voyageurs à la bourre s’bourrent les côtes de coups sournois pour monter dans les trois wagons centraux à ciel ouvert. Forcément, y fait beau. Z’en veulent pour leur argent, veulent mater l’panorama. Faut dire qu’l’endroit est chouette pour attraper les couillons. Les touristes. Des gorges à t’arracher la voix si t’es claustro, des ponts à t’faire vomir jusqu’à tes fils si t’es vertigeux. Mais au moins tu t’régales la rétine. Notamment l’passage sur la mer, quand les rails quittent l’île de départ. Vingt lieues au ras d’la flotte dans un truc trop lourd pour faire aut’chose qu’couler si la structure dessous s’fout en vrac, ça fait des sensations.
Et si t’es mondain ça pète dans un dîner en ville : « Ouii, alors moi n’est-ce paas j’ai fait l’Manatannes-Kabool, et j’en suis r’venuu vivant, tout çaaa, tiens, voilà les tickeets si tu m’crois paas, youplaboum qu’est-ce que tu fais ce soir chérie ? Chez toi ou chez moi ? » Faut dire qu’avec ses cinq pourcents d’pertes moyennes à chaque voyage pour des motifs que la brochure détaille pas, la compagnie ferroviaire annonce la couleur. Train touristique perdu dans West Blue, okay, mais train touristique pour ceux qu’en ont dans l’futal, ou dans c’ui du mari à côté. Décharge de responsabilité avant embarquement, marmots interdits sauf autorisation d’l’assurance et tout l’toutim. On rigole pas ici.
A propos d’mari, sais pas où s’trouve c’ui d’la Sally que j’saille juste maint’nant, mais doit pas être frais pour l’avoir laissée agonisante de désir comme ça sur sa banquette. L’affaire est tell’ment rond’ment m’née qu’on en finit au dernier coup d’sifflet. Jte raconte ma vie ? Ouais, mais elle est palpitante.
Pas l’temps pour le s’cond round, jdois aller r’pérer les lieux. Rengainé, jlaisse donc la donzelle r’mettre sa mise et quitte la voiture d’queue pour me fader la travée centrale jusqu’à la loco. Neuf plateaux, à peu près autant d’centaines de pigeons, pas d’arrêts, pas d’renforts possibles, une affaire facile pour un chien qu’veut s’faire les dents comme moi. Ouais, jdois dire qu’ma rencontre avec la fée tarée Clochette à Zartacla aura eu ça d’bien qu’elle m’a r’donné des vélléités. Sais pas combien ça pourra durer c’te motiv’ de ouf, mais dans l’doute jprofite. Affaire facile sauf pour les gardes, un par voiture. Chacun armé d’un escargophone et d’un coupe-ongles, c’est des durs dont vaut mieux s’débarrasser avant toute chose. Si on exclut Villa, l’mec en poncho d’la numéro 6, qu’m’a rencardé sur le job pour deux BNs et un pin’s, m’en reste donc sept. Plus Harry qu’a une tronche à faire son récalcitrant pour faire genre, plus les gars d’la motrice à convaincre qu’une étape à mi-parcours s’impose. Easy-Peasy.
Voiture 9, donc, keud. Une duchesse et son chtiot couverts d’au moins deux diams qu’mes yeux convertissent illico en tout ça d’bouteilles pleines. Des nobliaux ? Youpi, j’aime les nobliaux. J’m’en fais trois à chaque ptit-déj. L’garde fume sur la plat’forme arrière. Mauvaise idée, un d’moins qu’personne aura entendu beugler dans sa chute. Voiture 8, nul. L’roux qui fait semblant de rien, jdevrai m’en méfier. J’m’en méfie. Voiture 7, mon complice à moustaches pointues m’indique une nonne qu’a un missel un peu précieux. J’hausse les épaules, j’la lui laisse. Y m’accompagne pour les trois ouvertes, j’le laisse pour endormir la vigilance des trois glands qui jouent aux cartes au lieu d’me demander c’que je fous avec un sabre presqu’ au clair en rentrant dans la 3. Y s’endorment en silence, les passagers et l’brûlé à casquette ont rien vu. A leur décharge, y sont occupés comme jamais : on est en train d’passer les orgues d’de Deal sur Tête, un nom bizarre pour une curiosité bizarre. La roche jaune a été taillée de haut en bas par les alluvions, et ça r’ssemble à des tuyaux d’orgues géants. C’que l’prospectus dit pas c’est qu’de temps en temps ça s’casse la gueule et qu’un train disparaît des registres comme ça hop.
Voiture 3, voiture 2, pas d’problème. J’avise des colliers, des costards assez peu élimés pour avoir des poches pleines d’larfeuilles bien épais. Jnote et j’surine en discret dans les lieux d’aisance. Voiture 1, ça aurait pu s’gâter, ’reus’ment qu’jsuis bon. Sont deux pour la voiture d’tête, Villa s’était planté. J’lui f’rai les pieds pour lui apprendre. Ca fait un peu d’bruit cette fois du coup. Les risques du métier. Mais si on s’retourne sur les sièges, on dit rien. Vu qu’jreste calme et qu’quand on roule en première on interroge pas un étranger qui reste calme pour lui d’mander c’que c’était qu’ce gargouillis bizarre. Des fois qu’on ait mal entendu. Les cons. Et maint’nant, stopper l’train.
Sitôt d’mandé, sitôt fait. L’cheminot survivant tire la manette comme y faut, réduit la vapeur, réduit tout, s’tasse dans un coin et dit rien quand j’l’assomme. Sais pas s’y m’sra pas utile par la suite. Dans l’doute, un dommage collatéral de moins est pas une honte. Dixit le manuel officiel des brigands par J’ai Six-Gemmes, huitième édition. Un tissu d’conneries qui s’est bien vendu à l’époque. Et maint’nant, c’est l’heure d’la quête.
Pour les pauvres et les nécessiteux, doonnez braves gens, les dieux vous l’rendront. Doonnez.
Qu’siffle le contrôleur. Un vieux gars avec une tête de contrôleur, plus de dents qu’la normale, et moins d’tifs. Sur son badge, y a marqué Harry Burns. Gageons qu’c’est son intitulé. Ca doit pas être évident d’s’appeler « brûlures » n’empêche. Bref. Les derniers voyageurs à la bourre s’bourrent les côtes de coups sournois pour monter dans les trois wagons centraux à ciel ouvert. Forcément, y fait beau. Z’en veulent pour leur argent, veulent mater l’panorama. Faut dire qu’l’endroit est chouette pour attraper les couillons. Les touristes. Des gorges à t’arracher la voix si t’es claustro, des ponts à t’faire vomir jusqu’à tes fils si t’es vertigeux. Mais au moins tu t’régales la rétine. Notamment l’passage sur la mer, quand les rails quittent l’île de départ. Vingt lieues au ras d’la flotte dans un truc trop lourd pour faire aut’chose qu’couler si la structure dessous s’fout en vrac, ça fait des sensations.
Et si t’es mondain ça pète dans un dîner en ville : « Ouii, alors moi n’est-ce paas j’ai fait l’Manatannes-Kabool, et j’en suis r’venuu vivant, tout çaaa, tiens, voilà les tickeets si tu m’crois paas, youplaboum qu’est-ce que tu fais ce soir chérie ? Chez toi ou chez moi ? » Faut dire qu’avec ses cinq pourcents d’pertes moyennes à chaque voyage pour des motifs que la brochure détaille pas, la compagnie ferroviaire annonce la couleur. Train touristique perdu dans West Blue, okay, mais train touristique pour ceux qu’en ont dans l’futal, ou dans c’ui du mari à côté. Décharge de responsabilité avant embarquement, marmots interdits sauf autorisation d’l’assurance et tout l’toutim. On rigole pas ici.
A propos d’mari, sais pas où s’trouve c’ui d’la Sally que j’saille juste maint’nant, mais doit pas être frais pour l’avoir laissée agonisante de désir comme ça sur sa banquette. L’affaire est tell’ment rond’ment m’née qu’on en finit au dernier coup d’sifflet. Jte raconte ma vie ? Ouais, mais elle est palpitante.
Pas l’temps pour le s’cond round, jdois aller r’pérer les lieux. Rengainé, jlaisse donc la donzelle r’mettre sa mise et quitte la voiture d’queue pour me fader la travée centrale jusqu’à la loco. Neuf plateaux, à peu près autant d’centaines de pigeons, pas d’arrêts, pas d’renforts possibles, une affaire facile pour un chien qu’veut s’faire les dents comme moi. Ouais, jdois dire qu’ma rencontre avec la fée tarée Clochette à Zartacla aura eu ça d’bien qu’elle m’a r’donné des vélléités. Sais pas combien ça pourra durer c’te motiv’ de ouf, mais dans l’doute jprofite. Affaire facile sauf pour les gardes, un par voiture. Chacun armé d’un escargophone et d’un coupe-ongles, c’est des durs dont vaut mieux s’débarrasser avant toute chose. Si on exclut Villa, l’mec en poncho d’la numéro 6, qu’m’a rencardé sur le job pour deux BNs et un pin’s, m’en reste donc sept. Plus Harry qu’a une tronche à faire son récalcitrant pour faire genre, plus les gars d’la motrice à convaincre qu’une étape à mi-parcours s’impose. Easy-Peasy.
Voiture 9, donc, keud. Une duchesse et son chtiot couverts d’au moins deux diams qu’mes yeux convertissent illico en tout ça d’bouteilles pleines. Des nobliaux ? Youpi, j’aime les nobliaux. J’m’en fais trois à chaque ptit-déj. L’garde fume sur la plat’forme arrière. Mauvaise idée, un d’moins qu’personne aura entendu beugler dans sa chute. Voiture 8, nul. L’roux qui fait semblant de rien, jdevrai m’en méfier. J’m’en méfie. Voiture 7, mon complice à moustaches pointues m’indique une nonne qu’a un missel un peu précieux. J’hausse les épaules, j’la lui laisse. Y m’accompagne pour les trois ouvertes, j’le laisse pour endormir la vigilance des trois glands qui jouent aux cartes au lieu d’me demander c’que je fous avec un sabre presqu’ au clair en rentrant dans la 3. Y s’endorment en silence, les passagers et l’brûlé à casquette ont rien vu. A leur décharge, y sont occupés comme jamais : on est en train d’passer les orgues d’de Deal sur Tête, un nom bizarre pour une curiosité bizarre. La roche jaune a été taillée de haut en bas par les alluvions, et ça r’ssemble à des tuyaux d’orgues géants. C’que l’prospectus dit pas c’est qu’de temps en temps ça s’casse la gueule et qu’un train disparaît des registres comme ça hop.
Voiture 3, voiture 2, pas d’problème. J’avise des colliers, des costards assez peu élimés pour avoir des poches pleines d’larfeuilles bien épais. Jnote et j’surine en discret dans les lieux d’aisance. Voiture 1, ça aurait pu s’gâter, ’reus’ment qu’jsuis bon. Sont deux pour la voiture d’tête, Villa s’était planté. J’lui f’rai les pieds pour lui apprendre. Ca fait un peu d’bruit cette fois du coup. Les risques du métier. Mais si on s’retourne sur les sièges, on dit rien. Vu qu’jreste calme et qu’quand on roule en première on interroge pas un étranger qui reste calme pour lui d’mander c’que c’était qu’ce gargouillis bizarre. Des fois qu’on ait mal entendu. Les cons. Et maint’nant, stopper l’train.
Sitôt d’mandé, sitôt fait. L’cheminot survivant tire la manette comme y faut, réduit la vapeur, réduit tout, s’tasse dans un coin et dit rien quand j’l’assomme. Sais pas s’y m’sra pas utile par la suite. Dans l’doute, un dommage collatéral de moins est pas une honte. Dixit le manuel officiel des brigands par J’ai Six-Gemmes, huitième édition. Un tissu d’conneries qui s’est bien vendu à l’époque. Et maint’nant, c’est l’heure d’la quête.
Pour les pauvres et les nécessiteux, doonnez braves gens, les dieux vous l’rendront. Doonnez.
Dernière édition par Tahar Tahgel le Mer 1 Fév 2012 - 14:02, édité 1 fois