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Folie meurtrière et interruption enchanteresse.

    Douce agonie. Elle sombrait désormais dans un désir corrosif qui la rongeait de plus en plus, lui bouffant chaque jour un petit fragment de son âme. Délicieuse folie. Chaque nuit qu’elle passait n’était plus qu’un douloureux supplice. S’abandonnant à des rêves aux allures cauchemardesques, elle perdait la raison au fur et à mesure que Morphée la tentait ; elle perdait en réalité tout simplement, doucement la tête. Elle était comme habitée par un démon qui ne cherchait seulement à la faire divaguer, à la faire s’échouer sur le rivage de son esprit. Un esprit bien trop fragile, qui semblait être sur le point de s’écrouler à chaque pas qu’elle faisait. C’était effrayant, cette lugubre impression de perdre tout contrôle, de voir son corps en un instant changer de maître. Elle ne se reconnaissait plus. Non, ce n’était pas elle, elle cette femme forte, cette femme à qui rien ne résistait ! Cette femme qui désormais constituait sa propre hantise. Que c’était-il passé pour qu’elle s’abandonne à des vices qui la dépassaient à ce point ? Pour qu’elle se laisse tomber dans les méandres de ses propres abîmes ? Elle ne représentait plus rien. A cet instant, Ceres n’existait plus. Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, l’ombre de ses propres démons, l’ombre de son ombre. Qu’avait-elle fait pour être à ce point misérable ? Elle l’ignorait, elle ne se reconnaissait pas, ce n’était pas elle. C’était quelqu’un d’autre. Cette idée la rassurait. Cette pensée qui la projetait au-dessus de son corps, lui donnant cette folle impression d’observer la scène de haut, en simple spectatrice, l’apaisait. Qui était-elle ? Cette personne lui étant en tout point semblable ? Cette personne qui sous ses yeux se laissait humilier ? Cette femme dévorée par la faiblesse, abandonnant son corps déjà meurtri au personnage sinistre qui se trouvait à ses côtés ? Ceres aurait voulu lui crier de se défendre, de répliquer, de hurler…De se battre pour le peu d’honneur qui lui restait. Pourquoi était-elle à ce point touchée par cette scène aux allures sordides ? La chevelure blanchâtre et les yeux écarlates de cette femme lui semblaient par ailleurs étrangement familiers. Non … Certainement pas.
    Elle réalisait désormais doucement et douloureusement qu’elle faisait partie intégrante de ce paysage assassin. C’était elle. C’était elle qui souffrait au point de vouloir en finir. C’était elle qui, souillée versait des larmes qui n’auraient jamais dû couler. C’était elle qui venait d’abandonner tout espoir, ne se donnant même plus la peine de se débattre. C’était malheureusement bien elle qui se laissait tuer lentement.

    Laisse-moi partir.


    C’était tout d’abord un endroit. Une salle, ou même une forêt. Un espace ouvert ou fermé. Une sphère ou bien un cube. Un univers étrangement étouffant. Une particule infiniment grande. Un tout qui en réalité n’était rien. Une cage, lui bloquant tout accès à ce qu’on appelait liberté. Elle était piégée, piégée par elle-même. Emprisonnée, à l’abri du temps, dans un endroit qui pourtant lui semblait fragile. Un endroit lui ressemblant un peu, finalement.
    C’était Dieu qui s’en prenait à elle, elle en étant certaine. Il lui faisait subir le châtiment des crimes dont elle s’était rendue coupable tout ce temps. A commencer par le crime même qu’était son existence. Elle avait abusé. Abusé de sa miséricorde ; de cette tolérance qu’il avait porté à son égard. Elle avait trop craché sur ce qu’il lui avait été offert. Elle piétinait ses créations comme on piétine un parterre d’insectes. Elle était désormais devenue sa proie et son jouet. Et il s’amusait avec elle comme un enfant avec un hochet. Il la tourmentait comme jamais, lui retirant tout ce qu’elle aimait. Sa façon d’agir, de penser, de bouger, de respirer, de parler et de vivre. Tout ce qui constituait sa fierté, ce qu’elle était. Il ne lui restait plus rien. Elle n’était plus qu’un corps inhabité.

    J’ai vu dans quelles conditions avaient eu lieu mon dernier soupir.


    Une bouffée d’air vite ! Elle étouffait. Elle sanglotait, le visage enfoui dans ses mains. Des mains qui lui paraissaient ensanglantées. Est-ce que tout ceci était réel ? Où se trouvait-elle ? Elle semblait marcher sur une corde raide, où se mélangeait en dessous d’elle la réalité et le rêve, le mensonge et la vérité. Parfois, elle tanguait dangereusement d’un côté, sans savoir duquel il s’agissait.
    Arriva la chute.

    Une chute brutale, qui malgré son étonnante combinaison entre elle et une réalité bien trop abstraite, n’avait pourtant bel et bien plus rien en commun avec cette dernière aux yeux de la jeune femme. Totalement prisonnière de cette fiction, Ceres était désormais incapable de distinguer la lumière de l’obscurité. Il n’y avait ni haut ni bas. Ni gauche ni droite. Sa raison n’existait plus, s’étant douloureusement soumise à une folie destructrice, comme un chien se faisant docilement museler par son maître. Un chaos inimaginable empoigna son crâne, le malaxant, le faisant rire, le faisant pleurer, sans pour autant l’arrêter. Parfaitement éveillée et totalement inerte à la fois, le fantôme qu’était la femme assise sur ce lit invisible à ses yeux, se laissait assaillir par l’emprise de ses cauchemars encore présents. Où était la réalité ? Où était le rêve ? Où se trouvait cette frontière sinueuse du voyage ? La douleur fût atroce, mais qui pouvait l’endurer mieux qu’elle ?

    Entendiez-vous ses pas silencieux et menaçants, couverts par ces gémissements d’angoisse, progressant dangereusement dans cette rue aux allures sordides par cette nuit des plus banales ? Ce corps qui, inhabité ne cherchait pourtant qu’un souffle de vie pour enfin renaître ? Elle était en quête d’une manifestation céleste, d’une chose réelle et rationnelle qui serait enfin capable de la rassurer sur ce qui venait de se produire à l’intérieur de son crâne. C’était une mélodie macabre et douce à la fois. Celle d’une femme qui ne faisait plus qu’errer dans le seul but de retrouver le peu de conscience qui lui restait.

    Il était là, elle pouvait désormais l’apercevoir, se figeant telle une statue de pierre à cette vue, son visage lui paraissait étrangement familier. C’était lui au coin de cette rue qu’elle arpentait depuis plusieurs heures maintenant, cet homme dégoûtant et si fier à la fois, qui, planqué dans une obscurité absolue, s’amusait à boire tel un charognard sur une pauvre carcasse. Que croyait-il faire ? Elle avait peur. Que croyait-elle penser ? Elle souffrait. Te souviens-tu ? Aidez-la. Voyait-elle cet avenir ? Sauvez-le. Apercevait-il ce mur ? Elle ne voulait plus partir. Voyait-il ses ombres se rapprocher gravement de lui ? Ne la laissez pas le pendre. Savait-elle de qu’il s’agissait ? Elle le croyait. Avait-elle raison ? Embrassez-la. Voyait-il son sabre à sa ceinture ? Aimez-le. Crois-tu qu’elle va le faire ? Ne la laissez pas l’approcher. Penses-tu qu’elle va rire ? Elle le haïssait, sans même être certaine de son identité. Vois-tu la lame être brandie ? Pas lui.

    Elle avait pourtant lutté contre ses cauchemars qui quelques heures plus tôt, avaient eu une emprise totale sur son inconscient. Lui ayant ficelé une histoire saugrenue, dans lequel elle apparaissait en tant que seule victime d’un sinistre individu. Sinistre individu totalement irréel qu’elle croyait pourtant bel et bien revoir au détour de cette ruelle. Elle n’était plus consciente de ce qu’elle faisait, de qui elle était, et de ce qu’elle s’apprêtait à commettre. Tout ce qui apparaissait sous son regard inquiétant n’était que l’homme responsable de sa souillure. Un homme qui ne méritait en aucun cas de vivre. Il lui avait arraché ce à quoi elle tenait le plus, la piétinant comme on le faisait avec un misérable insecte. Comment avait-il pu oser faire une chose pareille ? L’ignorant, ne se doutant de rien, ne voyait en Ceres qu’une délicieuse créature prête à combler ses désirs. Pour s’approcher de la sorte vers lui, elle ne pouvait à ses yeux n’avoir comme objectif qu’une envie aussi malsaine et à la fois tellement excitante.

    Maintenant qu’elle y songeait, pauvre homme. Il n’avait rien demandé, il n’était au courant de rien, il était juste là. Au mauvais moment et au mauvais endroit.
    Une lueur artistique dans son regard, les démons qui étaient en elle venaient d’être libérés, laissant libre cours à une barbarie sans précédent. Sabre en main, l’homme avait beau se débattre, il ne pouvait rien face à elle en ces circonstances. Bien trop ivre pour réagir comme il le fallait, ce fut le regard apeuré qu’il observa la scène meurtrière se produire sous ses yeux. Il était tétanisé. Bien trop pour tenter quoi que ce soit. Et elle en profita.

    Elle commença par sa nuque mise à nue, avant de descendre avec une lenteur effrayante jusqu’au torse sur lequel elle s’acharna plusieurs instants, avec ses doigts, sa lame et tout ce qui était à sa disposition. Il hurlait, et ça lui importait peu. Elle voulait voir son sang sortir de divers orifices, de ses plaies plus que largement ouvertes, elle voulait par-dessus tout le voir souffrir et hurler comme jamais. De ses yeux, de son crâne, de chaque parcelle de ce corps qui ne lui inspirait plus que le dégoût. Ceres ne se contrôlait plus, ce n’était plus que la noirceur profonde de son âme qui refaisait surface avec une force soudaine et jamais connue auparavant, tout ce qui semblait enfoui au fond d’elle se mettait à s’exprimer à sa place. Elle se devait de censurer cette expression horrifiée qui ornait son visage pour se permettre une telle perversion. Elle ne s’encombrait d’aucune délicatesse, lorsque son sabre s’occupait d’élargir l’orifice de ses fesses. Sa folie meurtrière et perverse lui dictait sa façon d’agir sans la ménager. Il était mort, à cause de la peur, ou bien certainement de la douleur beaucoup trop présente et insistante. Mais ça n’empêcha en rien la jeune femme de continuer cet acte de barbarie inimaginable qui ne lui ressemblait décidément pas, ne se rendant même pas compte que sa victime l’avait quitté depuis un moment déjà. Lui ouvrant totalement son ventre déjà moult fois tailladé, d’une mine rêveuse, elle retira les entrailles avec ses gants plusieurs fois tâchés. Lui écartant les cuisses jusqu’à en entendre le fracas assourdissant de ses os qui se désarticulaient, ouvrant comme elle pouvait sa bouche jusqu’à en voir le fracassement de sa mâchoire, la marine en oubliait tout le reste. Son passé, son avenir et même son présent. Ce n’était pas elle qui agissait, c’était quelqu’un d’autre. C’était cette femme qui dans son rêve, s’était faite humiliée. Dans un rictus caché par la pénombre, la belle achevait désormais son œuvre sinistre. Et elle le laissa là, défiguré dans l’endroit où il avait passé un bon nombre d’heures à éponger sa soif. Qui sait ? S’il n’avait pas été ivre mort et incapable de tout mouvement, la scène se serait certainement passée autrement.

    Et ce fut avec un naturel terrorisant que mine de rien, elle se releva, couverte de sang et plus que satisfaite, reprenant son chemin à travers la ville qui endormie, n’avait eu aucune idée de la scène qui venait de se dérouler en son sein.
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« Aie ! Fais attention ! »

Bee me regardait avec des yeux ronds, soulevant les mains pour s’excuser. Il ne l’avait pas fait exprès. Depuis l’incident d’Inari, Bee était de plus en plus prudent avec moi, plus soigneux aussi. Il faisait attention à tout, prévoyait chacun de mes mouvements pour ne pas que je me blesse. A ma sortie de cette cave, après ce sauvetage inespéré, j’avais choisi de séjourner à Shell Town et d’y rester un petit moment. Je n’avais pas la motivation pour bouger, repartir, découvrir. J’avais la crainte de retomber sur une embuscade du genre, ce qui faisait que je ne sortais plus, ou très peu.
Je prétextai être en convalescence, rien de plus. Un prétexte pour moi-même, c’était certain.
Je n’avais, en fait, pas le courage de mettre un pied dehors pour affronter l’extérieur. J’étais terrifiée, de tout, de rien, des autres. C’était là une certitude. De quoi m’enfoncer un peu plus dans cette misanthropie qui me rongeait. Mais comment faire…
Comment faire, maintenant, pour regarder le monde avec un sourire après ce que j’avais découvert sur leurs natures profondes ? Comment leurs dire que tout allait bien, alors que rien ne tournait rond, même pas la terre ? J’étais prostrée, en attente d’un changement, d’un renouveau, d’un petit quelque chose qui me pousserait à mettre le nez dehors. Je me battais seule avec mes démons, sous le regard d’un ami. Un ami impuissant mais qui, à sa manière, essayait de me guérir. Il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour me sortir de là.

Je pansai mes plaies en me plongeant dans un travail ardu, long. Une volonté d’améliorer un peu plus Bee, pour ne lui laisser aucune faiblesse. Etait-ce vraiment possible ? Je n’en étais pas certaine, mais tant que je n’aurais pas essayé, personne ne pourrait dire le contraire. Il y avait surement un moyen de faire en sorte qu’il n’ait plus de défaut, un moyen de le rendre invincible. J’y réfléchissais, continuellement, cherchant à la loupe chacune de ses erreurs de fabrication, les reprenant jour après jour pour le rendre parfait.
Je perdais mon temps. Bee le savait. Mais je n’en prenais pas conscience, je n’en avais pas envie. Il ne voulait néanmoins pas m’arrêter, en sachant que cela me permettait de prendre un peu de répit sur ce qui m’était arrivé. Aller savoir lequel des deux avait été le plus blessé durant cette aventure. Lui ou moi ? Car lui avait été confronté à l’échec : cette mission qu’il s’était donné, de toujours être là pour moi et me protéger, avait malheureusement échouée. La faute à qui ? Personne à blâmer, retour à la case départ.

« Je suis désolée, Bee. Je suis un peu fatiguée, si tu commences à bouger, je ne vais jamais réussir à terminer. »

Il hocha la tête et reposa calmement son bras sur la table. Je remis mes lunettes sur mes yeux et pris le fer à souder que l’on m’avait prêté. J’étais à la charge d’un homme, un vieux rustre plutôt sympathique avec une moustache qui me laissait loger dans son hangar en échange de mon travail. J’avais réparé en quelques mois plus d’une dizaine de ses travaux en retard. Il était satisfait de mes actions et me payait même parfois. Pas énormément, mais ça me suffisait.
J’avais accès à tout le reste, c’était déjà beaucoup pour moi.

« Ce machin commence sérieusement à me chauffer. Pourquoi est-ce qu’il ne fonctionne pas ?! »

Je pestai contre moi-même au milieu de toutes ces carcasses de moteurs, d’objets, de mécanisme. Bee regardait en l’air, attendant patiemment que les choses se passent. Je n’avais qu’un bras pour travailler, l’autre en écharpe sur ma poitrine, soutenu par un bandage. Je n’osais pas l’utiliser, pas depuis qu’on me l’avait brisé en tout cas. Mon poignet, mes doigts bougeaient. Ça allait de mieux en mieux au fil des jours. Comme le nez, qu’un médecin avait pris grand soin, au point qu’il ne laisse même pas de marques ou de cicatrice. Par contre, ma pommette avait gardé des séquelles de l’entrevue avec le poing d’un gars, autant dire qu’une fine marque la zébrait. Mes côtes ne me faisaient plus souffrir. C’était un bon point. Ça allait mieux.

Je l’espérai.

Et puis, sans que je ne comprenne pourquoi, ni comment, une fumée épaisse commença à s’échapper de l’avant-bras ouvert de mon ami, s’accumulant, noircissant progressivement, avant que le mécanisme ne m’explose à la figure. Je partis en arrière, lâchant ce que je tenais en main, atterrissant sur le dos. L’espace fermait se mit alors à sentir le brûler. Une flamme vive apparut sur l’avant-bras de Bee, qui l’agita pour l’éteindre, ce qui ne fit qu’empirer les choses.

« AAAAAAH BORDEL ! »

Vite, réaction et une petite injure au passage.
Je me précipitai vers la porte et l’ouvris en grand, laissant pleinement le temps à la fumée de s’évacuer. J’attrapai une bassine et allai jusqu’à la fontaine qui se trouvait en face du hangar. Pas le temps de réfléchir plus, Bee sortit à ma suite, je remplis le seau et l’envoyai sur le bras du robot.
La flamme disparut. Bee secouât la tête et les mains pour s’excuser, peiné de ce qu’il venait de se passer. Je lui fis un signe, comme quoi ce n’était pas grave. Ni grave, ni de sa faute.

« Retourne à l’intérieur, je te rejoins. »

Il s’exécuta, tournant les talons pour passer la grande porte du hangar et retourner se tasser près de la table de travail.
Moi, je m’installai sur le bord de la fontaine, jetant la bassine plus loin en soupirant. Le cœur battant à tout rompre, la main tenant mon bras, je n’avais heureusement pas perdu en réactivité. Mais j’avais encore du mal avec ces poussées d’adrénalines. Je baissai la tête, fermant les yeux doucement en tentant de garder les pensées fraiches. Il me fallait une pause avant de me remettre au boulot. Juste quelques minutes pour souffler, le temps que mes idées se remettent en place…

Quelques minutes, à attendre.
Juste attendre et rien d’autre.

Des bruits de pas attirèrent mon attention. Voir du monde maintenant ne m’enchantait pas vraiment, surtout avec l’allure que je devais avoir. Un air de savant fou, ou de chimiste qui viendrait de voir son œuvre lui exploser littéralement à la figure. Les joues noires de suie, je relevai la tête et enlevai mes lunettes pour voir à qui j’avais à faire.
Et ce qui se dessina sous mes yeux sortait tout droit d’une histoire de fantôme, ou un thriller diabolique.

« Oh… »

Le contraste entre cette pureté ingénue et ce sang me fit droit dans le dos.
Une jeune femme se tenait devant moi, l’air reposée, rassérénée, tranquille. Ses longs cheveux blonds avaient baigné dans un liquide rougeâtre qui me semblait être du sang. Elle était indéniablement belle, mais particulièrement terrifiante. Me relevant précipitamment et souhaitant m’écarter de cette peinture au plus vite, je fis un pas en arrière mais ne réussis qu’à buter contre le rebord de la fontaine. Me rattrapant au dernier moment, je décidai de faire face.

Pas besoin de fuir. C’était peut-être simplement… La victime. Ou le témoin.
Aller vers elle, rester calme. Pleine. Sûre.
Appeler Bee, au cas où.

« Bee… BEE, REVIENS S’IL TE PLAIT. »

J’entendis des bruits venant du hangar, les pas du géant s’approcher des lieux doucement. Il arriva à mon niveau, me regarda, puis posa les yeux sur la jeune fille en face de nous. Directement, il fut sur ses gardes. Son instinct me poussa à me méfier, mais je devais faire mon devoir civique, pour le coup.
Faisant un pas vers elle, m’approchant doucement, relevant ma chevelure pour qu’elle puisse voir mon visage et qu’elle ne soit pas effrayée, espérant par-dessus tout ne pas avoir à faire à une grosse malade mentale…

« Hm, excusez-moi ? »

Pause. Enchainer. Il fallait enchainer. Faire quelque chose. J’enlevai mon gilet de mes épaules et le lui tendis du bout des doigts en me rapprochant toujours d’elle.

« Est-ce que… ça va ? Vous… vous êtes blessée ? »
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[C'est mieux avec la musique *_*]

    Regarde-la savourer sa barbarie lorsque le craquement du fémur raisonna dans la rue comme un hurlement d’agonie.

    Les images du meurtre qu’elle venait d’accomplir tournoyaient dans son esprit comme un film qui repassait sans cesse. Un esprit tortionnaire et vicieux, qu’elle pensait au départ fragile mais qui n’en était rien. C’était lui qui en réalité représentait le pillard de ses nuits, l’assassin de son âme, le héros d’une histoire macabre. Il lui avait cependant permis de soulager ses pulsions, ne serait-ce là son unique bonne action ? Durant l’acte, elle semblait inconsciente, elle se plaisait à ce qu’elle était en train d’accomplir, tel un artisan, elle achevait une œuvre extraordinaire, qui semblait posséder une signification particulière. Un sentiment artistique, une lueur fantaisiste et la voilà partie vers un monde sanglant. N’avait-elle eu aucune pitié envers le misérable ? Aucune, elle n’avait rien ressenti, à part un curieux sentiment de satisfaction et d’apaisement. Elle ne l’avait pas vu à ce moment-là, elle n’avait pas vu le visage de l’homme qui innocent, se voyait mourir. Elle n’avait eu sous ses yeux qu’une proie, simple d’atteinte, sur qui rabattre sa rage et sa tristesse. Une emprise totale sur sa personne et la voilà qui divaguait une nouvelle fois. Pervers qu’il était, ne s’était-il pas déjà assez diverti ? Maintenant qu’il l’avait transformé en pantin, lui faisant accomplir le moindre de ses désirs les plus noirs, n’en avait-il pas assez ? Il prenait ce malin plaisir à essayer de lui faire subir le poids de profonds regrets : des remords et une amère culpabilité. Oui, la folie était parfaite. Une euphorie la remplissait de part en part, débordant de son être, la faisant vibrer l’espace d’un seul instant. Et dans un silence brutal, plantée tel un piquet dans cette rue toujours déserte, elle rit.

    Qu’est-ce qui lui restait ? Elle ne pouvait plus lutter, que pouvait-elle faire à part se soumettre ? Rien, il avait gagné et elle avait perdu, devait-elle abandonner tout espoir de victoire ? L’acte d’une extrême barbarie qu’elle avait commis venait de lui faire prendre conscience de ses faiblesses, et d’une image à laquelle elle ne voulait pas ressembler mais à laquelle elle était pourtant rattachée. De toute façon, il lui était impossible de s’échapper, telle qu’elle était ligotée, aucune fuite n’était envisageable. Le fautif de toute cette agitation onirique était en elle, il serait totalement absurde de songer à le faire partir. Il constituait une part d’elle-même, une part sombre mais nécessaire à son mode de vie si singulier. Elle constituait le problème et la solution de ses tourmentes. Aviez-vous peur ? Étiez-vous écœurés ? Pas elle. Du moins, elle ne l’était plus. Petit à petit, elle réussissait à s’apaiser. L’étrange sentiment de justice infâme qui l’avait submergé à l’instant même où son regard avait croisé celui de l’homme venait de disparaitre sous un ressenti plus profond, un douloureux désir de se reconstruire, et ce d’une mauvaise façon.

    « Je suis tombée de ma fureur, la fatigue me défigure, mais je vous aperçois encore, femmes bruyantes, étoiles muettes, je vous apercevrai toujours, folie. »

    Elle venait de franchir un pas, un petit ou un grand elle n’en savait rien. Elle était satisfaite. Satisfaite de ce qu’elle avait accompli. Et pourtant si détruite à la fois. Aidez-la ! Que c’était-il passé pour qu’une femme aux apparences si banales cache une âme si sombre, si démente et anormale ? Son enfance ne relevait pourtant aucune anomalie, aucun traumatisme, était-elle donc possédée ? Était-il vrai que la nature d’une personne était décidée bien avant sa naissance ? Que nous n’avions aucun contrôle sur celle-ci ? Avions-nous une quelconque influence sur son état actuel ? Où se trouvait le responsable ? Était-ce elle-même ou bel et bien une force supérieure, une entité qui hors de portée s’amusait avec cette marine insoupçonnable de tout acte relevant une aussi grande cruauté ? La jeune femme ne comprenait plus.

    Mais avait-elle un jour compris ? A quoi ressemblait-elle, vêtue d’un voile de sang ? Venait-elle de devenir le prédateur qui durant ses instants de sommeil, avait profité de sa faiblesse ?

    Vous ne serez plus rien si vous vous y risquiez. Non, rien. Rien de plus qu’un gouffre sans fin, vide de toute vie, de toute chaleur. Elle s’enracinera dans la moindre parcelle de votre corps, de votre âme, pour mieux vous dévorer, vous savourer, pour mieux se délecter du désespoir et de la tourmente qu’elle vous offrira, elle cette menace promise à tous ceux qui ne comprenaient pas, et qui vivaient, Ô et qui ressentaient cette existence perfide que Ceres ne ressentait plus ! Oui, elle était certainement possédée.
    Elle avait toujours mal et enfin, après avoir crié, hurlé une aide salvatrice, une aide impossible mais si ardemment désiré dans ses rêves démoniaques, qu’une injustice sans fondement, une infime, ne serait-ce qu’un petit interstice de lumière puisse arriver à son visage contracté par la douleur toujours plus insistante, qui puisse enfin la délivrer. Folle ! Voilà ce qu’elle était. Elle n’était plus qu’une folle, une personne déséquilibrée mentalement, qui venait de perdre le peu de raison qui lui restait à l’instant même où elle fut soumise à l’emprise de ses cauchemars. A l’instant même où elle eut arrêté de s’écouter.

    « Est-ce que… ça va ? Vous… vous êtes blessée ? »


    Ses yeux se plantaient dans les siens, un sourire forcé se peignait sur son visage sale, ses lèvres s’entrouvraient d’effroi, elle était incapable de prononcer ne serait-ce qu’un seul mot. Blessée ? Oui. Elle venait de se faire piétiner, torturer, déchirer, déformer, déchiqueter de l’intérieur, par son unique prédateur. Par son subconscient. Par elle-même. A cet instant, elle n’était plus qu’un cadavre sans vie, qui mutilée au plus profond d’elle-même, ne cherchait plus qu’une raison de ne pas commettre l’irréparable. Elle qui pensait être apaisée, venait une fois de plus d’être perturbée par la vision de cette femme qu’elle n’avait même pas vu s’approcher. Une brune aux traits fins et au visage séraphique, un robot se tenant à ses côtés, semblant être apeurée par la vision de Ceres, qui immaculée de sang avait du mal à retranscrire cette apparition dans son esprit. Son ennemi.
    Elle lui tendait machinalement sa veste, qu’elle venait de retirer au préalable. Monde réel ? Sans doute. Mais à partir de quel instant avait-elle enfin repris contact avec cette douloureuse réalité ? Elle n’en avait aucune idée, et ça l’effrayait. Elle ne distinguait plus rien, et ne plus savoir lui faisait atrocement mal.
    De la compassion ? Pensait-elle que Ceres souffrait ? Qu’elle était victime d’une quelconque histoire effroyable? Et même si c’était le cas, était-elle pour autant innocente ? Si elle se doutait du crime qui venait d’être commis, aurait-elle fuit ? Folle, elle était folle !

    Et dans ce moment d’ultime faiblesse, où aucune bonté n’aurait dû être aperçue, Ceres apprécia pourtant le geste de la jeune femme. Était-elle cette manifestation divine, symbole de vérité et de réalisme qu’elle cherchait tout en arpentant ces rues ? Avait-elle une chance de se sortir de ce mauvais pas ? Non, de ce gouffre ? Était-ce seulement parce qu’à cet instant précis où sa fragilité atteignit son apogée que Ceres laissa cette infime lumière l’attendrir légèrement ? Elle en avait besoin, elle le sentait. Elle avait besoin de ce contraste entre le bien ou le mal, pour enfin se relever. Alors, elle se laissa docilement faire.

    « Qu’est-ce que vous voulez ? », c’était plus fort qu’elle, la méchanceté était bien trop présente chez sa personne pour qu’elle n’emploie pas ce ton froid et méprisant, et ce, malgré le fait qu’elle n’attendait qu’une aide. « Qu’est-ce que vous voyez ? Tout ce sang, vous le voyez n’est-ce pas ? Alors vous êtes dans mon monde. Et je suis dans le vôtre. Alors je crois que je vais bien. »


    S’engouffrant dans le vêtement qu’elle venait d’accepter d’une main tremblante, la belle était au bord de refaire une crise d’angoisse au point de reperdre la raison qu’elle venait de regagner l’espace de quelques instants. Quelle faiblesse ! Et tout en relevant la tête, elle rit une nouvelle fois, avant de reprendre d’une voix anéantie :

    « Merci pour la veste, mais à part cacher ces immondices qui me couvrent, elle ne me sera pas très utile. Mais merci, j’apprécie le geste. » Elle était sincère, du moins, elle le pensait.. « Qu’est-ce que vous faites là ? Il est tard, ça pourrait vous poser divers problèmes. Enfin, je n’en ai pas grand-chose à faire de toute façon. »


    S’embrouillant dans ce qu’elle disait, se sentant obligée de parler pour évacuer ce trop-plein de pensées qu’elle avait accumulé tout ce temps, la marine se sentait comme sur le bord d'exploser. Lacérée entre plusieurs émotions, choix et désirs, le cadavre qu’elle était ne contrôlait plus aucune parcelle de son corps. Elle ne savait même plus si elle désirait être aidée ou non.
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Les blessures ne sont que des témoignages du temps et du passé. Elles zèbrent nos peaux, nos chaires et nos cœurs pour marquer une rencontre, un combat, un regard ou une histoire. Elles guérissent avec le temps, comme les souvenirs qui s’y rattachent se troublent au fur et à mesure des années qui s’écoulent. On croit oublier, on se force à le faire pour continuer à avancer. Mais on n’oublie rien.
Il y a toujours quelque chose, un petit quelque chose, qui nous renvoie à cet instant T dont l’on voulait se détourner. Un éclat de voix, un sourire, un bruit sans rapport nous remet la tête dans ces moments qui nous rongent et dont l’on veut se défaire. Ils ne sont rien, ils ne nous appartiennent pas. Et pourtant, ils sont nous.
Comme je disais, on n’oublie rien.
Car ces marques sont l’écorce de nos âmes, apparentes et sublimes, faussement parfaites, qui forgent et créent l’individu que nous sommes.
Elles sont nos expériences, notre existence, le témoignage d’un souvenir.
Elles sont celles qui disent « je suis cela. Et je peux le prouver. »

C’était le genre de rencontre qui marquait une vie. Le genre que l’on aurait aimé ne jamais voir, qui nous met une vérité sordide en face. Une vérité que l’on préfère taire, mais qu’on sait pourtant pertinemment réelle. Je la regardais, de haut en bas, détaillant ses traits et ses vêtements tachés, déglutissant péniblement à la vue de son corps fins et de ses habits recouverts de sang. Qu’était-il arrivé ? Comment pouvait-on ? Comment était-ce possible ?
Comment était-il possible qu’elle puisse se promener en ville, vêtue comme elle l’était, recouverte de sang (le sien ou celui d’un autre, car rien n’était sûr à ce point de notre rencontre), sans qu’on ne l’arrête, ou qu’on ne la remarque ?
Pourquoi ? Pourquoi est-ce que c’était moi qui devais m’en occuper ? En avais-je les moyens, ou seulement la volonté ? Comment pouvais-je réagir ? Qu’est-ce que je devais faire ?

Mes mouvements étaient mécaniques, peu fluides, peu assurés. Je n’avais pas envie d’être là. J’aurais préféré être partout ailleurs qu’ici, avec elle, devant cette fontaine. Etre une autruche, par exemple, m’aurais parfaitement arrangé. Aux autruches, on ne leurs demandait jamais d’aider une jeune fille qui erre dans les rues à la recherche d’un je-ne-sais-quoi, ou on ne les enfermait pas dans des caves après leurs avoir cassé les bras. Déjà parce qu’elles n’avaient pas de bras, ensuite parce qu’elles n’étaient pas assez futées pour aider des gens. Mais je n’étais malheureusement pas une autruche, à mon grand regret, et que j’avais, semble-t-il, un minimum de devoir envers cette jeune fille. J’avais été la première à la remarquer, seule et recouverte d’hémoglobine.
Foutu bordel de destin, tu t'acharnais. Ouais, tu t'acharnais toujours autant. Tu me confrontais à trop de choses, quand ce n'était définitivement pas le bon moment. Demain peut-être, ou dans un mois, j'aurais préféré. Mais ce jour-là, ce n’était pas le bon.

Qu’est-ce que je voulais ?
Je n’en savais rien moi-même, comment lui répondre, à elle ? Ce que je voulais, ça se résumait à une paix intérieure, à savoir, à comprendre. A me comprendre.
Mais là n’était pas vraiment la question.
Comprendre, ça se résumait toujours à ça. Je voulais comprendre ce qui était arrivée, peut être tirer quelqu’un d’un mauvais pas, ou d’une mauvaise passe. Comme cette jeune femme, qui peignait un tableau de moins en moins beau. Son apparence n’aidait pas à l’admirer, malgré les traits de son visage absolument parfaits et épurés, son ton et son adresse ne donnaient pas envie de lui venir en aide. Elle était comme ces roses, belles et dangereuses, qui piquaient ceux qui voulaient les saisir de ses épines aiguisés.
Une défense parfaite, qui la rendait inaccessible. Elle devait se complaire dans son malheur, si elle se rendait compte de ce malheur. Elle devait avoir trouvé ses repères ailleurs. Et qui était-elle ?

Son discours laissait à désirer. Comme à réfléchir. Je fronçai un sourcil et tentai de garder la tête froide. Si nous étions dans le même monde ? Actuellement, j’en doutais. Elle avait l’air ailleurs, autre part, dans un autre univers. Le sien, probablement. Pas le mien. Elle n’était pas chez elle, ni chez moi. Elle n’était pas elle non plus. Son trouble se lisait sur son visage fin, ne lui donnant ni assurance ni crédibilité.
Rien n’allait. Rien ne tournait rond. Il y avait réellement un problème quelque part, et l’énorme quantité de sang qu’elle portait sur ses habits en était la preuve, incontestable et incontestée. Elle attrapa mon gilet et l’enfila simplement, cherchant ses mots, sortant des phrases dont je ne suivais pas toujours le sens. Elle tentait, à sa manière, de s’exprimer. Ses idées étaient décousues, sans cohérences, tachetées d’une part d’ombre.

«Merci pour la veste, mais à part cacher ces immondices qui me couvrent, elle ne me sera pas très utile. Mais merci, j’apprécie le geste. »

J’hochai la tête calmement, la fixant toujours droit dans les yeux sans détourner le regard. Je ne savais pas dans quoi je m’aventurai, mais ça sentait le pâté. Et le pâté vraiment pas bon. Je marchai sur des œufs. Je ne pouvais pas m’enfuir, je ne pouvais pas la laisser là, je ne pouvais pas appeler de l’aide sans savoir de quoi il en retournait. D’ailleurs, selon comment j’agirai, cela se retournerait contre moi d’une façon ou d’une autre. Ma malchance de la soirée.

«Qu’est-ce que vous faites là ? Il est tard, ça pourrait vous poser divers problèmes. Enfin, je n’en ai pas grand-chose à faire de toute façon. »

Ce que je faisais là ? Ah, ça c’était le comble du comble du grand n’importe quoi. Ce n’était pas plutôt à moi de poser des questions, si questions il y avait à poser ? Je perdais mes moyens, j’étais prise au dépourvu, je ne savais plus où donner de la tête tant la situation me paraissait absurde.
Je devais être en train de rêver. C’était donc ça. Me pincer. Aie ! Ah, non, je ne rêvais pas. Putain. Comment fallait-il que je réagisse ? Foncer dans le tas ? Sauter à pied joint dans le plat ? Ne rien dire ?...

« Non, en fait, la vraie question est : qu’est-ce que TU fais là ? »

Au hasard : Foncer dans le tas.

« Tu n’en as peut être rien à faire, mais la seule personne qui a un problème ici, c’est toi. Je vais pas y aller par quatre chemins : tu es seule, au milieu d’une ville, en pleine rue, couverte du sang… du sang qui n’est apparemment pas le tien, parce que tu n’es pas blessée, qui donc vient d’une autre personne. De quelqu’un qui est probablement mort, au vu de la quantité, ou grièvement blessé. Tu déambules, sans savoir où tu es, ni ou tu vas. Sais-tu au moins ton nom ? »

Pause. Reprendre du souffle. Lui laisser le temps d’assimiler ce que je disais. Parce que je parlais beaucoup. Et ça pouvait s’envenimer. Et je ne prenais pas de gants. Surtout, j’étais vraiment trop direct. Un peu de formes, please ?

« Il y a deux solutions à ça, n’est-ce pas ? Alors on va aller au bout des choses. »

Me voilà prise dans une diarrhée verbale inarrêtable. Les nerfs. Voilà, c’était les nerfs qui lâchaient. Mais fallait bien qu’un jour, après ces mois de mutisme, il y ait quelque chose qui sorte. Fallait juste que ce soit à ce moment précis, ou chaque mot avait son poids et son importance…

« Soit tu as été témoin de quelque chose, et dans ce cas, il ne faut pas trainer pour retrouver le bonhomme - s’il n’est pas déjà trop tard. Soit tu en as été l’actrice… Et dans ce cas, on aura un plus gros problème. »

« On ». Oui, « on ». Parce que si c’était le deuxième cas, j’étais moi-même dans la panade. Pas envie qu’on m’apporte des problèmes, pas envie de participer à ces histoires, pas envie d’y mettre mon grain de sel. Alors si elle avait fait quelque chose (qui semble-t-il était particulièrement grave), elle devrait se dénoncer, ou je devrais le faire.
Ou dans une autre extrémité, elle devrait m’empêcher de parler. Ce qui n’était pas négociable, puisque dans cette extrémité-là, je serais soit morte, soit morte. Ce qui ne m’enchantait pas particulièrement. J’avais malheureusement sauté les deux pieds dans le plat, violemment, allant directement au fait, sans prendre de pincettes pour l’occasion. Je la confrontai à son merdier, qu’elle me mettait sous les yeux. A portée de coup, pas franchement rassurée mais certaine de pouvoir me protéger si l’on attentait quoique ce soit contre moi, j’enchainai d’une voix claire :

« Alors, c’est laquelle des deux ? »
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    Le soir où elle perdit la tête, il n'y avait ni spectre, ni songe. Le soir où elle perdit la tête, il n'y avait ni sortie, ni entrée. Juste une incommensurable porte. Aux allures simplistes et trompeuses qui semblait ne pas être à sa place dans ce décor de ciel étoilé. Et à l’intérieur, on pouvait y observer un immense vide. Un rien. Il n’y avait ni ciel. Ni mer. Ni terre. Ni vie. Ni mort. Juste une souffrance invisible, de celle qui vous détruit, de celle qui vous pourrie, sans pour autant vous apporter le salut éternel d’un soulagement si ardemment attendu et désiré. A jamais et pour toujours. La douleur sera immuable et malheureusement inévitable. Accablante, fourbe et vicieuse. Elle ne fera que voler ce qui pour vous possède de la valeur. Elle ne fera qu’avaler ce qui pour vous était inaccessible et protégé. Votre foi, qui désormais ébranlée, vous appelait au secours dans un dernier douloureux soupir.

    « Ma présence n’est pas ici. Je suis habillée de moi-même. La clarté existe sans moi. »

    Que dire lorsqu’on est à ce point confronté à une réalité qui, tout en nous dépassant à chaque instant s’amusait à nous détruire comme si l’on n’avait jamais rien représenté ? Tout cela ressemblait étrangement à un puits sans fond que l’on tentait inlassablement de surmonter mais qui déployait corps et âme – bien qu’il en soit démuni - afin de nous y en empêcher. Que faire lorsque ce puits auquel on faisait face sans cesse dans ces moments d’ombre comme de clarté constituait une part de nous-même ? Une part sombre, certes, mais bel et bien présente, et malheureusement importante ?
    Ce puits la faisait pourtant tenir, elle, Ceres, cette femme qui se savait forte, ou rectification qui se pensait forte, puissante et intouchable. Telle une déesse, elle croyait, oh oui elle croyait que tout lui était accessible, mais qu’elle en revanche demeurait hors d’atteinte. Hors d’atteinte de toutes ces impuretés que contenait le monde. Que les terres et les mers du globe entier lui appartenaient et qu’elle les dominerait à la perfection une fois à l’apogée de sa réussite. Au fond, elle en conservait juste naïvement la douce illusion. Il la faisait tenir oui, face à cette vie qui pourtant vécue seulement de façon superficielle, demeurait aux yeux de la jeune femme un éternel trou béant qui ne faisait qu’aspirer les bonnes intentions que pouvaient posséder les têtes ô combien vides de la populace.

    « Blanche éteinte des souvenirs, étalée, étoilée, rayonnante de tes larmes qui fuient. Je suis perdue. »

    La marine était donc là. Nez-à-nez à d’insupportables questions, qui n’avaient absolument rien à faire ici, étant donné la gravité de l’instant présent. Du moins aux yeux de Ceres seulement. Elle qui croyait que son aide salvatrice se tenait devant elle, elle s’était vraisemblablement trompée une fois de plus. Cette femme ne cherchait en réalité qu’à la faire sombrer une nouvelle fois dans ce gouffre qui l’attendait avec impatience, au bord de cette ruelle où le crime eut lieu. Elle en était certaine. Parano ? Sans aucun doute. Mais lorsque l’on se retrouve assailli de la sorte par de telles questions aux allures plus que suspectes, et qui de plus remettent en cause la pureté et l’innocence – toutes deux inexistantes - de la jeune femme, il n’y avait pas d’autre solution possible.

    Répliquer. Mentir. Inventer. Faire douter. L’état dans lequel se trouvait l’albinos ne suggérait malheureusement rien de bon, et elle doutait réellement de ses capacités à manipuler en ces temps. Elle se devait pourtant de sauver sa peau, de tirer son épingle du jeu. Elle se devait absolument de retrouver ses esprits, le temps d’une minute ou deux, pour se sauver de ce mauvais pas. Elle ne désirait point finir ses jours derrière les barreaux d’un endroit lugubre et salace, en compagnie d’écœurants criminels, alors que dans l’histoire, c’était elle qui représentait la défunte. Et elle venait tout juste de prendre possession de son rôle. Son immense pièce de théâtre pouvait à présent débuter.

    « Réveille-toi. Le rideau se lève. »

    Elle se complaisait désormais à ces pensées pleines d’orgueil.

    « Je…Je ne veux pas me rappeler. C’était juste horrible. Ces deux hommes… J’ai essayé … Je regrette tellement. Est-ce qu’échouer en tentant de sauver un homme est considéré comme un crime ? Si seulement j’étais intervenue plus tôt… Mais il était là, tout près. Comme s’il m’attendait. J’étais pétrifiée. J’ai honte. Alors j’ai attendu. Attendu qu’il parte. Le tableau qui s’est offert à moi à ce moment-là… était si… Macabre.. Non. Je ne veux plus me souvenir. »


    Une voix tremblante noyée dans un flot de sanglots. Elle pleurait de plus belle, le visage totalement enfoui dans la veste de sa bienfaitrice. Quelle comédienne. Quelle garce. Abuser d’une telle façon de la crédulité des gens. Avait-elle d’autres choix ? Non. Le degré d’affection de son âme venait d’atteindre un tout autre niveau. Un retour en arrière semblait désormais inimaginable. Elle était piégée. Et Ceres adorait ça. La marine venait tout juste de prendre goût à la nouvelle noirceur de son âme. Tout cela ressemblait étrangement à un nouveau jeu qui se présentait délicieusement à elle. Elle reprenait ses esprits. Des esprits brumeux aux apparences vicieuses. Toute cette scène se transformait … Et ça rendait le tout tellement alléchant. Tellement noir. Tellement pervers et vicelard.

    « Celui qui a fait ça… Il est peut-être encore là. Non qu’est-ce que je dis… Il est sûrement encore là, oui… Et s’il savait… Que j’ai assisté à toute la scène… Je finirai… Non. Je dois rentrer. Je dois vraiment rentrer. Je pars demain… Il faut que j’oublie tout ce que j’ai pu voir… Je n’étais que de passage… Et il a fallu… Je ne veux plus revivre ça. Partez. S’il vous arrive quelque chose, je ne veux pas en être responsable. Je ne sais même pas si tout ceci… Non. C’quoi votre nom ? »


    En réalité, le nom de la jeune femme lui importait peu. Non, elle s’en foutait complètement en fait. Ceres tentait simplement de détourner tant bien que mal l’attention que portait la brunette à son corps couvert de sang. Et aux évènements qui avaient pu la conduire à cette curieuse et inquiétante situation. Sang qu’elle allait devoir laver qui plus est. Quelle merde. Mais qu’est-ce qu’elle avait foutu pour en arriver là ? A papoter avec une inconnue qui tantôt cherche à vous réconforter en vous filant sa veste d’un geste apeuré et qui dans le seconde qui suit vous bombarde de questions comme si vous étiez coupable ? C’possible ça ? D’être traitée en victime puis en assassin dans un laps de temps aussi court ? Et qui était responsable de tout ce tohu-bohu dans son crâne ? Elle avait mal.


Dernière édition par Ceres O. Fall le Mer 9 Mai 2012 - 8:21, édité 2 fois
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Oh mon dieu.
Je l’avais accusé sans véritablement savoir. Je l’avais accusé alors qu’elle était probablement une deuxième victime dans cette histoire. Son teint pâle blanchissait toujours, la peur marquant ses traits. Bordel, si elle me jouait en tour, elle était sacrément bonne actrice. Alors, pour ça, et croyant un minimum en l’humanité, je lui fis confiance et me dévouai corps et âme à sa cause. Prenant un air piteuse, je m’excusai dans un regard de l’avoir assaillit de questions. Questions, qui, de toutes évidences, l’avaient incroyablement stressée. Il me fallait atténuer ses maux, un minimum. Pour dire, j’étais moi-même affolée de la crise qui se profilait, n’ayant pas eu à gérer ce genre de situation par le passé. Alors, maladroite au possible, les joues rouges et l’air calme, je pris une grande bouffée d’air frais avant de lui lâcher :

« Oh ça va ! On se calme ! Y’a pas de soucis… On reste zen, on respire et on prend le temps de se poser. »

Est-ce que je disais cela pour elle ou pour moi ? Bonne question. Pour nous deux, probablement. Bee, à côté, ne savait pas non plus comment réagir, nous regardant tour à tour en essayant de comprendre ce qui se tramait. Il n’était toujours pas en confiance, le sang sur ses vêtements faisait son petit effet…

« Il ne faut pas t’inquiéter, il ne t’arrivera rien, je suis là. »

Ok, j’avais bras dans le plâtre et des balafres un peu partout, l’air d’une illuminée avec la suie sur mon visage… Mais j’étais là et tout à fait capable de la protéger s’il arrivait quelque chose. J’étais prise dans son flot de paroles, dans sa terreur, à un tel point que monta en moi une bouffée d’adrénaline. Son angoisse m’angoissait, à mon tour, j’étais très perturbée par ses mots, en proie à mon imagination. Quel genre de monstre avait-elle vu ? Au moins du type à nous sortir de sommeil en pleine nuit en hurlant de peur. Au moins. Je posai une main sur son épaule, tentant de calmer ses ardeurs, tentant de la rassurer sans pour autant répondre à sa question. Il fallait centrer son attention, la saisir, tout du moins la guider pour qu’elle puisse faire quelque chose de ce qu’elle avait vu tantôt.

« Bee, va chercher la Marine. »

Je m’étais tournée vers mon ami en lui susurrant ses mots.

« Et fait vite, s’il te plait. »

Il s’exécuta sans broncher, quittant la scène de ses grands pas de géant en allant en direction de la base la plus proche pour aller trouver les moustiques qui pourraient nous aider dans notre situation. Je ne pouvais gérer une psychotique en puissante ou une victime à fleur de peau. Ce n’était pas dans mes cordes, encore moins ma vocation. J’avais de la patience, mais la moindre bêtise de ma part pourrait la faire changer d’avis, de direction, de comportement. Et dans ce cas, c’était moi qui me mettais délibérément en danger, en plus de mettre en péril la possible enquête.

« Tu ne peux pas rentrer, pas maintenant. S’il est arrivé quelque chose et que cet homme est toujours en liberté, tu ne peux pas te permettre de le laisser continuer à tuer. Tu es témoin, tu peux peut être faire une description de lui pour aider dans l’enquête, non ? »

Deux réponses s’offraient à elle. « Oui », et dans ce cas, elle était prête à apporter son aide. Plus c’était frais, mieux c’était. Les premières impressions étaient toujours les bonnes. Ou alors, pour orienter l’enquête dans une direction foireuse. « Non », parce qu’elle avait peur, parce qu’elle était traumatisée. Et dans ce cas, elle se murerait dans un silence douloureux qui la hanterait toute sa vie. Ou alors, parce qu’elle était en tort pour quelque chose et que la présence d’une force policière pourrait la rendre vraiment coupable.

« On pourrait rentrer ? Qu’est-ce que tu en penses ? Prendre un verre pour te rafraichir, éventuellement te nettoyer le visage pour ne pas trop attirer l’attention ? »

Lui proposer. Des choses. Une interaction. Faire en sorte qu’elle puisse faire des choix pour voir jusqu’où elle était capable d’aller. Et de réfléchir, si le son de ma voix lui parvenait vraiment bien. Pas forcément la sortir complètement de sa transe, mais au moins faire en sorte qu’elle lui apparaisse moins cauchemardesque qu’actuellement. L’essentiel étant de garder un œil sur elle et de la veiller jusqu’à ce que la marine ne vienne prendre le relai. Dans cette histoire, j’étais juste une transition, la première à être tombé sur la victime, qui devait attendre l’arrivée des enquêteurs avant de pouvoir me libérer de cette charge. Je serais probablement interrogé à mon tour, mais pas pour très longtemps. Le tout était vraiment de garder un œil sur cette jeune fille… Et c’était quoi son petit nom, à celle-là ?

« Comment tu t’appelles ? »

Elle devrait s’en souvenir. A moins que le choc ne soit vraiment trop important et dans ce cas, elle retrouverait la mémoire dans les heures, voir les jours à venir.

« Tu fais quoi, dans la vie ? Tu pars demain, ou ça ? Un métier qui te fait voyager, j’imagine… Aventurière ? Commerçante ?... »

Marine ou Pirate ?
Encore une très bonne question. Il fallait qu’elle parle d’elle, un peu. Aussi que je puisse me faire une idée de la personne que j’avais en face de moi. Mise à part le fait d’être une brebis égarée et recouverte d’hémoglobine, elle devait bien avoir une vie, cette demoiselle-là. Aussi de voir si ce sentiment d’insécurité qui me tient les tripes depuis tout à l’heure à raison d’être.

Ce n’était pas contre elle. Pas spécialement. Enfin, je n’en savais rien. Mais il y avait vraiment quelque chose qui ne tournait pas rond dans cette histoire, et je n’arrivais malheureusement pas à mettre le doigt dessus. Son errance ? Son comportement ? Ses changements de masques ? Son étrange indifférence à notre première entrevue qui s’était muée en une angoisse palpable et théâtralisée… ?

Ou tout ça à la fois…
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    Merde. Une merde. Une grosse merde. Ceres venait vraiment de se foutre dans une merde sans nom. Putain, pourquoi des gens aussi serviables et compatissants continuaient de demeurer sur cette Terre ? Non, les qualificatifs compatissant et serviable ne fonctionnaient plus dans ce genre de situation, le mot le plus approprié là tout de suite c’était chieur, voire même chieuse pour le coup. Parce que ouais, même si la demoiselle venait de reprendre ses esprits – du moins pour l’instant -, elle aurait préféré quand même ne pas se trouver là, et ce même si elle réussissait enfin à reprendre le dessus sur ses pensées et ses actions qui tanguaient de plus en plus vers un sadisme encore inconnu jusqu’alors. Et celle qui lui faisait face avait le culot d’ignorer totalement sa question tout en la lui retournant d’un ton intéressé, c’qui avait le don de provoquer accessoirement ce malaise qui poussait la jeune femme à vouloir s’échapper. Et qu’allait-il se passer ensuite ?

    La belle n’avait pas besoin d’être sauvée. Elle n’en avait plus besoin du moins. Elle apprivoisait petit à petit cette bête noire qui présente au fond d’elle-même, demeurait encore et toujours l’unique responsable des atrocités qui sommeillaient en elle.
    La marine désirait simplement qu’on lui laisse un instant de répit, qu’on lui apporte une lueur de lucidité pour lui foutre joyeusement la paix ensuite. Sa demande ne semblait pas si exigeante pourtant.
    L’albinos n’éprouvait nullement plus le besoin de voir quelqu’un tenter de lui apporter une quelconque aide qui désormais allait s’avérer pleinement inutile. Elle venait de revenir dans le monde réel. Du moins, ça en avait tout l’air. Et au moment même où elle pensait enfin pouvoir s’en sortir, il fallut qu’elle tombe sur quelqu’un. C’était bien sa veine de tomber sur une femme comme cette brunette n’empêche. Alerter la marine. Mais quelle bonne idée. Non, franchement, on ne pouvait pas faire mieux. Elle aurait dû s’en douter. Mais faute commise ne restait plus qu’à être assumer. Elle devait rebondir là-dessus. Elle n’avait plus le choix de toute façon, c’était soit ça, soit de gros ennuis.
    Donc on résume. Milieu de la nuit, Ceres et une brune sans nom papotent. Wahou. Rien d’exceptionnel jusque-là. Sauf que, la brune sans nom en question s’baladait en pleine nuit avec un robot. Ce n’était pas normal, c’était louche, c’était suspect. Et l’dit robot venait juste de se précipiter d’un pas gauche et bruyant en direction de la base la plus proche. Qu’il était mignon à obéir sans broncher.
    La marine n’avait pas le temps de réfléchir à tout ce qu’il l’avait menée là. Son crâne lui hurlait de partir reposer ses neurones qui en avaient déjà trop subis pour la nuit. Elle se sentait divaguer, faible et confuse. L’impression que ses forces la quittaient se faisait ressentir de manière répétée et oppressante, allait-elle réussir à s’en sortir ?

    Pour une raison ou une autre, qu’elle peinait à se remémorer dans les détails, elle venait de tuer un homme. Et quelque chose ne semblait pas être à sa place ; un détail, une scène, un mot contenant un morceau manquant du puzzle qui éclaircirait une bonne fois pour toute l’histoire beaucoup trop floue aux yeux de la jeune femme. Ce qui c’était passé était tellement plus compliqué, moins concret et beaucoup trop de facteurs qui auraient dû être pris en compte ne l’étaient pas. Putain quelle merde. Elle devait certainement être en transe à ce moment-là pour ne pas réussir à se remémorer les circonstances qui l’avaient poussée à commettre un tel acte. Folle, l’albinos était sûrement folle. Le meurtre en lui-même ne l’avait pas gênée en réalité, maintenant qu’elle se penchait un peu plus sur la question. C’était plutôt la monstruosité dans son regard qui l’avait animée du début à la fin, cette rage dans ses coupes, et surtout ce cadavre qui moult fois mutilé, conservait cette désagréable expression d’innocence mélangée à une peur sans nom sur son visage déjà meurtri. Elle ne se souvenait pas d’elle, tenant sa lame et entièrement recouverte de sang, tranchant l’homme déjà mort dans un ultime sentiment de satisfaction. Elle n’avait en mémoire que le funeste tableau de cette œuvre qui une fois achevée, réussit à dessiner un rictus sordide sur ses lèvres qui reflétaient la couleur pourpre présente sur le macchabée.

    « Faible. »


    Vlan. Comme une claque qu’elle venait tout juste de se prendre en pleine face, la jeune femme venait d’assister à un défilé d’ombres écœurantes et fétides qui s’amusaient chacune leur tour à la torturer à nouveau, malaxant doucement et péniblement les uniques bouts de cerveau encore saints qui lui restaient comme s’ils ne valaient plus rien.
    Elle revoyait la scène, oh oui, elle revoyait encore une fois ce tableau funèbre se dessiner devant elle. Ça la dégoûtait. Cet homme… Semblable à un animal qui osait… Comment avait-il pu ? Ceres était prise de nausées. Elle aurait voulu vomir, vomir et tout oublier. Comme paralysée, la marine retraçait petit à petit ce qui l’avait conduite ici. Elle le voyait lui, abuser d’elle… L’humilier, l’abaisser plus bas que terre, lui prendre son honneur et le peu d’innocence qui lui restait.

    « Il n’est pas si loin, celui qui dévore ton âme tout en riant. »


    Il était impossible pour quiconque se laissant prendre de se libérer de l’imposante étreinte qu’exerçait ce mystérieux sentiment sur votre cœur et votre esprit, ce sentiment qui, tout en exerçant une pression maladroite et insistante, ne vous laissait qu’une amère sensation de faiblesse et de désespoir une fois son crime accompli. Personne ne pouvait l’entendre dans ces moments d’ombre. Et tout cela allait recommencer, elle en était désormais certaine. Sans fin, ni début, ni endroit où se cacher, ni endroit où vivre. Une fois pris par cette chose, on se retrouvait fait, fait comme un rat. Sans aucune possibilité de fuite. Car Elle est plus forte, Elle a tous les droits, Elle vous torturait déjà sans que vous le sachiez…La Souffrance.
    Le soir où elle perdit la tête, la lame avait glissé, la lame avait tranché et elle ne fut plus qu’un corps sans vie. Le soir où elle perdit la tête, fut celui où la vie avait caressé sa joue, et où la mort avait embrassé ses lèvres.

    « Fleuriste, je n’étais là que pour rendre visite à ma famille. Et pourquoi je te dirai mon nom ? Tu ne m’as pas dit le tien en ignorant délibérément ma question. Et c’était quoi ce robot avec toi ? Qu’est-ce que tu fais à cette heure de la nuit dans cet état ? Tu es en fait tout autant suspecte que la situation dans laquelle je me trouve. Je ne devrais sûrement pas te faire confiance… Qu’est-ce qui me dit que ton robot va chercher la marine et pas autre chose ? Je ne peux pas rester ici ! » Prenant un ton de malade mentale post-choc aux tendances parano, elle n’avait plus que ça pour justifier ce qui allait suivre.

    « Fuis. »


    Et Ceres se mit à courir à travers les ruelles sombres de Shell Town, d’un pas lent, titubant et mal assuré qui finirait certainement par lui faire défaut.


[HJ : Ça peut servir de fin, mais si tu le souhaites, tu peux la rattraper et on peut partir plus loin, comme tu veux xD en tout cas désolée pour ce post maladroit.]
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Elle se mit à parler. A me dire son métier, mais refusa catégoriquement de me dire son nom, sous prétexte que j’avais évité de donner le mien. Puis elle enchaina sur des questions, l’air d’une folle furieuse, se sentant menacer de tous les côtés, limite en pleine décompensation paranoïaque. Bee parti depuis quelques minutes, je n’avais qu’une envie : qu’il revienne au plus vite. Je me sentis soudainement beaucoup moins en sécurité, persuadée qu’elle allait s’en prendre à moi, ou pire… Je me tins en retrait, le temps de la calmer, tentant tant bien que mal de reprendre la parole, mais la jeune femme s’enfuit à toutes jambes, titubant légèrement, lâchant avant de partir un « je ne peux pas rester ici ! ». Qui était réellement la menace ?

« Non, mais ?! »

Je la regardai filer lentement, encore abasourdie par son discours. Valait mieux entendre ça que d’être sourd… Mais je perdais patience, et que je n’étais plus certaine de pouvoir réellement me contrôler auprès d’une folle hystérique. A croire que la folie était contagieuse. Ma fureur, en tout cas, bouillonnait dans mes entrailles et était prête à exploser.

« BORDEL, RESTE ICI ! »

De colère, j’avais couru jusqu’à la bassine qui était sur le sol depuis le début de notre conversation et avait tapé dedans d’un grand coup de pied. Le seau partit en direction de la jeune fille, heurta un mur adjacent et atterris sur le sommet de son crâne. Dans son élan, elle envoya la jolie blonde s’écraser sur le sol. Je me stoppai net, s’abattant sur moi un poil de culpabilité et de honte…

« Oups… »

Assommer une fille traumatisée avec une bassine, ce n’était peut-être pas la meilleure chose à faire. Prenant conscience de mon geste, je me précipitai vers elle. A son niveau, je m’accroupis et la regardai. La bassine trônait toujours sur sa tête, laissant tout de même entrevoir son regard. Elle avait l’air autant surprise que moi du geste que je venais d’avoir. Je la saisis par les épaules et me repentis en excuses, les joues rouges de honte, et tentant d’expliquer ma colère :

« Désolée ! Sincèrement désolée pour ce que je viens de te faire… Mais il faut comprendre que je ne peux pas te laisser partir si tu sais des choses à propos d’un tueur ! Tu es probablement la seule chance de pouvoir l’arrêter ! C’est de mon devoir de tout faire pour que tu puisses témoigner contre lui, quitte à me mettre moi-même en danger, à te retenir par la force, à te ligoter à cette fontaine en attendant que la marine arrive ! »

Je fermai les yeux et secouai violemment la jeune fille, convaincue et prête à faire ce que je disais. Mon bras plâtré ne m’empêcha pas de continuer mon discours : j’étais prise dans une diarrhée verbale que je ne pouvais refréner, même avec toute la volonté du monde.

« Je comprends que tu ais peur, je comprends que ce soit dangereux pour toi, tu t’exposes à des moments terribles de doutes, de souffrances, et c’est clairement effrayant ! Je sais tout ça ! Mais tu ne peux pas laisser un monstre pareil s’échapper, un monstre qui recommencera probablement à tuer, et qui laissera derrière lui des familles entières décimées qui ne pourront pas faire leurs deuils ! Ces gens sont l’ami de quelqu’un, le fils de quelqu’un, le père de quelqu’un, tu ne peux pas laisser toutes ses personnes dans le désarroi sans pouvoir entrevoir la lumière au bout du tunnel… Il faut que ce monstre soit mis derrière les barreaux… »

La cause me semblait juste, mon obstination une bonne chose. Il fallait que j’arrive à lui redonner le courage d’arrêter cet homme. Je ne pouvais tolérer l’échec ou la fuite. Peut-être un peu trop touchée par la situation, en croyant dur comme fer qu’un homme s’en prenait à une population innocente et semait derrière lui le chaos et la souffrance. Il fallait que la justice se fasse. Il fallait rétablir l’honneur et la dignité de cette victime, surtout, éviter qu’il y en ait d’autres dans le même genre…

« Et pour l’instant, il n’y a que toi qui sois capable d’accomplir tout cela ! Tu n’es peut-être qu’une simple fleuriste, mais à ta mesure, tu peux changer les choses et agir pour les autres ! Tu es capable d’être forte, très forte ! Tu es venue jusqu’à moi, tu m’as fait entrevoir le drame que c’était, tu ne peux pas faire machine arrière, au risque de porter sur ton dos le fardeau de toutes ses futures victimes ! Tu n’as pas pu aider cette personne ce soir, tu as subi toi aussi, tu es autant la victime de ce monstre, mais tu peux changer les choses et faire en sorte que ça ne recommence plus, que personne n’ait à subir ce que tu as subi ! Te rends-tu compte de la culpabilité que tu auras à porter s’il recommence à tuer ? Alors que toi, tu aurais pu l’arrêter ? »

Mon regard ambré se plongea dans les yeux de la blonde que je chevauchai toujours. J’avais encore tant de choses à dire, mais mon souffle commençait à être court tant j’avais parlé jusqu’ici.

« Ce soir, c’était toi. Mais demain, ça pourrait être un enfant qui verrait son père se faire démembrer sous ses yeux ! Ou un mari avec sa femme se faisant éventrer ! Il faut que tu réagisses, il faut que tu l’en empêches, il faut que tu les protèges ! Et même, que tu TE protèges ! Parce que s’il t’a vu, il pourrait très bien s’en prendre à toi la prochaine fois, et dans ce cas, seule la marine sera apte à vraiment te protéger contre ce monstre, à faire en sorte que tu sois en sécurité ! Sois sûre, en tous cas, que je ne te laisserais pas partir après tout ce que tu as vu, que je t’empêcherai de t’enfuir, d’échapper à cette responsabilité ! Et tu me trouveras peut être méchante, ou inhumaine, mais je fais ça pour eux, pour toi, pour ta conscience ! Alors, s’il te plait… Dis à la marine ce que tu as vu, dis leurs ! »

Je la tenais par une épaule, rythmant mon discours de quelques secousses pour saisir son attention. Ça devait être difficile pour elle de voir une femme lui parler de toutes ces choses, de tenter de lui faire prendre conscience de son importance avec les joues couvertes de suie, les cheveux fous et l’air déterminé. Encore plus lorsqu’une bassine trônait toujours sur notre tête

« Euh… attends, je t’enlève ça… »

Attrapant l’objet, je le retirai du sommet de son crâne. Au loin, des pas résonnaient dans la nuit, soutenus par le caquètement entêtant d’une bestiole que je connaissais bien. J’allai peut-être être libéré de mon fardeau.
Peut-être, si j’avais été assez convaincante.
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    « Tous ces visages hurlant, ces sourires pleurant, ces yeux ensanglantés retranscrivent ma folie déjà dévastée. »

    Plus l’horloge tournait et plus Ceres parvenait à concevoir l’ampleur du merdier dans lequel elle venait de se fourrer. De toutes les personnes qui existaient en ce monde, il fallait vraiment qu’elle tombe sur celle étant en quête de vérité absolue, de justice expéditive et de tout l’attirail qui allait avec. La brune, visiblement à bout de souffle, déblayait à une vitesse inconcevable pour la jeune albinos un discours qui, semblant sans fin, était empli de bonnes paroles en tout genre sur le quelconque sens que possédait la vie. Des paroles tout droit venues d’un semblant de prophète qui en bon messie, prêchait la bonne parole tout en tentant tant bien que mal de guider la pauvre brebis égarée que paraissait être la jeune marine. Et c’était celle qui venait tout juste de prendre possession du rôle de prophète qui, quelques instants plus tôt, lui avait balancé une bassine sortie d’on-ne-sait-où dans la portrait afin de lui faire tendrement épouser le sol. Elle bouillonnait pas mal pourtant, pour une Don Quichotte version féminin. Désormais à califourchon sur la jeune femme qu’elle dévisageait tout en lui soustrayant l’objet de la tête, elle semblait redevenir petit à petit la cité paisible, flegmatique et familière qu’elle représentait au début de leur rencontre.

    « Par les fentes de son sourire mesquin s’est envolé un animal hurleur qui ne jouissait que par son âme blanche aujourd’hui salie. »

    Elle essayait de manipuler la conscience de Ceres comme on le faisait pour dresser un chien. Ancrer en elle des valeurs inutiles et trompeuses. De lui faire prendre part à des responsabilités qu’elle faisait pourtant tout pour renier. Elle les rejetait, certaines qu'elles ne serviraient qu'à la faire tomber, une fois de plus. Elle cherchait encore et encore à lui faire ressentir le poids de remords, remords qu’elle avait pourtant réussi à faire disparaitre le temps d’un instant et qui semblaient revenir plus vite que jamais, ainsi que d'une amère culpabilité. Et ce, sans pour autant être certaine de l’implication de la lieutenante au cœur de toute cette narration morbide. Au final, la brune ne pensait qu’à sa propre petite personne. La victime ? Quelle importance avait-elle au centre de tous ces évènements ? Aucune. Elle n’avait aucune importance, en réalité elle n'avait jamais rien représenté. Elle n'apparaissait au final seulement comme un prétexte, un moyen certes indispensable à tout ce qui n’avait représenté qu’une contingence au départ, mais qui désormais, apparaissait bel et bien comme un élément secondaire. Ce n’était qu’un accessoire morbide, servant tout simplement à projeter les deux femmes sur le devant de la scène, à leur soumettre un décor, un sujet, une thèse, sur lesquels elles s'affrontaient. Car désormais, tout allait dépendre de la qualité des actes qu’elles allaient jouer sans en être conscientes. Tout cela allait se dérouler entre ces deux protagonistes, aux visions singulièrement différentes et opposées ; et qui tentaient inlassablement de faire valoir leur conception personnelle de la justice l'une à l’autre.
    Une justice illusoire, encore barricadée par des règles pleines de moralité et parfaitement bien définies par la société actuelle, qui consistaient tout simplement à placer l'autre avant soi-même pour l'une ; tandis que l’autre cherchait continuellement à sortir de ces limites qu’elle n’avait pas choisies pour placer uniquement sa propre personne en avant, sur un piédestal, inaccessible de tous, faisant d’elle une sorte de composant conséquent, mémorable et irremplaçable de ce monde. En définitive, on débarquait sur l’humus de ces terres seul, et on le quittait toujours plus seul que jamais. Ce n'était qu'un début et une fin qu’on traversait solitairement. On y était tous confronté, à un instant ou un autre. Alors pourquoi ce qui se déroulait entre ces deux étapes devait absolument faire abstraction à cette règle ? Quel intérêt y avait-il à défendre la veuve et l’orphelin, quand, au final il ne resterait plus que nous, debout, à attendre la faucheuse comme un vieux rendez-vous ? À se donner bonne conscience sans doute. Et ce, malgré qu’aux yeux de l’albinos, cela ne ressemblait qu’à une illusion de langage.

    L’homme au visage désormais défiguré et au corps estropié pouvait très bien être lui aussi le pire monstre que la terre ait connu. Mais qui s’en souciait ?
    Elle. Sa vision simpliste de l’humain semblait tellement utopiste que cela en devenait navrant.
    Les raisons qui la poussaient à agir de la sorte n’étaient que des arguments de base, censés provoquer en Ceres cette animosité envers le criminel qu'elle-même ressentait, cet éclair justicier, qui toujours supposé la foudroyer, désirait qu’elle se lance à corps perdu dans son arrestation. Un problème persistait pourtant dans toute cette tirade idyllique : le criminel, c’était elle.
    Et ça n’allait malheureusement pas dans son sens. Bien trop enfoncée dans ses mensonges pour espérer une quelconque marche arrière, la marine commençait à sentir le piège se resserrer autour d'elle. Fleuriste qu’elle disait. Heureusement, personne si on laissait de côté le colonel Fenyang ne pouvait démentir cette information. N’ayant pas posé le moindre pied à l’intérieur de la base de Shell Town, aucun marine des environs ne pouvait affirmer qu’il s’agissait de Ceres O. Fall ou bien d’une simple marchande de fleurs traumatisée. Et heureusement, sinon elle serait totalement discréditée auprès de l'hystérique à la bassine, et à partir de cet instant, la brune n’aurait plus aucune raison de douter des antécédents de la jeune femme. En gros, elle aurait déjà pu dire bonjour aux barreaux et à la vie de bagnarde.

    Remords. Regrets. Affliction punitive. Violence circoncise. Destruction d’un être. Peine innommable. Il fallait absolument que la lieutenante trouve un moyen de se débarrasser de ce fardeau qui l’envahissait toujours un peu plus, et qui, tout en l’empêchant de reprendre le cours habituel de sa vie, mettait en stand-by ses douloureux désirs qui lui criaient de succomber. Sa doctrine, qui jusqu’alors avait guidé ses actions et ses pensées, ne semblait plus être encline à favoriser sa réussite. Et cela s’accentuait à partir du moment même où le bruit de pas saccadés se firent entendre au loin. Elle était foutue.

    « Elle joue comme nul ne joue et il était seul à la regarder. A l’intérieur d’elle-même, caché, à attendre l’échec. »

    Commençant à apercevoir la silhouette des trois marines qui suivaient au trot le robot de manière godiche, la jeune femme, en bonne manipulatrice et surtout grâce à son entêtement à ne pas vouloir finir en tenue de bagnard, ainsi qu’au fait qu’elle tenait beaucoup trop à sa liberté et à ses ambitions démesurées pour se faire prendre aujourd’hui, réalisa alors rapidement que la partie n’était pas encore terminée pour elle. Lorsqu’elle aperçut les insignes des trois hommes, concluant dès lors qu’ils n’étaient que des bleus, Ceres entrouvrit une nouvelle possibilité de fuite. En toute logique, l’effectif se rendant sur ces lieux ne pouvait pas être plus important que celui-ci. La base devait s’assurer de garder assez d’hommes pour d’autres contingences, car à cette heure de la nuit, seuls les hommes étant de gardes étaient présents. Désormais à leur portée, les défenseurs de la justice, manifestement abasourdis par la vision sanglante des vêtements tâchés de Ceres demeuraient immobiles, le regard vide et dégoûté.
    L’un d’eux, visiblement plus courageux, réussissait à conserver son sang-froid et ce, bien que son visage retranscrivait son étonnement et son inquiétude. Prenant un ton ridicule qui se voulait supérieur et assuré, il commença débrayer gauchement des mots qui révélaient son inexpérience.

    « Qu’est-ce qui se passe ici ? Un robot est venu nous alerter et … Pourquoi était-elle pleine de sang ? Qu’est-ce qui s’est passé ici ? Pourquoi est-elle parterre … ?! »


[HJ : Donc voilà, à partir du prochain poste je ferai intervenir le PNJ !]


Dernière édition par Ceres O. Fall le Mar 22 Mai 2012 - 13:22, édité 1 fois
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La marine arriva, enfin, après ce temps qui m’était apparu comme interminablement long. Ils étaient là, comme trois cheveux sur la soupe, surpris par ce qu’ils voyaient sous leurs yeux. La position équivoque que nous tenions, nous deux, au milieu de cette place, la bassine juste à côté que j’ôtai à peine de la tête de la jeune fille, mais surtout : le sang. Partout. Sur elle, sur son visage, sur son minois adorable, qui ne faisait qu’entretenir la confusion. L’on pouvait croire que je l’avais blessé, pire, que j’étais en train de l’agresser. L’un d’eux s’approcha avec son air gauche qui se voulait faussement professionnel. Je me dégageai de la jeune femme pour prouver ma bonne foi en leurs laissant la place. Le plus proche nous interrogea, nous balançant des questions à tout va entendant d’avoir des réponses : Qu’est-ce qui se passait ? Pourquoi est-ce qu’elle était couverte de sang ? Et pourquoi par terre ?
Je compris rapidement que la situation n’allait pas en ma faveur et que ma bonne foi allait vite être mise à rude épreuve. L’heure avancée de la nuit, les circonstances de notre rencontre, cette entrevue que le destin m’imposait alors que je me remettais à peine d’autres aventures encore plus rocambolesque qui m’avaient couté un bras et une partie de ma dignité…


« Oui, oui je sais ! C’est pour elle, elle a des…
- Mademoiselle, cette femme vous a-t-elle fait du mal ? »

Je m’interrompis. Il m’avait coupé la parole, il m’ignorait royalement, ne me laissait pas le temps de répondre à ses questions. Je n’avais qu’une envie, imprimer son visage contre le sol pour lui faire comprendre que pour mener un interrogatoire, empêcher les témoins de parler n’était pas la chose à faire, et qu’en plus m’accuser d’un méfait que je n’avais pas commis, ce n’était pas non plus une très bonne idée. Ses collègues comprirent rapidement que j’allai sortir de mes gonds, que j’étais moi aussi sur les nerfs et que si l’histoire se présentait ainsi, ça allait dégénérer.

« Pardon ? C’est moi qui ai demandé à ce qu’on vienne vous chercher !
- Calmez-vous s’il vous plait !
- Que je me calme ?! Je fais en sorte de garder le témoin d’un crime sordide près d’ici, qu’on vienne vous chercher pour que vous puissiez arrêter un meurtrier et vous osez lui demander si je lui ai fait du mal ? Mais elle est ou votre putain de logique ?! »

Sa bêtise m’irisait les poils. J’allai le dévorer, cru.

« Cette femme est couverte de sang !
- ET ALORS ? Si en effet je lui avais fait du mal, je serais moi aussi couverte de sang, espèce de crétin ! T’as foutu ton esprit déductif dans ton c…
- Coin coin ! »

Bee me coupa la parole avant qu’un mot plus haut que l’autre ne vienne envenimer un peu plus les choses. Un des collègues du crétin arriva vers moi et m’attrapa par le bras pour m’éloigner de la scène « du crime ». Je me laissai faire, Bee sur mes talons, tandis que les autres marines s’occupèrent de constater qu’elle n’était pas blessée et que je n’avais rien fait dans cette histoire.

« Rrrrh. Non, ça va aller. Je vais rester très calme et ne surtout pas lui en coller une dans le nez. »

Le marine à côté de moi me fit un sourire, un peu gêné par les dires de son collègue, plus avisé que ce dernier certainement.

« Mademoiselle, je vais vous interroger plus loin, mes collèges s’occuperont de celle-ci. Pouvez-vous me dire ce qu’il s’est passé ? »

Je pris une grande inspiration et tentai de me souvenir d’absolument tout. Difficile dans ce genre de circonstance. Mais je le devais. Fermant les yeux, je me souvins de l’explosion dans le hangar, de l’arrivée de la jeune fille, de ses élucubrations. Elle ne m’avait pas donné son nom, mais son métier. Son discours était bancale, dissocier du reste, il y avait quelque chose d’étrange dans sa façon de faire, comme une sorte de rupture avec la réalité. Ce n’était que mes suppositions, je n’avais pas à les donner. Je me contentai donc de dire ce que j’avais simplement vu et non pas ce que je pensais :

« Je travaillais dans le hangar sur Bee, pour l’améliorer. Il y a eu un disfonctionnement et nous avons dû sortir, c’est là que nous l’avons vu. Elle déambulait sans savoir où elle allait. J’ai envoyé Bee vous chercher et je l’ai retenu ici. Elle divaguait complètement, je lui ai prêté mon gilet pour la couvrir et cacher un peu le sang qu’elle avait partout…
- Elle vous a dit quelque chose ?
- Qu’il y avait un mort.
- Elle venait d’où ?
- De là-bas. »

Je lui montrai du doigt la direction d’où je l’avais vu arrivé.

« Autre chose ?
- Elle a voulu s’enfuir. On dirait qu’elle a vu un véritable monstre. Elle a eu peur, j’ai voulu la retenir et la convaincre avant que vous n’arriviez… Elle est fleuriste, aussi. Je n’ai pas son nom, désolée.
- D’accord, merci. Restez-là, je vais parler à mes collègues. Nous allons devoir prévenir la base pour chercher le cadavre s’il y en a un. »

Il m’amena jusqu’à la fontaine ou il me fit assoir et retourner auprès de ses coéquipiers. Je poussai un long soupir tandis que Bee se mit à mes côtés pour regarder si j’allai bien.

« Je te jure, cette histoire commence à me sortir par les yeux. Heureusement que tu es revenu, sinon, je crois que j’aurais craqué. Cette fille est vraiment bizarre, et ce qu’elle raconte n’a absolument aucun sens. Etre traumatisé, ça rend les gens comme ça, tu crois ? »

Il haussa les épaules. Lui non plus n’avait jamais connu de personne dans cet état. Du moins, pas sur le fait, dans un moment encore frais, à peine vécu. Il secoua la tête, comme pour signifier que ce n’était pas notre affaire, maintenant que la marine était arrivée, et qu’on en avait fait bien assez pour l’instant.

« Tu as raison. Il est tard, la fatigue et les nerfs, ça n’aide pas à rester calme. Vivement qu’on nous permette de partir. »

Je disais cela en me tenant la tête entre les mains, des cernes sous les yeux et de la suie toujours sur les joues. Et puis, d’un coup, au fond de la rue qui jouxtait la place, de là ou venait la jeune femme, des bruits de pas se firent entendre...
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    Son esprit, ce monstre aux allures allégoriques, cet être si vicelard qui au fond d’elle, achevait son œuvre si particulière dans un délicieux soupir de délivrance. La tuant à petit feu, il venait tout bonnement de lentement refaire surface. Et ce, dans le seul et unique but de hanter l’esprit ô combien fragile de la jeune femme à nouveau. Comme si cela n’avait pas déjà suffi la première fois, quelques temps auparavant. Plus ardent, plus pervers, plus fou ; plus intense surtout. Elle avait peur. Atrocement. Elle avait mal. Magnifiquement. Quelle étrange sensation, incompréhensible et macabre à la fois, qui pourtant semblait si… Parfaite. Oui, la folie à ce moment-même demeurait admirable et sans défaut, telle une divinité qui dans un jeu de regards protecteurs s’amusait en réalité à défigurer chaque être de tout bon sens qui osait lui être fidèle, les transformant un à un en de misérables pantins sans vie.

    Une euphorie la remplissait désormais, débordant de son être déjà pourtant entièrement noirci par ces monstres esclaves de son subconscient et de ce passé si proche et pourtant si éloigné à la fois. Passé qui la tourmentait en lui courant après tel un chien lâchement abandonné derrière le souvenir d’un maître bien trop laid. Avait-il au moins déjà existé ? Elle en doutait. Non en réalité, elle l’ignorait. Ou du moins, elle ne le savait plus.
    Et dans un silence brutal, entre deux regards échangés avec cette inconnue qui, croyant bien faire, venait de faire perdre à Ceres le peu de raison qui lui restait ; elle partit dans un rire nerveux accompagné d’un certain aspect lugubre. Sourire béat sur ses lèvres gercés, ses yeux s’affolaient, tournant encore et encore. Dans un manège démoniaque semblant sans fin, clinquant, cassé, brisé et laid comme cette foule effrayée. Ces spectateurs que représentaient les marines et l’indésirable brune aux prunelles innocentes. Le manège de la folie. Oui, c’était très certainement son nom. Un soupir d’angoisse mêlée à du soulagement suivit ce rire cafardeux. Lasse, voire même peut-être impatient. Quel beau moment. La frontière était si mince entre ce passé, ce futur et ce présent qui tous demeuraient torturés et si apaisés à la fois. Effroi et bonne humeur embrassés, subtil mélange à la limite de l’idyllique. Profitez de cet instant. De cette seconde, la dernière.

    Souvent, il nous était donné l’occasion d’apercevoir au plus profond de nous-même un douloureux sentiment, qui à vrai dire se mêlait aujourd’hui aux yeux de Ceres de plus en plus à ce que l’on définirait par une douce impression. Une légère pensée qui tout en nous survolant de la manière la plus pondérée qui soit, en profitait pour semer cette graine au visage dessinée par l’innocence, qui en réalité demeurait tout autre. Plein de vices, de corruption et d’une certaine perversion, ce fruit totalement amoral représentait malgré tout bel et bien l’un des principaux responsables de l’état actuel de la jeune femme. Petit à petit, il s’amusait à détruire, à noircir et à ronger de ses crocs habillés de pourpre l’intérieur de son âme déjà damnée. Et que faire lorsqu’au commencement à peine, on était déjà en proie à cette subite dépravation perpétuelle et corrosive de ce qui constituait notre « anima » ? Notre esprit, notre conscience, notre manière d’agir : notre nature en somme, tout simplement.
    Le monde voulait que, pour conserver un certain équilibre sempiternel, le bien et le mal se devaient de cohabiter dans une insoutenable harmonie des plus ennuyeuses et bien malheureusement nécessaire. L’un n’existait pas sans l’autre, telle la lumière qui ne pouvait régner qu’au cœur d’une profonde pénombre. Pourrions-nous percevoir le froid sans connaître la chaleur ? Non. Et tout dans cette nature obsolète reposait sur cet éternel même principe. Alors peut-être, semblait-il normal voire naturel que l’essence de l’âme d’une personne soit déjà à sa naissance, définie par des règles bien précises qui elles-mêmes l’étaient déjà par les bons soins d’une entité supérieure et invisible qui appliquait machinalement ce procédé depuis la nuit des temps dans l’unique but de préserver cette parfaite combinaison.
    Et Ceres faisait partie intégrante de cette catégorie. Sa nature était mauvaise, noire, morbide, salace, vicelarde. Elle semblait tout simplement irrécupérable. Elle faisait partie oui, de ces personnes se sachant totalement dépourvues de morale et qui, dans une incompréhension totale de la part du commun des mortels, adoraient ça. Ils s’en délectaient dans une atmosphère dépravée et perverse, à en faire frémir le plus courageux des hommes. Même les dieux, perchés sur leur piédestal empli d’arrogance et de dédain, observaient ce tableau taché d’immondices avec dégoût. Et ce malgré, l’habitude d’en voir chaque jour des pires.

    Perdue dans son élucubration malsaine, jusqu’à en oublier les personnes qui l’entouraient qui eux, faisaient face à un tableau des plus sombres, elle ne se rendit absolument pas compte du rire macabre qui venait de sortir de l’antre de ses lèvres quelques minutes plus tôt. Rire qui en avait glacé l’âme et la chair de ses témoins. La discréditant encore un peu plus face à la brunette qui doutait déjà intensément de ses dires. Ils s’affolaient à ses côtés. Tellement qu’ils commencèrent même à en accuser la jeune femme, qui pourtant innocente, semblait à deux doigts de franchir le cap entre un état serein et une attitude des plus agressives. L’emmenant plus loin par ce qui ressemblait au plus responsable et téméraire de l’escouade, la civile – ou ce qui s’en apparentait le plus -, suivie de son fidèle homme à boulons semblait reprendre son calme au fur et à mesure qu’elle prenait ses distances vis-à-vis de Ceres. Comme si finalement, son aura malveillante avait déteint sur sa personne, et que s’en éloigner ne faisait qu’apaiser ses nerfs.

    « A nous deux, enfin euh... Nous trois. Qu’est-ce qui s’est passé ? Vous êtes en état de parler ? »

    « Ouais et ce sang vient d’où ? Une partie est l’vôtre ? Ou ça appartient à la victime ? Ou même au criminel ? »

    « Vous vous souvenez de détails qui nous permettraient de le retrouver ? »

    « Qu’est-ce que vous faisiez là ? A cette heure de la nuit aussi ? »

    « C’est pas une heure pour sortir… Surtout quand on est une jolie demoiselle ! »

    « Tu lui fais un compliment là… Idiot ! On est en plein boulot ! Tu la veux cette putain de promotion ? C’est notre chance ! »

    « Ah oui oups… Peut-être qu’elle n’a pas réalisé, elle est en état de choc après tout… »

    « C’est pas professionnel du tout !! »

    « Pourquoi t’es rouge ? »

    « TAIS-TOI ! Bon reprenons mademoiselle… Comment vous appelez-vous ? »


    Allez savoir pourquoi le début de cette conversation déjà sans queue ni tête ne venait qu’à la fin, comme si la bombarder de questions sans lui accorder ne serait-ce qu’une seconde pour répondre entre deux temps allait s’avérer efficace. Les deux hommes patauds et totalement dénués de sens dans ce qu’ils vociféraient ressemblaient plus à des enfants qu’à des soldats de la marine. A croire qu’ils recrutaient vraiment n’importe qui, n’importe comment et n’importe où là-bas. L’albinos faisait partie de ce n’importe qui. Mais ce fait, tout le monde l’ignorait, et évidemment, elle ne laisserait personne ne serait-ce qu’en doute le temps d’un baiser.

    « Je… »

    Interrompue dans ce qui allait sans doute s’apparenter à un long discours mélodramatique aux allures totalement mensongères digne des plus grands comédiens de l’époque ; la source de cette incohérence dans ce qui semblait être le théâtre de la marine avait l’air de provenir tout droit de ces bruits inquiétants et gauches qui au loin, se faisaient entendre.

    Un ivrogne, ou ce qui semblait l’être. Dans le doute, on ne pouvait vraiment savoir si son incapacité à aligner deux pieds l’un devant l’autre venait du taux d’alcoolémie – certainement abusif - présent dans son sang ou bien tout simplement à ce qui s’annonçait comme une très, très mauvaise nouvelle. Pour lui, évidemment. Car pour Ceres, les taches de sang présentes partout sur son accoutrement et son visage faisaient figure d’excellente augure. Il possédait cet air, qui, si familier pour la jeune femme, lui procurait l’intense plaisir de sourire à nouveau, et ce, même dans un moment aussi alambiqué que celui-ci. Un sourire discret, mais pas moins présent. Elle gagnait la partie, elle en était convaincue. Pourquoi ? Car il avait cette mine, cette expression, ces mimiques si singulières et reconnaissables partout ailleurs : L’air de s’être battu suite à un quelconque conflit d’intérêts dans une taverne. Rien d’exceptionnel, certes. Mais cela restait amplement suffisant pour changer la donne en faveur d’Opall. Pointant un doigt accusateur en sa direction, la main pleine de frissons et le corps sanglotant à souhait, on ne pouvait trouver mieux en matière de manipulation. Les traits de son visage venaient de se changer lentement pour laisser place à une délicieuse mine pleine d’effroi.

    Et là, le signe fit tilt à l’intérieur des caboches vides des deux marines qui rejoints par le troisième et totalement alertés par les signes que lançait celle qui semblait n’être qu’une pauvre victime dans toute cette narration lugubre, se mirent à courir en direction de celui qui venait tout juste d’endosser parfaitement le nouveau rôle de faucheuse macabre. Brandissant des menottes forgées à partir de granit marin pour ne prendre aucun risque supplémentaire, et profitant par la même occasion de la manière la plus lâche qui soit de l’état de l’homme, comme Ceres quelques temps auparavant avec ce qui n’était désormais rien de plus qu’un macchabée, ni une ni deux, et le voilà qui était déjà totalement dans l’incapacité de bouger.

    Victory.


[HJ : Voilà je te laisse conclure le topic, je te laisse le champ libre, tu peux dire que Ceres part avec eux ou tout simplement qu'elle repart dans une direction différente à cause du fait que les marines sont incompétents ! En tout cas, c'était un plaisir de RP' avec toi, et j'ai hâte que la looongue série de RP qui débute juste reprenne :p Je me relis demain !]
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Les bruits de pas.
Voilà ce qui coupa court à toute l’aventure, à cette rencontre. Qui arrêta les hostilités et les questions en tout genre et qui nous fit doucement revenir à la dure réalité. L’agacement passa au profil de la surprise, aussi de l’appréhension de découvrir qui pouvait être l’auteur de ces méfaits. Sa silhouette se dessina doucement, sans que je ne puisse pourtant voir son visage. Les trois marins se ruèrent sur lui pour l’arrêter, après l’air effrayé de notre chère victime, le mirent à terre et lui passèrent les menottes sans lui lire ses droits. L’homme poussa des cris d’incompréhension, clamant des mots, des mots qui me vinrent aux oreilles, incrédules et étonnés. Pire qu’étonnés. Il y avait clairement quelque chose qui ne tournait plus rond pour lui, qui avait arrêté d’être fiable dans son monde. Son univers s’écroulait alors qu’on le traitait de coupable.
Qu’importe qui il pouvait être jusqu’à aujourd’hui. Maintenant, il n’était que ce monstre, coupable et terrifiant qui étaient venu traumatiser une jeune femme et qui avait démembré un innocent. On ne remettait pas en doute ce qu’avait pu dire, ou faire, cette donzelle aux grands yeux rouges. Impossible de remettre en question son cinéma, son jeu époustouflant.

Et deux autres sentiments prirent d’assaut mon être : le soulagement et le doute. En total contradiction l’un avec l’autre, qui essayaient de trouver un sens à cette histoire, à ce mystère. Ils m’enlevaient un poids des épaules pour m’en remettre un autre, car une petite voix dans ma tête me disait clairement que quelque chose n’allait pas.
Soulagée. Je l’étais. Vraiment. Je n’en pouvais plus de cette soirée, de cette rencontre qui m’avait épuisée au plus profond de moi-même. Elle m’avait fait prendre conscience que je n’étais pas prête à reprendre contact avec l’être humain, pas de cette façon. Et quand bien même je pouvais être animé par cette idée que justice devait être faite, j’étais soulagée à l’idée de pouvoir enfin me retrouver seule avec moi-même et de ne plus avoir à les fréquenter. Lorsqu’on détourna l’attention de moi, d’elle, je me sentis comme vivante, capable de respirer à nouveau.
Mais on me tannait encore. Quelque chose s’était immiscée en moi.
Le doute. Imperméable, immuable. Eternel. Ce petit arrière-gout dans la bouche qui nous fait comprendre que ça ne va pas si bien. Etonnamment, je savais qu’il n’y avait pas de sens à cette histoire, que quelqu’un mentait. Mon regard se posa sur la jeune femme qui, imperturbable, continuait à gémir en simulant la peur. Ça sonnait faux, tellement faux. Mais que pouvais-je ajouter ? Que pouvais-je dire ? Avais-je seulement des preuves de ce que j’avançai ? Ou alors, le pouvoir de le démontrer ? Rien de tout-cela, si ce n’est, une misérable impression qui ne pesait rien dans la balance et qui me poussait à me taire.

Mon expression en disait long, à cette fille, là. Qu’elle me jette un regard pour qu’elle comprenne ou je voulais en venir : son bluff avait très bien fonctionné jusqu’ici, et elle pouvait se vanter de s’en être tiré à merveille. Mais elle devait savoir que son jeu ne prenait pas, ou ne prenait plus, sur moi. Que c’était trop louche. Et que mon instinct me disait « attention, mensonges ». Elle avait été victime de quelque chose, certes, mais pas de cet homme qui venait de nulle part et qui n’allait nulle part. Et on ne me retirerait pas cette idée de la tête. De là à pouvoir intervenir, elle avait compris que je ne pourrais pas, que je n’y arriverais pas.

Tout comme j’avais compris que tous mes beaux discours, mes questions, lui étaient passé largement au-dessus et qu’à l’intérieur, elle devait danser. De Joie. Une victoire silencieuse qui creusait un peu plus le fossé qu’il y avait entre elle et le monde. Elle l’avait choisi, elle l’avait désiré. Elle l’avait provoqué. Il faudrait un jour arrêter ce diable incarné dans un physique angélique qui se déchainait, là, dans ses entrailles.

Le mal n’est jamais spectaculaire, il a toujours forme humaine, il partage notre lit, et mange à notre table

Et la scène s’arrêta. Prompte, rapide. Ils partirent comme ils étaient venus, le coupable menotté et la victime dorlotée. Il n’y avait plus rien d’autre que ce doute prenant, là, dans mon cœur, qui ne m’avait pas fait bouger depuis la fin de ce théâtre. Je regardai l’endroit, photographiant les expressions, les bruits, les sons, les mots. Dans ma tête, ils se bousculaient tous, en même temps, se poussant encore et encore et me faisant perdre le peu de foi que j’avais en l’humanité. Trois guignols qui se pressent d’intervenir, un alcoolique anonyme sous les verrous et une tarée en liberté. L’injustice était rageante, mais que faire d’autre... ?
On ne m’avait pas prise au sérieux, de base. L’on m’avait tout d’abord accusée, puis ignorée, pour ne se centrer que sur les désirs, les caprices même, de cette minette aux yeux de sang. Qui était-elle ? Aucun de nous ne savait son nom, elle n’était que l’inconnue de cette nuit, à East Blue, la jolie blonde qui avait été la pauvre victime d’un assassin. Assassin que l’on avait heureusement arrêté.
Toujours assise, je me pris la tête entre les mains, poussant un long soupir. J’imagine qu’à force de les fréquenter, on les reconnait… Ces psychopathes. Ces truands. Ces gens dépourvus de morale, dépourvu de compassion, simplement animés par cette envie irrépressible de tuer. Victimes de leurs pulsions, de leurs esprits, de leurs hallucinations, simplement de leurs passés. Sociopathe en puissance qui avait échappé de peu à une justice, une vraie ; j’avais échoué, pour de bon. J’avais perdu, je m’étais faite avoir par ses grands yeux, son air fragile et perturbé. Parce que ce qu’elle me disait tourner sous le sens du traumatisme, de l’horreur qu’elle avait vu. Je m’en étais méfiée, mais apparemment pas assez. Et à présent, son rire diabolique résonnait à mes oreilles.
Parce que j’avais perdu.
Parce qu’elle avait gagné.

Que pour l’instant, je ne pouvais rien faire.
Pour l’instant.
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