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La tradition perdure : Chapitre 1 [fin 1623, Terminé]

Cela faisait maintenant une semaine qu'Alan suivait un entrainement sérieux auprès de son oncle. Mais l'impatience du petit le conduisait déjà à rechercher un navire pour quitter son île natale, enfreignant sans scrupule l'interdiction donnée. Il ne pouvait attendre plus longtemps, de peur que tout espoir s'envole. Chaque matin, avant de se rendre au vieux bar du port, le gamin se baladait sur les quais. Il saluait tout les pêcheurs de la baie et contemplait les ombres des navires déjà partis qui se démarquaient légèrement de l'aube naissante. Les couleurs orangées du ciel donnait l'impression que la mer était en feu, et emportait avec elle les pauvres marins démunis. Pourtant, ils continuaient leur route, comme si ces braises réchauffaient leurs cœurs et leur donnait le courage d'aller au large.

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de l'enfant, pensant déjà aux spécimens intéressant qu'ils pourraient ramener. Sa dernière dissection lui revint en tête, alors qu'il se remémorait les différentes caractéristiques anatomiques du thon noir. Reprenant son chemin en sifflotant un vieux chant du coin, ses pas le menèrent jusqu'au quai des étrangers. Trois appareils, ce n'était pas grand-chose mais pas rien non plus. Ayant foi en sa chance, le gamin voulait absolument essayer encore une fois. Il devait bien exister un équipage qui accepterait d'embarquer un minus qui trainera dans leurs pates. Un gamin faible et bizarre qui découpera des poissons tout au long de la route, vous harcelant de ses questions stupides, puis finissant par jouer à l'aventurier sur le mât… Dans un soupire, il se souvint de ce que lui avant dit le vieil homme après l'attaque des pirates.


°Oo.oO°
Le vieux Bob avait aidé Alan a descendre du bateau, se sentant légèrement coupable du traumatisme de son neveu. Après une longue observation du petit tremblotant tête tournée vers le sol, il s'accroupie près de lui. Il tenait maintenant l'enfant par l'épaule droite, plongeant son regard dans le sien. Il espérait que son neveu comprenne que sa force n'était pas suffisante, qu'il devait s'améliorer.

" - Écoutes, quand tu prendra la mer tu seras confronté à d'autres types de ce genre… Il faut que tu deviennes plus fort avant de partir. Je peux t'y aider. Reste au moins encore un an sur cette île en suivant un entrainement. Je serais ton professeur, suis-moi."

Puis après un long silence, voyant que l'enfant ne réagissait toujours pas, il lui fit signe de le talonner. Rentrant dans le Repos des marins, il passa ensuite derrière le bar en contournant les quelques tables de terrasse rangées. Hésitant un instant, le petit resta un long moment debout du coté client, se demandant s'il voulait réellement passer cette porte. Quel était le bon choix? Il avait eut une peur bleue aujourd'hui, et il se demandait si son cœur tiendrait le coup. A-t-il vraiment la capacité d'affronter ces dangers? Son courage est-il assez grand pour y risquer sa vie? Un appel le fit sursauter au milieu de ces pensées, le ramenant encore une fois à la raison. Tremblant, il se décida alors à le suivre car il devait apprendre à résister contre cet effroi glacial qui lui pesait sur les épaules.

"Ooooh!"


Et voilà, l'angoisse avait disparu pour laisser place à l'émerveillement. Alan ne pouvait être qu'étonné de trouver juste en arrière salle un terrain spacieux. Il se retrouvait plongé dans un de ses jeux favoris, mais cette fois version réelle. Au sol, du sable noir durci portait les marques de piétinement récent. Diverses armes et outils rouillés étaient exposés aux murs, prêts à l'emploi. La luminosité qu'une fenêtre ronde au sommet de la salle laissait filtré, donnait l'impression d'être plongé au milieu d'un rêve. L'espoir de nouveau envahissait son cœur quand le rire rauque du vieux Bob résonna.

" -Hey! Ce n'est pas pour rien que les jeunes adultes doivent passer un stage chez moi! 'Faut bien être capable de se défendre quand on est assez loin d'un QG de marine…"

Le petit biologiste ne s'attendait pas à découvrir une face de son village. Lui qui croyait tout connaître de cette côte ennuyeuse, il ne s'aurait jamais douté qu'un tel lieu existait ici. La sérénité du village ne laissait transparaitre qu'ils étaient toujours prêts à se défendre…Le monde des grands s'ouvrait soudainement à lui plus tôt que prévu, sous la plus merveilleuse des formes. Son imagination le trônait déjà au sommet des combattants… Lui donnant une vieille épée légère, son oncle vint se placer face à lui avant d'énoncer son premier cours de base.

" - Aujourd'hui, escrime! "

Et ce fut le début d'une série d'échec désespérant. Il s'avérait que le pauvre enfant n'avait de talent pour aucun art de combattre. La seule capacité qui s'était réveillée était un don naturel pour se faufiler, esquiver et se cacher… Mais rien d'offensif, il ne pourrait vaincre aucun ennemi de cette manière. Comment oublié le soupire accablé de son oncle lors de son cinquième entrainement "La boxe libre!"…
Mais Alan lui ne voyait pas la chose du même angle. Son esprit rêveur avait reprit du service, et il s'imaginait déjà échapper à des hordes de pirates, les éliminant un à un avec discrétion… Il se croyait déjà presque être aussi vif que le plus rapide des animaux, aussi fort que la plus robuste des créatures, et aussi intelligent que la plus sage des personnes. Son cœur si jeune était prêt à partir sans prendre aucune précaution. All Blue était presque visible dans le fond de ses yeux verts quand il prit cette décision : pendant chacune de ses balades, matin comme soir, il irait demander aux touristes de l'emmener vers une autre île.
.oO°Oo.

Le capitaine du navire marchant ne put s'empêcher de rire aux éclats. Vraiment, qui pourrait s'attendre à une telle blague! Un gamin qui demande à être emmené à All Blue! Les larmes lui montait aux yeux tant la scène lui semblait hilarante. Ses hommes essayèrent tout de même de le calmer, embarrassé par l'attitude de leur chef face à un enfant plein de rêves. L'un d'entre eux s'approcha de lui pour s'excuser.

" - Je suis désolé p'tit, mais t'es un peu trop jeune pour nous être utile et on fait pas dans l'transport, tu vois? Retourne avec tes copains… "

Un soupire attristée s'échappa d'Alan, alors que ses pas allait maintenant en direction du bar. D'autres navires étrangers arrivaient, mais l'heure de son entrainement sonnait. De plus, il était attristé d'être une fois encore bloqué à terre sans pouvoir s'enfuir. Serrant les poings pour se redonner courage, il pensait déjà aux chances de trouver un bateau, au bar dans la journée ou à quai dans la soirée. C'est donc d'un pas décidé qu'il pénétra dans Le Repos des marins.

Il fut alors surpris de découvrir un spectacle assez rare: le bar était plein à craquer et Bob était en train de sortir la première table de terrasse, tout en prenant les commandes. Trois bateau, oui, mais pas des p'tits. Et d'autres encore arrivaient, c'était une belle journée pleine d'arrivée et de départ. Pas d'entrainement aujourd'hui, le vieil homme avait besoin de bras pour l'aider au service. Très belle journée, plus de monde, plus de chance.

Son optimisme avait littéralement disparu en l'espace de quelques heures. La quantité de clients ne lui laissait même pas le temps de questionner les marins. Il ne faisait que perdre son temps en donnant à boire à des vieux croutons beuglards… Bénéficiant enfin d'une heure de pause, Alan alla s'assoir sur les quais pour respirer un peu d'air frai. En quoi le temps passé ici le rendait plus fort? Autant partir pour d'autres horizons et se forger à l'aventure… Soupirant longuement, il se mit à siffloter un vieil air en contemplant l'horizon.


Dernière édition par Alan Carman le Ven 8 Juin 2012 - 13:17, édité 2 fois
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Songes et envies de Liberté...


    La matinée était déjà bien entamée en cette fin d'année de 1623. Allongé sur son petit bateau, les bras croisés derrière sa tête, Howard Prince voguait, tranquillement sur une mer calme de West Blue. Encore une fois, la météo offrait des paysages somptueux, magnifiques, faisant ressortir, a chaque moment de la journée, son lot de d'émerveillement pour les yeux : cela pouvait venir du ciel et de ses multiples facettes, des reflets de la mer offrant des formes nouvelles et autres scintillements aveuglants ou encore des diverses couleurs qu'offraient certaines îles à l'horizon. Toutes ces choses étonnaient encore le pirate et jamais il ne s'en laçait... Il savourait cela. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle il n'échangerait jamais sa vie avec quelqu'un d'autre. Il aimait que mer nature lui offre ce genre de cadeau un peu particulier, cette sensation de liberté lorsqu'il regarde ses incalculables richesses...

    Un nuage blanc et fin passa en dessous du soleil, ombrant pendant quelques secondes la partie de la mer sur laquelle avançait la petite embarcation. C'était le moment qu'avait choisi Prince pour se relever. En baillant bruyamment, ce dernier regarda l'horizon autour de lui. L'île sur laquelle il allait accoster n'était plus très loin et cette dernière montrait déjà au pirate sa silhouette fine et attirante.
    Howard se mit à sourire en faisant ce rapprochement entre les courbes d'une femme et d'une île. Réajustant un peu le gouvernail ainsi que la voile de son bateau, il poussa sa chevelure ténébreuse en arrière, laissant tomber une longue mèche à côté de son oeil droit. Torse nue, il enfila ses nombreuses ceintures qui tombaient sur ses hanches afin d'y ranger ses deux sabres.
    Une autre ceinture partait de son épaule droite et faisait le tour, en diagonal, d'une partie de son torse. Cette dernière permettait d'y ranger son pistolet à silex ainsi que de la poudre à canon, rangée, elle, dans une petite pochette en lin.

    Equipé, il se laissa porter par le vent jusqu'à l'île, manoeuvrant de temps à autre pour régler sa position. Plusieurs dizaines de mètres avant d'arriver sur les quais où on pouvait observer une activité humaine assez présente, il modifia sa trajectoire pour laisser passer un grand navire. Apparemment un navire marchand qui venait d'appareiller quelques minutes plus tôt. Certains marins avaient fait des signes de mains au Prince afin de le saluer. Ce dernier, ferma les yeux et en fit autant.
    Arrivant dans le petit port quelques minutes plus tard, le pirate pris une place dans les quais. Mettant pied-à-terre, il attacha correctement son bateau sur un ponton avant de se diriger vers un homme qui était manifestement en train de travailler : ce dernier faisait des allers retours entre les quais et un grand navire, amenant de grandes caisses en bois vers celui-ci.
    Souriant, le pirate demanda à l'homme :

    « Hum excusez-moi monsieur ! Je me permets de vous déranger quelques secondes dans votre travail : Pouvez-vous me parler un peu de cette île ? »

    A peine eut-il terminé sa phrase que l'homme en question se braqua face au nouvel arrivant :

    « Eh vous ! Vous ne voyez pas que je travaille là ?! Laissez-moi bosser et allez poser vos questions ailleurs c'est compris ? »

    Le pirate, un peu étonné par cette réaction resta quelques secondes sur place, à regarder cet homme un peu trop colérique à son goût. Sa réponse n'était pas très adaptée pour un « Gentleman » comme lui. Il hésita avant de lui reposer la question afin de titiller un peu l'homme pour voir jusqu'où ce dernier irait. « Je pourrais peut-être lui donner une petite leçon... ».
    Mais le pirate tourna les talons, il passa les mains dans ses cheveux noirs et fit simplement un petit signe de main afin de faire comprendre à l'homme qu'il avait compris le message. « Tu as de la chance... Que je ne te recroise pas de si tôt en tout cas ».

    Il continua à marcher sur les quais, regardant de temps à autre vers le centre de l'île. Il voyait bien quelques bâtiments éparpillés. Lorsqu'il se décida enfin à se diriger vers ces derniers, son regard fut attiré par autre chose : un gamin, assis au bord du quai, regardant apparemment l'océan... Il devait être dans ses pensées et le pirate hésita à venir le sortir de la puissante « magie des pensées ».
    Se décidant tout de même à parler à ce jeune garçon. Et puis, il devait obtenir des informations sur l'île.

    Il s'approcha et vint se positionner à côté de lui et, tout sourire, il entama la conversation :

    « Hey jeune homme ! Je... désolé, je te dérange surement... Dis-moi, je viens d'arriver sur cette île, peux-tu m'en parler un peu ? C'est la première fois que je viens ici ! »



    [Désolé pour le temps et pour les erreurs d’inattention, je me relirais encore une fois plus tard]

    A vrai dire, il ne percevait même plus l'horizon qui s'étendait devant ses yeux. Son esprit rêveur était à présent au loin dans l'univers, bravant la barrière du temps et de l'espace. Il se souvenait parfaitement de ce qu'il avait lu ce matin, un article parlant du Narval. Son imagination faisait trembloter les flots sous l'influence de ce bel animal, nageant avec grâce prêt de la surface. Il savait qu'il était à l'origine de la longue histoire de sa famille, qu'il avait prit et emmener au loin bien des hommes… Mais il voulait lui aussi pouvoir le voir de ses propres yeux. Non pas le Narval en lui-même, mais le Vtelif, ce monstre mythologique de l'ancien temps, celui que son ancêtre aurait amené jusqu'à All Blue. Dans son esprit, il dessinait les longues courbes de son corps de baleine, sa tête arrondie, ses nageoires caudales. L'enfant imaginait aisément sa longue corne spiralée, menaçante, capable de fendre tout navire. Quelle merveilleuse bête ce devait être, quelle puissance elle devait avoir! Et dire qu'il existait sans aucun doute d'autres espèces marines encore plus splendides et surprenantes! Ah… Si seulement il pouvait trouver un bateau immédiatement, il pourrait partir au loin, sans se laisser freiner par son oncle… Son cœur ne souhaitait pas attendre plus longtemps, il n'y tenait plus. Tandis qu'Alan s'apprêtait à se remémorer la dernière espèce découverte par les scientifiques du gouvernement mondial, une voix étrangère lui parvint à l'oreille.

    Revenant à la réalité, il se tourna vers la nouvelle apparition. Le petit biologiste le dévisagea un moment avant de lui répondre. L'homme qui lui faisait face était plus grand que la plupart des pêcheurs ici, alors que des ceintures étaient accrochées dans tous les sens sans réel ordre (Du moins selon le p'tit). Bizarre ce gars tout habillé de noir, ça devait être un touriste… Un touriste?! Réalisant enfin qu'il avait affaire à un voyageur de passage, son regard s'illumina d'espoir et de joie. Peut-être qu'un marin allait enfin l'embarquer avec lui! Se dressant soudainement face à son nouveau voisin, il prit enfin la parole.

    "- Vous êtes pas d'ici vous dites? Moi si! J'connais toute l'île! Du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest! "

    Accompagnant sa parole de grands gestes, le biologise était déjà prêt à réaliser la visite express de l'îlot Givy. Il n'attendit même pas une réponse de son "client", avant d'entamer une série de commentaires divers. Dans un premier temps il désigna le Repos du marin par ces mots: "C'est le seul bar du coin, il est tenu par mon oncle et ils ont de la bonne grenadine!" Il s'attarda même sur la décoration intérieure, ses vieilles tables, les vieux Rollin pin en verre peints ramenés de longs voyages, les toiles de bateaux et de marins disparus. Alan passa ensuite à la description rapide du port divisé en deux. Une partie réservée aux touristes comme cet étranger, et une autre réservée aux pêcheurs.

    "- C'est l'endroit le plus vivant du coin, vu que tout le village en vit. Vous arrivé trop tard pour voir les derniers bateaux partir, mais si vous restez ce soir vous pourrez p't'être voir le retour. "

    A présent, il s'apprêtait à détailler le village et les choses intéressantes à voir sur la petite île. Mais une idée quelque peu malicieuse lui vint en tête. Arrêtant son flot de paroles incessant il fit face à son interlocuteur, prenant alors un air sérieux.

    "- Vous m'avez pas dit votre nom j'crois? Dites, si j'vous parle encore du coin, vous accepteriez de m'emmener à bord de vot' bateau sur une autre île?"


    Pleins d'espoir, il n'eut pas la patience d'attendre une réponse quelconque. Il se mit soudainement à se justifier.

    "- Parce que vous savez, moi, c'que j'veux, c'est découvrir All Blue! Vous imaginez, tous les espèces différentes qu'il doit y avoir là-bas! Un vrai trésor! Si je la découvrais je pourrais étudier tout les poissons du monde dans un même endroit! Les interactions doivent être vraiment incroyables! Et puis vous savez, il y a là-bas le Vtelif, un monstre de légende que j'veux trouver aussi! Il est immense vous savez!"


    La passion qui l'animait était visible sur son visage enfantin, laissant briller au fond de ses yeux une flamme ardente. Sa curiosité et sa bavardise le poussait à partager ces pensées avec cet inconnu qu'il venait à peine de rencontrer. Il espérait seulement qu'il s'agissait de la bonne personne, que ce soit à son tour de quitter la terre de ses ancêtres.
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      Il lui avait posé une seule question, à savoir quelques renseignements sur cette île... Et pourtant, ce jeune garçon avait répondu avec tellement d'entrain, en décrivant chaque lieu avec une passion débordante de grands gestes exagérés, que le pirate ne put cacher son étonnement qui était clairement marqué sur son visage.
      Cette passion dans les yeux lui rappelait évidemment sa jeunesse, lorsque lui-même avait été un enfant et c'est cela qui toucha Howard Prince.

      Il s'était assit sur une caisse en bois placé à côté de divers objets de pèche et écoutait ce gamin avec une grande attention. Il ne voulait surtout pas manquer une seule information de peur de vexer son nouvel ami, ou encore, éteindre ce feu qui l'animait tellement.
      Prenant soudain un air sérieux, le gosse posa alors une question quelque peu « original » au pirate qui ne s'y attendait pas du tout. Quoique...
      S'approchant de l'étranger, le garçon à la casquette et aux cheveux roux demanda alors :

      « Vous m'avez pas dit votre nom j'crois? Dites, si j'vous parle encore du coin, vous accepteriez de m'emmener à bord de vot' bateau sur une autre île? »

      Interloqué, Howard Prince ne sût, tout d'abord, quoi répondre... Il ne voulait pas blesser ce gamin qu'il venait de rencontrer, mais ne pouvait également prendre quelqu'un à bord. D'une part son bateau était trop petit et d'autre part, ce gamin avait beau être passionné, il ne se rendait surement pas compte les dangers qu'il y avait sur l'océan...
      Un sourire gêné apparut sur son visage et alors qu'il allait répondre quelque chose, le gamin le coupa de nouveau :

      « Parce que vous savez, moi, c'que j'veux, c'est découvrir All Blue! Vous imaginez, tous les espèces différentes qu'il doit y avoir là-bas! Un vrai trésor! Si je la découvrais je pourrais étudier tout les poissons du monde dans un même endroit! Les interactions doivent être vraiment incroyables! Et puis vous savez, il y a là-bas le Vtelif, un monstre de légende que j'veux trouver aussi! Il est immense vous savez ».

      All-Blue ? Prince n'avait encore jamais entendu parler de ce lieu. Etait-ce vraiment réel ? Ou quelque chose imaginée de toute pièce par ce gamin ? Car il connaissait évidemment des lieux ou des races de poissons allaient afin de s'accoupler ou pondre, ou encore certains endroits où on pouvait rencontrer des animaux magnifiques... Mais un lieu ou tous les poissons étaient regroupés ?! C'était assez incroyable quand même...
      Passant la main dans sa chevelure noire afin de la repousser en arrière, Howard Prince reporta son attention sur le petit garçon. Vérité ou non, il voulait en savoir plus sur ce « All-Blue ». Il aimait en effet les mystères de ce monde et l'ensemble de ces choses incroyables animaient encore plus la passion présente en lui.
      Les "dires" des gens qu'il avait rencontrés pendant qu'il voguait sur les océans paraissaient parfois sortis de tavernes d'ivrognes comme cette histoire d'îles célestes et autres anges qui habiteraient apparemment dessus... Mais Prince ne voulait pas donner un avis tant que ce dernier ne voyait les choses par ses propres yeux. « Un rêveur hein, tout comme moi ».
      Le constat était bien là : ce gosse lui ressemblait de plus en plus et la sympathie du pirate grandissait pour ce jeune inconnu, lui rappelant trop le gosse qu'il était quand il était également un enfant...
      Sortant de ses pensées, il répondit petit rouquin :

      « Pour répondre à ta question, je m'appelle Howard Prince. Je suis.. un.. voyageur ! Ton histoire sur All-Blue est, je trouve, très intéressante ! Que dirais-tu de me faire visiter ta ville et de prendre un verre au « Repos du marin » en continuant ton histoire sur ce nirvana des océans ? »

      Et continuant sur sa lancée, le pirate se mit debout avant de demander :

      « Tiens au faite, quel est ton nom jeune homme ? »




      « Ton histoire sur All-Blue est, je trouve, très intéressante ! Que dirais-tu de me faire visiter ta ville et de prendre un verre au « Repos du marin » en continuant ton histoire sur ce nirvana des océans ? »
      Soyez les bienvenues au paradis.
      Le temps aurait put être à l'orage, le ciel pouvait bien se briser, aucun endroit de ce monde ne pouvait lui paraître plus radieux. Les paroles de l'étranger sonnaient comme la bénédiction de Poséidon lui-même, enveloppant l'enfant dans un velours de joie. L'horizon n'avait jamais eut de telles couleurs et le village était une cité glorieuse. L'Océan semblait l'inviter à le rejoindre. Le souffle de l'aventure l'envahissait, réchauffant ses joues d'émotions trop intenses. Il s'attardait parmi l'air dans ses poumons avant de venir posséder son esprit rêveur, chassant les déceptions passées. Les marins moqueurs avaient disparus pour se transformer en petits blagueurs, les leçons devenaient de bons conseils, l'anxiété mutait en courage. La tristesse, la peur, l'enfer, ces mots n'avaient aucune signification maintenant. La passion de ce monde brulait dans le jeune regard, illuminant ce corps de sa douce chaleur. Il n'était plus un fardeau qu'on abandonne sur les quais, mais un jeune aventurier reconnu. All Blue n'était plus un rêve enfantin, mais un but méritant d'être poursuivit malgré les risques. Il n'aura plus à subir poings serrés les railleries de ces ainés, il les aura vaincu en parvenant à partir. Jamais il n'avait mit de coté son ambition, cet acharnement pouvait être récompensé. Un pincement au bras révéla au petit biologiste qu'il ne s'était pas assoupi sur les quais, la vie lui tendait véritablement les bras, sans aucun préjugé. Oui, aujourd'hui quelqu'un semblait enfin s’intéresser à sa passion.

      Durant un long moment il observa Mr Prince, cherchant en vain quel genre d'ange avait put se glisser dans la peau de cet inconnu. Ses plumes blanches s'étaient-elles dispersées pour dissimuler une intervention divine comme celle-ci? Venait-il des cieux ou des mers? Ce Mr Prince n'était pas sortit de son imagination, ses paroles ne résultait pas de ses jeux. Il avait sa propre histoire, ses propres jeux. La réalité lui ouvrait ses portes chaleureusement, sous l'aspect d'un voyageur étrange. Aucun de ses souvenirs ne lui semblait plus heureux que son présent. La joie qui envahissait son cœur faisait battre ce dernier à toute vitesse, entrainant un flux sanguin un peu trop élevé au niveau de ses joues. Un large sourire se dessina sur le visage arrondi, alors qu'une envie de crier sa joie prenait sa gorge. Il pouvait l'apercevoir à présent. Oui, le Vtelif se dessinait en formes élégantes derrière ses pupilles émeraude, lui indiquant le chemin à suivre. Ne sachant s'il était raisonnable de sauter dans les bras de son nouvel ami, l'enfant se contenta d'accepter gaiment la proposition du voyageur. Saisissant la main étrangère, il prit la direction du centre.

      " C'est un petit village, tout ce qu'il y a à voir est dans l'centre! C'est une chouette ville vous savez! Ah, et je m'appelle Alan, Alan Carman… Je suis le fils du plus grand capitaine pêcheur du coin!"

      Prenant la rue principale, Alan sautillait joyeusement en direction de la place des héros. Une fontaine aux formes humaines se tenait droite en son centre, régnant en maître sur son territoire. Un grand homme aux épaules carrées y était sculpté, contemplant l'horizon de son regard fier. Une pipe à la bouche, il tenait fermement dans ses mains un filet accompagné d'un harpon menaçant. Un léger sourire pouvait se deviner si vous ne vous laissiez pas avoir par les détails de ses accessoires. Après l'avoir admiré quelque temps il se retourna énergiquement vers Howard.

      "- On dit que c'est le fondateur de la ville, un certain William. Il parait qu'il a combattu seul contre des hordes d'envahisseurs pour permettre aux gens de s'installer ici! Les vieux disent que si on sait pas grand-chose de lui, c'est parce que c'était le seul qui savait écrire à l'époque… Apparemment, c'est lui qui aurait instruit et éduquer les pêcheurs! Un grand homme pour nous! "

      Ce personnage historique ne l'emplissait pas vraiment de fierté comme on aurait put le croire, mais les grand hommes de ce monde ne peuvent qu'attirer le respect. Ces actions avaient permises à tout un peuple de trouver la paix. Bien que son rêve soit tout autre, le fait de réussir à protéger les siens était en soi quelque chose d'extraordinaire. Même un enfant peut avoir conscience de cela. Après avoir expliqué plus précisément les légendes à son sujet (comme son opposition à la mise en place d'une hiérarchie inégale) Alan désigna à l'étranger une plaque de marbre posée à ses pieds. De nombreux noms étaient inscrits ici, dont beaucoup de la famille Carman. Il s'agissait d'un hommage rendu aux "héros" originaires de l'îlot Givy, ceux qui avait gagné le respect et l'admiration des autres. La plupart était mort en défendant l'île contre des pirates, mais d'autres était simplement des commerçants ayant fait prospérer le village durant leur vie…

      "Tout les ans, il y a une fête en leur honneur! On allume pleins de lampions, on organise un grand banquet et un bal! Bon c'est vrai que c'est si bien parce que les parents font des petites attractions et une buvette mais… Enfin, dommage que vous ne puissiez pas voir ça! De toute manière y'a jamais de touristes quand on fait ça…"

      Le gamin l'avait échappé belle. Il était à deux doigts de révéler à un étranger l'existence d'un examen de combat pour les jeunes. Les étrangers ne sont pas sensé connaitre leur capacité à se défendre malgré leur apparence de marins inoffensifs… Plus on est sous-estimé, plus la surprise des adversaires est grande… Alan montra par la suite à son interlocuteur les institutions principales du village. La bibliothèque fut la première désignée. Ce n'était qu'un petit bâtiment, mais la qualité des ouvrages était largement satisfaisante pour une bourgade comme celle-ci. Le gamin ne put s'empêcher au passage de préciser le nombre d'ouvrage sur la biologie, ainsi que les divers romans réveillant son intérêt. Un peu plus loin, le boulanger-pâtissier sortit de son atelier pour fumer une cigarette. Il salua le petit Carman de la main, avant de s'assoir tranquillement face à la mer. Une odeur alléchante envahit les narines du biologiste qui, pour résister à la gourmandise, se tourna vers le magasin d'antiquité. Il fallait remplacer l'envie d'un pain au chocolat par autre chose.

      "- On y trouve un peu de tout, vu que c'est le seul magasin du genre. Mais les touristes aime jamais rien là-bas, donc j'pense pas que ça vous intéresserait vraiment d'y aller…"

      Le petit termina sa petite visite guidé en parlant de la forêt sur la Coline. La plupart des espèces présentes y était endémiques, si bien que l'écologie du coin restait assez intéressante… Sans compter les différentes interactions avec les animaux du littoral. Le gamin ne put s'empêcher de dériver vers All Blue. Alors que ses jambes le ramenaient petit à petit vers l'entrée du Repos des Marins, il expliqua au voyageur pourquoi cette légende l'intéressait autant. Un océan tel que celui-ci est un véritable paradis pour tout biologiste digne de ce nom. S'il venait à le découvrir, il pourrait mener des recherches non-réalisables dans un milieu normal. De plus, les interactions et la chaine trophique devait être impressionnante! Il se demandait de quel genre d'adaptations les espèces s'étaient dotées pour survivre à un tel environnement. La compétition pour les niches et la nourriture devait être monstrueuse… Alan ne pouvait retenir son enthousiasme, alors qu'il tentait d'exprimer le plus clairement possible ses pensées.

      Ravi d'être écouté, le petit restait au comble du bonheur alors qu'il franchissait l'entrée du bar. Il abordait maintenant son deuxième sujet préféré : le Vtelif. Il se mit alors à le décrire, accompagnant sa parole de gestes exagérés.

      "- Selon la légende, il mesurerait dans les 50 mètres de long! Un Narval normal fait seulement 3 à 4 mètres […] Sa corne est immense et capable de transpercer des cuirassés! Selon mes recherches, je dirais que son existence est possible parce que…"

      C'est alors qu'un cri roque s'éleva du fond du bar, apportant le silence parmi les clients. Le sang de l'enfant se glaça soudainement, il venait de tomber de son petit nuage. A peine Alan et son compagnon s'était assis à la table que leur entretien devait déjà être reporté.

      "- Alan! "

      Il déglutit avec peine, songeant déjà à la punition prochaine qu'il allait recevoir. Son oncle avait remarqué son esquive des deux heures de boulot. Laissant un petit rire nerveux s'échapper, le gamin s'excusa auprès de Mr Prince lui assurant un retour rapide. Plus vite il s'éloignait de sa chance, moins le vieux pourrait comprendre ce lien. Alan demanda à l'étranger de me pas dire un mot sur sa demande d'être embarqué, de peur qu'il se fasse intercepté par sa famille. S'excusant encore une fois de devoir s'absenter, il couru à la rencontre de son oncle.

      Les cris s'étendirent sur une bonne demi-heure, alors qu'il se faisait sermonner en toute beauté. Puis, une fois essoufflé par tant de colère, le vieux Bob envoya Alan au service. On aurait presque put voir les oreilles du petit se baisser sous l'autorité de son maître. Il se retrouva bientôt portant de nombreux verres, remplis ou non, faisant des allers-retours entre le bar et la terrasse. A chaque habitué, une petite conversation d'une minute et trente seconde, pour un touriste 30 secondes, le tout en retenant les différentes commandes qui fusaient. Décidément, il y avait vraiment du monde dans cette pièce… Aspiré par son petit travail, le gamin se laissa aller aux automatismes, réalisant son devoir avec efficacité. Une bière pour George, un verre de vin pour le marchand enrhumé, etc. La lassitude s'emparait déjà de lui, malgré l'activité forte prenante qu'il exerçait. Dès que son oncle lui tourna le dos, il s'empressa de rejoindre Mr Prince en toute discrétion. Calculant le temps qu'allait mettre le patron pour parcourir le chemin entre la cave et la salle, il s'installa à sa table.

      "- Désolé… J'suis d'service aujourd'hui! J'en étais où au fait?"
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        Ce gamin était décidément un grand passionné et plus il lui parlait, plus Howard Prince remarquait que ce dernier ressemblait à ce qu'il était, quelques années auparavant, lorsqu'il était également un bambin. Evidemment, beaucoup de traits de personnalités dérivait de cet enfant, mais tout comme lui, une grande détermination pétillait à l'intérieur de ses pupilles et se mélangeait avec la fougue et la naïveté de la jeunesse. « L'envie d'évasion, la découverte des richesses que pouvait offrir ce monde et surtout... la liberté !!! ».
        Cela amusait vraiment Howard qui affichait un large sourire sur son visage et qui passait, bizarrement, un très bon moment avec ce garçon. En temps normal, le pirate voyait les enfants avec indifférences, ne faisant pas trop attention à eux. Tandis que cet Alan Carman avait quelque chose en lui...

        Prince l'écoutait parler depuis maintenant un petit moment et il connaissait à peu près tout de cette île de West Blue et surtout des passions du jeune homme pour toutes sortes de choses. Cependant, ce qui attisait le feu à l'intérieur de son coeur était sans aucun doute la biologie. En effet, ce dernier en faisait allusion dans quasiment chacune de ses phrases. Il avait apparemment un petit penchant pour la biologie marine et Howard comprenait donc un peu plus cette allusion à ce rêve « All Blue ».
        Alors qu'Alan était en train de parler d'une légende des mers avec une excitation incroyable, le Vtelif et qu'il décrivait le Narval sans oublier une seule information, une voie résonna dans l'auberge :

        « Alan ! »

        L'expression de son visage changea aussi rapidement qu'un coup de tonnerre et la joie laissa place à l'inquiétude. Le garçon fila à toutes jambes vers le comptoir afin, sans doute, d'aller à l'encontre de la personne qui l'avait appelé et à en juger par le ton employé par l'homme, le petit Alan n'allait pas passer un agréable moment.
        Prince sourit pour lui donner un peu de courage avant de retourner dans ses pensées. Il passa sa main dans sa chevelure noire et son sourire disparut pour laisser place à un air soucieux...

        Il regardait le port par la fenêtre, laissant son esprit dans la contemplation de ses songes... Une chose à l'intérieur de ce gamin le tracassait... Ce n'était d'ailleurs pas la première fois que le pirate ressentait cela : une sorte de...force se dégageait de ce gamin. Pas de la puissance à proprement parler, mais davantage de... vivre, comme-ci... Sa pensée se brisa alors qu'Alan revenait s'asseoir prêt de lui :

        « Désolé... J'suis d'service aujourd'hui! J'en étais où au fait? »

        Alors qu'ils allaient continuer leur conversation, un homme entra dans l'auberge, l'air très inquiet. Il transpirait, comme-ci ce dernier venait de courir un marathon. Le pirate se retourna pour regarder l'homme en question qui semblait davantage paniqué que simplement inquiet. Il marqua une pause et regarda l'ensemble des gens à l'intérieur du « Repos des Marins » et balbutia :

        « Un... Un navire pirate !!! Il.. va accoster !!! Fuyez si vous tenez à votre vie !!! »

        Alors qu'il s'attendait à la panique générale, les hommes présents dans l'auberge restait plutôt calmes, malgré qu'un malaise fût largement visible sur chaque visage.
        Howard Prince regarda alors Alan qui était toujours en face de lui et fut surpris que même lui ne paraissait pas du tout avoir peur. « Qu'est ce qu'il se passe ici ? »
        Regardant de nouveau par la fenêtre, Prince distingua, malgré l'obscurité présente, les voiles du navire en question ainsi que la noirceur de son pavillon.

        Le tonnerre allait gronder d'ici peu de temps...




        En effet, Howard Prince avait vu juste, ce n'était pas de la peur qui avait prit possession du cœur des Giviens, mais de l'anxiété. Cela faisant longtemps que le village n'avait pas été attaqué, et il était étrange que des pirates s'intéresse à une si petite île que la leur. Mais chacun savait qu'un village prospère et perdu était une cible attrayante, bien que peu fructueuse. Ce genre d'évènement était à prévoir. Personne ne bougea pourtant, contemplant de leur place la fenêtre. Sans doute tentait-il de se convaincre qu'il s'agissait d'une blague de mauvais gout. Armand, le pilier du bar tira alors sur une corde derrière le comptoir. La cloche fut attirée vers le nord, avant de retomber dans la direction opposée. Son tintement se propagea dans tout le village, s'élevant même jusqu'à la maison de vieil Hermite. Le branle-bas de combat avait sonné.

        Le vieux barman sélectionnait avec soin les quelques bouteilles qu'il devait remonter. Le rhum avait été vidé en un rien de temps, et ses réserves de café diminuaient bien trop rapidement. Il allait sans doute devoir engager le p'tit Louis pour se réapprovisionner… Sur le chemin du retour, il passa devant l'entrer du sous-terrain d'entrainement. Posant ses yeux sur les diverses armes rouillées entreposées, il poussa un soupire. Peut-être devrait-il également lui demander de faire un tour chez Kata' pour obtenir quelques épées… Soudainement, le vieux barman releva la tête. Un son trop familier était parvenu jusqu'à ses oreilles, l'alarme. Un sourire se dessina vaguement entre ses rides, avant qu'il ne pose les bouteilles au sol. Il rentra sur le terrain, envahit par un souvenir amusant.

        Alors que tout le monde continuait d'observer le drapeau flottant dans le ciel, il pénétra d'un pas lourd la salle principale. Un bruit de ferraille retentit alors qu'il jeta brusquement les divers outils sur le comptoir : sabre, hache, revolver… Il y avait l'embarras du choix. Ayant attiré de cette manière l'attention générale, il regarda l'assemblé d'un air sévère.

        "Et bien, vous attendez quoi? Que Poséidon lâche sur eux sa colère?"

        Il n'eut pas à se répéter. Dans une organisation parfaite, tous se mirent à la queue leu-leu afin d'obtenir une arme. Les femmes de tout le village commençaient à se réunir dans le bar, muni de trousses à pharmacie. Une fois prêt, les hommes se dirigeait d'un pas rapide vers le port. Alan fit de même et alla se placer derrière un de ses ainés. Mais une fois sont tour arrivé, le barman lui tint à peut près ce langage.

        "- Ton arme n'est pas une hache mais un scalpel. Aide le doc et laisse nous faire."

        L'enfant n'eut pas l'occasion de se plaindre, le premier coup de feu avait retentit. L'explosion était proche, si bien que la mise en place du plan de défense ne fut pas longue… Tous se précipitaient déjà au combat. Le petit biologiste, bien que refusé au front, attrapa rapidement une arbalète avant se l'élancer à la suite de ses compatriotes. Il refusait d'être laissé derrière comme un poids inutile. La médecine n'était pas son milieu, tous le savaient. Ce n'était qu'une excuse pour le forcer à rester en retrait, quelle stupidité. Un enfant n'est pas aussi dupe qu'il en a l'air et ses caprices sont plus durs à contrôler, surtout pour une tête de mule comme Alan. Vraiment, croyaient-ils qu'un Carman laisserait les autres se battre à sa place? Doutaient-ils de la ferveur et de la force de leur sang? Comment pourrait-il, lui, fils unique du plus grand homme du village, laisser ses amis de faire blesser, voir tuer?

        Il est vrai que ce n'était pas un jeu pour les gamins de 11 ans, et le biologiste n'avait pas oublié l'attaque sur le petit bateau de Bob. Mais pourtant, son cœur le poussait au combat, refusant de s'arrêter devant le moindre obstacle. Non, il ne pouvait pas reculer. Alan restait peut-être un élève pitoyable, mais il avait appris à esquiver. Tout en réfléchissant à ses propres pensées, il alla se placer en hauteur sur un tonneau proche du port. D'ici, il pouvait viser. Chargeant avec difficulté son arbalète, il la dirigea vers les pirates prêts à accoster. Ce n'est qu'à cet instant qu'il se souvint de Howard, il le chercha rapidement du regard. Était-il encore au Repos des Marins?
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          Howard Prince était rapidement sorti du bâtiment afin de voir de plus prêt le navire qui venait d'accoster dans le port. Caché derrière le mur d'une maison, il pouvait, malgré la pénombre, facilement distinguer la taille du bateau : il s'agissait là d'un navire de petite taille comparé à ce qu'il avait cru distinguer au « Repos des Marins ». Le pavillon, représentant le crâne d'une sorte de... phacochère, flottait et claquait au rythme du vent, tandis que le pirate pouvait déjà facilement distinguer les cris à l'intérieur du vaisseau : ces hommes n'étaient évidemment pas ici pour rigoler ou faire dans la politesse.
          Il devait y avoir là-dedans, une quinzaine de pirates tout au plus. C'est dû moins ce qu'il espérait... « Tss... Ce n'est pas parce qu'ils sont dix qu'ils ne vont pas être puissants... ».

          Une forte détonation éclaira soudainement et pendant quelques secondes la pénombre de la nuit. Le pirate comprit tout de suite et sauta à terre : un canon venait de faire feu et avec aussi peu de visibilité, il n'aurait jamais pu savoir vers quelle direction le boulet avait été tiré.
          Une explosion retentit à une bonne vingtaine de mètres de lui, suivi de nombreux cris, apparemment de villageois qui devaient être à proximité de la déflagration.

          « Il faut vraiment que je fasse quelque chose... Des innocents vont être blessés si cela continue et je ne peux permettre ça... J'espère en tout cas qu'Alan a trouvé un bon endroit pour se cacher. »

          Remarquant un groupe de trois pirates se rapprochant de lui en rigolant assez fortement, Prince sorti son pistolet à silex et, restant à couvert pour ne pas être remarqués, il braqua vers ces derniers. Cependant, il se ravisa : la détonation pourrait alerter les autres et il pourrait rapidement être débordé à un contre dix ou quinze... Il rangea finalement son arme et attendit que le groupe passe à proximité : profitant de l'obscurité, il sortit un bras de son couvert et attrapa la tête du premier qui passait à côté de lui et l'envoya directement dans le mur. Le pirate tomba à terre, sonner, tandis que les autres, pris de panique et n'ayant pas vu ce qui s'était passé à l'instant, avaient déjà sorti leurs armes, paniqués :

          « Oh, Harry ?! Qu'est ce qui s'est passé ? T'es ou mec ? »

          S'approchant du lieu ou leur compagnon venait de disparaitre, ils avaient seulement eu le temps de voir le scintillement de la lame d'un sabre sortir de l'ombre. Mais il était trop tard : un coup net et rapide vint toucher tout le long de l'abdomen du premier tandis que l'autre, pris de panique, lança des coups aveugles droits devant lui en poussant des gémissements de peur.

          « Mais.. mais tes qui toi ? Sors de là chien ! »

          Il n'en fallut pas plus au Prince pour bondir de sa cachette et asséner un coup de poing violent dans la mâchoire du pirate qui ne put réagir, tellement l'attaque fut rapide et soudaine. L'attrapant au vol par le col avant qu'il ne tombe à terre, Howard lui envoya un coup de genou dans l'estomac qui lui fit lâcher, par la même occasion, son sabre. Enfin, il l'attrapa par la gorge et tout en le soulevant dans les airs, il le plaqua contre le mur afin de le faire parler... En espérant qu'il le pouvait encore... :

          « Je crois que ce n'est pas le bon moment pour vous d'attaquer cette île... Et... Moi ? Je suis simplement... Le Prince ! »




          Le sombre présage de mort flottait légèrement au vent, dansant sous une forme porcine affamée. Un cochon d'une espèce vorace qui, tel un sanglier, ravage les sols de son groin... Étrange symbole que ce mammifère terrestre sans grâce ni adresse pour une bande de marins violents. Alan se souvenu de son père lui expliquant la nature de ces hors-la-loi… Il disait que certains d'entre eux avaient quelque chose de particulier, mais que beaucoup n'avait autre but que l'or et le sang. Le vieil hermite des collines les séparait d'ailleurs en deux classes : Ceux qui vivent pour nous éblouir; ou ceux qui pille pour s'enrichir. "Durant les cent ans de ma vie! Disait-il sans cesse, durant cent ans de ma vie j'ai vu des équipages faire vibrer le monde! Les vôtres ne valent rien." Mais dans ce cas, de quelle espèce était ceux qui leur faisaient maintenant face? Le petit biologiste imaginait déjà leur capitaine gros et gras comme leur symbole, nez retroussé. Mais il ne s'agissait sans que d'une bande de marin d'eau douce maudit par la haine et la cupidité, comme dirait Bob. Maudits… Peut-être sillonnaient-ils les mers à la recherche de vengeance. Peut-être leur symbole désignait leur colère envers Circée et sa malédiction. Un sourire se dessina sur le visage enfantin dont l'imagination enflammait l'esprit.

          Un bruit sourd le tira violement de ses pensées. Une maison venait de s'écrouler sous un impact imposant, redevenant un amas de pierre et de bois. Qu'importait donc ces divagations, ces hommes étaient uniquement leurs ennemis. Le deuxième coup de canon avait déjà retentit, le temps n'était plus à la rêverie. L'enfant serra ses paupières de toutes ses forces, inspirant profondément. Une fois les yeux ouverts, il tirera sur le premier pirate en vue en espérant atteindre sa cible. C'était tout ce qu'il pouvait faire. Maintenant qu'il connaissait quelque peu ses capacités, le petit savait très bien qu'une fois sa flèche lancée il ne lui resterait qu'une chose à faire : s'enfuir vers un autre point de vue. Son corps ne pouvait supporter des attaques d'adultes, et il n'avait pas assez travaillé son agilité pour esquiver… Alan parvint toutefois à détendre ses membres. Regroupant toute sa concentration, il porta enfin son regard sur les assaillants. L'image qui s'imposa à lui glaça son sang, trois pirates avançaient vers sa position. Tire donc petit, tire.
          Un tremblement soudain conquit ses mains, la peur apparaissait enfin. Non seulement il devait abattre un homme, mais ses possibilités de fuites était également restreintes. Que pouvait-il faire, lui, enfant de 11 ans ne sachant même pas se battre? Lors de sa dernière excursion en mer, il n'avait été capable que d'arracher quelques gouttes de sang à ses opposants… non, il ne devait pas y repenser, il devait surpasser son angoisse. Empressé par son cœur, il visa puis actionna l'arbalète. Une joie incroyable l'envahit quand le projectile atteignit sa cible. Pourtant, la contre-attaque fut plus rapide qu'il ne le croyait.

          "- Aaaah! Lâchez-moi!"

          Quelqu'un était arrivé dans son dos, saisissant par son col le gamin sans défense. Dès que la flèche fut tirée, il se retrouva en suspend dans les airs. Se débattant de son mieux, Alan tentait de porter à son assaillant quelques coups désespérés. Sans réfléchir, il tentait de se défaire de cette étreinte soudaine. Pourtant, à sa grande surprise, aucune blessure ne lui fut donnée. Peu à peu, il comprit la situation. L'enfant était simplement transporter en direction du Repos des Marins. Il releva la tête pour apercevoir son geôlier avant de s'apercevoir qu'il ne s'agissait que du vieux barman. Blessé dans son honneur, Alan voulu se plaindre à son enseignant. Mais aucun mot ne sortit de sa gorge devenue
          muet face aux paroles qui lui étaient portées.

          "- Tu ne sais pas te battre, inutile de te mettre dans nos pattes. Tu n'iras pas au front tant que n'aura rien apprit. Retourne à te place. "

          Une minute plus tard, l'enfant se retrouva enfermé dans l'arrière salle du bistrot. Il ne pouvait maintenant que percevoir les détonations et les cris du combat, sans même pouvoir deviner son avancée. Une rage soudaine le prit. Il ne voulait pas être laissé de coté. Il voulait lui aussi pouvoir défendre les siens, ils n'étaient pas les seuls à aimer ce village. Des larmes de colère naissaient à présent, suivant la hargne de ses pensées. Comment pouvait-il grandir dans un espace si restreint, comment pouvait-il se renforcer s'il ne pouvait prendre de l'expérience? Si un Carman se faisait rejeté dans son propre village, c'est qu'il n'y avait plus sa place. S'ils n'avaient aucun besoin de lui, son départ n'était que plus imminent. Ce fut sans doute l'erreur que le vieux Bob n'aurait pas du commettre…

          La patience ne faisant en aucun cas partie du tempérament du biologiste, il partit sans tarder à la recherche d'une échappatoire. Il devait s'enfuir. Sortant de son petit sac en cuir un scalpel, il se mit à crocheter la serrure. Bientôt, il partirait. Il devait retrouver l'homme qu'il avait croisé plus tôt, il devait le convaincre de l'emmener.
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            Ejectant son adversaire inconscient à terre, Howard Prince était sorti de son couvert de fortune qui lui avait précédemment permis d'éliminer trois ennemis rapidement et surtout sans être vu. Il se malaxa longuement le poignet avec lequel il avait frappé avant d'être de nouveau alerté par une détonation : instinctivement, le pirate se baissa et braqua son pistolet à silex.
            Regardant autour de lui, il remarqua un homme, au prise avec deux individus, à quelques mètres de sa position.
            Ce dernier était à terre et malgré l'obscurité, on pouvait distinguer une tache noire juste en dessous de lui. Etait-il mort ? Non, il bougeait encore... mais si Prince ne se dépêchait pas, il pourrait bien rejoindre le royaume des défunts plus rapidement que prévu.

            Les deux agresseurs jouaient, apparemment avec leur victime et d'après le leurs têtes, aucun doute possible sur qui ils étaient... des pirates de cet équipage...

            « Ba alors lavette... Tu fais moins le malin maintenant hein ? Je crois que tu ne sais pas qui tu as en face de toi ! On est les pirates de Frosty le Phacochère ! Et ton village là, ba il va finir en cendre... Tout comme toi Ahahahaha !!! »

            Le pirate qui était en train de parler pointa son pistolet juste au-dessus de la tête de sa victime qui suppliait ses agresseurs :

            « Par pitié monsieur... Ne me tuez pas... J'ai... J'ai une femme et des enfants... par pitié ! »

            Mais les deux assaillants n'en avaient que faire des supplices de leur victime et tout ce qu'ils voulaient était de répandre la mort :

            « La pitié c'est pour les lâches de ton genre ! Adieu ! »

            Le coup de feu retentit et le bruit de la détonation resta longtemps présent, comme figé, dans un temps qui venait de s'arrêter... Puis, pistolet tomba à terre, rapidement suivi par des gouttes de sangs et des hurlements : le pirate du phacochère venait de prendre une balle dans la main et ce dernier souffrait énormément.

            « Aaaah que... qui.. qui a tiré bordel ??! Je vais Argh... Je vais buter celui qui a osé faire ça ! »

            A quelques mètres de là, un pistolet était encore braqué vers les deux hors-la-loi... De la fumée sortait du canon comme pour marquer l'événement qui venait de se produire et Howard Prince, qui tenait l'arme, souriait, comme pour exprimer une fierté que seul lui comprenait :

            « La pitié est un sentiment que chaque homme devrait exprimer avec grâce... Les lâches dans l'histoire c'est plutôt... vous. Et voici mon jugement ! »

            Le pirate au long manteau noir bondit en avant, ne laissant pas le temps à ses adversaires de réagir : esquivant rapidement le coup de feu qui venait d'être tiré dans sa direction, il frappa rapidement, avec son genou, l'estomac de celui qui venait de tirer. Ce dernier vola sur quelques mètres avant d'exploser un tonneau remplit d'une matière non identifiable dans la nuit.
            Rapidement et avec une agilité incroyable il se retourna pour se retrouver face à celui qu'il venait précédemment de blesser à la main... Une main qu'il agrippa avec force et qui fit souffrir davantage le truand.

            « Pitié, lâche-moi !!! Je t'en prie !!! »

            Prince voulu, en faisant cela, montrer que ce genre de choses n'était pas très... gentleman. Il envoya son coude dans la mâchoire de celui qu'il tenait : ce dernier s'arrêta de crier avant de tomber à terre, inconscient...
            Le pirate s'accroupit ensuite afin d'aider et rassurer la victime, toujours à terre, précédemment brutalisé par les deux brutes.

            « Ne vous inquiétez pas pour votre blessure, vous n'en mourrez pas. Je vais vous emmener dans un endroit plus sûr. »

            Soulevant le blessé en faisant attention à sa jambe, Howard Prince s'activa pour retourner à l'auberge d'Alan. Là-bas, il trouverait de quoi soigner la victime, au moins en attendant que l'attaque se calme et surtout qu'on trouve un vrai médecin.
            Tandis qu'il allait entrer dans le bâtiment, un nouveau coup de feu résonna et une balle vint s'écraser dans le mur de l'auberge...
            Des rires retentirent derrière le pirate qui souffla d'amertume... Une curieuse expression de colère calme s'était affichée sur son visage angélique.

            Posant le blessé à terre, il se retourna, faisant face à une dizaine d'individus armés jusqu'aux dents : sabres, haches, bâtons et autres fusils étaient impatients de faire couler le sang.

            Howard Prince savait que cela allait être très difficile... Néanmoins, il sortit son sabre d'une main et son pistolet à silex de l'autre : il était prêt.
            Cependant, au moment où il allait se lancer à l'attaque, un coup de feu vibra dans l'obscurité, ce qui interpella les truands du Phacochère... Le pirate tourna légèrement sa tête afin de voir de qui il pouvait s'agir et contre toutes attentes, une dizaine d'hommes arrivèrent, le patron de l'auberge en tête : ils étaient également tous armés et n'avaient, apparemment, qu'une idée en tête : chassé ces vulgaires assassins...


            Une aide inattendue ?




            Dominé par la rage qui parcourait maintenant chaque muscle de son corps, Alan balança son pied en direction de cette maudite porte. De toutes ses forces, il percuta le bois avant de retomber en arrière en gémissant. Emporté par cette hargne, le petit biologiste n'était parvenu qu'à une chose: aggravé son cas en agrémentant la situation d'une pointe de douleur dans la cheville. Tenant son membre endolori contre son ventre, sa mâchoire se serra pour le forcer à réfléchir. Penser à autre chose, voilà ce qu'il fallait faire. Ne pas se laisser dominer par la détresse, retrouver son calme. Se détendant du mieux qu'il pouvait, il se retourna face contre terre afin de se remettre sur pied. La poussière de l'arrière-salle s'infiltra dans ses narines et vint chatouiller horriblement son nez. L'enfant tenta tout de même de réprimer son éternuement, en vain.

            Atchoum!

            Et voilà, de mieux en mieux… Maintenant sa bouche était également peuplée de ces petites particules au goût et à la texture si merveilleuse. Laissant s'échapper de sa gorge soudainement sèche une série d'insultes sortie de son imagination, il plaça ses mains sur le sol afin de se relever. Un nouveau gémissement lui échappa alors qu'il tentait de s'appuyer sur sa cheville. Ces fourmis qui lui dévoraient le membre par leurs morsures lancinantes méritaient d'être brulées à la loupe. Oui, à la manière des sales petits virus du village qui détruisent les fourmilières pour leur unique plaisir sadique… Dans un effort lui semblant surhumain, le gamin parvint à se remettre debout puis de boiter jusqu'à une chaise adjacente. Dans un soupire de soulagement, il profita du repos qu'il accordait à son corps. Il fixait à présent le plafond, tendant l'oreille pour percevoir le bruit de la bataille. De quoi avait-il l'air, lui, enfermé sans pouvoir apporter son aide? Des larmes nouvelles commencèrent à embrumer sa vue, le plongeant dans un univers soudainement flou. Ne pouvait-il donc rien faire?

            Ce vieux poisson pourri de barman avait bien calculé son coup, hein. Il connaissait bien trop son neveu et avait clos la porte non seulement avec la clé habituelle, mais également par une lourde chaine inaccessible pour l'enfant. Si ce dernier voulait vraiment sortir, il lui fallait de l'imagination. Ou plutôt la capacité d'utiliser la sienne déjà débordante d'idées. Mais la douleur morale et physique s'était combinée pour inculper à ce garnement la sensation d'échec et de désespoir. Il frappa de son poing droit le mur dans son dos. Il y avait forcément une solution, même sa stupide mère n'a jamais réussit à le retenir… Celui de gauche suivit le même mouvement, cognant de nouveau la pierre. Même le jour où elle l'avait enfermé dans la salle de bain il était parvenu à s'enfuir, simplement en suivant le réseau hydraulique… Son bras de tribord répéta encore une fois cette attaque inutile. Mais il n'y a pas d'eau courante ici! Et encore moins d'aération… Le copain de bâbord imita son conjoint. Tout ce qu'il restait dans cette pièce infernale était des armes trop vieilles et rouillées pour servir!

            S'acharnant contre ce pauvre mur, il tentait de réprimer la violence de la haine qui résidait en lui. Cette colère si intense contre son statut d'enfant, contre son ignorance. Son manque d'expérience l'empêchait de gérer les situations, le confrontant à sa propre faiblesse. Était-il donc si pitoyable que même son cœur ne le soutenait plus? Emporté par la vague de désespoir, il replaça ses coudes sur ses genoux, plongeant son visage entre ses mains. L'obscurité rassurante de la nuit, l'odeur sèche du sol sableux, rien de tel que ces sensations familières pour relaxer son âme. Les sentiments nouveaux qu'Alan découvrait ne pouvait que perturber son équilibre mental encore fragile. Il ne connaissait rien de l'échec, et comprenait encore moins pourquoi son cœur le faisait autant souffrir. Était-ce dont ça le "manque d'expérience" que lui reprochait son père? D'un geste nonchalant, il retira son couvre-chef avant de la balancer au sol, couvrant toujours son regard de ses doigts encore libres. Un long soupire lui échappa, remuant lentement ses mèches rousses rebelles. Il fallait qu'il retrouve courage. Allez petit, t'es un petit futé, réfléchis. Sans trop savoir pourquoi, l'enfant prodige releva le regard face à lui, sans vraiment regarder. C'est seulement à cet instant qu'il put entrevoir sa amie nouvelle. La solution qui lui permettrait de s'éclipser à coup sûr.

            Le tableau qui se présentait à lui n'avait rien de glorieux. Sur une table en bois massif patinée par le temps et rongée par les insectes était entreposé le fusil d'un autre siècle, dont la pierre était brisée et le manche prêt à rompre. A ses cotés se reposait un sabre fissuré semblait devenir petit à petit de la poussière rougeâtre, semblable à du sang déshydraté. D'autres outils divers les accompagnaient, comme une arbalète sans corde. Ah, il y avait même un verre d'eau, surement oublié lors du dernier entrainement des jeunes hommes… Plus que l'état de ces objets, c'était l'éclairage jaunâtre qui rendait cette image si pitoyable. On aurait put croire que ce lieu avait été abandonné il y a fort longtemps, laissant dépérir lentement les traces de vie humaine. La vieille ampoule accrochée au plafond clignota légèrement, traduisant sa perte de puissance. Posant ses yeux verts sur ce lustre de fortune, Alan poussa un soupire. Il se sentait trop jeune pour demeurer dans un lieu dont le temps était dépassé. Son calme avait reprit le dessus, le biologiste tendit alors l'oreille pour saisir les évènements extérieurs.
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              L'étonnement était clairement affiché sur la tête d'Howard Prince qui venait de reconnaitre le vieux barman de la taverne, à la tête d'une dizaine d'hommes, armés jusqu'aux dents, qui se dirigeaient sans peur vers les intrus. Pourquoi étaient-ils venus ? Qu'espéraient-ils en allant au-devant d'un groupe de pirate qui n'avait qu'une idée en tête : piller et détruire le village ?
              Évidemment, ils voulaient par-dessus tout protéger leur village... Mais venir affronter des hors-la-loi ayant déjà l'expérience des combats et du danger rimait davantage avec « suicide » qu'avec « héroïsme ».
              Toujours devant le bâtiment, Prince regarda la scène qui se déroulait devant ses yeux sans pour autant réagir. A vrai dire, il ne savait pas vraiment quoi faire et la situation l'obligeait à attendre : d'un côté, lui-même était un étranger sur cette île et il ne devait rien à ses habitants, même si voir des civiles en danger ne le laissait pas indifférent...

              Les hommes du village s'approchaient de plus en plus, sans peur et affichaient une détermination incroyable. Un des pirate du Phacochère, hilare de voir ce groupe arriver, se positionna devant ses compagnons avant de prendre la parole :

              « Regardez les mecs ! Les paysans du village sont venus nous arrêter. Manquerais plus qu'ils se soient ramené, armés de fourches en bois pour nous combattre Ahahaha !!! »

              A peine eu-il terminé sa phrase, que le vieux barman avait bondit en avant avec une rapidité incroyable qui surprit alors le truand mais également le Prince, dont l'étonnement avait laissé place à l'incompréhension : « Qu'est-ce que ?... J'le crois pas... Ce vieux ? Aussi rapide ?!! »

              L'aubergiste lança alors le marteau à deux mains, qu'il tenait d'ailleurs avec une seule, vers son adversaire. La puissance du coup et la rapidité de ce dernier fut telle, que le hors-la-loi n'eut pas le temps de régir à temps afin d'esquiver : il prit la masse en plein estomac. Le choc avait été violent et un horrible bruit d'os cassés s'échappa du ventre du pirate qui vola sur quelques mètres avant de toucher le sol.
              La scène fut comme figée : les pirates du phacochère n'avaient pas régis, tellement l'incompréhension régnait dans leurs esprits tandis que les hommes qui accompagnaient l'aubergiste affichaient un air satisfait et supérieur... Ils tapaient sur leurs armes afin de faire comprendre qu'ils voulaient découdre et surtout, en finir rapidement.

              « Enfoirés ! Vous allez le regretter faite-moi confiance !! A l'attaque les mecs !!! YIAAA AAAHH »

              Comme un seul homme, les pirates du phacochère se lancèrent à l'attaque des villageois afin d'éliminer tous ceux qui se mettraient en travers de leur route, à commencer par l'aubergiste : les cris commencèrent le concert avant que les sabres s'entrechoquent dans une parfaite symphonie de notes métalliques, ponctués, à quelques moments, de coups de feu, assourdissants...
              Malgré le chaos présent, Howard Prince pouvait distinguer le barman et ses hommes se battre comme des lions contre les envahisseurs avant que ces derniers perdent, peut à peut, du terrain. Comme il l'avait deviné, l'expérience du combat était davantage du côté des pirates qui faisaient tomber, un à un, les hommes du village.
              Les blessés s'accumulaient pour les villageois alors que les pirates prenaient de plus en plus l'ascendant.

              Un coup de feu retentit alors, touchant l'aubergiste à la jambe alors que ce dernier venait d'en finir avec un énième ennemi. Grimaçant de douleur, ce dernier ne cria cependant pas et posa un genou à terre avant de lâcher son arme. C'est ce moment que choisit un pirate du phacochère pour foncer vers le blesser, sabre à la main, afin d'en finir :

              « Meurs !!!! »

              Le sabre siffla, fendant l'air en s'abattant vers sa cible avant de s'arrêter, net, dans un bruit sourd de choc métallique : une autre lame venait de parer celle du truand, in-extremis.
              Howard Prince se tenait au bout de la lame et avait réagis assez vite pour éviter le pire. Les yeux fermés et affichant un sourire satisfait, il passa une main dans ses cheveux avant de glisser au pirate :

              « Ohé... Attaquer un adversaire blessé et qui n'a plus la possibilité de se défendre n'est pas très... Gentleman. Tu ne trouves pas ? »

              Un peu décontenancé, le pirate du phacochère, retira sa lame avant d'attaquer Howard Prince qui esquiva sans problème les attaques un peu « sommaires » de ce dernier. Attendant une ouverture, il assena un violent coup de coude dans les côtes du truand, qui tomba à terre en gémissent de douleur...
              Il se retourna alors vers l'aubergiste, toujours à genoux avant de tendre sa main vers ce dernier qui tapa dans la main du nouvel arrivant. Se relevant tout seul, le vieux bonhomme grimaça de douleur avant de lancer au Prince, sans regarder son sauveur :

              « Je n'ai pas besoin de ton aide... Hum ? Tu es l'homme dont m'a parlé Alan... je me trompe ? En tout cas, ton aide est inutile... Pirate !».

              Éliminant, d'un coup de garde de son sabre, un nouvel adversaire qui venait de l'attaquer, Prince répondit à l'aubergiste, sans retirer le sourire de sa bouche :

              « Comme vous venez de le dire, monsieur, je suis un pirate. Par conséquent, veuillez m'excuser si je n'en ai que faire de vos paroles... ».

              Prince sortit alors son pistolet à silex avant de bondir sur les adversaires restants : il se déplaçait avec une grande agilité afin de ne jamais rester à portée des tireurs ennemis et éviter de se faire toucher inutilement.
              Arrivant à proximité d'un homme du phacochère qui malmenait un villageois, il frappa, avec le plat de sa lame, la jambe de ce dernier avant d'enchaîner avec un violent coup dans son estomac. Son adversaire n'avait pas encore touché le sol, inconscient, qu'il tira à trois reprises, touchant respectivement deux pirates aux épaules, qui s'effondrèrent, l'un après l'autre.
              Cependant, et contre toute attentes, la pointe d'un sabre vint manger les chaires de la cuisse droite du Prince qui recula instinctivement : il avait malheureusement relâché son attention trop tôt et cela avait laissé une ouverture à ses adversaires... Se passant la main sur sa blessure, il constata que, malgré la douleur et le sang qui coulait, cette dernière n'était que superficielle... Il pouvait continuer le combat.

              Le son d'une corne résonna alors, ce qui retint l'attention des combattants restants. Les pirates reculèrent tout en souriant alors que dans l'ombre, quelque-chose arrivait, quelque-chose... d'énorme...




              Rien ne semblait avoir changé dans le combat extérieur, si ce n'est peut-être qu'il s'était rapproché. Les coups de feu, de sabres et de poings résonnaient dans les rues. Cependant, Alan ne savait pas si son ouïe recommençait à suivre ses ordres, ou bien si la distance le séparant des hommes s'était amenuiser… Le gamin prit une grande inspiration, regroupant ses forces avant de se remettre sur pied. De toute façon, il ne pourrait savoir qui remportait cette bataille sans lui-même s'y rendre. Sa mâchoire se resserra afin de supporter la blessure que l'enfant s'était lui-même infligé. Sa cheville n'était que foulée, supporter ce genre de douleur ne pourrait que l'aider, il en était conscient. Maitrisant sa respiration tant bien que mal, il avança en boitillant jusqu'à la grande table. Entre-temps, sa main récupéra sa bonne vieille gavroche qu'il reposa sur sa tête. Ne t'y reprends plus petit, si tu perds ce magnifique couvre-chef ton père en sera très triste… Ses pas, soudainement rassuré par cette présence, le guidèrent jusqu'à son but: le verre d'eau. D'une traite, le récipient se vida en expulsant le sable demeurant dans sa gorge. Première étape consistant à l'hydratation faite.

              Bon. Maintenant, il allait falloir se sortir de cette salle d'entrainement. Quelques outils à dispositions accompagnés de sa traditionnelle trousse à dissection. Certes, il n'y avait aucun spécimen intéressant à ouvrir et étudier, mais on ne sait jamais ce qui peut bien nous servir dans ce genre de situation. La porte étant close, une nouvelle sortie allait maintenant être créée. Le regard émeraude se posa sur le vieux fusil qui semblait chargé, malgré son âge. Peut-être que…? Ce fut au tour du plafond d'être observé en détail, quelques fissures étaient visibles auprès de l'ampoule clignotante. Le plan qui s'élaborait petit à petit dans son esprit n'était peut-être pas des plus ingénieux, mais aucune autre idée ne lui semblait réalisable. Le descendant des Carman se mit alors à l'œuvre. S'asseyant à la table, le rouquin ouvrit l'arme à feu pour en extraire une balle non-usagée. Sa trousse était maintenant grande ouverte sur le support, laissant visible tout les accessoires disponibles. La pince à épilée fut saisit la première afin d'ouvrir le projectile et d'en extraire la poudre. La quantité était faible, mais avec un peu de chance suffisante. A l'aide du plat de son rasoir, ces particules noires furent regroupées en un petit paquet. Seconde étape… Pas tout à fait ok. Découpant un petit bout de son tee-shirt, au grand damne futur de sa mère, il obtint ce qui lui manquait. Une fois le petit amas regroupé dans le tissu, ce dernier fut clos par un nœud serré. Voilà, seconde étape au point, maintenant le plus dur était à réaliser.

              Le bruit de raclement surplombait tout autre son à présent, tant l'acharnement était grand. Cela faisait un petit bout de temps qu'Alan creusait le plafond tout autour de l'ampoule, évitant soigneusement les fils électriques. En effet, il s'était déjà fait avoir étant enfant, ou plutôt bébé, et cette n'expérience n'avait pas été des plus agréables. Poussant un grognement agacé, la lame rouillée utilisée fut jetée au sol, brisée. Ces armes étaient vraiment en piteux état, mais hors de question d'esquinter son scalpel adoré contre de la pierre. Une fois de plus ses jambes redescendirent de leur perchoir pour poser un pied sur la table. Que lui restait-il maintenant? Tiens, tiens, un trait d'arbalète… Saisissant cet objet, l'enfant remonta sur la chaise pour retrouver son équilibre d'auparavant. Et bien oui, vous imaginiez peut-être qu'avec sa taille ridicule il pouvait atteindre le plafond? Sans prendre de pause malgré son essoufflement, l'ouvrage reprit. Des gouttes de sueur se frayaient un passage le long de ses omoplates, rafraichissant son pauvre corps exténué. Jamais encore il n'avait dû dépenser autant d'énergie pour s'échapper d'un lieu. Un long soupire s'échappa tandis que ses yeux étudiaient le résultat de son labeur. Haletant toujours, l'estimation de la situation lui parut jouer en sa faveur… Ses lèvres s'entrouvrirent légèrement.

              "-Trois… ième… étape… ok!"

              Tout ce bordel pour un tout petit trou, il fallait espérer que l'explosion serait suffisante… Sa bouche était de nouveau sèche, mais ce détail lui importait peu maintenant que son but était proche. Redescendant de son perchoir, ses mains saisirent la petite bourse de poudre concoctée précédemment. Cette dernière se retrouva bientôt coincée contre les fils électriques légèrement abimés. La quatrième étape était décidément trop facile… À présent une étincelle devait être créée, tout en évitant de se faire électrocuté idiotement… Comment faire? S'asseyant sur la chaise toujours en équilibre, le gamin croisa les bras pour réfléchir. Ses jambes suivirent également le même mouvement, affichant à son regard enfantin ses magnifiques chaussures délabrées. Un petit ricanement lui échappa. Finalement, ce jeu commençait à lui plaire… Saisissant cette fois-ci son scalpel, il dénoua ses lacets. Tant pis si ses pieds seraient nus, sortir était l'objectif. Tranquillement, afin de reprendre son souffle, ses doigts s'attaquèrent à la semelle à l'aide de son outil tranchant. Heureusement que cette dernière se décollait déjà quelque peu, car en un rien de temps le biologiste avait à sa disposition un isolant de première qualité.
              […]

              BOUM!

              […]
              Recouvert de poussière, le petit biologiste observait avec satisfaction le résultat de son dur labeur. Un petit trou perçait maintenant le plafond, juste assez pour laisser passer quelqu'un de taille restreinte en se contorsionnant. Saisissant tout son matériel, Alan se hissa dans ce qui semblait être un espace entre le niveau du dessus et le sous-sol. Tout ce qu'il restait à faire à présent, s'était de se faufiler jusqu'au dessus du couloir, là où se situait l'aération principal. Un véritable jeu d'enfant, au plus grand plaisir de notre ami… Ce denier se sentait comme un soldat se frayant un passage à travers les lignes ennemies, ou encore comme un aventurier partant à la chasse d'un document sacré. Partant dans son délire imaginatif, un craquement soudain fit blêmir le héros imaginaire. Les mites ne trainaient pas dans le coin n'est-ce pas? Allongé entre deux parquets de bois, le renouvellement de ce son ne pouvait qu'apporter un petit désastre. Ce pressentiment se révéla véridique: le sol s'effondra.

              "-Aie…"

              Cette fois, ce fut la pauvre tête qui encaissa le coup après cette chute. Sonné mais de nouveau debout, une sensation de tournis empêchait ses yeux d'apercevoir son lieu d'atterrissage. Prenant appui sur le mur, le gamin sentit sous sa main une fraicheur agréable: la chaine. Une joie incontestable envahit alors son cœur. Et oui vieux barman, enfermer ton neveu était et reste une épreuve quasiment insurmontable. Sans même attendre de retrouvé un équilibre ou une vue correcte, l'insouciant se dirigeait déjà à toute vitesse vers le bar, se cognant un peu trop régulièrement contre les murs. Loupant la dernière marche, son corps s'étala de tout son long sur le sol du rez-de-chaussée. Ce choc lui remit étrangement les idées en place, à sa grande surprise. Il ne lui restait plus que trois mètres à parcourir et le ciel se révèlerait de nouveau à lui. Faignant d'oublier sa cheville, ses jambes se remirent sur pied pour parcourir cette petite distance à toute allure. Ouvrant en grand la porte, les mains durent prendre appui sur ses cuisses. Du souffle, il fallait retrouver du souffle. C'est alors que son regard se leva enfin vers la "bataille".
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                Le son de la corne s'était arrêté sans pour autant laisser place au silence. En effet, le bruit qui venait vers Howard Prince était tellement lourd et puissant, qu'il avait d'abord pensé que la terre elle-même tremblait. Évidemment, il n'en était rien, mais l'ombre qui approchait était énorme et le pirate n'arrivait pas à identifier ce que cela pouvait être...
                Tous les protagonistes de la bataille avaient le regard braqué vers ce qui arrivait, appréhendant ce que cela pouvait être et se tenaient prêts à agir, armes en main. Pendant ce temps, certains s'occupaient et aidaient les blessés à se relever, emmenant les inconscients à l'écart, afin de leur donner les premiers soins.

                Un cri résonna alors, le cri d'un animal... « Qu'est-ce que ? » : défenses seyantes mises en avant sur un museau robuste, des poils fins et sombres mettant en évidence une musculature puissante, un énorme sanglier sortit de l'obscurité. Cependant, l'animal, plus gros que ce qu'avait pu voir Prince jusqu'à présent, était monté par un individu également assez colossal... Un ventre bedonnant au-dessus de petites jambes frêles, le « cavalier » disposait de bras grands et musclés, qui pouvaient, à vue d'oeil,écraser la tête d'un homme normal. Ce qui paraissait néanmoins atypique était sa tête : une grande tête rose, avec un nez ... en groin ? Un frisson parcourra l'échine de Prince :

                « Ce type est encore plus laid que sa monture... C'est bien la première fois que je vois un type de ce genre »

                Le gros bonhomme arrêta son « destrier » avant d'observer et analyser la scène devant lui : avec une lenteur déconcertent, il regarda à gauche puis à droite avant de s'exprimer en rotant bruyamment :

                « Zehahaha alors ?! Les mecs, pou'quoi zavez pas encore mis l'feu à c'pauv' village ? Z'êtes quand même pas des fillettes hein ?! »

                Comme l'avait pensé Prince, ce type était apparemment le capitaine de l'équipage du Phacochère, et alors que ce dernier pris une gorgée de boisson d'une bouteille qu'il tenait dans sa main, un de ses homme arriva vers lui :

                « Hum oui, en effet capitaine, mais les villageois sont plus résistants et... »

                Une détonation résonna et l'homme qui était en train de parler tomba sur le sol, sans crier : son capitaine n'avait vraisemblablement pas apprécié la réponse et avait tiré sur son propre compagnon... Cela ne plut absolument pas au Prince qui afficha une expression sombre et froide sur son visage habituellement si radieux...
                Le pirate gentleman avança alors vers le capitaine du Phacochère. Sans adresser un seul regard au colosse, Prince s'accroupit vers l'homme qui venait d'être blessé et le porta sur ses épaules. Encore une fois sans rien dire, il fit marche arrière afin d'emmener le mourant avec les autres...

                Cela ne plus apparemment pas au capitaine pirate qui cria vers le Prince :

                « Ohé toi là !! Tu t'p'rend pour qui ? Si j'décide de tuer un d'mes hommes, ba... voila ! Tu va voir qu'faut pas m'chercher moi ! »

                Le gros bonhomme donna un coup de talon dans le ventre de sa monture qui partit au galop, sans attendre. L'accélération de la bête avait été telle, que le capitaine, déstabilisé, tomba à terre, sur le dos, dans un nuage de poussière.
                La scène était hilarante, mais Howard devait tout de même prendre garde à l'animal qui chargeait vers lui, défenses en avant, prêt à écraser le premier qui sera sur sa route... Il attendit le dernier moment pour esquiver le monstre : avec sa main libre, il prit appui sur le museau du sanglier et sauta au-dessus de lui. Atterrissant derrière la bête qui continuait à courir, il remarqua une hache qui fendait l'air vers sa tête. Le capitaine qui s'était apparemment relevé rapidement, l'attaquait avec une rage incroyable : Prince sortit in-extremis son sabre de son fourreau pour parer le coup. Un coup tellement puissant que le pirate lâcha son sabre, croyant que l'os de son bras avait explosé sous l'impact.
                Reculant de quelques pas, il se prépara à l'assaut du capitaine qui frappa à plusieurs reprises avec toujours autant de rage : Prince esquiva les coups de haches qui venaient dans sa direction, sans trop de difficultés, malgré la douleur de son bras...

                Tenant toujours le blessé et concentré sur le combat qu'il menait, le pirate ne put entendre ce qui arrivait dans son dos, à pleine vitesse : la charge fut terrible et Prince vola dans les airs, lâchant, par la même occasion, le blesser qu'il portait... Le sanglier venait de percuter le pirate après avoir fait demi tour sur sa précédente course...
                Tombant à une dizaine de mètres plus loin, Prince faillit à plusieurs reprises tomber dans les méandres de l'inconscience. Il dû lutter pour rester lucide : crachant du sang à plusieurs reprises, il sentit la douleur monter... Une douleur atroce, insupportable. Il se demandait si sa colonne vertébrale n'avait pas été touchée...

                Les hommes du village crièrent en sa direction, inquiets sur l'état de santé du pirate gentleman :

                « Ohé... Est-ce que ça va ? J'espère qu'il n'est pas mort... Après un coup pareil...»

                Un autre, paressant encore plus angoissé, lui répondit, sans détourner le regard :

                « Tu as vu cette puissance ?! Laisse tombé il est mort !»

                Regardant de nouveau vers le pirate, les villageois n'en crurent pas leurs yeux lorsqu'ils virent Prince, à genoux, en train de se relever. Ce dernier avait craché du sang à plusieurs reprises avant de mettre la main sur son tricorne, posé à côté de lui, qu'il replaça sur sa tête... Ses yeux étaient fondus dans le noir, mais on pouvait facilement distinguer, malgré l'obscurité, les traces sombres qui coulaient le long de sa tête. Il respirait difficilement et cru, à plusieurs reprises, que la douleur allait le faire tomber, ce qui, assurément, aurait signé la fin du combat.

                Les bras ballants et la bouche grande ouverte en direction du ciel sombre, sa volonté était trop forte, sa détermination trop trempée pour que sa conscience abandonne. Il regarda devant lui et aperçu le capitaine des Phacochères : ce dernier s'avançait du blessé que Prince transportait et qui, apparemment, avait atterrit près du gros bonhomme...

                Levant sa hache vers le ciel pour mettre fin à la vie de son propre compagnon, il cria vers sa cible :

                « Zehahaha alors, toujours pas mort, hein ?! C'te fois, t'en réchapp'ra pas !!! SHINE !!! »

                Difficilement, Howard Prince avait sortit son pistolet à silex et le braqua vers le gros capitaine : sa main tremblait à cause de ses blessures, le sang qui lui coulait de la tête brulait son œil droit et le simple fait de lever son bras lui faisait tourner la tête...
                Une aura sombre, froide sortait de lui. Il cria en direction de son adversaire tout en appuyant sur la gâchette :

                « NAAANNNN !!!!!! »

                Trois détonations... Trois longues détonations qui résonnèrent pendant, ce qui parut être une éternité, dans l'obscurité de l'atmosphère...
                Les balles sifflèrent et fendirent l'air en direction de leur cible : une atterrit dans le sol, à plusieurs mètres de la cible, l'autre dans la toiture de l'auberge... la troisième toucha la main du capitaine pirate qui hurla de douleur.
                La hache de ce dernier tomba par terre dans un bruit sourd : l'individu, blessé par l'homme en qui il croyait, était sauvé...

                C'était le moment que choisit le vieil aubergiste pour bondir en avant : il frappa avec son marteau, mettant toute sa force dans son coup, en direction de la tête du « porc ». Un horrible bruit sourd, d'os cassants sous le choc de l'impact, s'envola dans le ciel...
                L'aubergiste tomba à terre avec l'élan de son attaque, avant que le Phacochère, la tête en sang, ne le rejoigne sur le sol, inconscient...

                Le sourire était apparu sur le visage d'Howard Prince, apparemment heureux d'avoir vu son tir faire mouche... Lâchant son pistolet sur le sol, il tituba quelques secondes avant qu'un voile noir ne vienne prendre possession de son esprit... Il tomba à terre, inconscient, plongeant, par la même occasion, dans les méandres incompréhensibles de son esprit...



                Sa respiration ne parvenait plus à se calmer. Elle était rapide, saccadée par de léger hoquets. Même une petite boule de douleur s'était réveillée en son bas ventre, ce fameux "point de coté" qui vous prend quand vous en faites trop. Jambes légèrement pliées, mains sur les genoux, tête baissée, l'enfant ne pouvait plus bouger tant son souffle avait été mis à l'épreuve. L'enchainement de son plan et de sa course effrénée avait eut raison des maigres réserves d'énergie qu'il lui restait de sa journée. La soif le tiraillait déjà mais sa volonté le poussait à demeurer ici, afin d'enfin connaître la destinée des villageois présents. Ses forces semblaient être parvenues à leur limite, chaque muscle de son corps se crispant sous l'influence du cœur emballé. Non, pas maintenant, il ne fallait pas lâcher au moment où il avait atteint le combat. À quoi bon s'échapper s'il ne pouvait rien faire? Cherchant à motiver ses membres par l'esprit, Alan était torturé par son manque de réaction. Il devait y aller, là, maintenant. C'est alors que trois coups de feu résonnèrent, faisant relever le visage enfantin dans un sursaut. La scène lui paru désastreuse.

                Un homme, dont le nez avait été aplatit par une raison inconnue, venait de se prendre trois balles dans la main. Il criait maintenant de douleur, lâchant son arme sous l'influence la vive blessure. L'homme qui semblait avoir tiré tenait à peine debout, touché par de nombreux coups. Les vêtements noirs qui le recouvraient étaient quelque peu déchirés ou tâchés de sang. Ce n'est qu'au moment où le vieux Bob bondit que le gamin comprit: Le touriste!
                Son oncle venait de frapper en pleine face l'homme au groin qui s'envola au loin, sous l'influence de la puissante attaque. Les deux corps suivant le même élan, ils s'étalèrent sur le sol. Le gamin restait bouche bée face au spectacle qu'il venait d'observer. Il se rendit compte alors qu'il était arrivé à la fin du combat. À la fois déçu et soulagé de voir le barman se relevé directement, il reposa son regard vers l'homme aux milles ceintures. Lui aussi était tombé au sol, perdant petit à petit son sang. Le vieillard prit alors la parole face aux quelques pirates restant, les surplombant de son imposante carrure.

                "- Alors les tapettes, vous en voulez encore?"

                Une minute de silence suivit ces paroles, alors que les hors-la-loi se lançaient des regards interrogatifs ou inquiets. Les villageois leur semblaient soudainement impossibles à vaincre, leur capitaine étant maintenant à terre. Prenant les jambes à leurs cous ils prirent la fuite, abandonnant souverain et amis blessés. Seul deux ou trois d'entre eux prirent la peine de les transporter, voyant que les habitants faisaient de même avec leurs soldats. Le vieillard, semblant satisfait, boitilla jusqu'à Mr Prince pour s'accroupir à ses cotés. Son regard expérimenté observait les différents membres ensanglantés durant la bataille, puis il sortit une vieille pipe de sa poche. Alors que ses mains remplissaient de tabac son matériel, le vieillard vit son neveu s'approcher également. Un craquement se fit entendre, suivit de la douce chaleur du feu. Une épaisse fumée s'extirpait maintenant de la bouche ridée, souillant l'air par son odeur âcre.

                "- Laisse-le. Pas de raison de le soigner, c'est un voyou lui aussi."

                Surprit, Alan releva son regard pour protester. Cet homme les avait quand même aidés! Qui de sensé laisserait un allié mourir sur leur propre port? Mais, avant même que le petit biologiste eut le temps de répondre, les villageois protestèrent.

                "- Qu'est-ce que tu raconte Bob? Il nous a aidé!
                -Un voyou en reste un, je le laisserais pas rentrer dans une de nos maisons.
                - Tu crois qu'il nous a porté secours pour nous tuer après?
                -Non mais…
                - Tous les pirates ne sont pas pareil, tu l'as dit toi-même!"

                Un long soupire traduisit la défaite du vieux marin, alors qu'il autorisa un homme à le porter jusqu'à l'hôpital improvisé. Mais c'est avec surprise qu'il croisa le regard du gamin, il faillit même lâcher sa pipe sous l'étonnement. Ce n'était pas les yeux d'un enfant de 11 ans, ce regard était rieur et satisfait. Même un léger sourire était visible sur ce visage arrondi par la jeunesse. Un petit aurait dû montrer plus de peur face au tableau qui se présentait à lui… Et puis comment était-il sortit de la salle d'entrainement?!
                Sombre le vieil oncle observa l'héritier des Carman suivre le transport du blessé, il était bien trop tôt pour que ce dernier trouve en lui le courage de partir. Son attitude l'inquiétait, la surveillance allait être resserrée.

                Quand Will posa pied à terre dans son village, l'horreur prit possession de lui. Il y avait eut une attaque sans même qu'il ne s'en rende compte. Apeuré, il courra au repos des marins pour retrouver son frère plongé dans ses pensées. Bob fixait le plafond. Sentant la présence da sa famille à ses cotés, il ne put retenir une remarque.

                "- Je crois que ton p'tit va s'enfuir."

                Sous cette remarque, le père du biologiste s'assit également. Le temps était donc déjà venu? Il se souvenait encore du jour du départ de l'homme assit près de lui, bien que ce dernier tait à l'époque bien plus jeune... Le jour de son quatorzièmement anniversaire il avait prit le large, le prévenant que son cadet....

                Fin,
                Suite ici : Chapitre 2
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