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[FB 1614]Une alliance des plus...conventionelles

Sur les berges nord de Luvneel

Les docks sont connus depuis longtemps comme des espaces malfamés où les truands aiment à se donner rendez-vous pour régler leurs comptes, le plus souvent dans des bains de sang sans précédent. Jones s’était rendu ce soir-là, sur les docks afin de récupérer une précieuse cargaison de vins et entériner un accord avec l’homme qui se faisait appeler le Pingouin, l’un de ses principaux concurrents locaux quant au trafic d’armes de North Blue. C’était l’un de ces soirs de pleine lune où l’angoisse vous saisit aux tripes, où votre cœur bat à cent à l’heure sans que vous ne sachiez en expliquer la cause. Les deux protagonistes avaient élus domicile avec leurs bandes respectives sur le quai 3B. Le fameux accord implique entre les cocontractants, ce qu’on appelle dans le jargon un échange de bons procédés. Jones devait s’engager à fournir alcools et spiritueux à son associé tandis que le Pingouin devait concéder une belle somme d’argent à Jones ainsi que l’exclusivité d’un périmètre de distribution dans le trafic de drogue.

Chacun avait tout à y gagner, les règles draconiennes en matière de liqueur et autres boissons alcoolisés, avaient été institué suite à des débordements et des élans de révolte d’individus éméchés à l’encontre de la royauté de Luvneel. Les dirigeants du royaume avaient décidé de serrer la vis et ainsi prévenir de nouvelles émeutes ou autres actes ostentatoires contre la souveraineté. Toutes ces mesures avaient encouragé et dynamiser la prohibition. Vous savez ce qu’on dit, on ne mets jamais tous ses œufs dans le même panier et Jones en était bien conscient. Il diversifiait ses activités, lui permettant ainsi d’avoir la main mise sur des trafics concomitants. En se plaçant dans la perspective d’une place boursière, Jones nuançait ses titres en vue d’obtenir des versements de dividendes réguliers et ainsi pérenniser son petit commerce lucratif. Les deux hommes attendaient patiemment l’arrimage du bateau. Des guetteurs avaient été dispersés à des points d’observation clés pour signifier tout risque éventuel.

Bientôt, un spot lumineux apparut à l’horizon, clignotant par intermittence. Il s’agissait vraisemblablement du signal convenu pour identifier le navire et éviter un contrôle réglementé des douanes. Le moment fatidique était proche, le pingouin tenait fermement l’attaché case relié à son poignet gras tandis que les hommes de Jones commençaient à débarquer la marchandise escompté et en vérifièrent l’état. 35 caisses au total furent déposées sur le quasi puis révélé à l’œil intransigeant de leur destinataire. Après une examination plus poussée menée par ses soins, l’accord était conclu et les deux requins se livrèrent à une dégustation de l’un des meilleurs crus de la cuvée annuelle afin d’officialiser leur commun arrangement. Par ailleurs, tous deux devaient faire face à un nouveau concurrent sur le marché, un concurrent dont les bénéfices perturbaient les intérêts des associés. La discussion s’orienta bientôt sur ce cas problématique.

« Qu’est ce qu’on fait pour Wilkins ? »

Peach Wilkins, un industriel véreux possédant des pêcheries sur tout le littoral est de l’île s’était immiscé dans ce milieu peu scrupuleux. Son petit commerce aux apparences légales cachait en réalité une contrebande bien ficelé. L’homme utilisait les poissons pêchés pour y dissimuler des drogues et autres substances addictives, Jones savait qu’il serait infructueux d’essayer de pactiser avec l’homme dont il était question. Bien que ses affaires florissantes lui assuraient un bel avenir sur la scène, il manquait de cran et n’avait pas l’étoffe du véritable homme d’affaires. Jones était intimement persuadé que ce Wilkins ne parviendrait pas à conserver son emprise à long terme sur les affaires. Il souhaitait cependant arranger une rencontre avec le dit homme, ne serait-ce que pour savoir à qui il avait à faire. Au cas échéant, s’il s’avérait trop montrer les crocs, Jones placerait un contrat sur sa tête et le ferait liquider par une meute de tueurs à gages qui s’évertueraient à ne laisser aucune traces et preuves qui les mèneraient à remonter les maillons de cette chaîne presque inextricable. Tous deux devaient cependant monter un stratagème astucieux, un complot ingénieux qui leur permettrait de maquiller le crime et d’éviter les soupçons à leurs égards, ils devaient présebtement définir les quelques préparatifs nécessaires à la concrétisation de cet leur objectif.

« Hmmh, je suis partisan de le convier à une soirée mondaine donné dans un endroit neutre pour faire plus ample connaissance. Il se méfiera bien entendu mais restera dubitatif quant au véritable but de cette entrevue. «


Spoiler:


Dernière édition par Sharp Jones le Sam 12 Mai 2012, 17:00, édité 3 fois
    Le Pingouin restait perplexe quant à cette proposition. Il avait déjà du mener sa petite enquête de son coté. Il avait sans doute un point de vue déjà bien tranché quant à ce Wilkins, une opinion qu’il ne communiquerait qu’en partie à Jones. En effet, bien que les deux hommes se respectaient, ils n’éprouvaient aucune confiance mutuelle, ils avaient des intérêts analogues dans bien des affaires. L’homme murmura quelques mots dans son double menton adipeux, prit conseil auprès de ses associés pour définir la meilleure marche à suivre et déclara à son interlocuteur.

    « J’en suis à la seule condition que ce petit entretien se réalise dans les chambres souterraines de l’iceberg Lounge, mon hôtel privé. »

    Cet idiot n’avait visiblement rien compris à la situation. Tous les milieux de la pègre savait éperdument que L’iceberg Lounge était étroitement lié aux activités de cet ahuri manchot. Jones subodorait l’idée que le Pingouin veuille faire d’une pierre deux coups et régler le compte à tout ce beau monde dans les suites luxueuses de l’établissement. Cette proposition n’avait que peu de chances de trouver un retour positif de Wilkins, il n’allait pas marcher dans cette combine grossière fomenté par le Pingouin, c’était presque une insulte à l’intelligence de Wilkins. Le Pingouin devait avoir une idée derrière la tête, les pièges de ce genre ne coincidait pas avec l’acabit de l’homme dont il était question. Il devait estimer que ce lieu constituait un gage de sécurité pour la pérennité de ces affaires. L’iceberg Lounge… des rumeurs allaient bon train au sujet de cette structure des plus atypiques, des rumeurs quant aux méthodes « glaciales « du Pingouin pour parvenir à son objectif. Jones savait grâce à son réseau d’informateurs que le Pingouin s’était allié à un génie scientifique de la cryogénie, Victor Fries, qui était devenu fou à lier suite au décès de sa femme par une maladie incurable. Leur petite alliance avait permis au Pingouin d’obtenir d’immenses chambres froides dans les sous-sols de l’Iceberg Lounge où une température de -25 °C régnait en permanence. Combien d’hommes avaient déjà succombé à la congélation dans ces frigorifères ? Sans doute réservait t-il le même sort à ces deux invités.

    « Je doute qu’il soit un fan incontesté de vos mister freeze, Pingouin. Le risque est grand de le voir décliner cette proposition, un risque qui s’avérait rédhibitoire pour l’approcher après cette tentative non fructueuse. J’espère que vous en êtes conscient. Quoi qu’il en soit vous en serez seuls responsables. Ses pêcheries se situent sur le littoral est. Je suis d’avis que vous vous rapprochiez de lui puisque l’invitation tient lieu dans l’icerberg Lounge et qu’on sait tous ici-bàs que vous en êtes le propriétaire officieux. »

    Jones laissait officiellement le champ libre à son associé afin qu’il puisse approcher Wilkins selon sa propre convenance. Le Pingouin avait ainsi tout le plaisir d’organiser cette petite réunion à sa manière et de convier Wilkins et Jones à la grosse mascarade. Le Pingouin pouvait délibérément doubler son nouvel acolyte et faire ami-ami avec ce Wilkins, supprimer Jones et se répartir son business déjà bien rôdé. Bien entendu, Jones aurait pu faire accompagner le Pingouin par des hommes de confiance incorruptibles et vérifier la véracité de son entrevue avec Wilkins cependant il en était tout autre. Il s’agissait là de poser les bases de la véritable stratégie de Jones, les prémices du projet authentique concocté par ses soins. Peu importait que le Pingouin fasse ses manigances de bas étages, l’important était de contribuer à l’illusion de sa liberté d’action afin de diminuer sa vigilance et de le frapper en plein cœur au moment où il s’y attendra le moins. Le Pingouin acquiesça quant à cette requête et se retira avec ses sous fifres vers le centre ville. Le plan pouvait dorénavant bel et bien débuter.

    *Nous verrons bien qui bénéficiera du dernier mot*
      Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la rencontre de Jones et du Pingouin. Jones n’avait pour l’instant et comme il le suppurait, il ne reçut aucun renseignement de la part de son acolyte. Allez savoir ce que de telles fripouilles manigançaient entre eux, il faut savoir que dans ces milieux ci, il est coutume de préférer les arrangements avant de faire couler l’hémoglobine à foison. De nombreux truands et autres magouilleurs étaient désormais pied et poings liés à des maquereaux corrompus baignant dans les trafics illicites. Des dettes de jeu, des services d’importances et autres motifs, des erreurs de jeunesse, étaient à l’origine de cet asservissement dissimulé, ces petits malfrats constituaient une bonne chair à canon et pouvaient s’avérer bien utile notamment en ce qui concerne les renseignements. Sharp Jones en avait détroussé plus d’un dans sa carrière de joueur invétéré, autant de sales types qui servaient désormais les intérêts de Jones sans faire de vagues, craignant le retour de bâton de ce dernier. Il arrivait à Jones de solliciter les compétences de cette main d’œuvre bon marché qui s’avérait parfois être très efficace. Jones avait mené sa petite enquête sur ce Wilkins et avait découvert qu’il avait été de mèche avec l’un de ses déshérités que la vie laisse sur le carreau. Un déshérité qui avait plongé parce que ce cher Wilkins l’avait balancé au lieu de se taire et de croupir dans la cellule où Croc moisissait depuis maintenant quelques années. Avec l’appui d’un politicien véreux, Jones l’avait fait sortir de prison, connaissant son vice pour les jeux d’argent si bien qu’au bout de quelques mois, le personnage devait une sacré somme à Sharp Jones. Croc n’avait visiblement plus rien à perdre si ce n’est celui d’assurer son semblant de subsistance et de se venger de son partenaire d’autrefois.

      Les quartiers des bas fonds de Luvneel sont loin de regorger des riches bourgeois qui battent le pavé dans la ville haute, bien au contraire, le lieu abrite les pires crapules de tout North Blue dont les aspirations lucratives renforcés par ce contraste omniprésent Riche/pauvre ne cessent de s’accroître. Jones avait l’habitude de se rendre en ce lieu à l’atmosphère pestilentielle, tous connaissaient son identité ici-bas et ils n’avaient pas intérêt à s’insurger contre lui s’ils ne voulaient s’exposer à de graves et sanguines sanctions. De fait, il était un homme respecté et ces allées et venues dans le quartier restait toujours source d’interrogation pour les malfrats du quartier. Dans quel but vient-il ? Serait-ce pour moi ? Qui va disparaître dans le fleuve d’aujourd’hui ? Ils avaient tous des choses à se reprocher cependant ils espéraient que leurs petits délits passagers passaient suffisamment inaperçu pour que Jones s’en aperçoive. Des hommes de Wilkins figuraient aussi dans le quartier qui était une véritable plaque tournante pour la distribution de drogues et d’opium. Jones ne devait se montrer sous aucun prétexte avant que ces hommes aient déguerpis du coin. Il aligna quelques billets à une bande de loubards sans scrupules, aficionados de la castagne pour effectuer le travail à sa place. Une échauffourée éclata bientôt entre les deux gangs qui se collèrent de sacrés correction à base de nions et autre barre à mine trouvés à proximité.

      Le petit groupe soudoyé par Jones avait l’avantage du nombre et n’eut aucun mal à mettre une raclée à leurs opposants qui, prenaient désormais la poudre d’escampette et prévenir leur boss. Ils allaient revenir en nombre bien entendu et incessamment sous peu mais ca laissait l’équivalent d’une heure à Jones pour s’entretenir avec Croc en tête à tête. L’homme habitait au fin fond du quartier dans les combles d’une maison délabré, vivait de petites magouilles et dépensait tout son argent dans l’alcool et les jeux d’argent à l’instar des vieux éméchés qui jonchaient la chaussée avec pour seul partenaires de route, leur litron abject de piquette à 2 berrys. Jones rentra dans le bâtiment délabré où Croc avait élu domicile, l’escalier en bois faisait état de nombreux trous dans sa menuiserie, rongé au fil du temps par les termites. Jones s’y engagea, conscient que chaque marche pouvait s’effondrer sous son poids et parvint bientôt à la lourde porte d’acier de Croc. Il ne se fit pas prier et tapa bientôt à la porte tandis que dans l’œillère, son pupille jaunasse zieutait l’orifice d’observation. L’homme ne répondit pas et s’éclipsa bientôt par la fenêtre du troisième étage. C’était prévisible et pourtant Croc n’avait rien à se reprocher quant à ses relations avec Sharp Jones mais dans cette ville rien n’était certain, on vous flingue pour le seul motif de délit de sale gueule ou encore parce que vous a jamais vu dans le coin auparavant. Les hommes de Jones avait anticipé ce genre d’évasion bas de gamme et forcèrent bientôt Croc à rentrer chez lui, le firent assoir en face d’un fauteuil où Jones l’attendait patiemment dans la demeure miteuse.

      « Qu’est ce que tu veux Jones, Bordel ?! La dernière fois qu’on s’est rencontré, tu m’as dérobé un bon paquet de pognon que je destinais à la niaule. C’est pour quoi cette fois-ci ? Je te préviens d’avance, je ne marche pas, je me suis rangé. »

      « En voila des manières d’accueillir l’un de ceux qui t’ont tiré de ton mauvais pas. On peut dire que tu as le sens de l’hospitalité, Croc. »

      Subitement, un poing fermé vola dans le visage transpirant de Croc qui avait adopté un regard plus à l’écoute de son interlocuteur.

      « C’est mon jour de bonté Croc. Tu peux aujourd’hui me rendre la monnaie de ma pièce et remettre les compteurs à zéro si ca t’intéresse… Enfin tu n’as pas trop le choix à vrai dire Héhéhé »

      Jones avait suscité l’intérêt soudain de son interlocuteur cependant il restait dubitatif quant à ce qu’il devrait se charger pour être quitte vis-à-vis de Jones. Il savait que vu la coquette somme qu’il devait à Jones, ce serait quelque chose de grande ampleur, une action d’envergure qui lui permettrait de racheter potentiellement sa dette. Oui…potentiellement car même Croc sait que les types comme Sharp Jones n’ont aucun honneur et ne respectent aucunes règles si ce n’est celle de la planche à billets. L’homme soucieux de cette proposition, s’aventura même à déclarer :

      « Je n’ai aucune preuves de ce que tu avances. Je n’ai strictement aucun gage de ta sincérité. Tue moi maintenant mais ne compte pas sur moi »

      « Humm…très bien, moi qui pensait que ce l’heure de tes retrouvailles avec ce bon vieux Wilkins était proche. J’ai dû me tromper. »

      La haine et la colère surgirent brusquement sur son visage dont les traits se fronçaient progressivement. Jones avait éveillé un sentiment d’animosité presque tangible chez le personnage et c’était bien l’effet escompté de sa déclaration. Jones saisit l’occasion pour esquisser un léger sourire qui en disait long sur ses intentions et se leva brusquement, tendant un verre vide à son interlocuteur.

      « Cognac ? Whiskey ? Rhum ? Je sais que tu caches de bonnes bouteilles dans cette antre cradingue »

        «Je dois avoir une bouteille de Whisky single Malt qui traine par là. Ce satané Wilkins, en ce qui le concerne, j’en fais une affaire personnelle. Dis-moi ce qui t’amènes Jones. »

        Tandis qu’il s’asseyait à nouveau dans le fauteuil matelassé, verre de bourbon à la main, il exposa en détail à son partenaire le rôle qui lui incombait tout en prenant soin de dissimuler habilement les informations sensibles. Point trop n’en faut pour ces crapules dégénérés qui n’attendant que l’occasion de vous doubler, Croc en savait déjà assez sur toute cette affaire. Sharp Jones comptait sur les talents de filature de Croc, au demeurant exceptionnels pour se rapprocher du Pingouin et de l’énigmatique Wilkins. Croc ne savait pas tirer les pleins profits de ces aptitudes, ses compétences en filature lui avait permit de développer de sérieuses facultés en vol et recèle. Croc se contentait de les employer à perpétrer de petits larcins sans envergure alors qu’il pouvait viser commettre des cambriolages de haut vol. Jones usait de sa verve et de son éloquence pour insister sur le comportement indigne de Wilkins, les profits qu’il avait engrangé lorsque Croc était derrière les barreaux, l’orgueil exacerbé et l’irrespect profond qu’il entretenait pour Croc. Ce discours prémédité porta rapidement ses fruits et Croc, littéralement convaincu et envahi par la frénésie de la vengeance, était désormais prêt à rentrer en scène. Jones lui dressa bientôt un bref portrait du Pingouin afin qu’il puisse prévoir une filature adaptée et anticiper quant aux réactions de ce manchot fortuné.

        « Le genre de petit gros qui devait se faire tabasser dans les cours de récré et qui voue désormais une haine massive au monde entier. Manteau de fourrure, montre à gousset, canne-épée, tout l’attirail du parfait bourgeois gentilhomme en somme. Je dois te laisser désormais Croc, je compte sur toi…j’espère ne pas avoir à te rappeler ce qui t’en couterait de me doubler.«

        A l’extérieur, les brutes épaisses diligentées par Wilkins semblaient être arrivés sur les lieux. A en entendre les interjections et les bruits de mâchoires brisées, ils reprenaient à leur tour le quartier qui leur revenait de droit, laissant derrière eux des corps tuméfiés et ecchymosés de tout parts. Jones s’éclipsa rapidement par la porte de derrière et s’immisça dans les faubourgs adjacents sans être vu par ces nouveaux arrivants. De retour à son repaire, il organisa la suite des opérations. L’échiquier était sur la table et Jones avait pris de sérieuses options sur la victoire. Il avançait prudemment ses pions sur le damier tout en prenant un soin particulier à couvrir ses arrières. C’était dans ces moments de solitude, seul avec lui-même, qu’il concoctait les plans les plus rocambolesques et les plus efficients qui soient. Monter une stratégie pouvait se comparer à la construction d’un édifice, l’instigateur devait partir d’une base qui servirait de fondations, sur laquelle à force d’efforts et d’expérience il construit une structure. Le bâtiment doit cependant être doté de poutres porteuses qui soutiennent l’architecture en cas d’imprévus. Cette absence continue de nouvelles du Pingouin ne laissait présager rien de bon pour Jones. Bien au contraire, plus elle se prolongeait, plus l’incertitude et le doute d’une trahison s’immisçait dans son esprit. Les probabilités étaient grandes et ce risque potentiel n’était pas à négliger dans sa stratégie. Le Pingouin ne raisonnait uniquement que par l’aspect lucratif que pouvait lui rapporter une affaire, il n’avait que faire d’œuvrer avec tel ou tel magouilleur, ils se valaient tous à ses yeux. Le Pingouin semblait cependant avoir omis un principe essentiel, l’avarice était son seul moteur d’existence et on sait tous qu’à un moment à un autre, on pêche par ce vice qui nous est propre. Wilkins avait les moyens de faire miroiter une véritable fortune au Pingouin qui retournerait sa veste sans crier gare. Jones connaissait cet aveuglement pour le billet vert et comptait bien en tirer parti. Soudain, le den den mushi posé sur sa longue table cirée retentit dans la pièce. Il s’agissait de la ligne sécurisée, il était sans doute question d’un appel crucial.

        « Ici Croc, je suis planqué dans les fourrées à proximité de la demeure de notre pote Wilkins. Conformément à tes attentes, je t’appelle pour te donner du nouveau. Cette raclure de Wilkins vient de recevoir à l’instant ton confrère le Pingouin, ils viennent de rentrer dans une arrière salle derrière les pêcheries. Ils semblent être sur la même longueur d’onde apparemment. »

        « Essaye de te rapprocher et de savoir ce qu’il en est, Croc. A l’heure actuelle, ta dette n’est toujours pas effacée. Ramène-moi l’enregistrement audio de leur conversation. »

        Il raccrocha fermement le den den mushi et continua à vaquer à ses occupations. Pendant la durée de l’appel, l’un des loubards de Jones chargé sa protection lui avait fait apporter la gazette d’aujourd’hui. La lecture de cette feuille de chou le mit hors de lui, un article entier figurait sur les « activités florissantes de Wilkins le pêcheur », ce constat renforça encore plus sa hargne à se débarrasser de ces concurrents désormais plus que gênants. Il s’alluma un de ses meilleurs cigares pour se calmer quant à ce bref saut d’humeur, fit appeler des conseillers de confiance et examina avec eux une nouvelle fois la situation. Après plusieurs heures de discussions effrénées, Jones en vint à la conclusion qu’il devait profiter de cet opportunité pour les faire périr au fond du fleuve. Il ne pouvait y avoir qu’un seul parrain de la pègre à Luvneel et celui-ci devait impérativement se dénommer Sharp Jones. L’histoire ne retient que les gagnants et si Jones voulait marquer de son empreinte, il devait frapper fort. Bientôt, comme il le supposait, il reçut la visite de Croc dans son repaire « le status duo ». Il avait essuyé une course poursuite avec les hommes de main de Wilkins et était parvenu loin sans mal à se dérober à leur vigilance.

        « Ca a pas été une mince affaire, bordel. C’est qu’ils étaient lourdement armés ces bougres. J’ai bien cru que j’allais y passer. Je me frotterai plus à cette enfoiré de Wilkins, j’ai compris la lecon. Toute leur discussion est sur la casette en tout cas. On est quitte désormais Jones. »



        Dernière édition par Sharp Jones le Dim 29 Avr 2012, 11:35, édité 1 fois
          Croc balança nonchalamment le film sur le coin de la table, estimant qu’il s’était acquitté de sa part du contrat. Puis d’un banal signe de geste signifiant un gros ras le bol, il se dirigea vers la porte et tenta d’ouvrir la porte sans succès. Il comprit aussitôt que Jones l’avait bel et bien berné et s’était joué de lui depuis le début. Il resta silencieux, face à la porte, comme si il acceptait le triste sort macabre que lui réservait son interlocuteur. Jones avait obtenu précisément ce qu’il attendait de Croc, il l’avait pressé tel un citron pour en extraire la substantifique moelle, l’essence nécessaire à la concrétisation de son plan. Croc n’était plus qu’une gêne embarrassante, un résidu de déchet, un obstacle qui en savait bien trop sur les activités de Jones. Il était temps de le réduire au silence une bonne fois pour toutes et éviter que sa langue ne se délie malencontreusement au détour d’une discussion inopiné.

          « Je ne t’ai jamais confiance Jones…j’aurais dû m’en tenir à mon premier sentiment. Sale vermine. On peut peut-être monnayer Jones héhé. Il paraîtrait que le Wilkins ait déniché un véritable trésor. Il s’agirait d’un fruit du démon au détour d’un marché sordide réalisé avec un gradé de la marine. Il compte le mettre en sureté dans la chambre forte de L’iceberg Lounge et… »

          « Comment pouvais tu croire que je te laisserais sain et sauf Croc, je ne laisse jamais de témoins derrière moi, c’est un credo que je respecte en toutes circonstances. D’ailleurs Croc, je n’ai pas manqué à ma parole, nous somme bel et bien quitte cependant rien ne m’empêche présentement de te descendre froidement. Chose que je ne ferai sans doute pas... »

          3 balles vinrent percer d’abord la porte, traversèrent la pièce en diagonale puis perforèrent le thorax de ce cher Croc. Un tir groupé qui ne laissait pas l’ombre d’une chance à leur destinataire qui s’effondra brusquement en suffocant, balbutiant quelques paroles presque inaudibles pour Jones.

          « …moi-même »

          « Po…pourquoi Jones ? »

          « Je n’ai jamais eu confiance dans les hurluberlus de ton espèces. T’es de la même espèce que ces salopards que tu traquais, tu n’as pas aucune fierté. Ces seuls motifs ont suffit à ce que mes hommes de main passent à l’acte. Hey Croc, n’en fais pas une affaire personnelle hein, ta gueule me revient pas, c’tout. »

          Son âme s’en était allé et Jones fit évacuer le corps avant qu’une épaisse flaque d’hémoglobine vienne marquer son parquet d’époque. Il n’était pas question que le sang de ce sagouin vienne souiller la demeure de Sharp Jones, c’était même purement inconcevable. Le macchabé fut transporté rapidement et balancé dans le fleuve à l’abri des regards indiscrets. Jones s’empara du microfilm laissé par Croc et s’empressa de l’installer dans le visio den den mushi pour une diffusion immédiate.
          Extrait de la communication entre Wilkins et le Pingouin.

          « Peach Wilkins, je suppose ?! Je n’ai pas besoin de nous présenter, je suppose que vous nous connaissez déjà. Je sais ce que vous vous dites mais il n’en est rien, je suis venu ici en terrain de paix et comme guise de cadeau d’affaires, je vous ai apporté une bonne niaule. »

          « Qu’est-ce que tu viens marcher sur mes plates-bandes Pingouin ? Je suis déjà au courant de ton petit traquenard avec Jones. J’ai moi aussi des sources fiables dans le milieu. Tu as beau être un riche homme d’affaires mais rien ne m’empêcherait à l’instant présent de te liquider dans cette usine devant tout ce beau monde sans que je sois inquiété de poursuites judicaires. Donne-moi une unique bonne raison de ne pas te supprimer. »

          « Jones n’est qu’un idiot, je l’ai embobiné pertinemment dans cette affaire en sachant éperdument que tu serais mis au courant. Je suis encore le Pingouin et moi aussi, je bénéficie de bonnes sources, Wilkins. Je te propose un marché bien plus avantageux pour toi et moi. On fait abattre Jones et on se répartit les profits 50-50. Il constitue ton premier concurrent ainsi que le mien. C’est un marché en or et qui plus est, on bénéficie de l’effet de surprise »

          « D’accord j’en suis mais on fait selon mes règles. D’abord…. »

          Des interférences vinrent se superposer à l’enregistrement originel si bien que la suite du microfilm restait inexploitable. Ce Pingouin n’avait vraiment aucune manière, c’était un vrai rat, il refilait à Wilkins la même bouteille que Jones lui avait précédemment offerte. Cette pellicule venait confirmer les maigres incertitudes de Jones. Le Pingouin n’avait pas hésité une seule seconde à trahir son collègue comme le laissait présupposer son caractère insidieux. L’effet de surprise hein ? Nous verrons qui rira bien le dernier, le Pingouin allait être floué et il en aurait pour son argent, tel serait pris qui croyait prendre. Sharp Jones ne naviguait désormais plus en eaux troubles, il connaissait dorénavant les dangers de cette mer agité et la force des bourrasques de vent auquel il s’exposait. Cette étape était indubitable et Jones devait reconnaître que Croc avait admirablement réalisé la tâche qui lui incombait. Cette question de fruit du démon intriguait profondément Jones, s’agissait t-il d’une imposture que Croc avait essayé de monnayer avant de mourir ? Se pouvait t-il qu’il dise vrai et auquel cas de quel type de fruit du démon pouvait s’il s’agir ? Autant de questions sans réponses qui laissaient notre homme particulièrement perplexe. C’était une nouvelle variable à prendre en compte dans la constitution de son plan et il était nécessaire avant tout d’élucider ce mystère et d’en vérifier la véracité. Par ailleurs, ces grésillements lui restaient sur la conscience et incommodaient pleinement notre truand, il aurait bien voulu connaître la suite de cette conversation riche en informations précieuses et sensibles. La mort de Croc ne l’arrangeait plus tant que ca au final même si le bougre avait bien mérité son sort.
          Il fallait désormais tabler sur l’appel du Pingouin pour anticiper le prochain mouvement de l’adversaire. Cet appel crucial allait lui permettre de comprendre comment ses opposants avaient goupillés leur petite affaire. Jones était préalablement persuadé qu’il faudrait jouer finement. Bientôt la communication tant attendu se manifesta enfin, Jones décrocha tranquillement le combiné.

          « Jones mon ami, Ici le Pingouin. J’ai approché comme convenu ce cher Wilkins, il est dur en affaire mais je suis parvenu à un accord avec lui. Il a accepté notre petite entrevue à L’iceberg Lounge dans 2 jours. Je m’occuperai de lui concocter une soirée en grande pompe pour mieux l’amadouer. Il ne s’est pas montré méfiant du tout, le courant est bien passé. Vous êtes dorénavant informés Jones. On se voit dans 2 jours à 20H à L’icerberg Lounge.»

          Il raccrocha aussitôt. Alea jacta est…les dés en étaient jetés

            48 H le séparait du cocktail fomenté par le Pingouin et son nouveau comparse, 48 H pour mettre sur pied une alternative bien ficelée et prendre au piège ces deux vautours. Le délai était éminemment court pour attenter toute action et Jones devait se mobiliser dés maintenant si il espérait pouvoir concrétiser son dessein final. En ce qui concerne la question de l’existence du fruit du démon, Jones prit ses distances avec cette hypothèse et envoya quelque uns de ces hommes à la pêche aux infos du côté de chez Wilkins. Jones restait dubitatif, se pouvait t-il que Wilkins ait intentionnellement fait courir cette rumeur afin d’intimider Jones ? Rien n’était si sûr si bien que Jones passa la nuit entière à fomenter de multiples plans d’action en tâchant de prendre en compte ce paramètre incertain. L’insomnie a du bon parfois, surtout lorsqu’on s’avère être un malfrat influent dont la paranoïa contraint à toujours dormir avec un flingue sous l’oreiller. C’était devenu son quotidien depuis bien longtemps, lorsqu’un homme accède à un poste convoité, il devient la cible de jalousies et de haines à son égard, il lui importe de se débarrasser de ces menaces potentielles et de conserver son influence. Bientôt, Sharp Jones convoqua ses meilleurs hommes pour leur exposer le contexte et leur signifier qu’ils l’accompagneraient à L’iceberg Lounge.

            "Je veux connaître tous les antécédents, leurs implications dans les trafics, leurs liens humains, leurs traits comportementaux, la facon dont ils boivent leur café. Demerdez-vous, on fera un topo détaillé ce soir."

            Les hommes de main se mirent bientôt en mouvement pour collecter les informations réclamés par le grand patron. Ils savaient qu’ils devaient impérativement revenir avec quelque chose à lui mettre sous la dent s’ils ne voulaient pas risquer une mort prématurée. Le patron ne déconnait pas et mieux valait qu’ils en soient conscients. Jones était loin d’être doux avec ses hommes, ils les menaient d’une main de fer intransigeante, il les dirigeait par l’avarice et la crainte de se voir refroidir, eux et leurs familles, au détour d’une ruelle sinueuse. Ces hommes là savaient ce qui les attendait en s’engageant au service de ce ripou, les règles du jeu n’étaient un secret pour personne. Jones attendait patiemment devant le sublime panorama qui se dressait à l’horizon. Le soleil dans son inexorable ascension embrasait le ciel et illuminait la cité de tous parts. L’homme tenait une nouvelle fois un cigare qu’il avait « emprunté « à Croc avant de mourir. Le cigare, importé de South Blue, lui laissait un goût sirupeux dans la bouche. Encore un de ces cigares contrefaits bon marché, roulé par je ne sais quel incompétent du milieu. Il n’y a pas à dire, Jones ne jurait que par les cigares Sea Wofls et dieu sait que ces cigares là ont reçu sa bénédiction avant l’humanité toute entière. Leur goût incomparable n’avait aucune commune mesure avec ce goût pâteux qui avait désormais envahi sa bouche. Il lança à terre le cigare âcre et l’écrasa du bout du pied à plusieurs reprises avant de prendre l’air sur la terrasse. Il reçut bientôt un nouvel appel de l’un de ses hommes via den den mushi interposé.

            « Patron, Ici Korb. Je suis à quelque rues du pâté de maison du repaire de Wilkins. Je suis tombé sur un truc intéressant patron, j’ai interrogé un marginal qui dit avoir vu ce cher Peach enfermer dans un coffre ce qui pouvait s’apparenter à un fruit du démon. Tenez patron, je vous le passe. »

            Le garde transmit le combiné à l’homme en question tout en lui déclarant à voix basse.

            « Allez toi, grouille toi, parle et t’avises pas de lui manquer de respect.»

            « Bo…Bonjour, vous auriez pas une tite pièce d’abord ? »

            Un léger passage à tabac s’ensuivit tandis que le vieux reprenait péniblement le den den.

            « Une chose bizarroïde de couleur rouge foncé toute ronde avec des traits fins et noir, ca ressemblait à une bombe. Wilkins l’a placé dans un coffre qu’il a verrouillé ensuite. Il a donné la consigne à ces hommes de mettre l’objet en lieu sûr à L’icerberg Lounge. C’est tout ce que je sais, je le jure»

            « Très bien, très bien…Korb ?! Tu sais ce qu’il te reste à faire, ne traine pas et oublie pas de faire le ménage. »

            Ce genre de propos laissait entendre à l’accoutumé, un assassinat de sang froid en toute discrétion. Korb ne se fit pas prier et réduisit instantanément le marginal au silence grâce à un brisement de nuque en bonne et due forme. A en croire le discours du personnage et la description qu’il fit de l’objet, la chose en question s’apparentait bel et bien à un fruit du démon. Jones connaissait les légendes urbaines sur ces fruits et comptait dans un avenir proche en faire l’acquisition. Il en connaissait aussi l’inconvénient majeur, s’il venait à le manger, il se transformerait en une ancre au contact de l’eau de mer. C’était là un défaut bien négligeable comparativement aux bienfaits procurés suite à l’ingurgitation cependant une question persistait : Que pouvaient bien être les propriétés de ce fruit du démon ? Un paramécia, un logia ? Ou peut-être un Zoan ? Peu importe Jones comptait bien s’accaparer ce fruit et s’il s’avérait inutile ou presque, il en tirerait un belle plus value sur le marché noir. Jones termina les préparatifs pour cette entrevue qui promettait d’être riche en rebondissements. Il prenait son mal en patience au fur et à mesure que les heures s’écoulaient jusqu’au moment où l’heure fatidique était arrivé. Il partit comme convenu avec ses « collaborateurs » en direction de L’icerberg Lounge. Il était temps d’amorcer le début des festivités.

              Une soirée charnière et particulièrement lucrative pour les affaires de Sharp Jones se profilait à l’horizon, la perspective de mettre la main sur un fruit du démon le rendait enthousiaste. Cette soirée mondaine n’était que le résulta d’une année riche en profits engrangés. 1623 s’était révélé être d’un bon cru, les profits officieux amassés dans les établissements du hasard étaient bien supérieures aux prévisions escomptés et l’homme avait contribué à développer unanimement la notoriété de son alias l’homme-mystère dans le royaume de Luvneel. Oui l’année écoulée avait été riche en émotions et en expérience, Jones jouissait désormais d’une position certaine dans les tripots de la capitale, ses hommes de main ne faisaient pas dans la dentelle et faisait parler la poudre lorsque le patron l’exigeait séance tenante. Il serait difficile pour ne pas dire utopique de parvenir à déloger ce requin du jeu du plaisir de ces nouveaux privilèges. Sharp Jones était un homme des plus prudents, il savait que tout pouvait basculer à la moindre piste, au moindre indice attestant qu’il trempait dans des magouilles en tout genres. L’histoire lui avait prouvé à maintes reprises que les individus insouciant et négligent avait eu affaire aux émissaires du gouvernement mondial. Jones ne voulait prendre des risques inconsidérés avant de réaliser son coup d’éclat fomenté maintenant depuis plusieurs jours. Jones avait précautionneusement mis sur pied un plan d’action ultérieure pour s’accaparer progressivement, suite à cet incident, les instances politiques et décisionnelles de l’île en vue de devenir le leader officieux de ce royaume

              Sharp Jones avait d’ores et déjà débuté son plan machiavélique en s’attirant les faveurs de certains responsables influents de l’économie grâce à des versements copieux de pots de vin. Wilkins était là lui aussi, disséminant de sa langue de vipère, le venin qui lui allait si bien. C’était un devoir pour pérenniser les activités de Jones que de se livrer à cette corruption « politiquement correcte ». Son initiative chaudement accueilli par l’administration lui permet de profiter chaque année, de quelques passe-droits notamment en ce qui concerne le passage en douane de caisses entières de vins et spiritueux à destination du marché noir de Luvneel. L’homme savait y faire et détenait pour chaque protagoniste de cette grande scène théâtrale le moyen de pression adéquate susceptible de le faire obtempérer aux attentes de l’ingénieux truand. Photos compromettantes, erreurs de parcours, penchants pour certains vices, Libertinage, les motifs ne manquaient pas pour faire valoir les opinions de Sharp Jones. L’homme restait conscient que ces petits coups de pouces ne lui servaient que de tremplins pour s’approprier le niveau hiérarchique suivant. Ces politiciens véreux n’hésiteraient pas le cas échéant, à retourner leurs vestes et se mettre à table. Jones avait monté de A à Z cette stratégie longue et laborieuse mais elle lui assurait de sérieuses marges de sécurité en cas de complications. A l’instar de toutes les soirées mondaines auxquelles il était convié, Sharp Jones passait la soirée en petit comité. Champagne baignant dans des seaux glacés, Vins millésimés, cocktails avec petites ombrelles, entremets de grande qualité et hors d’œuvre savoureux ponctuaient cette soirée illustre où les grands pontes de Luvneel étaient les hôtes

              Un musicien virtuose délectait les oreilles des hôtes charmés par ces mélodies envoûtantes. L’artiste jouait sous le joug d’un odieux chantage, sa fille avait été enlevé par les hommes de main du Pingouin lui serait rendu que s’il s’appliquait à jouer ses meilleures notes lors de cette soirée prestigieuse. Ambiance feutré, lumières tamisés et Escort girls prévues pour l’occasion réjouissaient les futurs investisseurs de projets lucratifs. Cette soirée n’avait rien d’anodin, cela s’apparentait davantage à une réunion avec ordres du jour plutôt qu’à une réception comme elle le laissait entendre. C’était là le prétexte choisi par le Pingouin pour réunir nos trois hommes. Cette entrevue maquillée permettait officiellement de faire le point sur l’année écoulé et surtout d’analyser les perspectives et choix d’actions sur l’année suivante. Ce bilan particulièrement confidentiel était réalisé à huit-clos dans une salle annexe insonorisé et à l’abri des regards indiscrets. Un cortège d’hommes de main bien entraînés encadrait la soirée ainsi que les convives et veillaient à ce qu’aucun individu malavisé fasse irruption dans la réception.
              Les trois hommes d’influences s’éclipsèrent bientôt de la salle de réception et s’enfermèrent dans la salle de réunion prévu à cet effet. Des banquettes Chesterfield en cuir rouge étaient disposées aux angles de la pièce tandis qu’une longue table en chêne vernis figurait au centre de la pièce. Les hôtes prirent place autour de celle-ci, Wilkins saisit l’occasion pour s’allumer un cigare de circonstance tandis que les deux autres sortaient de leurs vestes. Le chef de cérémonie en la personne du Pingouin débuta un bref speech d’introduction :

              « Messieurs, je suis heureux de vous accueillir en ce lieu d’histoire pour la première fois. Ce lieu où des générations de parrains de la pègre se sont succédées et ont chacun contribué à l’essor de notre notoriété et de nos actions par delà les Blues. Vous n’êtes pas sans savoir le motif qui nous a fait nous réunir en ce jour autour de cette table…»

                Ironiquement, la déclaration du Pingouin avait lancé un froid glacial dans la pièce, tous se méprisaient les uns les autres et il n’était pas bien difficile de s’en apercevoir. Wilkins restait avachi confortablement au fond de sa chaise capitonné en attendant patiemment que Sharp Jones prenne la parole. Après tout, Wilkins n’avait rien réalisé aucune démarche envers ses interlocuteurs, il se prenait pour un hôte de marque à qui on prendre soin d’exaucer le moindre de ses désirs. Aussi estima-t-il ne pas avoir à entamer la conversation. Les regards fusaient dans la salle comme si au travers de ceux-ci, on évaluait la puissance et la dangerosité de l’adversaire, cela s’apparentait surtout à de l’intimidation. Les chefs de clans doivent savoir tenir longuement des regards hostiles à ses opposants, il s’agissait d’une question de crédibilité par rapport à ses hommes. Un chef qui ne sait tenir cette pression exercée à son insu ne peut se prétendre être un véritable leader ni même un modèle à suivre pour ses propres hommes. Tous les trois l’avaient pertinemment compris et bien que Wilkins était un enfoiré de la pire espèce, il n’en restait pas moins un homme doté d’un certain code d’honneur. Cette attente interminable semblait de plus en plus s’éterniser lorsque subitement Jones prit la parole en s’adressant directement à Peach Wilkins :

                « Wilkins… j’ai n’ai pas de temps à perdre avec les fioritures et la bienséance conventionnelle de ce type de situation, le temps c’est de l’argent comme on dit héhé. Vous savez pertinemment que l’on se tire dans les jambes quotidiennement, s’accaparant l’un l’autre les gros bonnets de la drogue et des armes. On a autant à y perdre dans cette affaire imputrescible, je vous propose de conclure un marché particulièrement lucratif en vous attribuant l’exclusivité du marché de la drogue mais en contrepartie vous me concédez celui des armes. »

                « En voila une entrée en matière bien intéressante Monsieur Jones. Puisque vous semblez savoir beaucoup de choses ici-bas, vous n’êtes pas sans savoir que mes profits ont été multiplié par 200% au cours des 3 derniers mois. Autant vous dire que votre proposition bien qu’alléchante ne répond pas à mes attentes d’honoraires et que je me vois dans l’obligation de décliner malgré…toute la bonne volonté dont vous avez fait preuve. Ralliez vous plutôt à moi avant qu’il ne soit trop tard, c’est peut-être votre seule chance… »

                L’homme avait la langue bien pendue, il aimait s’écouter parler et distiller ses paroles mielleuses à ses opposants. Un orgueilleux belliqueux qui avait lui aussi étudié son affaire. Il n’était pas dupe comme le laissait supposer le sourire duplice du Pingouin. Le manchot devait lui avoir proposé beaucoup plus, une somme à 6 ou 7 zéros qui en ferait rêver plus d’un. Sous ces airs pernicieux, le Pingouin craignait profondément l’arrivée de ce nouveau concurrent dans le milieu. Et pour cause, des rumeurs un mois auparavant faisait état d’un règlement de compte à la O.K Coraal entre les hommes de Wilkins et ceux du Pingouin, la gazette de l’île avait décrit l’évènement comme une boucherie à ciel ouvert, une véritable hécatombe où les corps éventrés et inerte gisaient sur la voie publique sans que personne ne s’en inquiète. Le Pingouin craignait pour sa peau et encore plus pour l’argent qu’il laisserait après son décès. Une tension à couper au couteau avait envahi la salle, tous étaient parés depuis plusieurs minutes au moindre signe suspect. Les hommes de main eux aussi étaient prêt à déterrer la hache de guerre. Sharp Jones se leva silencieusement de son siège moelleux et se plaça dos à la table comme si ils connaissaient le sort qui lui était réservé et qu’il s’y résignait en fin de compte. Il donnait l’opportunité ces adversaires d’en finir une bonne fois pour toute, sauraient t’ils saisir cette occasion pour frapper ? Un long moment d’hésitation prit le dessus si bien que bientôt les deux hommes s’interrogeaient sur le comportement de Sharp Jones.

                « Echec et mat, bande d’abrutis. J’ai été mis au courant de votre petite magouille visant à me refroidir, c’était là une intention bien mal avisé que d’essayer de me liquider sans que je m’en aperçoive. Croc a fait un très bon boulot, il a même dépassé mes espérances. »

                L’évocation du terme « Croc » sembla réveiller les démons intérieurs de Peach Wilkins. Il n’affichait plus son sourire narquois des grands jours, ce sentiment de puissance exacerbé qu’il manifestait en permanence.

                « Que de souvenirs hein Wilkins lorsque tu as braqué la banque de Manshon en emportant le magot et en laissant derrière toi tes comparses. Rassure toi, il git six pieds sous terre désormais et… »

                Un bref silence s’ensuivit

                « Tu risques de le rejoindre. Pas un geste désormais où j’actionne cet interrupteur et je nous envoie tous au septième ciel. Le bâtiment est truffé de Semtex et de plastique localisé aux points sensibles de la structure. Le détonateur est directement calibré sur mon rythme cardiaque, si vous essayez de me supprimer, l’Iceberg Lounge fera un grand Boom que le royaume ne sera pas prêt d’oublier. »

                Wilkins ne semblait pas mordre à l’hameçon. Il apparentait ce revirement de situation à un bluff prémédité, il savait que Jones s’était montré à maintes reprises l’instigateur d’impostures et de tromperies colossales dont il avait toujours su tirer parti. Wilkins était loin d’être convaincu, Jones devait impérativement attester de la véracité de son propos, une sorte de mise en garde en somme suffirait à lui faire prendre conscience qu’il ne rigolait pas cette fois-ci. Jones balança une charge de semtex non armé aux pieds de Wilkins qui s’en empara fébrilement pour en examiner la matière.

                « A toi de voir, ca passe ou ca casse, quitte à devoir perdre mon empire, je t’emporterai dans ma tombe et ton pote le Pingouin ira lui aussi nous rejoindre en Enfer. Tu vas gentiment demander à tes lascars en uniforme de se pointer ici et de lâcher leurs armes. Il en va de même pour toi Le Pingouin. N’essayez pas de me jouer un coup de trafalgar, vous savez ce qu’ils vous en coûteraient. «


                Dernière édition par Sharp Jones le Dim 29 Avr 2012, 11:36, édité 1 fois
                  Un long moment d’hésitation s’en suivit, un instant dont la moindre seconde semblait durer une éternité. Tandis que le Pingouin faisait signe à ces hommes de montrer pâte blanche, les hommes de Wilkins se montraient moins conciliant jusqu'à ce que leur padre ne fasse signe de rémission. Les hommes de Sharp Jones ligotèrent aussitôt avec des liens renforcés tout ce beau monde avant de se diriger vers leur boss en attente d’une nouvelle prérogative. Tout semblait bel et bien marcher sur des roulettes, le plan ficelé exécuté à la lettre ne semblait pas connaître de faille. Connaissant ces deux énergumènes, ils devaient eux aussi avoir manigancé quelque chose pour tirer leur épingle du jeu. Ils s’étaient rendus bien trop gentiment si bien que Sharp Jones n’avait eu le plaisir de recourir à la force pour leur faire entendre raison.

                  « Tu t’en sortiras pas indemne Jones. Je te le dis, t’es un homme mort à l’extérieur. Autant te dire d’emblée que ce que tu fais va être lourd de conséquences pour toi…et ta famille »

                  « Épargne-moi ton inénarrable rengaine Pingouin. Mets la en veilleuse ou je fais brûler sous tes yeux tout le pactole auquel tu es si attaché héhéhé. D’ailleurs en parlant de magot, la chambre forte du building ne serait pas dans les environs par hasard ? »

                  Wilkins restait calme et silencieux, comme à son habitude, Jones savait qu’il préparait un mauvais coup et n’attendait que l’opportunité pour la mettre en action. Le Pingouin lui avala trois fois sa salive lorsque le terme « chambre-forte « fut évoqué, l’idée que Sharp Jones, puisse lui subtiliser toute sa fortune était un affront inimaginable pour un homme de son acabit. Il ne lâcherait rien, ni son emplacement, ni même la combinaison du coffre, du moins c’est ce que sa conscience lui disait. Jones savait qu’il ne devait pas traîner, les hôtes commenceraient à s’inquiéter si leur maître de cérémonie ne revenait pas prendre part au cocktail. Il lui fallait trouver un moyen expéditif d’obtenir ces informations…la torture a de maintes occasions délier les langues les plus silencieuses.

                  « Je savais que tu réagirais comme ca Pingouin. Je voulais éviter d’avoir à me salir les mains et surtout épargner cette pièce sublime mais tu ne me laisses pas le choix. T’es tellement prévisible, mon pauvre vieux. Vous deux, Mettez en joug Wilkins, la gueule de ce mec me revient pas.»

                  Un claquement de doigt s’ensuivit, donnait le signal convenu à l’un de ses sbires qui sortit d’une valise opaque un attirail complet d’outils de torture en tous genres.

                  « Tu sais ce qu’on dit dans ces cas-là Pingouin mais bon je t’épargne le verbiage habituel. Commençons à présent. Tenez le bien ! »

                  Les hommes de main saisirent brutalement le multimillionnaire et le forcèrent à poser sa main droite sur la table avant que l’un d’eux ne sorte une pince articulée à moitié rouillé sur laquelle figurait encore du sang séché.

                  « C’est ta main de jeu n’est ce pas ? Ce serait dommage de devoir l’amputer de phalanges mécaniques. Je vais être clair, la localisation de la chambre forte ? »

                  Il se heurta à nouveau à un silence. L’un des hommes bâillonna le Pingouin tandis que l’autre saisit aussitôt l’ongle de l’annulaire du Pingouin dans l’espace séparant les deux extrémités de la pince. Il commença à tordre l’ongle violemment, occasionnant le braillement de ce manchot engoncé dans son costume. Les deux hommes finirent par lui arracher l’ongle ensanglanté et le déposèrent devant ses yeux sur la table. Bien que le Pingouin éprouvait une douleur inhumaine, il était déterminé à ne pas lâcher le morceau.

                  « C’est que tu as de la volonté, enfoiré. Allez crache le morceau. On n’est qu’au premier doigt là, il en reste 9, le jeu en vaut vraiment la chandelle selon toi ? Ah oui j’oubliais, les gars… »

                  L’un des hommes lui procura sur l’instant du sel concentré. Sharp Jones saisit violemment le doigt sanguinolent et l’étreint de toutes ses forces puis il déposa abondamment du sel sur la blessure ouverte tout en maintenant fermement l’auriculaire. La souffrance subit s’en voyait démultiplier, c’était là un odieux stratagème que d’utiliser les propriétés du sel pour ce genre d’exaction cependant il faisait ses preuves une nouvelle fois. Le Pingouin, larmoyant, céda enfin au supplice et révéla à son interlocuteur l’emplacement de la chambre-forte.

                  « Au deuxième sous-sol, au fond de la pièce se trouve un interrupteur derrière une étagère qui te dévoilera la pièce. La combinaison est 21 à droite, 9 à gauche, 14 à droite et 19 à gauche. Maintenant cours et cache-toi, cours et cache-toi parce que si je te chope dehors, l’enfer lui-même ne sera pas assez bon pour t’accueillir. »

                  « En parlant d’enfer, tu lui passeras le bonjour de ma part. Ordure »

                  Jones exécuta sans sourciller le Pingouin d’une balle en plein cœur. Cette pourriture devait passer l’arme à gauche, il ne pouvait en être autrement. Cet assassinat en règle précéda l’exécution consécutive des hommes de main du Pingouin figurant dans la pièce. Mangé ou être mangé, le Pingouin avait appris cette règle à ses dépens aujourd’hui.

                    Le ton était donné, Wilkins savait désormais à quoi s’attendre s’il venait à vouloir jouer les héros. Abattre froidement était un usage courant dans le milieu, Wilkins n’en était pas plus choqué que ca, il avait lui aussi ses propres pratiques criminelles pour résoudre un problème trop gênant. Les hommes de Jones superposèrent en un tas tous les macchabés inertes en ayant pris soin de vider leurs poches pour récupérer biens et objets de valeurs notoires. Tandis que les corps inertes commençaient à dégager une odeur particulièrement embarrassante, Jones sortit de l’un de ses poches le plan du bâtiment avec les étages souterrains. Jones se remerciait d’avoir versé régulièrement des pots de vins à ses indics dans l’administration, ils savent se montrer utile le moment venu et rendre la pareille à leur généreux donateur. Le deuxième sous-sol était juste en dessous la pièce dans laquelle ils se situaient, l’épaisseur du sol bien trop importante n’offrait que peu d’alternatives, une explosion bien qu’efficace les ferait immédiatement repéré par les invités et le perçage du sol était bien trop long en raison de la densité du matériau utilisé pour sa construction. Ils n’avaient d’autre choix que d’emprunter l’escalier de service prévu à cet effet. Avant de s’éclipser de la pièce, il ordonna à ses hommes d’emmener le cadavre du Pingouin dans leur petite excursion, le personnage, même décédé, pourrait peut-être encore servir leurs intérêts. Par ailleurs, il fit couper les têtes des différents macchabés, lesquelles furent emmenés dans un grand sac noir puis Il alluma son briquet et mit feu aux dépouilles inanimés et se dirigea en direction du second sous-sol. Il était pertinemment conscient que ce feu viendrait à dégager d’épaisses fumées qui à terme mettraient la puce à l’oreille aux hôtes mais il prenait le risque, le délai de propagation des flammes lui laissaient aisément le temps de se rendre en contrebas et d’empocher le pactole. Sharp Jones et ses hommes pénétrèrent bientôt le seuil du second sous-sol, la salle s’apparentait à une vaste chambre froide dont la température semblait être régulée par un thermostat central. La température ambiante glaciale était bien à l’aune des délires déments du défunt Pingouin, l’intérêt de transformer une chambre forte en chambre froide constituait en soi une bon moyen de défense et le Pingouin avait dû en arrêter plus d’un alors qui touchait presque au but. L’étagère mentionnée par le Pingouin était au fond de la salle. Des squelettes gelés aux quatre coins de la pièce représentaient les malheureux qui avaient cru pouvoir s’approprier les richesses de ce feu-homme sans scrupules.

                    « Il fait un froid de Pingouin n’est ce pas ? Haha. Wilkins tu vas nous servir d’éclaireur vieille raclure, t’ouvres la marche ou tu crèves. »

                    Wilkins avança prudemment sur le sol congelé suivit de très près par Jones et sa bande. Ils se rendirent bientôt compte que le Pingouin avait dissimulé de profondes crevasses sous le manteau de glace recouvrant la pièce. Wilkins avait la chance de son côté, il avait évité de peu à maintes reprises des chutes fatales, il faisait office de bouclier humain qui de par ses déplacements pouvait prévenir des pièges et autres dangers installés dans la pièce. Ils arrivèrent bientôt à la façade gigantesque du coffre-fort, un piège à loup se déclencha et se referma sur la jambe de Wilkins. Jones rentra progressivement la combinaison énoncé par le Pingouin et parvint à ouvrir enfin la lourde porte d’acier. Des valises entières de billets étaient disposés sur des étagères tandis qu’au fond des liasses avaient été triés sans êtres rangés.

                    « Embarquez moi tout ca, on n’a pas de temps à perdre héhé. Alors Wilkins ou as-tu laissé ce fameux présent dont Croc m’a parlé, voyons voyons… passez moi le coffre au peigne fin et trouvez moi ce Fruit du démon bordel. «

                    Le gel permanent de la salle avait peu à peu rongé les liens qui retenaient Wilkins prisonnier si bien qu’il put profiter d’un instant d’inattention pour enfermer Jones et ses hommes dans le coffre-fort.

                    « Au final c’est moi qui l’emporte Jones hahaha. Je te remercie d’avoir liquidé le Pingouin, j’ai pas eu à le faire. Cet idiot n’était qu’un pion que je manipulais à ma guise. Espèce d’enfoiré tu vas crever dans cette de glace mais je vais être magnanime, j’ai bel et bien caché le fruit du démon dans le coffre mais je te préviens, je ne sais pas quel attribut il te conférera mais tu ne sortiras jamais de ce coffre hahaha. »

                    *Bordel ce Wilkins, je savais bien qu’il manigançait quelque chose.*

                    Le froid persistant commençait à faire apparaitre des gelures sur les corps transi de Jones et ses hommes. Ils ne pouvaient pas s’éterniser dans la pièce faute de quoi ils succomberaient au sommeil et périraient en rejoignant Morphée. Ils se mirent à fouiller le coffre de fond en comble sans trouver la moindre trace du fruit. Chaque effort réalisé réduisait inéluctablement leur énergie et leurs espoirs d’en ressortir indemne. Plus le temps passait, plus leurs chances de sortir de cet enfer s’amenuisait. Le général hiver continuait son travail macabre, causant la démence de certains des hommes de Jones qui préférèrent se donner la mort plutôt que de succomber paisiblement à cette souffrance latente. Les autres récupéraient, tremblotant, les vêtements des défunts pour les revêtir à leur tour. A l’extérieur du coffre, Wilkins et sa bande attendait patiemment que Jones rende l’âme à son tour pour s’emparer de la fortune du Pingouin.

                    « Alors Jones, la température ambiante te convient ? Vois tu, j’ai descendu d’avantage la température de la pièce pour t’accorder une mort douce et langoureuse, je n’aurai plus qu’a prendre ta tête par la suite comme tu l’as fais en la personne du Pingouin héhé. »

                    Dans un élan de folie, Jones dégaina son arme et tira dans tous les sens, son corps ravagé par le froid lui faisait perdre sa lucidité et le discours proféré par Wilkins était loin d’arranger la donne. Il rampa péniblement encore et encore et alors qu’il allait se suicider avec la dernière balle du barillet, il dénicha un coffre recouvert de glace dans l’un des recoins. Il utilisa sa dernière balle pour en faire sauter le cadenas et découvrit le contenu inespéré. Il s’agissait du fruit du démon en forme de bombe comme l’avait précisément décrit Croc. Il n’avait pour ainsi dire plus rien à perdre, c’était sa dernière chance de sortir de ce bourbier sibérien.
                      Le froid avait eu raison de la peau de son faciès, elle partait en lambeaux de chair au gré du vent si bien qu’il ne transparaissait désormais que le crâne de Sharp Jones. Il ingurgita laborieusement le fameux met et n’eut présentement aucune réaction ou sensation insolites. Il savait que Wilkins allait le laisser moisir ici-bas, il était de la même trempe que Jones, porter assistance n’était pas dans ses mœurs. Jones se résolut à mourir dans cette pièce, il avait déjà perdu toute la peau qui lui donnait encore une apparence humaine, il n’avait pour ainsi dire plus que son honneur à conserver. Il s’affaissa contre la paroi gelée et tandis qu’il commençait à s’endormir, une réaction se produisit à l’intérieur de son corps. C’était là une perception indéfinissable, un déchainement, une explosion intérieure s’emparait de son corps comme si l’être se voyait accueillir un nouvel hôte, l’homme comprit aussitôt qu’il s’agissait du démon relié au fruit qu’il venait d’ingurgiter. Il se releva silencieusement, s’apercevant des nouvelles propriétés dont son corps jouissait. De l’autre côté de la porte, Wilkins et sa bande ricanait grassement et avait même improvisé une partie de cartes sur un tonneau. Ils n’allaient pas être déçus du voyage, les bougres ! Jones apposa sa main sur la lourde porte d’acier et la fit littéralement voler en éclat à la grande stupéfaction de Wilkins et ses hommes. La propulsion de la porte vint emporter dans sa course trois hommes et fit émerger d’épaisses fumées noires. Quelque chose avait changé dans la personnalité de Jones, il possédait un tempérament encore plus noir que celui qu’il avait auparavant, il était temps d’inverser la donne. Wilkins découvrit avec effroi le nouveau visage de son opposant, un sentiment d’effroi instinctivement en lui tandis que ces hommes prenaient la poudre d’escampette.

                      « Wilkins…il est temps de payer ta dette…Hahahaha. »

                      Sharp Jones s’approcha progressivement de son adversaire épouvanté et le saisit vigoureusement à la gorge en appliquant une pression continue sur la trachée. L’homme consterné hurlait de toutes ses forces, ordonnant à ses hommes de venir lui porter secours contre ce squelette d’outre tombe. Les hommes de main n’étaient pas mieux lotis que leur leader et aucun ne voulait apparemment en découdre avec Sharp Jones. Jones renforça bientôt son étreinte et déclara :

                      « Say Good night to the bad guy »

                      Le corps de Wilkins explosa en mille morceaux, les extrémités du corps furent éparpillés aux quatre coins de la pièce tandis que les organes explosés gisaient sur ce qui semblait être le crâne du cadavre de Wilkins. Cette explosion sema un vent de terreur dans le building et les sbires, pris de panique, s’enfuirent de la salle des coffres. Ils allaient incessamment sous peu prévenir les hôtes et revenir avec des renforts. Il était temps de s’éclipser, il accapara au passage les valises bourrées de berry et fit une nouvelle fois exploser l’une des parois d’acier qui bordait la pièce. Les fumées se dissipant firent apparaître l’une des canalisations du système thermal de la pièce. Jones s’engouffra dans le conduit, suivit cet itinéraire précaire et parvint après une vingtaine de minutes à regagner les égouts de la ville.