- Inu Town. Plus que son marché aux légumes ou son nombre insolite de tavernes, la petite ville est surtout connue pour les stations thermales inhérentes à la cité. Nombreux étaient les badauds qui venaient des quatre coins des grandes mers, ce afin de satisfaire leurs envies de relaxation et leurs autres plaisirs les plus secrets. Parmi eux, un jeune membre du corps de la mouette. Fier de ses récentes opérations et de ses interventions couronnées de succès, Mana s'était vu offert une semaine de permission qu'il comptait passer à glaner çà et là des pièces aux passants. En effet, il avait eu l'occasion de contacter le gérant d'un établissement de bonne réputation, et l'avait convaincu de l'engager pour la semaine à jouer du violon. Lucratif et ludique, tout ce qu'il aimait. C'était alors à son tour de conquérir les publics comme tout bon musicien savait le faire...
La journée en elle-même fut ponctuée de quelques promenades. N'ayant jamais posé les pieds sur cette île auparavant, le blondin eut en effet un total loisir à vagabonder sur les plages de sable fin. Se ressourcer, faire des rencontres et éventuellement contracter des dettes et faire preuve de talent aux tables de jeu. Rien de mieux que cette unité de la marine, cette même qui permettait certains écarts de conduite tant qu'ils n'excédaient en rien les mœurs locales. Une chose qu'il prenait particulièrement à cœur, bien qu'il agissait de façon quelque peu timorée, de peur que son attitude soit jugée irresponsable et que ses quelques plaisirs lui soient retirés. Ainsi, il avait eu le temps de rentrer dans le vif du sujet avec son futur employeur de la semaine.
Ce dernier restait néanmoins sceptique vis à vis des talents artistiques du jeune homme, aussi celui-ci le convainc en se permettant de jouer en pleine journée, là où son contrat stipulait qu'il ne jouait que le soir. Devant le regard légèrement agacé du vieil homme bourru, Mana se saisit alors de son violon favori avant de s'installer sur une chaise. Il intima au barman de se taire et d'écouter, cherchant dans sa mémoire le morceau qu'il pourrait bien interpréter. Peut être allait-il mélanger les genres finalement...
Lentement, avec une infinie finesse, il commença à jouer, faisant s'élever les notes au fur et à mesure de ses mouvements d'archet. Peu à peu, la mélancolie que dégageait la mélodie se changea en une immensité verte. Une brise légère soufflait, balayant les émotions les plus viles alors que deux amants marchaient au travers de ce champ, parsemé de jonquilles luisantes et de roses émancipées de leurs épines. Main dans la main, tout deux le regard posé sur l'autre, une atmosphère de douce tristesse emplissait adagio leur cœur et leur esprit. Devant eux s'étendait une mer couverte de bruine, annonciatrice d'un mauvais temps pour leur couple. Cependant, ils faisaient face, l'une fermant les yeux avant de poser sa tête sur l'épaule de son amant, l'autre étreignant doucement sa chère et tendre avant de déposer ses lèvres sur sa tête. C'était sans doutes leur dernier jour passé ensemble, avant que le destin ne les rattrape. Des amours profonds séparés par les caprices du temps et de la fatalité.
Mana ouvrit les yeux, continuant de jouer alors qu'il toisait les clients de l'auberge. Ces derniers, quelque peu étonnés de voir se produire pareil musicien, s'étaient laissés entraînés dans cette représentation. Le blondin crut voir par ailleurs perler quelques larmes chez les âmes les plus sensibles, bien que la chose fut en soi tout à fait normale, étant l'effet escompté. Il se tourna alors vers le barman, qui ne semblait plus maintenir son scepticisme quant au talent du jeune homme. Cependant, il était clair qu'il espérait ne pas voir ses clients pleurer et sombrer dans l'alcool de par la musique, bien que ce soit plus un bénéfice qu'autre chose pour son établissement. Alors, les amants disparurent peu à peu dans le souffle du zéphyr, emportant par la même occasion leurs sentiments qui se dispersèrent dans l'air d'une façon telle qu'ils parurent bien plus fragile qu'auparavant. Ainsi s'achevait leur histoire, tandis qu'une autre commençait. Tout n'était finalement qu'un éternel recommencement, ou les adieux se changeaient en au revoir...
Un léger flottement suivi la fin de la langueur qu'il avait installé. Le barman s'avança vers lui pour placer quelques mots, suite à quoi Mana lui répondit que ce n'était pas terminé. Un fin sourire étira ses lèvres alors qu'il voyait les petites gens s'affairer autour de l'établissement en bons curieux. Parmi elles, le blondin eut l'occasion d'apercevoir une femme plantureuse et aux allures de pirate. Sans doutes était-elle par ailleurs de ce bord-ci ? Peu importait, il n'était pas en service et pouvait donc se permettre de jouer un morceau pour quelques personnes quémandant un peu de joie dans pareil monde. Ainsi, il fit un clin d'oeil léger à ladite femme avant de monter sur une table sous les yeux effarés des clients.
Emplie de joie et dotée d'un rythme plutôt soutenu, la mélodie qui suivit était davantage axée vers l'engouement que les gens pouvaient avoir pour la vie et ses bienfaits. Imposant le rythme en tapant légèrement du pied, Mana attendit de se faire relever par les clients enjoués pour commencer à faire son one man show. Ainsi, il tenta de mêler musique et danse, sautant çà et là avec une grâce efféminée. Par ailleurs, ses doigts dansaient sur les cordes de l'instrument dans une cavalcade endiablée, impressionnant le moindre spectateur ignare de ce dont était capable un musicien ayant un bon niveau. La musique continua ainsi quelques minutes encore, avant qu'il ne mette un terme à sa mélodie, acclamé par les quelques clients qui étaient encore sous le charme. Il adopta alors une posture hautaine et orgueilleuse au possible, alors qu'il demandait du regard au barman si le doute était encore permis. Ce dernier haussa les épaules, impuissant devant la performance du jeune homme.
Alors, Mana retomba au sol avec légèreté, s'asseyant en face de la jeune femme qu'il avait vue auparavant. Félicité par quelques unes des fréquentations de l'établissement, il sentit une vague de supériorité l'envahir. Un large sourire fendant son visage, illuminant par ailleurs ce dernier, il posa ses mains sur la table avant de fixer son interlocutrice.
« Alors, que dites-vous de ce petit interlude musical ? »