Je sais pas si ce mec le fait exprès ou si c’est juste la classe qui transpire toujours par les mêmes pores, mais il cause exactement comme moi. Je sais pas non plus si c’est encore ces putains d’agarics qu’on m’a servi et que vraiment je digère pas, mais j’ai en sus la demi-impression d’avoir une vue omnisciente de la scène, d’être en hauteur et de voir deux jumeaux se causer l’un à l’autre en essayant inconsciemment chacun de démontrer que, non, la nature n’a pas été absolument équitable dans le partage et que moi j’ai les plus grosses noix, non c’est moi ta gueule. Je dis demi parce que je suis aussi dans mon crâne à voir les infos que mon corps perçoit, et à me raidir de partout et surtout de là pour la castagne qui va péter à un moment. On annonce pas à quelqu’un qu’on bosse pour l’une des pires enflures de la grande traînée blanche dans le ciel sans prévenir son interlocuteur qu’on va chercher à lui mettre sur la gueule méchant, à proportion de la paie qu’on reçoit et des menaces en cas d’échec probablement aussi indécentes les unes que les autres.
On se fait pas non plus accompagner du pire gueulard sur pattes que la création ait osé engendrer sans s’attendre à ce que l’interlocuteur – en l’occurrence moi – qu’on vient de chauffer à coups de menaces en l’air veuille lui piler la face d’un bon coup de poulie. La poulie, c’est surtout pour le style mais aussi par souci d’efficacité. Aérodynamiquement parlant, ça me semble plus à même de faire remonter jusque dans son cervelas infâme de sale cabot ses crocs sales de vilain matou à queue de démon. Et la vérification expérimentale le démontre, j’avais raison. Haha, théorie validée !
Ben quoi, t’fais la gueule maint’nant ? Pourtant on s’entend mieux parler, non ?Ribouldingue me regarde de toute sa classe, comme si j’avais démystifié le mythe de sa relation forcément pas très orthodoxe avec cet animal. Comme s’il allait chialer aussi.
Eh, quoi ? C’parce que t’ai interrompu ? Non, le connais pas ton Saint, mais j’présume que c’est une raclure comme tous les autres, et qu’les douze enfers vont s’ouvrir sous nous ?Il sèche sa tristesse d’un mouvement de gorge témoin du ravalement de sa rage.
Le connais pas, ouais. Mais l’programme me va.Vrai, ça m’va. L’objectif premier c’est le nouveau monde, mais si on peut en plus pimenter le parcours pour le rendre intéressant, ça m’va aussi. Les autres tir’ront sans doute la gueule, mais ça m’va. Pis l’est trop tard pour l’instant pas vrai ? Le roux éploré me confirme en dégainant son sabre et son complice, un gars pas net avec une capuche et une robe de magicien dans les livres et une gueule de bon beuglard qui vaut bien son pesant de canin. Eh merde.
Soit, Tahar Tahgel ! Tu as donc signé ton arrêt de mort ! Yahaa !Wah l’autre, hé. On voit tout de suite la différence entre les deux gars. Ca, je l’aurais pas dit par contre. Un poil trop cliché. Pas forcément faux quoique je sois devenu immortel, sûrement pas même, les saints ont leurs méthodes, mais un poil trop cliché. D’ailleurs, Ribouldingue même tire la tronche en voyant la tirade de son copain. Trop la te-hon, quoi. A moins que ce soit juste le chien écrasé à côté, mais ça peut pas être que ça… Si ? Non, j’y crois pas. Non, non, n
Arf, le premier coup est tombé vite. Un coup de masse paf, sortie d’une manche un peu trop large pour contenir que de la sueur, j’aurais dû m’en douter. Dommage cela dit, grâce à bibi premier amant et empereur de la mort elle-même, ça a fait plouf. Comme les autres qui suivent, preuve qu’on apprend pas toujours de ses erreurs. Et vas-y que plouf, que plouf et que plouf. Dans mon pif, dans mes papayes, dans le dos même. La masse, le boomerang, le poing à mériquins et le poing tout court avec masse énergie dedans parce que le monsieur il a mangé beaucoup de calcium quand il était petit. Rien, nada, nib. Ca le déroute un peu, le brave homme. On le comprend, mais pas lui.
Filochard, arrête.Mais !Arrête je te dis. Ca ne sert à rien.Le digne Filochard entend enfin la chose et recule, tout penaud d’avoir été battu avant même d’avoir commencé. Et le brave Ribouldingue se recule soudain et prend son élan. Prend son élan puis arrête. Arrête puis regarde la dépouille plus trop formelle de son compagnon malencontreusement décédé. Le poilu, pas l’enrobé. Regarde puis contracte, contracte puis me fonce dessus. Comme un malade. Avec l’énergie du gars qui croit. Qui sait qu’il va toucher. Et il touche. L’empaffé. Et il touche.
En plein plexus, je vole de là à là façon coyote qui croyait manger la bête à crête mais qui en fait non.
Et pendant que je vole, j’ai l’oreille qui me fait mal.