Previously on…
La cérémonie se termine à peine que je me retire après un bref salut au parterre de supérieurs réuni pour l’occasion dans la salle de bal du QG. A peine passées les portes ouvragées du bâtiment consacré aux réceptions, j’enlève mon uniforme d’apparat, la ceinture de tissu qui tient pour cette fois mon sabre, et toutes les autres babioles qu’on ne met que pour les passages de grade et remises de médailles. Ca pèse plus lourd que d’habitude, je le sens. Incroyable la masse de métal que représentent ces machins. Ecraser sous le poids du devoir et des responsabilités, ça devait être l’idée de celui qui a pondu ces trucs… Hum, trois centaines de pas plus tard, dans mes appartements, je récupère un costume plus habituel, enfile mon manteau qui en a tant vu et que les couturières viennent de repriser, noue ma cravate rouge éternelle et chausse mes bottes de chasse, chasse à l’homme, ainsi qu’un ceinturon. Avant de ressortir illico. Direction les quais, direction le Tambour. Coryn est là droit comme un piquet trop bien planté, qui m’attend déjà. Lui ne s’est pas changé.
Tout est prêt Lieutenant ?
Oui mon Command-mon Colonel, pardon.
Pardonné, ça date de deux heures. Et aujourd’hui je suis encore Commandant. Tout, tout ?
Armes, munitions, hommes, vivres. Tout.
Bien, traînons pas.
Nous ne traînons pas. Les amarres et la passerelle sont retirées à peine j’ai posé le pied sur le pont. Ma nouvelle équipe de choc m’observe. Attend. Coryn, évidemment, tout fier d’enfin ne plus être seulement la moitié d’un vrai lieutenant et toute une basse-cour d’adjudants, sergents, caporaux et matelots de base. Deux autres lieutenants également, sur les deux autres vaisseaux qui nous accompagnent, aussi bondés d’hommes en armes que le Tambour.
Colonel ! Colonel que faites-vous ? COLONEL !
Quelque chose en cours, mon amiral.
Le haut gradé, haut même pour moi malgré la marche supplémentaire prise à l’instant, s’arrête sur le quai. Je ne descends pas, le navire ne tient au bord de la jetée que parce que les voiles ne sont pas encore sorties. Je le regarde du haut du bastingage, nous nous regardons. Il n’est pas petit malgré les quelques coudées qui nous séparent. Shiro Fuuryuko. Tahar Tahgel. Les présentations sont déjà faites, nous nous sommes côtoyés toute la cérémonie jusqu’à ce qu’il me poinçonne l’ego d’un galon de plus et m’agrémente le pourpoint d’une Hagyar et de la Gouvernementale. Il a eu le temps de se faire une opinion sur moi. Moi aussi mais moins. Je n’avais pas son dossier en tête, moi. Contre-Amiral Shiro. Sa tête me revient bien, c’est celle d’un homme qui peut. Son allure moins. Trop doux, presque effacé malgré sa puissance. Puissance sur laquelle une laisse a été mise, celle de l’amirauté, celle de Marie-Joa. Je le comprends. Un peu. Pas complètement.
Colonel, ne donnez pas cet ordre. Vous avez eu votre affectation, un autre prendra le relais…
Vous savez comme moi que je suis le mieux placé pour terminer, mon amiral. Et que c’est maint
Ce n’est pas une raison !
Que c’est maintenant ou jamais.
Les procéd… Lieutenant Coryn, ne relayez pas !
Coryn ?
… Oui mon commandant ?
Colonel !
Arrêtez-moi mon amiral. Vous le pouvez.
Même la houle sur les coques et la pierre se fait soudain silence. Résignation. A quoi bon. C’est pour le mieux. Pour le mieux ? Par réflexe, le barbu aux reflets roux recule d’un pas sans plus desserrer les dents que me quitter de ses yeux acérés.
Voiles dehors, Coryn.
Oui mon commandant.
Relais. Amplification. Signaux. Les trois grandes voiles montent à même allure, claquent et gonflent du même vent, sont suivies d’autant de focs, misaines, brigantines et artimons. Les hommes s’agitent, luttent pour ne pas mourir d’un faux mouvement comme même les plus expérimentés en commettent parfois, hurlent comme des marins en pleine manœuvre. Mais la scène se passe comme s’il n’y avait plus ni son ni mouvements brusques. Juste la mer brisée par nos étraves aiguisées comme des lames. Et bien vite l’amiral n’est plus qu’un point sombre indiscernable sur une île noire qui disparaît elle aussi depuis la poupe. Coryn relâche un peu la pression par le biais du maître d’équipage.
Devant, la tempête.
La cérémonie se termine à peine que je me retire après un bref salut au parterre de supérieurs réuni pour l’occasion dans la salle de bal du QG. A peine passées les portes ouvragées du bâtiment consacré aux réceptions, j’enlève mon uniforme d’apparat, la ceinture de tissu qui tient pour cette fois mon sabre, et toutes les autres babioles qu’on ne met que pour les passages de grade et remises de médailles. Ca pèse plus lourd que d’habitude, je le sens. Incroyable la masse de métal que représentent ces machins. Ecraser sous le poids du devoir et des responsabilités, ça devait être l’idée de celui qui a pondu ces trucs… Hum, trois centaines de pas plus tard, dans mes appartements, je récupère un costume plus habituel, enfile mon manteau qui en a tant vu et que les couturières viennent de repriser, noue ma cravate rouge éternelle et chausse mes bottes de chasse, chasse à l’homme, ainsi qu’un ceinturon. Avant de ressortir illico. Direction les quais, direction le Tambour. Coryn est là droit comme un piquet trop bien planté, qui m’attend déjà. Lui ne s’est pas changé.
Tout est prêt Lieutenant ?
Oui mon Command-mon Colonel, pardon.
Pardonné, ça date de deux heures. Et aujourd’hui je suis encore Commandant. Tout, tout ?
Armes, munitions, hommes, vivres. Tout.
Bien, traînons pas.
Nous ne traînons pas. Les amarres et la passerelle sont retirées à peine j’ai posé le pied sur le pont. Ma nouvelle équipe de choc m’observe. Attend. Coryn, évidemment, tout fier d’enfin ne plus être seulement la moitié d’un vrai lieutenant et toute une basse-cour d’adjudants, sergents, caporaux et matelots de base. Deux autres lieutenants également, sur les deux autres vaisseaux qui nous accompagnent, aussi bondés d’hommes en armes que le Tambour.
Colonel ! Colonel que faites-vous ? COLONEL !
Quelque chose en cours, mon amiral.
Le haut gradé, haut même pour moi malgré la marche supplémentaire prise à l’instant, s’arrête sur le quai. Je ne descends pas, le navire ne tient au bord de la jetée que parce que les voiles ne sont pas encore sorties. Je le regarde du haut du bastingage, nous nous regardons. Il n’est pas petit malgré les quelques coudées qui nous séparent. Shiro Fuuryuko. Tahar Tahgel. Les présentations sont déjà faites, nous nous sommes côtoyés toute la cérémonie jusqu’à ce qu’il me poinçonne l’ego d’un galon de plus et m’agrémente le pourpoint d’une Hagyar et de la Gouvernementale. Il a eu le temps de se faire une opinion sur moi. Moi aussi mais moins. Je n’avais pas son dossier en tête, moi. Contre-Amiral Shiro. Sa tête me revient bien, c’est celle d’un homme qui peut. Son allure moins. Trop doux, presque effacé malgré sa puissance. Puissance sur laquelle une laisse a été mise, celle de l’amirauté, celle de Marie-Joa. Je le comprends. Un peu. Pas complètement.
Colonel, ne donnez pas cet ordre. Vous avez eu votre affectation, un autre prendra le relais…
Vous savez comme moi que je suis le mieux placé pour terminer, mon amiral. Et que c’est maint
Ce n’est pas une raison !
Que c’est maintenant ou jamais.
Les procéd… Lieutenant Coryn, ne relayez pas !
Coryn ?
… Oui mon commandant ?
Colonel !
Arrêtez-moi mon amiral. Vous le pouvez.
Même la houle sur les coques et la pierre se fait soudain silence. Résignation. A quoi bon. C’est pour le mieux. Pour le mieux ? Par réflexe, le barbu aux reflets roux recule d’un pas sans plus desserrer les dents que me quitter de ses yeux acérés.
Voiles dehors, Coryn.
Oui mon commandant.
Relais. Amplification. Signaux. Les trois grandes voiles montent à même allure, claquent et gonflent du même vent, sont suivies d’autant de focs, misaines, brigantines et artimons. Les hommes s’agitent, luttent pour ne pas mourir d’un faux mouvement comme même les plus expérimentés en commettent parfois, hurlent comme des marins en pleine manœuvre. Mais la scène se passe comme s’il n’y avait plus ni son ni mouvements brusques. Juste la mer brisée par nos étraves aiguisées comme des lames. Et bien vite l’amiral n’est plus qu’un point sombre indiscernable sur une île noire qui disparaît elle aussi depuis la poupe. Coryn relâche un peu la pression par le biais du maître d’équipage.
Devant, la tempête.