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[P]ursuit Of Happiness.

La température était idéale, le temps parfait, l’horizon dégagé, la mer calme et Peutin Port en vue. J’estimai notre abordage à dans une heure. En bref : tout ce qu’il fallait pour retrouver le paternel tant recherché. Assise sur la planche qui me servait de siège, dans notre petite barque de fortune, Bee dormait paisiblement, ronflant presque de bonheur. Cela faisait un moment que nous n’avions pas eu la chance de passer une journée au calme et ensemble. Les évènements sur Las Camp, nos retrouvailles et les divers combats l’avaient épuisé, sans compter ces journées de séquestrations ou il n’avait guère eu la chance de trouver le sommeil : mon camarade était, lors de nos retrouvailles, au bord du Nervous Breackdown. Il profitait donc de notre escapade en mer pour se ressourcer. Je l’avais averti que notre ballade ne serait pas de tout repos, surtout si nous tombions sur l’homme que nous recherchions, et qu’il risquait d’y avoir du grabuge. Mais même avec ces avertissements, le canard dormait comme un bien heureux, pas vraiment effrayé par ce que je lui disais. La joie de m’avoir retrouvée prenait le dessus sur une quelconque crainte d’une rencontre qui pourrait mal tourner.
A vrai dire, nous allions à Peutin pour des suppositions, des « on dit », des rumeurs. Les chances pour que j’y rencontre Punk était si maigre que même moi, je n’étais pas plus inquiète que cela. Bien sûr, j’espérai, au fond, abréger au plus vite cette histoire, mais nous étions actuellement sur une piste qui ressemblait plus à un cul de sac qu’à une véritable piste. Entre espoir et frustration, j’oscillai à chaque fois : être si proche et à la fois si loin d’un objectif faisait naitre en moi des angoisses dont je n’avais pas l’expérience. Il m’était d’autant plus dur de mettre des mots dessus, de savoir comment les exprimer, de savoir les parler : que pouvait-on dire sur une fille qui retrouve son père après plus de vingt ans d’une vie de vide et qui veut lui couper la tête ? Un psychanalyste s’en arracherait les cheveux, et heureusement pour lui et pour sa tignasse, je n’avais pas encore pris l’initiative de suivre une thérapie.

Regardant les avis de recherches que j’avais en main, mes pensées allaient et venaient de fantasmes en réalité. Je m’imaginai le pire, le meilleur aussi, plus ou moins impatiente de voir ce qui pourrait véritablement arriver lorsque je le verrais pour la première fois. Qu’est-ce que je lui dirais en premier ? Aurais-je vraiment envie de lui faire la peau ? Et lui, que fera-t-il ? Me sauter à la gorge ? M’adopter ? Vouloir rattraper le temps perdu en m’offrant un poney ? Un sourire barra mon visage, tandis que mes yeux parcourraient la seconde affiche que je tenais en main.

« Les Bonnies and Clydes des temps modernes » m’avait-on dit à leurs sujets.

Bonnie, une jeune fermière à qui la vie n’a pas souri. Clyde, un gamin paumé que ses parents n’ont jamais désiré. Deux âmes perdues qui se rencontrent pour devenir des amants diaboliques, recherchés par la Marine durant plusieurs années pour les meurtres de jeunes marins et autres têtes du gouvernement, ainsi que plusieurs braquages de banque particulièrement mémorables. Deux amoureux que la folie a trouvés et que le destin a unis, pour créer l’un des cocktails les plus explosifs de leurs générations. Il fallut deux ans aux enquêteurs pour leur mettre la main dessus et leur tendre un piège, en finir radicalement avec eux. Malgré leurs désirs, Bonnie et Clyde ne furent pas enterrer l’un à côté de l’autre. Pourtant, l’image qu’il avait donné aux populations n’étaient pas la même qu’aux Marines à l’époque : Des Robins des Bois, des amants maudits. Nombres de mythes et légendes virent le jour autour d’eux, assez pour alimenter le foyer.
La comparaison était parlante, pensais-je en regarder la rouquine sur la photo. Une belle femme, à la chevelure de feu, le visage fin et les yeux d’or. « Tout le temps ensemble, inséparable. Les derniers méfaits de Punk sont faits avec Viper. Et la miss n'est pas en reste, elle est traquée par le Cipher Pol et la marine parce qu’elle a déserté et couvert un criminel ». Une femme de caractère, une femme qui ne fait que ce qu’elle veut. Un autre sourire, je ne savais pas vraiment quoi en penser. « Plus de nouvelles depuis quelques temps, mais, si vous cherchez l’un, vous pourrez certainement trouver l’autre ». C’était l’idée.

Restait à savoir sur lequel, de l’un ou de l’autre, j’allai tomber.

*

Posant pied à terre, je m’étirai. Bee sauta sur le quai en battant des ailes, piaillant à tue-tête. Les passants nous regardèrent avec le sourire, observant notre embarcation précaire. Un vieillard s’approcha vers moi, me souhaitant la bienvenue à Peutin Port. Son accueil chaleureux me laissa un arrière-gout agréable. Je m’empressai alors de lui demander ou est-ce que je pourrais avoir des informations plus ou moins importantes sur les fréquentations de l’île. Le vieillard me m’indiqua la taverne du coin, la décrivant comme l’incontournable parloir du bout de terre, le tout avec son plus beau sourire. Le remerciant, je pris le pas, Bee sur mes talons.

Il me fallut bien deux bonnes heures et demander cinq fois ma route aux passants pour trouver le bar en question. Mon sens de l’orientation remis au placard pour l’heure, j’entrai dans l’endroit qui me parut plus chaleureux que les autres bars que j’avais eu l’occasion de fréquenter jusqu’ici. Un parquet sombre recouvrait le sol, les poutres de construction étaient apparentes, les meubles en bois et le feu dans cette énorme cheminée réchauffés l’atmosphère déjà détendu. L’énorme bar offrait plusieurs spécialités du pays, ainsi que différents services, allant du simple bar en passant pour le restaurant, sans oublier les quelques chambres qu’il mettait à disposition.
Je m’approchai du comptoir, grimpant sur une chaise. Bee en fit autant. Le barman nous regarda avec un grand sourire, nous demandant notre consommation. Une bassine de flotte pour le canard avec des cacahuètes, et pour moi, un milk-shake au chocolat. J’en profitai pour glisser les affiches sur le bois du bar, les montrant à mon interlocuteur :

« Est-ce que cet Homme est sur l’île ? »

Il regarda attentivement les photos, haussant les épaules comme toutes réponses. Il se tourna, sortit un verre et prit le temps de regarder la seconde affiche. Il stoppa ses activités, prit le papier et la fixa plus attentivement. Il appela ensuite sa femme, qui sortit de la cuisine, et lui demanda de jeter un coup d’œil. La bonne-femme, les cheveux blonds et bouclés, plutôt ronde et maquillée, lui dit quelque chose que je n’entendis pas de ma position. Elle repartit dans sa cuisine et l’homme, un sourire naissant, se pencha par-dessus son bar et me murmura à l’oreille…
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Peutin Port, deux mille et trois cent treize âmes et à peu près autant de mouettes.

Un an et des patates que le destin m’a catapulté dans cette maudite banque de Goa à deux mers de là, un an et quelques de galères pour retrouver la Sublime de mes souvenirs, eh beh. Tu lui verrais sa frimousse quand j’arrive, à la vaillante goélette fendeuse des flots… Tu comprendrais la gueule que je tire, là. Les bajoues molles, le teint enfariné, les lèvres en arc de cercle du mauvais côté ; parole, c’est pas la joie sous mon casque. Et les vicissitudes du trajet depuis que j’ai quitté l’île aux esclaves et le bon Satoshi, non ça aide pas. Mais bon, ça, à la limite, une nuit dans le meilleure hôtel particulier du bled, et c’est bon, c’est passé. Mais les plaques de mousses massives au-dessus de la ligne de flottaison laissent rien présager de bon quant à ce qui se trouve sous la surface de l’eau qui dort.

Vrai, j’aurais sans doute pas été plus à la dèche si on me l’avait tirée, la galante. Le deuil aurait été amer, sûr, mais au moins j’aurais pu passer à autre chose. La remplacer par une autre. Pas avoir des scrupules à l’abandonner comme une grand-mère dans son hospice qui perd déjà ses bras de la lèpre et dont y reste plus qu’à accompagner les derniers instants… Brah, la fatigue qui parle, qui me rend sensible. Commencer par pieuter, ouais. Ensuite damer, trouver une gouttière sympa avec de l’argent de poche de son mari et où il fait bon réfléchir, et ensuite aviser pour la suite à donner à la vie. Ouais.

Allons-y par étapes. Pieuter, suffit d’un banc. Un banc, c’est pas les trucs qui manquent. Voilà, prenons celui-là. Pochetron, mon vieux pote de toutes les cités, va falloir que t’ailles cuver ailleurs.

C’est ça. Ouste. Et maintenant, fermer les yeux. Fermer les zyyyyyyy


Ca, c’est fait. Maintenant, damer. Damer, faut des gens qui savent y faire. Un troquet, c’est bien, un troquet-restau, c’est mieux encore. Apostrophons la populace, elle saura mettre sur les rails. Pardon mon brave, le restroquet le plus proche je te prie, et ton larfeuille aussi tant que tu y es. Là-bas ? Merci, tu es bien bon mon brave. Jolie besace que tu avais là, c’est tes économies ? Dommage, tiens, je te rends ce billet de dix mille, tu pourras t’acheter des jolies moufles pour pleurer. Et ça tiendra chaud à l’hiver. Pense multi-usage, oui, c’est la clef pour réussir dans la pauvreté. Ou alors durcis-toi les couilles, que tu puisses les mettre sur la table. La table… Faim… Le restroquet… Je te laisse.

Ah que coucou.

Non, je paierai pas la porte. Par contre j’ai un riche héritier qui vient de me laisser une petite fortune spécialement pour ce genre d’occasions. Voilà, ça c’est pour les gonds, ça pour le mur, mettons, et je suis généreux, et ça pour le repas à l’œil, même. Un cheval-melba je te prie, tenancier. Avec une bouteille de ton meilleur pif et un quart de tomme de chèvre, aujourd’hui c’est ceinture, si je mange trop je vais pas réussir à bosser cet aprèm. On est déjà l’aprèm ? … un cheval-melba, j’ai dit. Quoi, tu sais pas ce que c’est ? Très bien, prends note, donc :

Pour bien réussir le cheval Melba, prends un cheval. Un beau cheval. Le poil doit être lisse, c’est un signe de bonne santé. L’œil doit être vif, éveillé, et on doit y sentir ce regard indéfinissable, plein de tendresse débordante et de confiance éperdue dans l’homme dont ces cons d’animaux ne se départissent habituellement qu’aux portes des abattoirs. Donc, prends un cheval. Compte environ huit quintaux pour moi et ta semaine de desserts. Pendant qu’il cherche à enfouir son museau dans ton cou pour un câlin, fous-y un coup de burin dans la gueule. Attention. Sans le tuer complètement : le cheval, c’est comme le homard ou le bébé phoque, faut les cuire vivants, pour le jus c’est meilleur.

Oh putain. Cette voix.

Bon. Réserve les os et les intestins pour les pauvres. Débarrasse ensuite la volaille de ses poils, crinière, et de tous les parasites qui y pullulent, poux, puces, jockeys…

Oh poupée, cette putain. Des flashs, des flashs en masse. Une dent en or qui vole dans les airs.
Spoiler:
… Voilà, tout noté ?
Euh, oui madame.
Vip
Tu montes, chéri ? La commande pour ma chambre et sur ma note, chef.
Euh, bien madame.
Eh. On te donne du madame maintenant ? Ta reconversion se passe bien on dirait…
Oui, ça va très bien merci. Pas vraiment grâce à toi par contre… Le devant de la scène te manquait ?
Ca et moult autres choses, oui.
Tu aurais pu prévenir. Les femmes ?
Les femmes de prestance, disons. C’aurait été moins drôle, non ?
Sans doute. Allez, monte, l’apéritif va refroidir et la viande sera trop cuite quand on on y sera.
Tu m’attendais ?
Toi ou un autre, quelle importance ?

Pour la montée le gentilhomme empruntera l’escalier au devant de la dame, et ce afin d’éviter les situations inconvenantes… Que dalle, ouais. Le galbe de ces bottes à l’écuyère, les frottements de ce bustier de cuir. Les promesses de ce pagne qui soubresaute à chaque marche et qui à chaque marche dévoile un peu plus l’indévoilable. Oui Viper, oui ma toujours belle, d’accord. Dénoue tes cheveux comme si de rien n’était et comme si je ne voyais rien, vas-y. Et revenons donc dix ans plus tôt le temps d’une mise en bouche, et comme au bon vieux temps parlons peu parlons bien. Mais, surtout, parlons après.


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L’annonce me fit froid dans le dos. Un frisson, là, du bout de mes orteils au sommet de mon crâne qui me traversait. Le cœur qui se mit à battre si fort que j’en avais du mal à respirer. Un regard à Bee, une grande inspiration pour tenter de retrouver mes esprits, je ne m’étais pas imaginée la recherche aussi fructueuse, pas aussi vite en tous cas. Attrapant ma clef à molette, je fis un sourire au barman, lui glissant un « désolée pour la future casse ». Loin d’être pris au dépourvu, plus ou moins conscient de ma recherche, sans en savoir pour autant le quart, il haussa les épaules, pas vraiment surpris. Il devait avoir l’habitude des actions de ce genre : Dans notre monde, les tavernes et autres bars étaient un point de rencontre entre pirates, aussi l’endroit où les bastons et autres actions de dégénérés avaient généralement lieu.
De toute façon de bonne foi et prête à payer la casse, si casse il y avait, il m’indiqua d’un mouvement de tête l’escalier en colimaçon, puis leva trois doigts pour me donner le numéro de la chambre. Enième sourire, énième remerciement, je grimpai les marches quatre à quatre, prenant de plus en plus de l’élan. Les chambres étaient sur un couloir, à gauche les chiffres impairs, à droite les pairs. Le cœur battant la chamade, je pris assez d’élan pour me propulser, m’appuyant sur le mur droit pour élancer mon pied dans la porte de la chambre numéro trois, et…

BAAAAAAAAADABOUM !


« Elle est ou la grognasse ?! »

La porte sortit de ses gonds tellement mon coup de pied avait été puissant, filant droit vers un bonhomme juste devant que je ne remarquai pas dans le feu de l’action. Telle une furie, je tombai sur le sol adroitement, Bee à côté qui caquetait à ne plus avoir de souffle, les ailes ouvertes comme toutes menaces. Je balayai la salle du regard, ne remarquant que la rouquine à moitié nue, debout devant le lit, qui me regardait comme si j’étais complètement folle.

« TOI ! IL EST OU ?! »

Elle fronça un sourcil, me fixant un instant avec un dédain prononcé, moitié ennuyée, moitié amusée. Je me sentais absolument pas prise au sérieux, la faute à ma cassure chétive, mon compagnon d’aventure ou mon jeune âge. Une pointe de colère grimpa en moi, assez pour que j’en oublie que j’avais à faire à une ancienne membre du Cipher Pol, et que je me rue vers elle. La clef à Molette comme toute arme, je tentai de l’attraper de mon autre main pour la balancer sur le lit et lui porter un coup. A ma grande surprise, Viper prit l’avantage sur moi, me saisissant par le poignet pour me faire virevolter un temps avant que je n’atterrisse dans les draps déjà défait. Clairement étonnée, les yeux ronds, la demoiselle me maintint immobile en me faisant mordre le matelas.

« On parle mieux aux adultes, petite pétasse ! »

Au même moment, Bee agitait toujours les ailes et l’homme sous sa porte en sortit. Le canard regarda le nouveau protagoniste et s’arrêta un instant. Il pencha la tête sur le côté en lâchant un « kouak ? », essayant de faire le rapprochement avec la photo de Punk et sa physionomie. Après une courte réflexion, il en conclut que ce n’était pas le bon, ne cherchant pas plus loin dans sa mémoire de poisson rouge : il ne prêta plus attention à la tenue d’Adam de l’homme, et reprit son chant de menace à l’encontre de la rouquine. Moi, je poussais des cris d’énervement, la tête toujours enfoncée dans les draps, sans pouvoir voir le gus qui avait fait son apparition. De ma position, je ne savais pas du tout ce qu’il se passait, et surtout, je n’arrivai pas à m’en libérer. Il y eut un temps, avant que Viper ne décide d’habilement me retourner pour me faire face, toujours en immobilisant mes bras. Impossible de distinguer l’autre homme, même en relevant la tête. Après un vague échange de regard avec l’autre, la rouquine eut un sourire et une expression malicieuse qui ne m’annonçait rien de bon :

« Je te le rends dans deux heures, ma jolie… »

Silence. Bee lui aussi s’arrêta, pencha à nouveau la tête sur le côté avec son « kouak ? » interrogatif.

« Hein ? »

Les sourcils froncés et la lèvre légèrement relevée, il y eut comme un malaise. Son allusion semblait particulièrement mal placée, surtout en faisant les rapprochements qui devaient être faits. Avec les associations que j’avais dans ma tête, j’en conclus rapidement qu’elle pensait que j’étais une maitresse jalouse de son petit copain du moment. Sa tenue de presque-Êve me confirma ma première idée, et avec tout ce que je pouvais savoir d’autre, en envisageant que l’homme avec elle était peut être mon père, j’eus la nausée. Dégoutée et en colère, n’arrivant toujours pas à me sortir de sa prise de soumission, je tournai la tête vers Bee qui me fixait avec une tronche d’ahurie. Le rouge me montant aux joues, j’hurlai :

« Qu’est-ce que tu attends pour lui péter la gueule ?! »

Il sursauta, tourna sur lui-même en cherchant une solution à son problème, avant d’enfin réagir, se jeter par terre et faire le mort.

« MAIS SORS MOI DE LA, ESPECE D’IDIOT ! »

Nouvelle réaction, il y eut un bruit tonitruant : Bee prit sa forme d’hybride. Les lattes du plancher commencèrent dangereusement à grincer, et il heurta le plafond en essayant de se mettre debout. L’expression de Viper changea, passant de cette confiance insolente à une soudaine prise de conscience. Elle tira sur les draps, si fort que j’en tombai par terre, se rua vers la fenêtre en esquivant habilement une offensive du robot géant. Elle l’ouvrit, passa une jambe, se lova dans la couverture, avant de lâcher à son amant :

« Tu m’excuses, ça sera pour plus tard, chéri. »

Elle prit la poudre d’escampette. Moi, je me mis sur les genoux, m’aidant du lit pour me relever. Bee s’était penché vers la fenêtre pour la regarder partir.

« Ne la laisse pas filer ! »

Il me fit un signe de la main, le pouce en l’air, reprit sa forme animale et décolla immédiatement. A mon tour de vouloir partir, me remettant sur mes jambes, faisant volte-face en tombant nez-à-nez avec l’autre que j’avais presque oublié.

Et pourtant, pétrifiée en le voyant, je me disais qu’un type comme lui, c’était difficile de l’oublier.
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Peutin Port, deux mille et trois cent treize âmes, à peu près autant de mouettes, et un canard.

Et deux rouquines. Dans la même chambre. Avec moi. Cocktail détonnant dont j’aurais dû prévoir, dont j’aurais pu prévoir les conséquences si j’avais su qu’elles étaient là toutes les deux à la base, putain. Putains. Putain ! Putain de canard défonceur de porte, qui me regarde en tournant son cou avec l’air con que seules ces bestioles savent arborer sans paraître encore plus ridicules qu’elles ne le sont déjà au naturel. Quoi, tu veux mon portrait c’est ça ? Tu me remets pas peut-être ? Genre.

Bon, c’est bien elle, la môme de Bliss, me faut pas longtemps pour la remettre, miss baiser volé.

Mais merde quoi, elle aurait pu prendre un ticket, faire comme tout le monde et attendre son tour. En tout cas la journée commence fort… Ouais, elle fait que commencer la journée, je sors de ma sieste, moi. Et quand je parlais de gouttière richissime qui me permettrait de me refaire une santé mentale en dilapidant sa fortune, je pensais à une bourgeoise établie avec domaine fructueux et cave à vins remplie par le mari en voyage d’affaires, moi, pas à une ancienne espionne avec lettres de marques en vadrouille ni à une fillette rosée de frais et zoophile. Qu’est-ce qu’elle fout là, elle, d’ailleurs ?

Quand on cherche à me choper on entre pas dans une chambre au hasard et pas à mon nom en espérant m’y trouver, et surtout on beugle autre chose que "où qu’elle est la grognasse". Je suis pas une grognasse, la dernière fois elle a pas réussi à me castrer. Alors quoi, c’est Viper qu’elle voulait à la bPutain ça fait mal cette porte, et heureusement que j’étais pas dans l’autre sens au moment où… Rah, comment elle s’appelle ? C’est ça laisse-la un peu causer, chérie, ça va me revenir si j’entends sa voix… KirikHein ? Me la refiler dans deux heures ? Horf, pourquoi pas, remarque. Après le cheval melba y aurait eu surdose de protéines à évacuer…

Ah putain, et voilà que le barboteur s’y remet avec ses douze pieds de haut. Eh, tu vas lui faire sortir le canon encore ? Ca t’a pas suffi les dégâts collatéraux au chantier naval, l’autre fois ? T’es une bouchère en fait ? Marrant ça ressort pas sur ton visage…

Et en prime on se focalise pas sur la grognasse avec moi, si on veut me choper. Conclusion c’est bien après la rouquine qui pourrait être sa mère, mère précoce, bien après elle qu’elle en avait, pas moi.

Ah non mais te barre pas, chérie, on peut discutRah…

Et la voilà barrée et le moment de bon temps qu’allait avec dans la foulée… Chiérie, chérie. Et en plus il est largement à ta portée le piaf, je suis sûr. Pas parce qu’il doit peser ses deux tonnes que ça doit t’effrayer… Pour autant que je me souvienne, c’est pas mes frappes lourdes de brute épaisse qui t’avaient trop fait frémir pendant nos ébats au Baratie y a dix ans. Toute en sulfure et souplesse, que t’étais, au front comme partout. Bref, t’as dit plus tard, ce sera plus tard. Ca m’arrange, je dois dire, je me sentais pas de traverser la ville à oilpé pour tes beaux yeux, tout beaux qu’ils soient…

Bon, à nous deux Kirikou.

Voilà, ça c’est mieux, et si je cause pas comme un cocufieur honteux à sa cocufiée furieuse, peut-être que cette fois y aura bien une damnée gouge pour m’expliquer de quoi il retourne, hein ? Peut-être.

Quoi, pourquoi tu fais cette gueule d’outre ? Pourquoi t’es outrée, ouais ? Mais si, t’as le rouge aux joues jusqu’aux oreilles, crois-moi sur une diablesse à la tonsure rousse comme toi, ça se remarque, ouais… C’est pas Kirikou ton blase, c’est ça ? Non je sais bien mais j’ai que les voyelles qui me reviennent, là… Je fais ce que je peux pour resituer. –i et –ou, ouais. Pas Bidou non plus j’imagine… Pilou ? Ah, je chauffe c’est çLilou ! Voilà, c’est ça, hein, oui. Yeah, jsuis bon. Bon, scuze la méprise première, hein, c’était pas voulu je le jure ton honneur… Mais quoi ? Encore tu joues ta prude effarouchée ? Mais qu’est-ce quAh, j’y suis. Le plus simple appareil, c’est ça ? Ah. T’es mignonne va. Jamais vu un homme avant ? Toi ? Remarque, ça peut être crédible avec tes airs de pas y toucher. Ca expliquerait aussi, quelque part, le coup du pourquoi tu traînais avec une nonne à Bliss. Et le plan c’était de me violer à deux frustrées, c’est ça ? Ouais mais là tu vois t’es gentille j’en avais une, certes farouche, mais tout sauf frustrée sous la main, et c’est pas que je sois en manque mais j’aime pas trop qu’on m’escagasse mes occasions sous le nez, tu vois l’idée ?

Bon, allez, repassons le futal, ça calmera les ardeurs. T’avouerai que tu prends des risques d’ailleurs, à me toiser comme ça juste là où il faut. J’ai l’imagination fertile, moi, et si tu continues je vais me dire que ça t’impressionne et te rend chose. Si j’étais pas un gentleman et si ton canard m’avait pas refroidi les hormones, y aurait d’ailleurs ptet pas bien longtemps d’ici à ce que tu passes à la casserole à la place de l’expérimentée que tu viens de faire fuir. Deux pierres pour un oiseau, ou un truc approchant… Ton canard et le pourquoi t’es là qui me travaille.

Tu lui veux quoi, à la miss je saute du balcon tout juste vêtue d’un drap parce que je le vaux bien ?


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 22 Oct 2012 - 7:14, édité 2 fois
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« Kiri… Kou ? »

Dur de savoir ce qui se passait. Peut-être que j’étais vexée. Peut-être même que je lui en voulais de ne pas m’avoir reconnu tout de suite. Parce qu’après tout, moi, je savais qui il était. Peut-être que me voir appeler « Kirikou » par un mec à poil me plaisait pas du tout, mais alors pas du tout, du tout. Et surtout, l’écouter parler, parler, pour dire de plus en plus d’énormités qui commençaient à me dresser les cheveux sur la tête, ça pouvait m’échauffer un peu. Juste un peu. Le fait qu’il me rappelle que, Oh, bah oui, c’était bien après la rouquine que j’en avais et que… Tiens ! Cette grognasse s’était faite la malle sans dire « au revoir ». Et que, non, mon « CHERI », tu n’étais certainement pas celui qui avait plus de raisons d’être frustré. Ça, c’était frustrant. Mais ça, bien entendu, ça ne te regardait pas du tout, vu que t’étais même pas assez futé pour te souvenir de mon prénom (pourtant pas bien dur, hein) après cette merveilleuse soirée qu’on avait passé ensemble et qui m’avait couté une partie de ma dignité et causé beaucoup de soucis.
Alors forcément, le Tahar avait à peine eut le temps de se rhabiller avant que la colère n’explose enfin, à sa figure, pour bien faire et histoire qu’il ne comprenne pas trop ce qui me prenait.

« KIRIKOU ?! »

BAM ! Un premier coussin !

« MAIS TU TE FOUS DE MA GUEULE LA OU BIEN ?! »

Et l’autre ! Tu l’as pas vu venir, hein ?

« Espèce d’enfoiré ! Bordel de merde ! Me cause pas, PUTAIN ! »

Et des petites insultes pour accompagner le réveil matin.

« Pour qui tu te prends, saloperie ! T’es même pas foutu de retenir mon putain de nom et t’oses te rencarder sur ce qui s’passe ? Mais qu’est-ce que ça peut te foutre, HEIN ? »

Et tiens, la lampe dans ta gueule !

« T’es pas foutu de retenir celle qui me faut, t’es pas foutu d’être la bonne personne, t’es pas foutu d’être le bon petit copain ! JE TE DETESTE ! ALORS TIRE-TOI D’ICI AVANT QUE JE TE COLLE MON PIED DANS TA TRONCHE ! »

Quoi, t’en veux encore ? Voilà le vase à portée qu’atterrit pas bien loin de ta face parce que je vise avec les larmes aux yeux sans vraiment viser. Impossible de savoir si c’était la peur qui me tenait le ventre ou une quelconque grosse frustration qui m’empêchait de me calmer. Dans tous les cas, l’idée de lui balancer des objets de plus en plus gros me semblait plutôt bonne.
Alors, forcément, quand je constatai que ça ne servait absolument rien vu que j’étais pas foutu de viser correctement, j’entrepris de vider le tiroir de sa commode, et de continuer à lui balancer ça à travers la figure pour bien continuer ma crise. Et le caprice presque passé, en me rendant compte que j’avais quasiment utilisé tout ce qu’il y avait à côté et qui pouvait être balancé, un vague regard vers la table de chevet et une vaine tentative pour le lever à bout de bras avant de tomber à la renverse (avec le petit cri et tout) me fit comprendre que je venais d’épuiser toutes mes chances de m’enfuir. Haletante, de fureur, jetant un coup d’œil vers le Tahgel qui devait me prendre pour une parfaite tarée, je me sentais particulièrement mal barrée.

Vrai que la crise avait dut avoir un petit effet. Sans vraiment répondre à ses questions, elle mettait au moins le gus dans l’ambiance. Ambiance pas très bonne, surtout quand on commence à s’insulter et à se balancer moultes objets à la figure en imitant ces furies furieuses devant des amants un peu trop frivoles. Ce qui restait à présagé, quand l’amant frivole, c’était lui et la furie furieuse, moi, c’était que le zig allait certainement pas se laisser jeter à la figure des objets et ne rien faire, comme un grand con. Ma foi, quand on avait un gars primé en face de soi en osant lui éclater à la tronche comme une bombe de nerfs, j’imaginai qu’il fallait plus ou moins s’attendre à des représailles.
Vrai aussi que mon temps de réflexion, sous l’adrénaline, était sans doute plus rapide que sa capacité à agir. Vrai sans doute que j’envisageai la possibilité qu’il m’éclate lui aussi (à) la gueule pour à son tour passer ses nerfs parce que ça avait l’air plutôt marrant. Et vrai, surtout, que n’ayant pas trop envie de finir en pâté pour canard, j’avais quelques issus possible.

La première, la faire à la Viper et me jeter par la fenêtre. Le souci, c’était que n’ayant pas les capacités physiques de la demoiselle, j’allai me casser les deux jambes, il n’aurait plus qu’à me retrouver et finir le travail.
La deuxième, dévaler les escaliers à vitesse grand V. L’issus la plus acceptable pour avoir des chances de survivre, surtout si le zig ne me rattrapait pas.
La troisième… Lui sauter à la gorge et lui arrachait la jugulaire avec les dents. C’était, et de toute évidence, celle avec le moins de chances de réussite.

Pourtant, dans ma situation et malgré les évidences, la troisième solution me semblait la meilleure. Alors, me relevant sur mes jambes, passant à travers le lit à toute vitesse, prenant assez d’élan pour que mes quarante kilos tout mouillés lui atterrissent pile dessus, je m’accrochai à son cou, enserrai sa taille avec mes jambes et plantai mes dents dans son épaule.

Voilà, comme ça.
Et Hahaha. Tu l’as pas vu venir celle-ci, hein !


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Lun 22 Oct 2012 - 9:23, édité 1 fois
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Oh là, oh là, le tendron, on se c

On se calme plus tard, ouais. Et voilà que je reprends mon discours pour épouse en colère, moi. Epouse ? Hinhin, curieusement si je lui dis elle va mal le prendre je parie. Putain, femme, fais un effort… Nan, pas pour me toucher, non, ça me va bien que tu tapes le mur à deux pas à chaque fois... pour comprendre. Je fais quoi, moi, là ? Je te regarde pleurnicher alors que tes émois intérieurs me concernent pas et ma capacité d’empathie je te raconte pas où je l’ai enterrée y a vingt ans, je me cale dans un fauteuil en supposant que c’est pas les bons jours du mois, ou les bons au contraire, va savoir, je me dis blah blah blah ça lui passera, je fais semblant de t’écouter, t’arrêtes tes conneries, on passe aux choses sérieuses, et ? Ah ben nan, plus de fauteuil, mon plan tombe à l’eau.

Soit je vais t’écouter jusqu’au bout, à la fin te foutre une mornifle parce qu’entre toi et moi c’est à la vie à la mort comme tu le souhaites, bébé, mais que pour rendre les choses plus folles y a aussi un peu du Oh fais-moi mal, Tahy Tahy Tahy, moi j’aime l’amour qui fait boum, et puis ça va te calmer, et on pourra passer aux choses sérieuses comme dans l’enchaînement numéro un ?

Mais non je suis pas frustr

Ah ouais ? Ah ouais ?! Toi tu me sautes dessus carrément, t’en as pas eu assez peut-être ? Tu veux vraiment monter au septième ciel direct pour atterrir encore plus mal dans la rue, direct aussi ? C’est ça que tu veux ? C’est ça que tu veux vraiment ? Attention hein parce que la gifle elle peut part

Oups. Tu vas bien poupée ?

Je suis confus, terriblement confus. T’as dû appuyer sur le mauvais ganglion en mordant, j’ai eu le mauvais réflexe en retour, et fatalement… Oui, oui, en plus j’étais en train de prévenir alors ça me met mal à l’aise un peu, je t’ai même pas laissé le temps de te retourner, de juger des conséquences de ton action, et toi voilà, maintenant t’es encore encastrée dans les restes du lit où la Viper t’avait déjà enfoncée ton doux visage poupon y a pas deux instants, et je sens aux petits frémissements de ton postérieur tendu dans cette pose si suggestive que je te raconte pas les images qui me viennent, que tu vas encore vouloir m’exploser des lampes à la gueule tout ça parce que je viens de te mettre la giroflée de ta vie. Seulement voilà, moi le silence qui s’est enfin installé je commence à l’aimer un peu aussi, et puis bordel qu’est-ce que tu veux toi !?

R…rien, rien monsieur. Je repasserai. C’était juste le patron qui m’envoyait avec la ruse pour vous faire dire que vot’ cheval était prêt et qu’il attendait au pied de l’escSBAM.

Il sera prêt plus tard le cheval. Et puis, j’y arrivais, je pense que les gens de l’immeuble aussi ils commencent à l’apprécier le silence. Tu réalises un peu que tu viens de foutre en l’air les plans baise de tous les squatteurs de ce lupanar, hein, petite, et pas que le mien ? Tu le réalises, ça, que personne va t’aimer et que la moitié des gaupes de la ville vont vouloir te dépeigner dans la boue pour obtenir le remboursement de leurs passes avortées par tes cris et ta vaisselle, pendant que leurs clients en profiteront pour avoir du spectacle gratos qu’ils auront pas à payer, pour le coup ? Oui, non, moi non plus. Allez, quoi, rengonce-moi tes canines dans leurs gaines, fais-moi un sourire en cachant un peu la rougeur de ta joue, pis assieds-toi, prends un verre, un siège et discutons un peu. Oui, il le faut, c’est vital, pour la bonne poursuite de nos relations. Tttt, écoute-moi, c’est moi l’homme d’expérience ici, c’est moi qui cause, c’est moi qui ai raison. Allons.

Bon, écoute, Lilou. Mais écoute-moi, arrête de regarder par la fenêtre, je suis sûr qu’ils s’en sortent tous les deux. Ecoute. Je t’aime beaucoup, tu es mignonne comme les blés roussis par le soleil de fin d’été, et après ce baiser à Bliss, je comprends que tu aies la tête complètement retournée.

Mais enfin, sois réaliste, nous deux ce n’est pas possible, et tu le sais en plus. Comme tu l’as chigné à un moment, je ne suis pas foutu d’être le bon petit copain. Non non, laisse-moi finir, c’est important. Tout ça s’explique par la différence d’âge évidemment. Toi tes quinze ans, moi mes quarante, ça ne peut pas aller, ça ne peut pas tenir. Et puis, moi, j’ai besoin de bouger, de voir le monde, de mourir un peu de temps en temps, et toi, tu as encore la vie devant toi, alors n’est-ce pas, voilà. Soyons adultes un peu, et laissons-nous de l’espace quoi qu’il nous en coûte sur le moment, tttt ! je parle laisse-moi finir, laissons-nous vivre nos vies chacun de notre côté. Et surtout, surtout, arrête de courir après mes rencards avec un canard géant à la main pour les broyer à chaque fois que tu entends une rumeur, et les dieux savent que ces saloperies courent vite – les rumeurs, pas les canards –, qui dit que je suis dans une auberge d’un bled paumé en train de m’apprêter à passer un bon moment avec un vestige de mon passé. Arrête, voilà, ça va être proprement invivable entre nous sinon, et pour toi autant que pour moi. Tu as toute ta vie devant toi, écoute, et tu retrouveras beaucoup d’autres hommes plus de ton âge, et tu pourras t’épanouir avec eux comme il le faut. Tu le mérites, même. Tu veux bien, dis ? Tu m’as écouté ? C’est quoi encore ce regard vide, là ? On dirait qu’un bateau de touristes t’es passé dess

Oh et puis merde, j’ai dit ce que j’avais à dire. Ciao bella. Moi, je ramasse mes bottes et mon attirail de grand méchant, et je me casse à ma mai… et je vais voir ailleurs si j’y suis pas. Nan mais sisi, vraiment, ça peut arriver ; il paraît qu’ils font des portraits de moi grandeur nature sur les maisons maintenant, pour prévenir les gens. J’ai lu ça dans le mondial, ou dans la gazette, je sais plus lequel de ces torchons. Et arrête de chialer, ça ne marchera pas, d’autant plus que je fais ça pour ton bien. Allez, adieu Lilou, et rappelle ton canard, je me casse et s'y doit y avoir une prochaine fois avec la donzelle Viper, j’aimerais bien qu’on ait le temps d’attaquer autre chose que l’apéritif sans vêtements elle et moi, okay ? Okay.

… Non je prendrBon, allez, si, je vais prendre une cuisse. Non t’embête pas à la couper, chef, je vais me servir moi-même, regarde, voilà. Ca me tiendra lieu de casse-dalle pendant que je visiterai la ville. Y a des coins sympas dans le coin ? Tu me recommandes quoi ? De pas regarder vers la fenêtre de la 3 quand je serai dans la rue ? Oui, le pincement au cœur tout ç


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Ouah, j’avais la tête qui tournait. Mais du genre, méchamment. Du genre grand 8 après un petit dej bien gras. Du genre à t’en faire voir des étoiles même en plein jour. Heureusement qu’il m’avait à moitié balancé sur le lit, même en me faisant à moitié traversé les lattes. Pas trop de casse, si ce n’était cette joue qui piquait fort et le vide total dans ma tête. On dira ce qu’on voudra, ça faisait un drôle d’effet. Plus j’avais envie de me raccrocher à la réalité, en me disant « allons Lilou, t’évanouis pas. Pas pour ça ! » que je me sentais partir en arrière. Et la chaleur qui remontait à mon œil pour continuer vers mon oreille. Une chaleur significative qui cachait un truc pas mal plus gros. Le ténor du Tahgel qui frôlait mes oreilles sans vraiment saisir mon attention, malgré toute ma bonne volonté et ma concentration à vouloir l’écouter. Il parlait, il parlait. Et je le voyais à peine, avec sa mine plus ou moins sérieuse qui s’excusait presque et qui m’expliquait des trucs dont je ne comprenais pas un traitre mot.
Et plusieurs fois, à tenter de me ramener sur terre, en me demandant d’écouter. A saisir quelques morceaux de phrases sans pouvoir les reconstituer. Pendant un temps, je pensais qu’il me causait d’un rencard avec un canard égoïste qui a toute la vie devant lui pour attaquer l’apéro. Mais devant le manque de logique de cette déclaration, et sans vouloir tout de suite remettre en question les capacités cognitives du Tahgel, je me doutais qu’il y avait baleine sous gravier et qu’il ne parlait probablement pas d’un truc de ce genre-là. Impossible pour moi de bredouiller quoique ce soit en lui disant « He, stop mec ! Ce n’est pas possible, j’ai les neurones déconnectés, parle doucement » qu’il avait tourné les talons, vêtements sous le bras, pour se tirer de la chambre.

Dans ce silence, la conscience me revenait très doucement. Il me fallut un temps avant de comprendre ou est-ce que j’étais. Un autre temps pour ressentir la douleur à ma pommette qui me ramena sur terre à vitesse grand V. Secouant la tête, appuyant avec ma paume sur la partie rougie par le vilain coup, je me trainai à moitié jusqu’à la porte en pensant descendre les escaliers. Les quelques voix qui me parvinrent m’indiquèrent qu’il était sur le point de partir. Pas la force de dévaler les marches, j’allai jusqu’à la fenêtre en guettant discrètement.

Là, trois mètres plus bas, la silhouette massive du Tahgel avec sa cuisse de cheval sous l’autre bras. Un soupir, une grande inspiration, j’enjambai le mur et attendis patiemment qu’il soit pile en dessous. Et une fois cela fait…

« Rattrape-moi ! »

Idée lancée, comme ça, au hasard, il eut à peine le temps de lever les yeux que… Paf, sur lui ! Et roulé-boulé quand il bascula en arrière. Nous fîmes une galipette adroitement menée par moi, avant qu’enfin l’on ne se stoppe : lui étalé par terre et moi dessus lui dans une position on-ne-peut-plus suggestive. Relevant mes cheveux roux qui m’encombraient le visage dans un mouvement Loré Hal (un mannequin assez connu sur South Blue), les yeux de biche et le regard de braise, je posai mon index sur ses lèvres pour lui éviter de dire quoique ce soit :

« Shhht, t’enquiquine pas à parler, après tous tes bons conseils, je ne peux pas m’empêcher de rebondir… Une question d’expérience, tout ça… Ne bouge pas. »

Enfin, ce n’était pas non plus comme s’il en avait réellement la possibilité. Attrapant l’affiche dans mon jean, la dépliant d’une main avant de la coller sous son nez, je lui soufflai d’une voix très douce :

« Voilà, regarde bien cette affiche. Regarde-la BIEN. Maintenant que c’est fait, rappelle-toi en. Très fort. Voilà, comme ça. Et écoute-moi : Ta petite copine est aussi la petite copine de ce méchant bonhomme que tu vois sur cette photo. Tu n’en as probablement rien à carrer des fréquentations de ta donzelle, mais moi, elles m’intéressent. D’autant plus lorsque je traque l’une d’entre elles. »

Repliant l’affiche et la remettant à sa place, je poursuivis :

« Le marché est simple, Jocaste : soit tu continues de te bercer l’égo avec tes fantasmes et à te lover dans ta médiocrité, en imaginant qu’en effet, tu m’intéresses tellement que je m’en réveille la nuit et on en reste –presque- là. On remettra juste les scores à égalité en te fracturant la pommette comme tu as eu la sympathie de me le faire,… Shhht ! Non, avant de répondre, écoute bien. Ouvre grand les oreilles… »

Lui faisant un sourire qui en disait long, je pris la peine de pencher la tête sur le côté dans un mouvement très mignon :

« Soit, tu reviens sur terre et tu te débrouilles pour chercher au fond de ton petit cœur tout mou cette âme qu’il doit bien te rester quelque part pour me filer un coup de main : Ta copine Bonnie, je veux lui botter le cul, je veux lui arracher ses informations et ensuite, je veux la vendre au gouvernement. Pour finir, je veux retrouver Clyde et lui couper la tête. Et si l’éventualité de me faire gagner un temps fou ne te fait pas peur, on peut clairement envisager un échange de bons procédés… Non, Shhhh que j’ai dit, je n’ai pas fini. »

Tiens, ça t’apprendra à ne pas m’avoir laissé en placer une ! Frustrant, hein !

« Vrai que je cause beaucoup et que ça fait pas mal d’informations à enregistrer pour ta petite tête, l’essentiel arrive ! Je suis loin d’être une méchante fille et je sais me montrer généreuse lorsqu’il le faut. Tout travail mérite salaire, un service contre un service, nomme cela comme tu le sens : sache juste que tu ne seras pas en reste. Tu pourras me demander ce que tu voudras, j’accepterai (et je le jure devant le grand copain de notre amie commune), à la seule condition que, moi, j’ai ce que je veux. »

Autre sourire aguicheur en coin, petit papillonnement des yeux qui fait tout, me voilà reparti pour une autre allusion pour le titiller :

« Tu as déjà une idée derrière la tête, j’en suis persuadée, et si tu me tires une épine du pied, j’en ferais de même. »

Un temps, pour le laisser assimiler l’idée.

« Alors, tu marches ? »
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Marrant, poupée, j’ai comme reçu un piano sur lahgel depuis l’étage, là, quand tu as décidé que ton existence serait subitement ’achement plus funky si tu me sautais dessus de là-haut, et pourtant depuis que tu as ouvert ta jolie bavarde pour m’assommer à coup d’anti-sermon suggestif et suggéré, c’est dans un violon que j’ai plutôt l’impression d’avoir pissé… Comme quoi la vie elle trouve toujours un tit truc rigolo pour surprendre même le mec qui pensait avoir vu sa ration de machins pas ordinaires jusqu’à la prochaine coucherie du soleil…

Chérie s’agite sur mon aine, chérie bave, en vrai aussi un peu à force de rouler-bouler sur le tonton Bibi pas encore bien rajusté dans mon trente-et-un, et encore t’as pas vu ce que peut faire mon braquemart… Je parle de Narnak, oui oui, qu’aurait pu en éborgner plus d’une avec ses acrobaties à la con ; j’étais juste en train de refixer le fourreau à mon ceinturon quand elle a atterri. Ah, voilà que chérie agite un papelard avec un monsieur tout moche dessus. Et Viper me trompe avec ? Eh, forcément j’étais supposé être mort et puis je dois admettre qu’on a une relation plutôt libre à coucher une fois tous les huit ans, mais quand même…

Spoiler:

Non mais le gars il aurait au moins pu prendre une pose moins… plus… enfin une autre pose, quoi. C’est quoi cette façon de mettre les bras, là, on dirait un. Ah, c’est lui qu’elle veut ? C’est pour ses beaux yeux à quatre-vingts carats que tu le veux, le mister Punk ? Tu veux les vendre au plus offrant du moment c’est ça ? Roh, je te soupçonnais pas si vénale que ça… Et moi du coup je t’intéresse pas avec mes dix malheureux millions je présume, en fait… Jsuis si triste, Belle. Non ça sert à rien de me susurrer des mots doux j’ai plus envie… Arrête je te dis. Si seulement t’attendais un peu tu verrais bien, en plus, que je vaux mieux que mes dix milliers de mille actuels, et sûrement autant que l’autre avec ses bras.

D’autant plus maintenant que j’ai pris le temps de mettre East et South un peu à feu et surtout pas mal à sang… Quelques semaines, ouais, T’attendrais quelques semaines encore, qu’ils fassent leurs bons comptes entre amis de la justesse là-bas à Enies Lobby, et sur des vies je te garantis que ça va grimper en flèche, le prix de la trogne à papa. Non ? Pour patienter tu veux même te farcir Viper ? Mais qu’est-ce qu’elle t’a fait ? C’est parce qu’elle est rousse c’est ça ? Putain que t’es jalouse et possessive et, et en fait super malsaine bordel… Je résume : un, tu veux me séduire pour que je t’aide, deux, c’est pour coffrer ce mec qui en a une plus grosse que moi et qui fait plus jeune sur la photo, quatre, euh… trois, plutôt, trois tu interromps pour ça une partie fine entre moi et une amie bonne, et quatre, tu veux en plus de ça me foutre ladite amie en zonzon pour te faire les crocs avant l’autre ? Mais…

Et cinq, attends j’ai pas fini en fait, et cinq, tu veux que je t’aide à la serrer ?! Tu serais pas aussi aguicheuse là maintenant tout de suite et je reconnaîtrais pas pour de sûr les phéromones de femelle que tu m’exhales juste dans les naseaux en te frottant sur moi parce que j’ai pas été assez clair sans doute mais je veux que tu me lâches, oh, maintenant y en a marre et tu vires. Y aurait pas tout ça, j’en viendrais sérieusement à me dire que t’en as une sacrée paire…

Ouais, c’est ça, reviens à la position debout et regarde-moi avec tes mires de chienne battue. Le chien ici, c’est moi, et battu je le suis pas mal. A froid. Par ton putain de cynisme à me casser les illusions perdues. Putain… Et tu m’emballes tout ça avec un gros paquet cadeau surprise pour le final, t’es trop gentille cosette. Et maintenant, je te prends la main et je t’amène à la Viper pour l’empêcher de crasher ton canard con, et on rentre à ma maison où tu me fais des sucreries, c’est ça le plan ? C’est ça ?

Okay, on va faire ça.

Ah, t’es contente, ouais. Mais tout ça n’est que façade, et maintenant que j’ai compris ça tu vas pas t’en tirer comme ça ma mignonne. Non non, tonton est pas autant une raclure que toi et Viper a au moins pour mérite de transformer sa mythomanie pathologique, ouais je connais des grands auteurs moi aussi, en son métier. Et toi je doute que ce soit pour autre chose que le plaisir que tu fais ça. Ca se saurait, je le sentirais derrière ton minois si c’était le cas…

… Salut chérie, on t’a pas trop manqué ? Tu t’en sors contre le piaf ?
Vouiii ! Regarde, il est tout mignon non ?
Hein ?!
A la troisième gifle il m’a fait des yeux comme ça et je n’ai pas résisté… Hein Bee, on est amis ?
Kwak !

… Je suis atterré, je vais me pendre et je reviens. Non, je peux pas me pendre ? Et pourquoi je pourrais pas ? Ah, très juste. Toi, la rouquine qui me regarde regarder ton canard se faire peloter les plumes par la main caresse de ton ennemie déclarée, rouquine aussi et qui t’a pas encore vue. Attention Viper, je te pose une seule question et selon la réponse je te laisse te démerder ou je participe au massacre. Attention…

Quelle est la différence entre un pigeon ?
Hein ?
Kwak ?
Euh… Mauvais disque. Je disais : tu lui trouves quoi au gars sur la photo, là ?
Qui ça… Ah, Phillip.
Ah Monsieur s’appelle Phillip, carrément…
… Rien de transcendant. Il te ressemble un peu aloOui, il te ressemble un peu, ne fais pas cette tête-là. Ca m’a rappelé des souvenirs, et comme tu m’as définitivement grillée auprès de mes supérieurs en décidant de remontrer ta face souriante au monde, je suis allée le trouver pour voir ce qu’il valait. Et pendant quelques temps, ça a suffi. End of story.
End of story, really ? HéhéhAh, oui, comme tu vois je suis accompagné… Non mais fais pas la gueule tu vas te froisser un cil.


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« Oh non, moi je trouve pas ! »

Sortant de l’ombre en ayant écouté la totalité de cette conversation un peu bizarre, les yeux plus ou moins rivés sur son comportement avec Bee, j’étais beaucoup étonnée, sinon atterrée que ne pouvait l’être mon coéquipier du moment, lui aussi pas mal retournée par la découverte du petit cœur tendre de Viper. Difficile d’imaginer qu’une meurtrière comme elle, agent secret mise à la porte de surcroit, pouvait craquer pour les yeux d’un adorable canard… A chacun sa faiblesse, à chacun sa façon de réagir. Dans tous les cas : il y avait quelque chose à tirer de cette situation…

« Qu’ils se ressemblent, je veux dire. Tahar est plus grand.
- De quelques centimètres, tout au plus.
- Et puis, pas la même forme du visage. C’est peut-être dans les yeux que y’a un quelque chose en commun, mais plutôt vite-fait, hein.
- Si tu savais. Le même genre d’homme, de comportement, un peu excentrique et totalement égocentré.
- Bon, si on commence à partir là-dessus… Mais, physiquement, j’entends. Ils ont tous les deux pris le temps de prendre un peu la pose pour la photo, pourtant Punk n’a pas la même morphologie ! Et il ne ressort pas pareil ouais. La photo de Tahar est peut être mieux réussi !
- A quelques détails. Des détails. Il y a vraiment des similitudes énormes entre les deux, tu ne peux pas nier.
- Boarf, je n’en connais qu’un sur les deux, alors…
- Assurément, même sourire, même dégaine, même façon de parler, de regarder, même petits yeux noirs, même barbe naissante, même façon de se tenir, de marcher, même comporte au pie…
- LALALALA ! Je ne veux pas savoir !
- Oh ? Alors, la « nymphette », ce n’est pas qu’un surnom ? De toute façon, Punk en a une plus grosse.
- QUOI ?!
- De prime.
- Ah, de prime ! Ouais, ouais… BREF. Je peux te poser une question ?
- Oui ?
- Ou est-ce qu’il est ?
- Pourquoi ça t’intéresse tant ?
- … Une vieille histoire de famille avec quelques draps sales et autres cadavres au fond du placard…
- Ah… Tout s’explique. »

Elle fit un sourire qui en disait presque long sur ce qu’elle pensait. J’avais le regard toujours accroché à elle, jetant par instant quelques coups d’œil en arrière pour voir comment Tahar prenait la chose. Il avait l’air un peu dépité par cette conversation, qui avait pris la tournure d’une petite discussion entre filles comparant le quel de ses copains est le meilleur. Ça avait de quoi dépiter, mettre plus ou moi mal à l’aise, d’autant plus lorsque l’un des copains listés, c’était lui. Je lui fis un sourire pour le remettre dans le bain, aussi pour annoncer qu’on allait bientôt pouvoir passer à la phase 1.5 de mon plan génial et diabolique. En tout cas, dès qu’elle m’aurait annoncé diplomatiquement ce que je désirai savoir.

« North Blue. Il y est parti il y a quelques jours, il a quelques affaires à régler là-bas. De toute façon, il va faire tellement de bruits que tu vas rapidement savoir ou est-ce qu’il se trouve précisément.
- … Merci bien… »

Ayant sorti un calepin de ma poche, je griffonnai dessus au crayon en notant mot pour mot ce que la rouquine me disait. Ça, c’était de l’info. De l’info bien précise. Enfin, un truc qui disait que ça ne devait pas faire si longtemps qu’elle avait dut quitter Punk, ou que tout du moins, elle devait être encore en contact avec lui. Vu que nos relations plus ou moins naissantes commençaient à repartir du bon pied, je ne me voyais pas non plus lui poser la question : ça aurait tout de suite plombé l’ambiance et j’étais à peu près certaine que Tahar prendrait l’occasion comme idéale pour se taper une petite crise de jalousie.
L’idée en elle-même était très amusante : ça en humanisait presque le gus. Mais c’était difficile de se défaire d’une image qu’on avait d’un homme, qu’on s’était monté d’un monstre : J’avais toujours l’impression de m’être accoquiné avec le diable, pour autant, le voir tout plein de cette possessivité et jalousie le rendaient beaucoup moins maléfique qu’à l’ordinaire. Il avait sa réputation, et cette réputation ne venait pas de nulle part, mais bon… Bref. Autant ne pas me perdre en pensées absurdes…

« Bon… Euh… On passe aux choses sérieuses ?
- Oui ?
- Viper, au nom de la loi, je t’arrête ! Même si je ne suis pas vraiment habilitée à dire ce genre de choses… »

C’était parfaitement ridicule, mais au moins, Bee réagit en ma faveur en pinçant la main de Viper avec des yeux pétillants de la même mignonnerie que tantôt. Je ne le pensais pas aussi malin. Un canard vicieux, on aura tout vu.
Viper se releva, retira sa main en tapotant sur la tête de mon compagnon, et me fit un sourire équivoque qui sonnait limite mesquin, surtout dédaigneux. Ma plaisanterie –même si ce n’en était pas une- avait l’air de beaucoup l’amuser, pourtant, lorsque je sortis ma clef à molette et que je lui balançai à la figure pour qu’elle me revienne dans les mains après avoir formé une bosse grosse comme une bille sur le sommet de son front, l’Ex-agent du Cipher Pol rigola beaucoup moins.

Elle le prit mal et voulu me faire la peau. Elle commença d’ailleurs par me tirer les cheveux.

Et puis, Bee voulut d’un coup se mêlait à la bataille, à coups de becs et autres regards très mignons, mais il ne savait pas vraiment ou donner de la tête.
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On commence dans le gênant avec des retrouvailles de bateau chéri qui finissent en triolisme dans une chambre d’hôtel en passant par un câlin à deux, et on continue dans l’absurde avec deux grognasses qui tapent la discut’ sur mézigue en comparant les performances. Le tout avec un canard qui fait kwak en fond sonore et alors que pas une plombe avant elles voulaient encore s’arracher les fringues l’une de l’autre et devaient se rabattre sur la tape pure et simple parce que l’une d’elles était déjà à poil… Je dois encore être sur mon banc là-bas près des quais, pas possible autrement. Encore à pioncer les yeux dans les vagues de mon inconscient. Et ce que je mate, là, la Viper qui passe en mode matrone maternelle pour éviter mes coups de savate à défaut de trique, c’est que du rêve, du sale rêve un peu glauque, dont on sort que pour mieux vivre le matin où on se réveille, hein. La sorte où t’as la lèvre un peu pâteuse et amère quand t’en émerges…

Horf, au moins ça veut dire que la Lilou est pas autant une catin qu’elle fait semblant de pas le montrer, y a ptet encore du bon en ce monde finalement. Tout est pas perdu, joie.

Eh.

Rêve ou pas, voilà, ça y est, c’est reparti, reparti en couille… Je dis pas ça pour faire vulgaire facile, hein, mais comment décrire ça autrement : chérie un, la vieille, se fait bouffer la main par le canard du fond sonore qui fait plus kwak mais va sans doute pas tarder à recommencer, chérie deux, l’autre, sort une clef à molette de son corsage déjà bien ajusté pourtant, et enfin rechérie un, au lieu de la lui faire bouffer comme à son habitude ou comme j’aurais fait à sa place, se met à lui tirer les cheveux comme dans une scène du supplément pour hommes du mondial… Nan franchement y a pas à dire, certains jours, c’est funky bizarrement, la vie. Genre bizarre avec l’accent étranger, pour bien insister dessus.

Et ce qui me conforte dans l’idée que je baigne dans un nuage de coton où vont s’assouvir mes fantasmes les plus enfouis, c’est le coup des passants qui regardent la scène genre "ouais, ouais, continuez les filles, on en veut aussi", plutôt que "non mais vous allez arrêter oui, un peu de tenue". A croire que les frustrés de l’hôtel d’avant se sont pas faits rembourser par leurs rouchies et se rabattent pour se finir sur la variété gratos pour tous. Manquerait plus que l’un d’eux sortent un pot d’huile de corps pour se la jouer match de boxe très féminine, tiens. Nan le piaf, je disais pas ça pour toi.

Et t’es mignon mais tu gardes tes distances, aussi… Moi après tout si elles veulent vraiment, vraiment se mettre sur la gueule c’est qu’elles doivent vraiment pas aimer leurs brushing respectifs, hein, même si bon entre les deux je suis pas sûr de faire la différence en toute franchise. Et dans ce cas je vais les laisser faire, je voudrais pas interrompre. Mais si toi tu t’y mets ça va risque de crisser un peu des dents dans le jury quand la vainqueuse sera désignée, et la contestation c’est jamais bon pour le sport, alors non, tu restes où t’es. J’ai dit non. Oh, la cane ! Tu te stoppes maintenant, ou je te stoppe.

Bon…

Allez, viens voir papa, fiston. Nan nan, y a pas de kwak qui tienne, tu viens avec moi et tu lâches la toge à Viper, c’est pas gentil de vouloir la foutre toute nue devant tous ces gens. Je te rappelle que y a rien sous le drap… C’est pas genWouaïe ! Putain mais tu m’as mordu ?! Je le crois pas… Je le crois pas ! Eh, Lilou, tu tiens un peu tonPutain mais recommence pas espèce de volaille dégénérée… RecommTu veux vraiment ça !? Tu veux vBaisse les yeux ! Baisse les yeux je t’ai dit ! Tu veux vraiment qu’on en arrive là ? Tu veux vraiment que je m’énerve maintenant ? Tu veux vraiment que je participe et tu veux vraiment pas les laisser se battre toutes les deux si je te relâche ? Tu l’assumes ? Tu l’assumes vraiment ? D’accord.

Arrête de caqueter et bring it on si c’est ça, je vais pas me battre avec un pigeon non plus. Allez, allez, montre-moi comment t’es en forme solide, que je te casse pas dès le premier coup… Mais tu l’auras voulu, hein, tu l’auras voulu. Et viens pas faire ouin ouin après. Je t’aurais prévShigan !

Tout va comme tu veux ?
Impeccable, et toi ?
Ben pareil, écoute. Là je vais me taper contre un canard. Tout baigne.
Kwak kwak !

Ouais, c’est ça, attaque tonton. Attaque le premOh, oh… Tiens, j’avais oublié que tu étais aussi grand en forme relâchée, dis, depuis Bliss. Et pas vraiment bien eu le temps de me rerendre compte tout à l’heure avant que tu t’en ailles… On était en intérieur et puis ça a pas duré très longtOn s’en fout ? Oui, certes. Tu veux taper papa ? Tu veux taper tonton ? Je t’offre les deux, je suis pas contrariant, allez, amène-toi. Amène-toi petit caneton. Kwak ! Haha, t’aime pas que je t’appelle comme ça, hein ? Caneton caneton caneton caneton ! Hinhinhin. Pas de raison qu’elles soient que toutes les deux à s’amuser. Allez pour t’accueillir pas trop salement je te prépare un grain spécial, laisse-moi deux minu

UuuuuattendsçamonnnnteuuuuuuattennnndsuuuuuatttennndsuuuRIAAAAAAAAAAAH, pan sur le bec.

Tu l’attendais pas celle-là, hein ? Roh, dis, j’ai été trop vite pour tuahummpffrlb


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Mer 19 Déc 2012 - 15:07, édité 1 fois
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Ah ouais, ex-agent du CP. Forcément, ça expliquait le Shigan. Heureusement que j’avais déjà rencontré des agents du Cipher Pol par le passé, aussi que j’avais eu l’occasion d’admirer leurs compétences dans le feu de l’action. Yoakim, si tu m’entends ! Bref, le Shigan, je n’appréciai pas trop. Mais ça expliquait le fait qu’elle avait carrément faillit me trouer. Réflexe de survie, je m’étais jetée à terre pour éviter son attaque. Bilan : coudes râpés, genoux en charpies et deux côtes qui criaient à la mort.
Et à moi de repartir à l’assaut.
Et retournement de situation…

« Non mais ! Non mais ! Mais aie ! »

Et elle recommença, inlassablement, à me tirer les cheveux, genre sans même percuter que ce n’était vraiment pas sympa. Dur de savoir comment je pouvais tenir debout alors qu’elle avait ses cuisses autour de mes hanches et qu’elle s’acharnait sur ma coiffure. Je n’ai jamais été une fille particulièrement regardante sur le brushing, mais y’avait des limites à tout, et surtout quand on commençait à tirer dedans et à en arracher par mèches. Viper était une furie, allez savoir pourquoi… à croire que cette petite bosse l’avait faite sortir de ses gonds. A moi de tâtonner à ma ceinture d’une main en essayant de la tenir de l’autre, tout en pensant à pas me casser la figure, pour sortir d’une de mes petites pochettes un petit tube que j’avais toujours sur moi. Tube en question, pas bien épais, pas bien grand, contenant un mélange bien particulier (chewing-gum, mèche et compagnie) servant à… couper les métaux.
Alors forcément, maintenant que j’en venais au grand moyen de ce genre, m’écrasant en lâchant prise, me retournant au préalable et en tendant ça pas loin de sa figure, j’étais quasiment certaine qu’elle n’allait absolument pas appréciée.
Lorsque le mécanisme se mit en marche, une petite flamme bleue lui sauta quasiment au visage. Viper se mit la main devant les yeux, cachant la moitié de sa figure meurtri, se roulant par terre en hurlant de douleur. Momentanément aveuglée, vaguement brulée au niveau du nez, je n’étais pourtant pas bien inquiète pour elle : Elle n’avait pas été exposée assez longtemps à la flamme pour faire des dégâts sur le long terme. Je me relevai doucement, me tenant l’arrière de la tête en comptant les pertes. Cette garce n’y était pas allée de main morte. Ouvrant les yeux, je remarquai l’attroupement autour de nous qui nous regarder.

« Vous voulez notre photo ?!
- Euh… Oui ! »

Mah ! L’angoisse.
Un grand fracas attira mon attention, et le corps de Tahar atterrit non loin de moi. Bee, son adversaire, se remit sur ses jambes péniblement en revenant vers lui, le canon à air armé et prêt à tirer de nouveau. Comprenant ce qu’avait fait le Tahgel, je pris la parole en ne prêtant absolument plus attention à mon ennemi d’origine :

« Oh, je t’ai pas dit ? J’ai fait des améliorations depuis la dernière fois ! Vachement cool, non ? Oh, vous ne faites pas trop mal, hekyaaaaah ! »

Forcément, c’était à prévoir. Et cette fois, le Shigan avait transpercé mon épaule. La douleur se fit particulièrement vive, franchement désagréable, du genre à me faire sérieusement grincer des dents. J’avais un rapport privilégié avec la douleur, un truc qu’on ne pouvait pas décrire. Quand certain jetait l’éponge en se disant que c’était beaucoup trop dur de souffrir, j’étais du genre à en demander encore pour montrer que j’étais capable de souffrir pour arriver à mes fins. Et puis, elle me roua de coups, et des coups qui faisaient bien mal là où il le fallait. Je réussis à me libérer, me trainant péniblement après lui avoir assené une méchante torgnole dans la figure, torgnole qui avait eu assez d’effet pour la faire reculer contre un mur. Aie mes doigts, au passage… Je me remis sur les jambes et me retournai, Viper voulu se projeter vers moi pour m’infliger une seconde attaque destructrice, mais j’attrapai quatre clous d’une taille conséquente et les lançai habilement vers elle :

« Nails Lock ! »

Presque Jésus-Christ style ! Presque ! L’un manqua sa cible parce que sa main était en avant. Les autres se plantèrent dans son autre paume et dans ses vêtements, la faisant reculer et la clouant à un mur très proche. Bien sûr, la technique n’était que de courte durée, mais œil pour œil, dent pour dent… Viper était, elle aussi, trouée. Héhé.
Elle s’en libéra sans broncher plus que ça, même si la douleur la fit un poil gémir. Il était temps de prendre les devants : je me ruai vers elle et l’attrapai par les cheveux et la toge de fortune, pris assez d’élan pour la balancer à travers la vitre d’une maison. La fenêtre vola en éclat, j’y sautai en sortant d’une autre pochette les restes d’un rouleau de scotch. Tombant non loin de mon adversaire qui voulut se relever, je la maintins un instant à terre en la chevauchant. Viper vit rouge, elle arma à nouveau son doigt, mais je l’attrapai dans mon poignet avant d’entourer sa main entière de scotch :

« Mais ? Qu’est-ce que tu fais ?!
- Ingénieur style ! Ce qu’on ne peut pas contrôler, on le bride ! »

Elle voulut utiliser l’autre, mais je m’étais déjà jetée dessus pour faire la même. Voilà, la rouquine aussi handicapée que moi ! Ah, et puis tiens, un sur ta bouche, GROGNASSE !
Elle me repoussa du bout des poignets, se relevant en essayant d’attraper le ruban sur sa bouche. De plus en plus en colère, je remarquai qu’elle était sur un tapis à motif. Un sourire plus tard, tandis qu’elle se rendit compte de mon idée, je tirai dessus si fort qu’elle s’en cassa la figure. Assez aussi pour que je me souvienne de ma douleur à l’épaule.
Mais pas le temps pour ça, pas envie de m’apitoyer. Tandis que Viper se tenait l’arrière du crâne, je tirai sur ses pieds, la mis au centre, et l’enroulai complètement dans la moquette. Je la maintins un instant, la sentant remuer dans son piège de tissus. Jetant un coup d’œil à droite, j’attrapai difficilement les cordes qui tenaient les rideaux du salon ou nous étions. Je finis par la ligoter dans son tapis, l’entendant hurler quand même. Et à moi maintenant de galérer pour la ranger dans un placard, l’assommant à moitié au préalable en essayant de la plier.

Je me relevai, fermai la porte, me retournai en tapant mes mains l’une contre l’autre pour enlever la poussière. Là, je vis un petit garçon me regarder avec des yeux ronds, son ours en peluche dans les mains. Un peu gênée, mais pas complètement sans moyen, je lui fis un sourire et un clin d’œil :

« Si tu la surveilles jusqu’à mon retour, je te donne 1000 berries ! »

Il me fit à son tour une risette, alla jusqu’au placard à côté de moi et le ferma à clef. Il tapa ensuite dans ma main pour accepter la proposition.

*

« Ah bah vous êtes là ! Galère pour vous retrouver tous les deux… Beh alors ? Vous n’avez toujours pas fini ? Bah quoi ? Me regardez pas comme ça… Oui, j’ai terminé. Elle s’est enfuie après m’avoir troué de tous les côtés et cassée deux côtes. Mais elle te passe le bonjour, Tahar. »

Ouh la menteuse-euh,…
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Kwak.

Ben si on a fini, tu vois pas ? Je fous quoi là à ton avis, je me roule un bout de papier juste pour faire joli pendant que ton copain à plumes récupère ? C’est ça que tu penses que je fais ? Ben non. Ca, ça s’appelle une clope. C’est un peu comme d’autres trucs cylindriques, on tire dessus avec la bouche et ça pique la gorge au point de faire tousser, mais au début ça s’allume avec un briquet et après ça fait de la fumée. Et c’est pour les hommes, les vrais. Une clope, gamine. Une clope ça s’appelle.

Comment ? Si je te prends pour une conne ? Non. Mais quoi, tu veux que je te dise ce qui s’est passé ? Okay, je vais te dire ce qui s’est passsé. Alors, d’abord, y s’est passé que quand tu m’as dit que ton pote s’était fait installer la V2 de son processeur depuis notre dernière amourette ensemble avec la nonne Ramba, j’ai voulu tester à nouveau, bien sûr, parce que la première fois j’avais pas bien vu, tu comprends. Dans le feu de l’action et tout ça. Enfin bref, j’ai foncé comme un gros sale parce que ça m’allait bien, lui m’a envoyé sa grenade comprimée dans la gueule, et ensuite j’ai fait comme si ça m’avait touché pour le public. Roulé-boulé, comme avec toi tout à l’heure quand tu m’as sauté dessus sauf que j’étais tout seul donc vachement plus impressionnant, glissade, arrêt dans le mur là-bas, et tout le toutim, j’y vais pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit de contenter la masse, moi. Et puis après je me suis relevé, un bras barré dans le mauvais sens mais ça d’un coup sec derrière le coude c’était remis. C’est là que le premier gamin dans les spectateurs a dégueulé son quatre heures, et c’est là que les petites filles ont fait "bravo, bravo, encore, encore !"

Moi, tu imagines bien, quand on me dit tout ça avec une voix de chérubine comme même pas toi tu sais encore faire, t’es trop vieille, je peux pas résister, je donne encore et encore, je suis généreux. Et eux, ils prennent, ils prennent, et au final tout le monde est content, surtout eux, surtout les tailleurs qui réparent mes fringues. Enfin eux ils sont contents quand je passe commande, pas quand après je viens chercher lesdites fringues rapiécées et que je les entube d’un grand sourire poignant d’amour pour moi-même, on a la classe ou on ne l’a pas. Bref, je me suis relevé, et j’y suis retourné.

Et quand j’y retourne, toujours à cause des gens qui regardent et dans l’optique de remplir les temps morts, j’y vais franco. D’abord le ralenti pour faire croire je vais me viander, ensuite la pose du mec qui se la surjoue beau gosse, façon ton Shellmachin sur son affiche, et ensuite le gros pain sur le pif de la machine géante de douze pieds de haut, right dans les narines artificielles pour bien envoyer la purée. Et ton gusse, là – ouais, kwak aussi bonhomme –, ton gusse, il a beau peser une tonne, face à bibi en mode j’ai un public, ça fait pas lerche. Il a reculé, il s’est pris un pied dans l’autre, il a manqué un appui, mal calculé une fréquence et mal gaulé son rattrapage, du coup il s’est rétamé bien comme il faut dans un grand fracas que t’as pas dû entendre puisque c’est à ce moment-là que vous vous êtes barrées faire des trucs à deux en privé dans la baraque de la mère machin, qu’est pas très très contente et avec qui va falloir que tu négocies les réparations. Elle, là, ouais. J’espère que t’as une assurance bris de glace fournie avec ton chose à bec, sinon tu vas douiller.

Bon.

Et moi, les trucs à terre, c’est un peu comme toi avec les grosses primes, c’est compulsif, il faut que je les tanne. Mais que je les tanne sévère, façon gratuite. Enfin pas toujours, sinon je t’aurais pas laissée sans rien te faire dans la position où t’étais sur le lit tout à l’heure, mais là ça m’est venu, et les deux bosses sur le crâne du machin qui kwak!, c’est pas pour de rire, il les a pas faites tout seul pour que tu t’occupes de lui, crois-moi. D’ailleurs, si tu écoutes bien quand il saute sur place ça fait un espèce de dringlebong qu’est à mon avis pas bon signe, y a moyen que j’aie éclaté un bidule dedans. Ptet la fois où j’ai sorti Narnak pour faire bonne mesure et pour pas qu’il se sente une fois de plus isolé pendant un combat… Enfin, donc, je sais pas trop où ni quoi mais, en tout cas, y a un truc qui bouge. Et ça c’est ton boulot, me semble, tu trouveras bien. Ah, non, me regarde pas comme ça ; non il est pas question que je raque un radis pour les réparations, c’est comme la fenêtre, tu te démerdes, c’est toi qu’es apparue dans ma journée, c’est toi qui amènes le dawa dans ta valise en entrant sans frapper dans les chambres des bonnes gens… donc c’est toi qui gères la logistique et les pépins techniques derrière.

Bon, et suite à ça ben il s’est passé ce qu’il devait se passer, il a chouiné. D’abord il a récupéré deux-trois fois sa forme micro sans trop avoir l’air de contrôler ce qu’il faisait, et c’est en partie pour ça que je pense avoir niqué un mécanisme à un endroit d’ailleurs, et il s’est mis à chialer sa maman les petits canetons qui vont sur l’eau ont-ils des ailes, ce genre de trucs, sans queue ni tête et surtout avec des kwak! kwak! en veux-tu en voilà. Au début j’ai cru à du chiqué alors je lui en ai allongé deux ou trois autres, des avoines, aux frais de la maison je te prie, mais ça a pas eu l’air de marcher alors j’ai arrêté. Et puis sans crier gare, mais en criant toujours kwak!, ensuite, il m’a écrasé le pied que j’avais pas prévu alors du coup j’ai mal encaissé, avec ses pattes qui repassaient en mode géant. Et ça l’a bien fait marrer, ton canard, je peux te dire. Bien fait marrer et la plèbe autour – oui, vous, là, vous qui vous dispersez, vouuus ! – a suivi le mouvement, forcément, parce que la plèbe est conne. Et je dis pas ça pour froisser mes supportrices, bien évidemment. Mais quand même, le niveau moyen est pas élevé. Du coup moi ça m’a énervé, alors j’ai tiré sur ma jambe à moi pour dégager le pied, et j’ai réussi, mais ça a fait encore plus mal.

Du coup ensuite, moi, normal, j’ai gémi, forcément. Un pied écrasé, plat comme une crêpe, ça fait mal bordel des dieux. Et là, alors qu’on se tâtait lui et moi en se regardant dans le blanc des yeux comme on pouvait, lui avec sa face retournée d’un quart de tour et moi avec les yeux rouges de douleur, là, on a eu une révélation : on s’était assez mis dessus pour aujourd’hui, alors on a baissé le rideau et envoyé bouler les vicieux qu’en voulaient plus, je sais pas toi mais moi je pense qu’il faut pas être très bien sous son scalp pour aimer mater des gens se crêper le chignon à grand renfort de boulet de 12 ou de parpaing de 24.

Et en plus on a commencé à t’entendre te ramener, alors ça faisait juge de paix qui revenait, tu vois. Le moment était bien choisi.

Et donc, Viper, tu dis qu’elle s’est barrée ? Tch. Vous avez réglé vos affaires au moins, dis ? C’est bon, vous me partagez, tu me prends aujourd’hui, privilège de la jeunesse, et demain j’ai droit de la voir et tu nous fumes pas notre rendez-vous au tromblon ? Non, pas demain demain, je me doute, mais la prochaine fois, quoi… Ouais ? Bon, très bien très bien. Très bien, oui…

Dis-moi Lilou, quand est-ce qu’on baiQuand est-ce qu’on boit ? Il est quelle heure, là, j’ai perdu la notion du temps…Quoi, tout ça ?! Ouh là là, mais faut qu’on niqQu’on y aille. Ouais, en fait je dois récupérer mon bateau, il est garé en double file et comme j’ai pas vraiment foutu des sous dans le parcmètre du port, si tu vois ce que je veux dire, ben faut que je le répare vite fait avant qu’un connard de la maréchaussée profite de mon état de faiblesse, rapport à ma patte que ton kwak! l’a écrasée, en profite pour récupérer la came et se barrer avec ou pour le couler directement sous prétexte qu’il gêne la circulation.

Oui, le réparer, oui… T’as l’air de t’y connaître en mécanique donc tu pourras comprendre je pense qu’après un an à rouiller dans la flotte il fasse un peu la gueule. Oui, hein, ça paraît raisonnable comme délai pour commencer à moisir, m’enfin quand même, c’est censé être du matos de luxe… Déjà que j’avais dû faire une réparation de fortune sur la coque juste après l’avoir acquis, je commence vraiment à me demander s’il valait vraiment le prix que je l’ai pas payé ce palace, tiens… Quel prix ? Euh, non je te dis pas, non, c’est indécent. Mais à peu près aussi cher que ce que t’aurais à débourser à Bliss pour avoir un ballon dirigeable, pour te donner une idée. Ouais, voilà, tout ça… La grosse arnaque, ça sent. Je sais bien…


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J’avais bien fini par croire que j’allai devoir passer à la casserole. Les petites allusions, les regards lourds, les répliques vicieuses qu’il lançait à mon égard, peut-être pour me tester, surtout pour tâter le terrain, étaient lourdes de sens. Et prendre le taureau par les cornes pour ce genre de chose n’était absolument pas de mon caractère. Mais une promesse était une promesse, et je lui devais bien quelque chose pour « coup de main » qu’il m’avait filé. Si j’avais voulu être de mauvaise foi, je n’aurais eu qu’à dire qu’il n’avait pas fait grand-chose pour me donner les informations que je voulais, et mise à part m’amener jusqu’à elle, chose que j’aurais pu faire moi-même, à bien y songer (en, certes, un peu plus de temps), il ne m’avait pas été plus utile que ça.
Mais si je voulais être honnête, et au moins avec moi-même, je devais reconnaitre que (plus ou moins) grâce à lui, j’allai empocher une jolie petite somme en plus d’accomplir la vengeance qui me tenait les tripes depuis que j’avais rencontré mon « beau-père ».
Alors oui, j’étais du genre honnête. A vouloir donner une compensation. Au moins pour le temps que je lui avais fait perdre. Et oui, aussi, j’avais pensé devoir sérieusement y passer. Etre mangé toute crue par l’omnivore en face de moi, avec son sourire mesquin qui en disait plus ou moins long sur ce qu’il pensait. Je n’étais pas le genre à pousser la chose lorsqu’on causait des trucs, comme lui le faisait. Je n’étais pas aussi libre, ou brutale, pas comme lui. J’avais une certaine pudeur, une pudeur propre à mon éducation, sans pour autant que cette réserve m’empêche d’accomplir mes plus bas instincts. Restant plus ou moins impassible, ne relevant pas ce qu’il disait, que ce soit à propos du partage de son corps ou de ses commentaires (presque) sarcastiques, je fis mine de rien et l’écoutai attentivement me parler de tout, de rien et surtout de son bateau.

Et ce fut là ou l’espoir revint, l’idée, peut-être un peu folle, que je ne deviendrai pas l’une de ses illustres conquêtes à être passé dans sa couche, à me soumettre aux bons désirs de Monsieur Tahar Tahgel, à avoir était l’objet de ses envies inassouvies. Et oui, son bateau, fallait qu’il le bouge, qu’il le remette en état parce qu’il avait passé pas mal de temps dans la flotte, qu’il n’avait plus aussi bonne mine que la première fois qu’il l’avait vu/acheté/emprunté/volé (selon comment vous interprétiez la chose). Et il continua a parler, à propos de notre entrevue, en lançant des petits pics, histoire de se trouver un peu drôle et d’être fier de lui et bla, bla, bla. A moi de le couper et d’orienter la discussion, de basculer la situation en ma faveur ?

« Et si, au lieu de baver des bêtises, tu me le montrais ton bateau ? »

Voilà, l’idée était lancée. Oh, bien sûr, s’il était stupide, peut-être y verrait-il une allusion, un sous-entendu, comme si je voulais le presser à rejoindre un lieu intime pour créer une proximité entre nous. Et s’il ne l’était pas, il comprendrait là que j’étais probablement la plus douée pour remettre son navire à flots à moindre frais. Restait à savoir ou est-ce que son esprit se situait sur une échelle du « je suis un animal » à « je suis presque civilisé ».
Il accepta. Et nous nous mîmes en route jusqu’au port ou était, en effet, exposé son très cher navire, « La sublime » qu’il me disait, Sublime qui ne l’était plus tant que ça. Je regardai, réfléchissant presque à voix haute en constatant les méfaits du temps et du désintérêt d’un gus pour une petite merveille dans ce genre. Acheter, hein ? Plus je regardai, moins je trouvai l’idée crédible. Tahar Tahgel n’était pas vraiment du genre très honnête, cela dépendant de son humeur, des circonstances et de l’alignement des planètes. Mais passons, ce n’était pas la question.

« Je peux voir à l’intérieur ? »

Oh, ça non plus, ce n’était pas vraiment une question. Avançant jusqu’au bestiau, je grimpai à l’intérieur en m’accrochant au bois et aux cordes. J’allai jusqu’à la cabine et avant même qu’il ne me dise d’une voix suave « ça marcherait mieux avec la clef », j’avais trafiqué la cellule grâce une petite barrette. Un sourire plus tard, se voulant tout à fait innocent et naïf, j’y pénétrai, pris mes aises et m’y perdis. Revenant sur mes pas, je finis par trouver la trapper qui menait au fond du navire, à la coque.

« J’ai deux bonnes nouvelles, dis-je en revenant vers lui. Je commence par laquelle ? »

J’étais drôle, non ?

« Je peux remettre ton bateau en état, et en pas longtemps. Si tu me laisses carte-blanche, dans quelques jours, tu pourras quitter ce bled paumé… Qu’est-ce que tu en dis ? »
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Héhéhé. V’là qu’on se met aux propositions salaces maintenant ? Ma ptite Lilou, je sais pas si c’est d’avoir causé à Viper toute la sainte aprèm, mais tu es décidément sur une bien mauvaise pente, faudrait voir à pas trop t’y perdre. Y a des gars c’est pas des gentlemen comme moi et ils pourraient te trouer, la peau, en moins de deux si tu leur réponds comme ça quand ils te font des avances sordides à base de réparations de den den photocopieur. Et toi tu cautionnes ça, le piaf ? Ouais ouais je sais, kwak, te sens plus obligé de répondre quand je te regarde. Et puis je suppose que tu t’en branles, de avec qui elle fait des affaires, la miss, du moment qu’elle te file ta pitance quand t’es animal… Mh.

J’en dis qu’une proposition comme ça c’est promesse de pleins de ces journées marrantes dont les soirées deviennent bien bien sympa, alors let’s go party, ouais ouais je veux. Pis mon agenda vient de se libérer avec le départ de miss tu sais qui faut dire… Elle repasse pas à son hôtel, d’ailleurs, elle t’a pas dit ? Non parce que bon niveau fringues je sais bien que ça va l’aider pour se la jouer pouceuse, la tenue ouverte, m’enfin elle va se les geler rapide un peu, les nuits sont claires en ce mom… Ouais bon okay, je parle plus d’elle, je vois bien que t’as un reste de jalousie dans la mire, j’aviserai à un moment où on sera pas occupés l’une avec le gros bateau de l’autre qui demande entretien.

Le bateau. Celui qui demande entretien, c’est le bateau, pas l’aut… Mh, c’est quoi ce regard éperdu, tu me suis pas jusque dans les tréfonds bien sombres de mes connexions mentales ? Laisse tomber va. Bon, plus qu’à s’occuper de sortir la donzelle de l’eau pour ce soir, et comme y fera soir quand on aura fini le gros du boulot c’est pour demain, c’est ça ? Ca marche, faisons comme ça. Et je te la pose où pour que tu sois bien pour bosser ? Ouais y a un peu de gros-œuvre je me doute, avec la réparation au goudron que j’avais faite chez le vieux Kharö ça m’étonne pas… c’est pour ça que je demande. Je suis solliciteux moi tu sais. Tiens, là-bas y a des bers, ça paraît top non ? Mais nan sont pas trop petits, y en a un grand juste derrière. De quoi, occupé ? Tu viens avec moi, je vais te montrer comment on cause pour obtenir ce qu’on veut sans casser les portes en entrant. Subtil-style, ouais, mate le tour de magie. Tu me laisses parler, hein, par contre…

… Salut les glands, les trois bestiaux sur la quille, dehors, c’est à qui ?
Salut éhmaist’eslemecqui… C’est, c’est pas à moi, c’est à Ma
Nan te casse pas, le nom je m’en cogne. Juste, tu crois qu’il y tient assez pour le refoutre à la flotte presto, deux ou plus jours ? Ou bien il préfère qu’on s’en cogne à plusieurs ? A ton avis ?


… Tu vois jeune fille, c’est ça la diplomatie. Et ton chéri sur l’affiche il a pas l’air d’un diplomate, tu devrais rester avec moi un bail. On ferait des choses cool ensemble toi et moi. Genre réparer des bateaux, okay, j’ai compris. Bon, en attendant qu’ils reviennent avec le matos pour la grue comme ils ont gentiment proposé, et puis j’aime comme c’était spontané, ça fait plaisir, en attendant je vais tirer la belle à l’algue dormante jusqu’ici. Tu me files une patte, kwak ? Normalement je pourrais faire tout seul, note, mais dur de bien prendre des appuis avec une crêpe à la place du panard gauche… Non je veux pas enlever pas ma botte, non, ça va être un massacre si je fais ça avant demain.

Oh c’est mignon, elle s’en fait pour moi. T’inquiète jeune fille, Tahar a vu pire.

… Eeeet hisse ! Eeeet…

Oh, doucement bordel ! Le premier qui lui fait une cicatrice je le plume, compris ?!

Rien à foutre que vous savez sans doute mieux ce que vous faites que moi. Mais totalement rien à battre. C’est mon bateau c’est moi qui sais c’est moi qui dis. Et c’est moi qui suis névropathe ascendant bourrin coupeur de tête. Alors c’est moi qui dis. Et si je dis de faire gaffe on fait gaffe, et c’est pas la jeune fille que tu regardes quand je te cause, c’est bibi, sinon je vais me vexer. Roger ? Non je sais que c’est pas ton prénRaah !

… Hmf. Bon, toujours du même avis une fois la bête au sec ? C’est toujours jouable, même le trou réparé avec mes pieds quand j’avais que ça sous la main ? Sûre de toi ? Sûre de sûre ?

Bon, et maintenant qu’y crépuscule comme j’avais prévu, on b.ouffe pour se faire plaisir avant les durs labeurs du réveil ? J’ai les crocs, là. Oh, ceux que tu veux, c’est toi qui choisis, t’es libre. Je dirais bien qu’y doivent avoir des restes de bourricot à l’hôtel truc, mais on va encore dire que je force l’allusion.


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La suite se passa au bar. Bêtement. Nous avions toute la soirée devant nous pour faire ce que nous voulions, et pour ma part, il me semblait important de me préparer et de m’équiper en conséquence de la charge de boulot qui m’attendait. Les habitués nous avaient relativement bien accueilli : nous étions l’attraction du moment, et la plupart était même allée voir Tahar pour qu’il leur raconte ses exploits, pour qu’il parle de lui. C’était assez pour flatter l’égo surdimensionné du gus, qui ne se fit pas prier pour délier sa langue pas vraiment nouée.
Moi, j’avais pris l’initiative de faire soigner ma blessure, me faisant aider de la matrone. Nous galérions bien comme il fallait pour faire le bandage, m’obligeant à lever le bras alors que rien que l’idée m’était particulièrement douloureuse. Je songeai aussi à aller m’occuper de l’autre rouquine, qui devait encore être dans son placard, probablement toujours inconscient. Et en finalité, je ne m’en inquiétai plus, embarquée dans l’ambiance qui régnait.

J’avais suggéré au Tahgel de faire soigner sa blessure au pied, le plus rapidement possible. Pas par inquiétude ou… enfin, si peut être un peu, parce que j’étais le genre à savoir ce que pouvais faire une mauvaise fracture. Et à connaitre les complications que ça pouvait engendrer. Et j’avais tout fait pour le convaincre de me laisser s’en occuper, au moins pour éviter d’avoir des ennuis par la suite. Tahar était resté très ferme dans sa réponse, probablement pour faire sa forte tête, et aussi soucieux de savoir si ça allait piquer. « T’es une chochotte ! », c’était pour lancer les hostilités, malgré les négociations vaines. J’étais à peu près sûre qu’il allait se lancer dans des explications foireuses à coup de : « Moi, j’suis une chochotte ? Moi ? Une chochotte ? On me traite pas de chochotte, moi, ma p’tite dame, parce que figure-toi que… Bwah ! » Ah bah oui, t’avais voulu faire ton dur en mettant ton pied sur la chaise pour prendre une position bien classe, hein. Même en douillant ta maman. Alors forcément, face à une fille qui s’arrête pas à si peu, t’avais l’air très fin avec moi, ton pied dans la main et toi, par terre en train de te demander ce qu’il t’arrive. Bon, retirer la chaussure avait été une autre bataille encore plus compliquée, mais j’avais tenu bon, à coup de « Arrête de bouger, espèce d’idiot ! » ou encore « mais c’est trop bête, tu ne vois pas que j’pourrais soulager ta douleur ? ».
Mais je finis par réussir, n'est pas Lilou qui veut.

« Jeanneton prend sa faucille… la rirrette ! Oh la rirrette-euh !
Jeanneton prend sa faucille et s'en va couper les joncs !
En chemin elle rencontre, la rirrette ! Oh la rirrette-euh !
En chemin elle rencontre quatre jeunes et beaux garcons !
»

L’autre élément notable de la soirée fut lorsque Tahar décidé que mon copain Bee ne profitait pas assez de la fête qui s’amorçait. En pensant que personne ne l’avait vu, il avait dérobé un vin de la caisse du barman et avait mélangé la bouteille avec l’eau de la bassine du canard, dans laquelle il se désaltérait. Relevant les yeux de mon calepin, je l’avais vu faire du début jusqu’à la fin, et lorsqu’il remarquait que je l’avais remarqué, l’arme du crime encore dans les mains, il leva les bras en faisant mine d’être totalement innocent.
La suite, on la connait, principalement parce que ce qu’il devait arriver arriva.

« Le premier un peu timide, l'embrassa sur le menton !
Le second un peu moins sage lui souleva le jupon !
Le troisième encore moins sage l'allongea sur le gazon !
Ce que fit le quatrième n'est pas dit dans la chanson !
»

Je n’avais jamais testé les effets de l’alcool sur Bee, l’idée ne m’avait pas traversé l’esprit parce que je ne raffolai pas de ce genre de chose. Ce qu’on pouvait dire, c’est que Tahar ne devait pas non plus s’attendre à ce que le Canard se mette à courir tout autour de la pièce en battant des ailes, fauchant au passage tous les pochtrons qui riaient aux éclats. Et puis, il s’arrêta, tomba raide dans sa bassine, se releva, retomba, et fit cela encore une fois.
Et puis, une chorale se lança. Enfin, une « chorale ». Ou les hommes, bras-dessus bras-dessous chantèrent à tue-tête une chanson. Même Bee s’y mit, essayant de suivre le rythme sans vraiment un parvenir, chancelant à chaque pas, s’accrochant à la jambe de Tahar pour essayer de ne pas tomber. L’image était cocasse, même pour une personne non-alcoolisée comme moi. J’étais, pourtant, bien plus absorbée par mes préparatifs, carte en main et organisation d’expédition par ce qu’il pouvait se tramer autour du moins. Par instant imperturbable, par moment captivée, je négociai avec mon bras pour pouvoir écrire convenablement.

« La morale de cette histoire, c'est que les hommes sont des cochons !
La morale de cette morale, c'est que les femmes aiment les cochons !
»

Jusqu’à ce que Tahar revienne vers moi pour me libérer de ma tâche. Je l’esquivai dans un premier temps, lui disant que j’avais besoin de me concentrer. Et voyant que ma raison ne lui faisait ni chaud ni froid, je commençai à l’ignorer royalement, tandis qu’il se cala sur ma table en poussant mes affaires et en déblatérant sur les choses de la vie, les petits bonheurs que je manquai à être aussi sérieuse et tout le bla bla quotidien. Le regardant avec un certain dédain, puis faisant mine d’être particulièrement passionnée, il continua, divaguant un peu à cause de l’alcool.
Levant les yeux au ciel, je soupirai un bon coup. Ça ne l’arrêta pas pour autant. Alors, pour qu’il ne se stoppe, je me relevai, l’attrapai brutalement par le col de sa chemise mal boutonnée, et l’embrassai en vitesse. En buzz-lecler style, comme à Bliss. Et puis, en me retirant, le regardant droit dans les yeux, je lui lâchai avec l’air malicieux :

« Un partout, la balle au centre. »

A trop jouer avec le feu, l’on finit par se bruler.
Mais entre nous, on ne pouvait décemment pas parler de flamme d’amour, ni rien de tout cela. Seulement un jeu, un jeu dangereux, mais qui restait à mes yeux un amusement des plus simples et des plus plaisants. Je ne me connaissais pas vraiment ce côté, ou du moins, pas à ce point. On ne parlait pas d’attachement, ou de tendresse dans notre situation, probablement plus d’un certain désir.
Les choses de l’amour, je laissais ça à d’autres.
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Marf.

Bouche pâteuse, yeux lourdes. Lourds. C’est les paupières qui sont lourdes. Et l’esprit gourd. Meh, sensation connue, calibrée, prévisible vu les seaux que nous ont servis les locaux. Fallait pas les gars, fallait pas. Je suis qu’un méchant de passage, je vous aurais pas tous tués même en restant sobre. Surtout en restant sobre… J’ai déjà donné dans le massacre gratuit, mais jamais sans une bonne cause à effet. Et les psychotropes en général, c’est potentiellement une bonne cause à effet. A mauvais effet. Z’avez pris des risques. M’enfin même si je me souviens pas bien de ce qu’il s’est passé ce soir je vois que vous vous en êtes sortis, vu la marée ronflante que vous êtes… On est rendus où, là ? Milieu de la nuit ? Okay j’y retou. Mh, manque un truc. Je sais pas quoi mais il manque unAh, trouvé. ée. La coquine au canard. Le canard je le, je te vois bien, allongé comme les autres avec ta patte dans ton bec. Fallait pas t’en promettre, hein… Mais fais gaffe, tant va la cane à l’eau qu’à la fin elle se rouille. Bref. Où qu’elle est donc ta maîtresse, je la vois-t-y point.

Et point d’ombre à elle qui lui ressemble dans la pénombre de cette miterie de taverne. Qui respire comme elle et qui sente comme elle. Hm. Dedieu, si seulement l’écran blanc de la nuit noire tombait plus loin qu’à l’instant du fameux baiser. Hm. Je me suis montré gentleman, elle a pas aimé, elle m’a cogné fort très fort pour compenser avec l’excès de soins apporté plus tôt à ma patte que je voulais pas qu’elle y touche, patte que j’ai quand même abîmée en lattant SON canard ? Putain de logique féminine, je te jure. Ou alors je me suis pas montré gentleman, j’ai résisté à mon corps défendant contre ses assauts éhontés et sa vaine tentative de me faire boire à outrance pour que je ne me contrôle plus, et elle a pas aimé non plus et m’a cogné blah blah mais un peu moins fort mais fort quand même ? Hm, voyons voir… Non, de bosses nulle part, bien ce qu’il me semblait que j’aurais senti un truc si y avait des marques de sévices. Roh, mais bordel.

Bon, elle doit être dehors, allons dehAïe ! Salope. Bouge ton cul grognard ! Et fais pas celui qui dort, on s’en fout que tu dors, tu marches pas sur les patins des gens et encore moins sur le mien… Tch.

Rah, je savais qu’elle aurait pas dû enlever ma botte. La gangrène, j’y mets sa branlée quand que je veux, pas besoin de bandes ni de pommades ni de je sais pas quoi. Faquine. Mais forcément, madame veut, madame fait, hein. Et moi j’agis comme ça, direct ça pleurniche, et direct je gagne deux millions pour tentative de viol aggravé en réunion à cause des autres derrière, hein. Si pas viol carrément, très juste alphonse. Non cherche pas, y a pas d’alphonse. C’est pour ça qu’il a pas de majuscule. Y a pas de justice, non plus. C’est pour ça qu’elle non plus elle en a pas. De majuscule. Le bar. Bonne idée le bar, allons-y par étapes. Et un cocktail pour le Tahar, un. A la tienne tavergiste. Ta gueule, tu ronfles et quand on ronfle on dit pas qu’il faut pas toucher aux bouteilles quand le magasin est fermé. Y a pas d’horaires ici que les miens, t’avais qu’à mette un écriteau. Ca t’aurait donné bonne conscience, moi j’en aurais rien eu à taper non plus, et tout le monde aurait été heureux. Hein.

Bien, maintenant que les tordus sont boyaux, l’inverse si tu veux alphonse, continuons. Héhé, c’est qu’il caille ici. Viper, chérie, si tu t’es pas trouvée un amant pour la nuit j’aimerais bien voir comment tu t’en sors par cette météo. Est-ce que le tekkai permet de s’en sortir face aux températures extrêmes ? Le genre de question pour lesquels j’aimerais aller faire un tour dans les classes du Cipher, tiens… Voir comment ça se passe, si vous vous foutez tous à oilèp devant un bain de lave et le but c’est de pas s’en laisser cramer un, de poiHm. Vue, jeune fille.

Moi suis pas contre qu’on passe plus de temps ensemble, KirLilou, mais tu peux le dire franchement plutôt que de te choper la crève en restant débraillée à faire semblant de regarder les étoiles pour faire genre t’es une fille romantique qui lutte contre elle-même. En plus la fièvre y paraît que c’est pas un truc terrible pour bien bosser et j’aimerais pas que tu m’augmentes les dégâts au lieu de les réparer, tu vois. Mh. Encore retournée par tout à l’heure ?

Non je sais pas si je t’ai ramenée à la belle goélette pour y faire des trucs avant d’aller me finir après la redite de Bliss. Mais ça fait prétexte potable pour amener le sujet et vérifier. Pis ça semble d’ambiance. Tiens, je me pose là, même, pour l’ambiance. C’est bien trouvé, le muret le long de la plage pour laisser pendre les jam…Hum, non, mauvais idée. Ca douille moins quand j’ai la plante comprimée contre le sol en fait. Alors je vais rester debout, tu veux bien, et fumer un joint pour faire genre parce que bon, les étoiles, moi, je les ai déjà vues. Et même que celle-là ben c’est une étoile double. Sisi. Voilà. Le papier. La tabatière gravée d’initiales pas à moi, l’allume-feu.

La feinte, cet art de vivre.


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Une voix retentit, couvrant les bruits de la nuit et le silence que le temps avait fini par installer. La fête s’était stoppée comme elle avait commencé : en quelques minutes. Et il n’y eut plus d’éclats de voix, seulement quelques ronflements parvenant des fenêtres ouvertes du bar que j’avais quitté quelques heures avant. Regardant l’affiche que j’avais en main, je finis par la ranger précipitamment dans la poche de mon pantalon. Relevant le regard, remarquant que c’était Tahar qui revenait à peine à lui, encore dans le brouillard, il tenta de me faire comprendre qu’il fallait que je me couvre un peu plus pour ne pas attraper froid. Sa déclaration me fit rire, j’enchainai pour lui répondre :

« L’intention était presque bonne, mais il te manque encore du tact pour être agréable. »

Ça, c’était dit. Et j’avais été aussi aimable que lui l’avait été avec moi. Et préférant ne pas relever le fait qu’il m’appelle « Kirikou », je fis mine de l’ignorer. N'est pas "Monsieur connard" qui veut, n'est-ce pas... Sa dernière question me ramena rapidement à lui, puisque de toute évidence, il y avait quelque chose qui ne collait absolument pas. L’air interrogatif, il tenta de me pousser à répondre d’un regard qui en disait long. Ne voyant pas ou est-ce qu’il voulait en venir, je repris :

« Par contre… Retournée par quoi ? »

Il s’installa à côté de moi et s’alluma une cigarette. Après la quantité d’alcool qu’il avait ingurgité en compagnie des autres zigs, j’étais déjà surprise qu’il soit conscient et debout à cette heure-ci. Le gus avait une sacrée endurance, et il tenait bien la distance en matière de marathon alcoolisé et… Attendez…

« Ah ! Tu ne te souviens de rien, c’est ça ?! »

Même pas la peine de renchérir pour se faire comprendre. Et surtout, me faire comprendre que j’avais tout à fait raison à ce sujet. Un autre rire m’échappa : c’était à prévoir, comme la gueule de bois qu’il aura après sa grasse matinée de plus tard. Pendant que lui tournera dans son lit et que moi, j’irai bosser comme une dingue sur son épave plus ou moins vaillante. Et, bonne âme comme j’étais, ça me faisait de la peine de laisser un pochtron dans le noir, incapable de se souvenir ce qu’il avait bien pu faire de sa fichue soirée, et surtout, ne pas pouvoir répondre à des questions qui pouvaient réellement l’intéresser, si vous suivez toujours…

« Malin… Tu veux qu’on reparte d’où ? Dis-moi au moins que tu te souviens que je t’ai rendu la pareille ? »

La pareille. Une façon mignonne de dire « le baiser que tu m’as volé à Bliss », parce que « voler » était bien le mot. Ou « donner » avec tous les autres ennuis qui allaient avec… Ah, ouais. Ça, il ne l’avait pas oublié. Il s’en souvenait comme si c’était maintenant. Mais après, par contre…

Après, et pour résumer rapidement, rien ne s’était agencé comme il l’avait réellement prévu. Vrai que mon action avait généré en lui des ardeurs dont je n’avais pas idée, et vrai aussi qu’il se serait bien vu aller plus loin dans l’immédiat. Heureusement ou malheureusement, selon ou l’on se place, les autres du bar l’avaient vu recevoir mon baiser, et c’étaient empressé d’applaudir à tout rompre, allant taper sur les épaules de Tahar en le félicitant d’avoir attrapé la seule minette potable du patois, lui faisant même prendre un bain de foule en le choppant par les côtes pour le hisser au-dessus de leurs épaules. Le tout en hurlant « Champion ! Champion ! » à tout rompre, enterrant quasiment définitivement ses envies pour la soirée.
La phrase qui mit un terme à ses souvenirs, ça a été « CONCOURS DU PLUS GROS BUVEURS », auquel Tahar avait participé, plein de bonnes humeurs, levant à chaque fois son shooter en me disant « Celui-là, chérie, il est pour toi. Mais surtout pour moi », alors que je m’étais replongée dans mes papiers. Au bout du vingtième verre sans vomir qui lui assura la victoire, il se lança dans une longue tirade d’amitié devant Bee, lui assurant que lui et le canard étaient pareil, à la seule différence que Bee était un canard, et pas lui.
Un « Kwak » plus tard, Tahar tomba comme une enclume sur une table, se mettant à ronfler aussi fort qu’un tracteur en train de faire son champ. Et puis, les hommes s’endormirent, tandis que je quittai la pièce en allant chercher du calme et de l’oxygène près de la plage.

« … Et après, tu t’es réveillé, voilà tout. »

Le petit sourire qui allait bien, plein de mesquinerie, je le regardai avec le regard qui disait « Hahaha, t’as cru que y’avait eu une suite, hein ? ». Et dans toute cette histoire, j’avais même eu le temps d’aller voir si Viper était toujours en vie, en profitant pour la nourrir.

« C’était bien mignon de t’inquiéter pour moi, mais tu vois, je suis une grande fille, dis-je en lui touchant son avant-bras de ma main brulante. Et ne t’en fais pas pour ton bateau : quand j’en aurais fini, tu ne l’auras jamais vu aussi beau. »

Et ce n’était même pas pour me vanter. Puis, je me relevai de mon muret, me tournant vers Tahar avec un sourire discret, l’air fatigué :

« Maintenant que tu es réveillé et que t’as arrêté de ronfler comme un monstre des mers, je vais pouvoir dormir… Y’en a qui ont du boulot demain. Alors… »
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Au fond à gauche, sous l’escalier, y a moins de peuple et moins d’effluves, si tu veux divaguer tranquille au royaume des rêves de moi et de l’insouciance faite reine.

Non moi je suis solliciteux mais je viens pas t’assurer une bonne niche de mes grands bras gaillards et virilement magnifiques, non. J’ai pas résisté douze – et maintenant quinze tu me dis – heures à l’idée de te sauter dessus en remboursement de ta dette pour te coller maintenant sans qu’y se passe rien juste pour te faire un oreiller. T’es mignonne mais moi j’acte pas gratuit. Je m’ai réveillé, je suis là, c’est pas grave. C’est pas la première fois, j’ai commencé alors que t’étais pas encore à jouer les cancers dans la tripe de ta mater familias, je vais me pignoler le cigarillo tout seul comme un grand. C’est ça ouais, tire-toi donc avant que le souvenir de ta paume chaude comme la braise sur mon bras musculeux comme pas que mon bras me fasse passer la respectuosité et m’encline à vicier ton consentement de femme fatiguée et plus très femme à cause des cernes…

Héhéhé, t’as vu Pully : elle a rien remarqué. Elle sait même pas qu’en fait je suis jamais tout seul depuis que t’es là. Personne le sait. Ca va toi, les amours ? Narnak est pas trop con ?



De quoi tu veux pas que je t’aide, je vais tout te saloper ? Non mais c’est mon bateau quand même, bordel, j’y fais ce que je veux. Quoi, la réparation au goudron, quoi ?! Tu voulais que je cloue juste une planche, peut-être ? Et t’es ingénieure cheftaine quelque part après, c’est ça ? Ah ben elle est belle la charpentière, dis. Non t’es vraiment mignonne en vrai, mais bon, tu vas pas me soutenir que y a pas plus jointif que du bois cloué quand même, si ? Ouais c’est ça je me casse, ouais. Démerde-toi donc avec ton canard pour me nettoyer ça, et moi je ferai que gueuler si c'est pas bien fini, ouais. Et si l’autre s’avise de me défoncer un truc dans mon bateau avec ses grosses pattes, j’en fais un civet.

Kwak, ouais.

Ah bordel. Et moi je fais quoi en attendant ? Une sieste pour compenser la nuit perdue à cause de toi ? Un tricot avec les fils de mon indifférence à te voir trimer dès l’aube ? Avec ou sans manche, le tricot ? Pas de tricot ? Bon, je me bats les steaks littéralement alors ? Ouais, tiens, faisons comme ça. Quoi le péquin qui passe ? Quoi le clebs ? Quoi la vieille qui passe au bout de la laisse ? T’as un problème avec mes bonbons ? Sont plus gros que les vôtres, sont plus gros que ceux de ton très cher et très défuncté mari ? Bah tant pis. Matez pas trop, ça va me mettre inconfortable après. Bon, et maintenant avec quoi je fais ça ? Une truelle ? Pourquoi y a une truelle là d’abord…

Eh, Lilou, qu’est-ce que tu fous avec une truelle pour réparer un navire ?

Hm ? Arf, Scusi pour la vue, mais bon c’est pas comme si tu m’avais pas déjà exploré les coutures un peu hier, hein. Oui c’est ça c’est ça, soupire, hausse les épaules, échange un regard en apparence condescendant mais en réalité concupiscent avec la basse-cour de tes collègues et avec le parterre de passant-e-s ébaubi-e-s, et retourne bosser comme si j’étais rien pour toi qu’un patron un peu excentrique. Ouais. Bon, quoi alors ? Un bout de bois ? Ca va écorcher putain, d’autres idées… ? Pully ? Non je crois pas non, toi tu restes dans ma proche. Et toi, Narny, ta gueule tu veux, avec tes propositions à la con. C’est dégueulasse ce que tu baves, là.

Bref, me reste la main alors, c’est ça ? Ouais mais c’est pas fun. La main, quoi. Ca manque de… d’un truc qui fasse un peu distant, aérien, d’un truc qui pose l’ambiance du mec qui se bat les steaks nom d’une couille en bronze. C’est comme pour s’aérer quand il fait trop chaud : la main, c’est bien, mais ça fait un peu soluce du pauvre. Autre chose genre un vrai éventail ou un ventilateur ou, mieux encore, un esclave avec une feuille de papayer géante c’est encore mieux. Barf. Une feuille de papayer, tiens, ça pourrait le faire aussi, là. Héhéhé, je me perds. Rhabillons-nous ça fait mal en plus.

B’soin d’un coup de main bella ?

Fais pas genre tu t’es pas cassée la gueule avec la brosse. Ben ouais tu veux faire tout toute seule, je sais bien. Mais quand t’as pas les muscles pour faire le travail des grands, forcément y a un moment tu fatigues. Pourquoi le becqueton là il te file pas la patte, il est trop jeune pour ça peut-être ? Vu les mandales qu’il m’a mises la veille, j’y crois pas bien, tu m’excuseras. Allez, si lui peut pas aider laisse-moi au moins faire les parties en hauteur moi-même. Pas que j’y tienne mais tu me gênes, là, à ahaner toutes les eaux de ton corps par les pores. Ca te rend toute sweaty et tu pourras bientôt te faire élire miss tee-shirt mouillée par le moindre connard du coin. Non moi je suis pas un connard par contre. Non. Allez, file-moi ce manche, tu sais pas y tenir. File-le moi bordel, et arrête de te coller contre moi on va croire des trucs après. Toi que je cherche à en profiter. Moi que tu cherches à en profiter. Les autres qu’on en profite. Oh, boarf. De toute façon s’ils le croient, c’est un peu comme si on le faisait, non ? Autant pas se frustrer, sinon ça aura servi à rien. Un peu comme partir pour buter un mec, arriver avec son flingue là-bas, se faire souffler l’acte par un autre couillon qu’a eu la même idée, se faire condamner pour le meurtre à la fin, se faire connaître pour ça. C’est plus facilement gobable si c’est vraiment toi qui l’as fait, non ? Allez.


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« Lâche cette brosse toute de suite ! »

La remise à neuf de la Sublime prenait beaucoup de temps, beaucoup plus que je ne l’imaginai à la base. J’avais sous-estimé le travail. La mousse accumulée était particulièrement tenace, pas du genre à avoir envie de tirer sa révérence aussi facilement : elle me donnait du fil à retordre. J’avais mis une bonne partie de la journée rien qu’à tenter de la retirer, ayant « emprunté » (ou voler, selon… Mieux valait que l’on coupe court à nos relations, je commençai à agir comme Tahar) à mes amis charpentiers du coin les produits qu’il me fallait. Pulvériser, laisser poser deux minutes et enlever. Parfois quinze minutes sur les plus grosses parties. En plus d’être particulièrement long sur une coque large comme celle de la Sublime, le travail était éreintant. Mon épaule déjà endolorie me faisait souffrir, et mes bras encaissaient difficilement la charge de boulot. Bee m’aidait par moment, mais sa délicatesse manqua à deux fois de faire tomber le navire de son équilibre. Nous avions donc décidé, d’un commun accord, qu’il était préférable que je sois la seule à m’occuper du bâtiment de Monsieur, pour éviter de finir découper en petit morceau si l’on venait à l’abîmer. En parlant de Monsieur, difficile de savoir si c’était dans son caractère d’être aussi irritant ou si le manque de sommeil jouait pas mal à le rendre aussi insupportable. Ou alors, mes propres humeurs qui faisaient que j’avais du mal à le tolérer. Dans tous les cas, ses excentricités me déconcentraient plus qu’autre chose et me donnait envie de lui péter une durite comme à notre premier entretien.

Compliqué pour lui de laisser sa merveille aux mains d’une demoiselle dans mon genre. Je n’avais pas forcément le profil du charpentier de base ou de l’ingénieur qualifié, mais j’étais sincèrement la mieux placée pour l’aider. Préférant le virer de l’affaire, lui demandant d’aller s’amuser ailleurs, il s’exécuta en pestant contre tout et n’importe quoi.
En dégageant la partie concernée, je mis une demi-heure pour retirer le goudron qu’il avait utilisé pour boucher un trou, l’insultant copieusement de beaux noms d’oiseaux pour lui apprendre à faire des conneries de ce genre. La demi-heure suivante, je la passai à le reboucher. Résine, ponçage, vernissage. Et puis, autant de temps pour faire en sorte que le résultat de la réparation se fonde avec le reste du navire.

La suite, on la connait. En voulant me remettre au travail pour enlever la mousse et autres crustacés de la coque, Tahar décida qu’il était temps pour lui de sortir de son inutilité chronique et de me filer un coup de main. Décrétant que j’étais de toute évidence trop petite pour atteindre les parties les plus hautes et malgré les protestations, commença entre nous une lutte acharnée pour garder/obtenir la brosse. Avec les idées lubriques en prime de Monsieur, qui en profitait pour se coller contre moi en s’imaginant que c’était ainsi qu’on séduisait une fille dans mon genre. Un mauvais coup dans son nez plus tard, m’excusant platement en ayant réussi tout de même à conserver l’objet désiré, il se mit à me poursuivre autour du navire en jurant qu’il m’aurait, soit pour me taper, soit pour récupérer la brosse. Et vu qu’aucunes des deux solutions ne me satisfaisaient vraiment, prendre les jambes à mon cou fut ce que je choisis de faire.

Et enfin, la nuit tomba et notre « travail » se termina quelques heures après le coucher du soleil. Bee remit la Sublime à l’eau, je vérifiai qu’il n’y avait aucune fuite, et remontai dans la cabine principale et la pièce la plus grande du bateau.

« Tu pourras prendre la mer dès demain, dis-je en m’essuyant les mains un torchon qui ressemblait étrangement à un T-shirt. »

Une fois cela fait, je reposai l’objet et détachai mes cheveux. J’étais épuisée, ce pourquoi je m’effondrai presque sur une des chaises qui meublait l’intérieur du navire. Il s’installa en face de moi et tenta de me remercier avec ses mots, tournés maladroitement dans une phrase désoblimable.

« Ah : Ne t’avise plus jamais de reboucher un trou avec du goudron… Ou je serais obligée de te montrer ce que ça fait sur le corps humain. »

Le même ton, un poil sarcastique, je fis un sourire en levant la tête, faisant craquer mon cou endolori. Fermant les yeux, je pris quelques secondes pour me ressourcer et penser à ce qu’il se passait. A ce qu’il s’était passé. A ce que nous venions de partager sans vraiment le souhaiter, ces retrouvailles rocambolesques qui m’avaient plus perturbées qu’autre chose. J’étais troublée, principalement parce que je devais admettre que ces quelques jours avaient été salutaires : depuis des mois, je me torturai l’esprit, et l’espace d’un court week end, j’en oubliai tous mes ennuis. J’avais de l’affection pour un monstre. Le Monstre. Le Dr Jekyll et Monsieur Connard de mes souvenirs. Et je songeai à ce qui m’avait amené ici, à cette affiche pliée, déchirée dans le fond de ma poche et que je ne quittai plus depuis des mois. Au futur qui s’annonçait orageux pour lui, comme pour moi. Et je méditai en me disant que : ouais, bordel, je me sentais bien. J’aimais me chamailler, être rancunière, parfois sadique, souvent taquine. Mais j’aimais l’être parce que c’était lui, et que j’avais cette sensation que c’était notre jeu. A nous. S’offrir mais pas totalement, s’apprécier sans se supporter, se titiller puis se bruler.
Le genre de jeu, interdit, mais tellement grisant, le genre ou n’importe quel ange, aussi pur soit-il, y perdrait ses ailes. J’étais loin d’être un ange, je l’avais compris depuis bien longtemps. J’en avais confirmation actuellement, tandis que mon regard pétillant se reposait sur lui.

Tout n'avait que frustrations. Même pour moi.

Je n’aurais su expliquer de quelle manière je considérai l’homme qui me faisait face, ni comment interpréter son air fiévreux qui me sondait avec le même appétit. Vorace. Je ne saurais expliquer ce qui se passait en moi, ni ce que j’imaginai. Ni ou j’allai en m’embarquant sur cette voie. Mais j’y allai.
J’avais connu l’enfer. Et ce que je ressentais en moi était totalement différent de ce que j’en savais. Si je ne me brulai que les ailes, ça en valait la peine. Me levant doucement de ma chaise, faisant grincer le parquet vieilli et poussiéreux, j’arrivai à son niveau. Fébrile comme pas deux, je me penchai avant de saisir, dans une timidité lascive, ses lèvres. Les doigts effleurant sa barbe naissance. L’autre tenant doucement son épaule.

Je combattais la Bête de ma mémoire, sans arme, sans bouclier, mais avec des ressources de tendresse que seule une femme qui n’arrive pas à l’exprimer le faisait. De celles qui se lovent dans ces passions fugaces, de celles qui fuient avant le lever du soleil.

De celles qui jouent, qui s’échappent, qui trahissent, mais qui aiment quand même.

Ce soir-là, j’ai découvert que la plupart des êtres qu’on pense méchants ou malfaisant sont tout simplement très seuls... Et manquent de savoir-vivre.
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L’aube.

Et avec elle qui se lève, une nuit blanche de plus à ton compteur mon canard. Tiens, pas de soleil rouge ce matin. Hm, non, évidemment. Pas eu le temps de tuer. Pas eu de temps à tuer. N’empêche, l’orange rosé, bon. Tu pousses un peu loin, Phoebus, tu sais ? C’est ça c’est ça, lève-toi, darde tes rayons ailleurs que dans ma poche parce que le laitier est déjà passé de toute façon, dégage un peu de mon horizon et laisse-moi le contempler, j’ai à penser. Enfin penser… Bwerf.

Kwak.

Salut piaf. Déjà réveillé ? Et ta maîtresse, non ? Non hein. Bravette. … T’attends quoi, là, d’où tu me regardes avec des yeux de chat potté ? Tu veux que je te caresse ? Tu crois je suis gentil ? Et tu veux pas une tranche de gâteau non plus avec ça, dis ? J’ai que de la tarte, je sais pas si ça va t’aller ? Ouais c’est ça, ouais, va barboter, va. Toi aussi laisse-moi penser. Enfin penser… Bwerf.

Mon ptit Tahar, tu déconnes. Pas besoin de penser. Réveille-la, dépose-la, ou l’inverse, ou sans le réveil. Ouais, juste soulève-la, encore, juste porte-la, dehors, juste dépose-la, sur un banc, et casse-toi. Hop. La Sublime est réparée, plus sublime que y a un an, les voiles pas mitées, les bois sains, on peut y aller. Grâce à elle, certes, et l’après-chantier fut très appréciable, mais arrête-toi là sinon c’est le début des emmerdes… Tu crois ? T’es sûre de toi ? Okay Pully, faisons comme ça. Okay.

Ah non, craque pas, la planche. Va pas me la réveiller sinon ça va faire une scène. Casser l’ambiance de la veille. De tout à l’heure. Mh. Fais sombre là-dedans. Putain de soleil aveuglant. Et rose en plus. Allez viens-là, toi. Non, gémis pas comme ça, rendors-toi tout va bien. Chut voilà.

… Ciao p

Non, pas Ciao poupée. Pas la peine. Tiens, la couverture. Te la laisse, ouais, suis généreux comme ça, moi. Pis si tu roupilles encore un brin ça va cailler. Non, lâche-moi tu veux. Lâche-moi bordel. T’es mignonne mais je suis pas ton chauffage portatif, moi. Lâche. Tiens, tu tombes bien la cane. Ouais, ébroue-toi, bien la pêche ? Bien ? Bon, viens-là. Mais non je vais pas te taper, mais non. Viens… Mais viens ! KwTcht ! Tention, hein. T’ai à l’œil. Viens-là, voilà. Et hop. Tiens-lui chaud, bouge plus. Bouge plus. Oui je me casse. Oui je me casse. Regarde-moi comme tu veux.

Les amarres, la drisse, la bôme. Voilà. Salut le vent, salut les embruns. Salut Peutin.

Salut Lilou.



Hmm. Le bon air du large, y a que ça de vrai. Rien d’aucun côté. Ni voile, ni nuage, ni vent. Ni rien. Parfait parfait. Allez, on est bien, time to se mettre à l’aise. Non pas se battre les steaks, non. Déjà fait, pas intéressant, pas de public. Non, plutôt le mode cigare, bob à cornes, bruits de l’eau, feuille de chou pour s’endormir sur les nouvelles du monde. Oh, la mouette ! Tu m’apportes le mondial, dis ? De quoi ? Tu veux cinquante berries ? Et mon c… Okay, tiens, voilà même deux cents doublezons, j’ai pas moins. Non me rends pas la monnaie, non. Suis d’humeur bonne aujourd’hui, va t’acheter tes croquettes en même temps. MerNon, pas merci, faut pas déconner.

Alors, voyons voir. Squisepassedanslemondedepuisunesemaine.

Keuwah ?

Ah, garce. Tu cachais véritablement bien ton jeu, hein. Tchéhé. Promis Viper, et des promesses tu sais bien que je dois en avoir fait deux depuis que je t’ai rencontrée la première fois, en comptant celle-ci. Promis, si je passe un jour par Impel, je te fais revoir la lumière du jour. Te foutre en taule, soit, tu le mérites et t’étais au courant. Pas mon problème. Mais me dire à moi l’air de rien que tu t’es barrée alors que non, ça je suis pas d’accord. Alors toi et moi on reprendra là où on en était si Anna et les autres t’ont pas trop abîmé la frimousse, et après j’irai m’expliquer avec ta copine rousse qui t’a mise misérable. Ma copine rousse, si tu veux. Et j’imagine que tu viendras avec moi, alors en fait on reprendra tous ensemble tout le cours de la journée de y a dix jours comme il faut et là où on s’est interrompus. Tous, comme de bons vieux copains qui se sont bien aimés à un moment.

Bien aimés, ouais.


[P]ursuit Of Happiness. 661875SignTahar
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