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[FB 1617] La musique adoucit les moeurs, dit-on. {Sören}

"Car un jour, mon fils, tu sauveras le monde."

Caressant la gravure dissimulée à l'intérieur de la gaine du cuir du bracelet ouvragé, l'assassin laissa échapper un sourire attristé. Vêtu de sa simple chemise en lin noire, il se laissait envoûter par le parfum enivrant de la cité. La vie nocturne avait pour lui un charme inexpliqué, qui avait le don de le laisser nostalgique et désemparé. Se dissimuler dans les ombres, apprendre à jouer du fil de sa lame. C'était un entraînement, un mode de vie éreintant. Jamais il ne prenait le temps de vivre, d'apprécier le moment présent. Une faiblesse aurait dit son frère. Ce qui le rapprochait de ceux pour qui il se battait, lui aurait-il répondu. Manshon était un lieu où la peur et l'ordre, malgré tout, régnaient, un lieu qu'il espérait sauver. Mais il ne se leurrait pas, ce n'était qu'une étape dans son rêve d'ascension. Rafael n'était qu'un homme qui devait se hisser bien au delà de sa condition. Et pendant que la plèbe se perdait dans les luttes intestines de cette citée illuminée, lui restait là, à mirer les reflets de la Voie Lactée sur les vagues du port. Une époque, où l'adolescent qu'il cessait d'être vivait ses derniers instants. Où la beauté des choses importait à ses yeux. Une époque où le sang ne comptait pas autant que la justice.

La vie nocturne battait son plein, un brouhaha chatoyant qui lui tirait sourires et gloussements. Si sa condition n'était pas rêvée, elle lui permettait d'observer sans gêne des spectacles que nul autre que lui n'aurait trouvé divertissant. De voir la drague ingénue d'une jeune fille envers l'homme qui lui tenait le bras, bellâtre blond et imberbe. Le pêcheur qui rentrait de sa journée harassante retrouver femme et enfants. Connaîtrait-il lui aussi cette paix ? Son combat cesserait-il ? Non, car un jour, il sauverait le monde. L'heure n'était pas à de pareilles fables, il avait passé l'âge où la Matrone lui comptait les aventures de ses ancêtres, où glaive à la main Rafael luttait pour l'honneur de sa famille, imaginant avec Césare que les palmiers de la côte n'étaient que dragons et chimères venues lui ôter père et mère. Un frisson lui parcouru l'échine, les vents commençaient à se lever. Il enfila son bracelet, tira sa chemise de lin par dessus. Le symbole à l'effigie des Auditore disparaissait sous le tissu sombre de son habit. Il était temps de se faufiler à nouveau parmi les ombres et les gargouilles de l'architecture fantasque de la cité.

Descendre de son perchoir était plus facile que d'y accéder. Ses muscles le tiraient, restes de ses promenades quotidiennes. Quitter l'endroit pour quérir un refuge où trouver nourriture et toit pour la nuit lui donnait les forces d'affronter la nuit. Ceci, et la rapière qui battait sa cuisse, solidement harnachée à sa ceinture. Rafael repoussa en arrière ses cheveux de jais, trop courts pour être noués correctement. Glissant entre les pierres, il se retrouva bien vite à terre, à la hauteur de ceux qu'il contemplait quelques minutes plus tôt. Il s'assura alors de n'être point suivi, puis s'engouffra dans une ruelle où la lumière de la ville n'osait s'aventurer. Il n'avait pas peur des mafias grandissante de la ville, suffisamment discret pour échapper à leurs sentinelles et créanciers malavisés. Ce fut au moment même où il quittait la lumière qu'une timide mélodie se fit un chemin jusqu'à son oreille. S'arrêtant un instant, l'assassin se figea, frémissant sous les vibrations cristallines de cette triste mélopée. Comme un chant venu d'outre-tombe, qui le hanta soudain. Une mélodie qui le ramenait à ses années juvéniles, qui résonnait en lui. Une musique qui avait le don de l'apaiser, de le ramener à ce qui se rapprochait le plus d'un foyer. La Matrone, Césare. La plage. Un feu qui s'élevait à plusieurs pieds de haut, la chaleur et le réconfort. Avant que tout ceci ne commence. Elle, l'Amazone qui les avait élevés, portait à sa bouche un objet fait de terre cuite, dont il n'aurait su dire la fonction. Puis ses doigts courraient sur les embouchures de l'instrument, en tirant une litanie similaire. Non, c'était exactement la même. Un frisson parcourut son échine. Il devait trouver qui faisait ça. C'était peut-être le dernier fragment de ce qui faisait de lui un être humain comme les autres, son innocence.

mélodie en question :

Il ouvrit la porte de la taverne, les yeux écarquillés, pareil à un enfant. Au fond, sur la scène, une femme faisait glisser ses doigts sur un ocarina. Il resta interdit, contemplant la jeune femme. D'où tenait-elle cette mélodie ? Qui était-elle ? Il n'était pas sot au point de lui vouer son coeur, mais au fond de lui, il ne pouvait s'empêcher de penser à la Matrone, à qui il devait la vie. Il dut rester sans bouger trop longtemps car, une brusque poussée dans l'épaule l'obligea à s'engouffrer dans l'auberge. Un malabar venait de le faire avancer du plat de la main. Le jeune assassin secoua la tête puis alla s'installer au fond de la salle. Il acquiesça pour la bière et le plat du soir, sans décrocher les yeux de la petite troupe qui officiait là. Les morceaux passèrent, changèrent mais il restait subjugué par la femme qui avait su l'enchanter avec seulement quelques notes. Lui qui était devenu l'un des tueurs les plus recherchés d'East Blue venait de se faire amadouer par une simple mélodie. Et lorsqu'ils se mirent en tête de quitter l'endroit, réclamant leur recette, l'assassin ne se laissa pas démonter, et alla se placer devant la musicienne. La nuit était déjà fort avancée, mais il n'en avait cure. Il planta son regard océan, insolent dans les yeux de la jeune femme, sans se préoccuper des regards indignés des autres membres de la troupe. Ils avaient du le remarquer tout au long de la soirée, tout comme les quelques bières qui avaient fait rosir ses joues. Mais ils se trompaient certainement sur ses intentions. Toujours était-il qu'ils ne semblèrent pas s'opposer à lui lorsqu'il s'avança jusqu'à elle.

"Apprends-moi. Apprends-moi à jouer de cet instrument."
lui demanda-t-il, ne sachant s'il était en train de quémander ou d'ordonner.
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Le 6 novembre 1617.

Morgan s'étirait paresseusement sur le comptoir de la Taverne de la Jetée, son pelage fauve rendu inquiétant par la flamme vacillante d'une bougie. Dans la salle, une foule compacte se pressait autour des tables en guettant les évènements de la soirée. Au fond, une petite estrade improvisée attendait ses musiciens.
Légèrement inquiet, Sören accorda une dernière fois sa guitare. Cela ne faisait guère plus d'un mois qu'il avait rejoint la troupe des trois troubadours qui se tenaient à ses côtés en riant. Et s'il faisait son possible pour assimiler les leçons d'Olaf et les paroles des chansons, il savait bien qu'il resterait pour longtemps en-deçà du niveau de ses compagnons.


-On reprend, les gars ?
-T'inquiète pas, p'tit. Si tu t'plantes, on t'couvrira.
-On a tous commencé un jour.

Le garçon acquiesça mollement, tandis qu'Olaf l'entraînait vers la scène, toujours hilare. L'endroit était paisible et sans prétention, avec ses bourgeois en manque de sensations populaires, ses clients réguliers qui buvaient un énième verre de rouge ou de rhum, ses rudes travailleurs qui venaient danser la ritournelle et manger la soupe au lard.

Edwin avait déjà à demi disparu derrière sa montagne de percussions. Serena lui sourit tendrement, en nettoyant son fidèle harmonica d'un revers de manche pour le replacer dans sa poche. Pour ce soir, histoire de séduire les habitués par la nouveauté, elle avait préféré opter pour un ocarina en corne de buffle de West Blue.

Le spectacle se déroula sans anicroche. Morgan dormait profondément sur le comptoir, Sören donnait le meilleur de lui-même pour suivre, Olaf chantait, la voix profonde et grave, Serena jouait avec aisance. La taverne se remplissait, l'on jetait de la monnaie sur les artistes, l'on payait des tournées pour le plus grand bonheur du maître des lieux.

Mais à peine la dernière note d'ocarina avait finit de résonner qu'un homme pour le moins atypique s'était avancé en direction du groupe, les yeux rivés sur la musicienne. Au plus grand déplaisir d'Edwin, son compagnon.


-Un problème, Serena ?
-Non, non, mon amour. Pas pour le moment.

Visiblement rassuré, Edwin se détendit. Ce qui ne l'empêcha pas de se rapprocher davantage encore de sa compagne, sans lâcher l'individu du regard... qui répétait à voix haute son désir de suivre des cours de musique auprès de Serena...
Morgan avait quitté le comptoir. L'homme dégageait une curieuse odeur métallique, qui avait l'air de lui inspirer un dégoût mêlé de fascination. De son côté, Sören demeurait silencieux, gêné par la situation.


-Je vous assure que je suis désolée, monsieur. Mais je n'enseigne pas la musique. Nous sommes des musiciens itinérants, nous ne pouvons prendre d'élèves... J'espère que vous comprenez.

Assurée d'avoir trouvé les bons mots, Serena esquiva le regard de l'inconnu pour se diriger vers le comptoir. Mais Edwin continuait de le toiser avec soupçon, tandis que Sören s'empressait de suivre la jeune femme. Une choppe à la main, Olaf riait.


Dernière édition par Sören Hurlevent le Ven 26 Oct 2012 - 11:39, édité 1 fois
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L'assassin resta un instant interdit. Venait-elle de ... refuser ? C'était perturbant. Voilà tellement longtemps qu'il n'avait pas œuvré parmi les hommes qu'il en oubliait les principes fondamentaux ? Pourtant la Volpe lui avait appris, à se fondre dans la masse, à obtenir ce qu'il désirait. Mais ce n'était pas ce que Rafael avait pour habitude de quémander, pour lui les morts s'entassaient sans chaleur ni repos, alors que cette chose qu'elle possédait valait bien plus. Il ne réagit pas à l'intervention de l'homme qui semblait partager sa vie, pas jusqu'à ce qu'elle ne s'en aille. Il leva alors son regard océan vers celui de cet individu. Il fronça légèrement les sourcils et entrouvrit la bouche. Il ne partirait pas avant d'avoir ce qu'il voulait, mais il ne désirait pas l'obtenir dans la violence. C'était à la fois précieux et indispensable. Cette mélopée mélancolique avait fondre en un instant sa carapace tissée dans le sang et la douleur. C'était un souvenir d'enfance qu'il avait cru enfoui jusqu'à lors, un baume sur ses doutes et ses émotions, une panacée à ses maux. Il laissa la jeune femme se détourner de lui, le comportement protecteur de son compagnon ramenait en lui ses instincts prédateurs. Il était incontestablement celui qui la couvrait et ne laissait personne l'approcher, alors il se devait de le gagner, lui, à sa cause. Insister auprès de la musicienne ne pourrait avoir que des conclusions néfastes, voire violentes. Non, il lui fallait faire montre de prudence. Et si, pour une fois, il se montrait honnête ? On n'avait rien sans donner quelque chose en retour dans ce monde.

"Je ... je vous en prie." reprit-il à voix basse.

Rafael baissa les yeux, ne cherchant pas le conflit à trop défier le chef de ce petit groupe. Faire preuve d'humilité était bien souvent plus facile que de défier le monde entier. Sans compter qu'il y avait longtemps qu'il n'avait pas aussi ardemment désiré s'emparer de quelque chose.

"Je suis prêt à faire ce que vous voulez en échange de votre apprentissage. De celui de votre femme."
commença-t-il, levant les mains, implorant.

Sa mine contrite n'était pas feinte. Il n'aurait su dire en quoi, mais elle avait touché quelque chose en lui, qui lui faisait perdre ses moyens. Lui qui était un homme fier, arrogant et souvent impétueux se retrouvait là à supplier qu'on lui donne quelque chose. Il avait l'habitude de prendre sans demander, lorsque cela le nécessitait, mais la donne était différente. Ce refus le laissait encore désemparé. Ce n'était pas l'attitude d'un enfant gâté à qui on refusait l'objet de sa volonté, mais celle d'un être qui n'avait que trop œuvré dans la violence. Tout lui semblait plus facile sous le couvert de sa capuche et de ses belles paroles. Il ne demandait pas, il amenait à ce qu'on lui donne, c'était une différence de taille. Il laissa son regard se perdre une nouvelle fois sur la jeune femme qui s'éloignait d'eux, puis posa une main sur l'avant-bras du musicien.

"Je ne plaisante pas. Je n'ai pas peur de ce que vous me demanderez, je n'ai pas peur de ce qu'il pourrait advenir. Je sais simplement que cette ... musique est importante à mes yeux. Ce ne sont pas des paroles en l'air." poursuivit-il, sans penser que la poigne de fer de ses doigts pouvait être mal interprétée.

Ses propos en disaient bien peu. Si le musicien savait ce qu'engageait Rafael par ses propos, peut être se serrait-il méfié plus de lui. Mais l'assassin n'était pas prêt à abandonner. Il obtiendrait ce qu'il désirait, peu importe le temps que cela lui prendrait, peu importe ce que cela lui coûterait. Argent, patience ou autre : il saurait trouver ce qui les ferait changer d'avis. Il lâcha le bras du musicien et attendit sa réponse. L'ambiance s'était quelque peu détériorée, plusieurs autres personnes s'étaient rendu compte du petit manège de l'assassin, mais ils attendaient certainement la réaction de son interlocuteur pour savoir s'ils devaient continuer à retenir leur souffle ou bien se recentrer sur leurs occupations.
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Le regard d'Edwin glissa sur la main gantée de son interlocuteur, avant de se perdre dans les méandres de son vêtement. Sur sa droite, Morgan feulait. Sans cesser d'observer l'inconnu, le grand musicien fronça les sourcils, et banda ses muscles, bien plus imposants que ceux de son vis-à-vis. Taillé comme un ours, il n'avait jamais eu peur d'agir comme bon lui semblait, et de dire ce qu'il pensait sans réfléchir outre mesure. Ce qui lui avait valu bien des complications. Mais, comme il se plaisait à le rappeler au moindre reproche, il devait à ce trait de caractère marginal d'être ce qu'il était devenu... et aussi sans doute d'avoir su distinguer en Serena ce que personne n'avait voulu voir avant lui. Le cœur d'une reine sous les atours d'une folle et d'une possédée en habits de souillon. Quoiqu'Edwin ait tout fait, ces dernières années, pour régler ce dernier point. Drapée dans une longue tunique immaculée, sa compagne avait tout d'une vestale, lorsqu'elle se retourna une nouvelle fois vers l'inconnu.

-Mon amour... Je t'en supplie, ne fais pas ça. Cet homme a beau cacher du chaos en lui, il ne nous veut aucun mal.

Edwin n'avait pas esquissé le moindre geste, mais il avait pris la décision de frapper. Étonné comme à chaque fois que sa compagne devinait ses pensées, il se détendit une nouvelle fois. Non sans avoir au préalable chassé la main de l'inconnu d'un revers brutal en l'injuriant du bout des lèvres.

-Pardon, Serena.

Comme l'intéressé affichait un sourire victorieux, Edwin se retourna brusquement et, faute de lui enfoncer son poing dans la figure, se répandit en imprécations plus ou moins agressives.
Mais cette fois-ci, curieusement, Serena n'avait pas arrêté son compagnon qui poursuivait sur le même ton. Les yeux dans le vague, elle semblait s'être prise dans l'une des innombrables rêveries qui l'habitaient en permanence. Ses mains tremblaient légèrement, tandis que ses paupières clignaient. Olaf, qui avait remarqué le changement, s'efforçait d'accaparer l'attention de la clientèle. Mieux valait éviter le scandale. La jeune femme était connue comme étant la possédée de North Blue, et recherchée pour une histoire de vol de bijoux. Probablement montée de toutes pièces, du reste.


-Oh... Vraiment ? … Je vois, j'ignorais qu'il portait en lui un tel fardeau... Oh...

Les yeux de Serena se révulsèrent brutalement. Puis, soudain, elle soupira brutalement, les épaules et la tête basses. C'était là l'une des nombreuses possessions brutales dont elle était à la fois l'actrice et la victime. Lorsqu'elle reprit ses moyen et qu'elle pût de nouveau observer l'inconnu, son regard avait gagné en douceur.

-Les conditions ont changées. Edwin... Je suis désolée, je ne peux pas refuser la demande de cet homme. Ce serait comme refuser de lancer une bouée de sauvetage à un malheureux en train de se noyer... Comme cacher le pain d'un mendiant, comme briser le rêve d'un capitaine, comme...

Grandiloquente comme à son habitude, Serena débita des comparaisons du même ordre pendant cinq bonnes minutes avant de se taire. Edwin était plein de soupçons et d'incrédulité, mais jamais il ne remettait en doute une parole inspirée de sa compagne. Mais Sören ne comprenait rien de ce qui venait de se passer. Il avait déjà observé la jeune femme en situation de transe, mais jamais encore il ne l'avait vu en tirer des conclusions pratiques. C'était comme si l'esprit d'un mort lui avait soufflé des vérités dont elle pouvait avoir besoin pour voir le vrai dans une situation donnée. De quoi donner des vertiges à n'importe quel adolescent fraîchement débarqué dans la réalité.

-Serena, mais pourquoi ? Tu venais de dire que...
-Ne t'en fais pas, mon petit. Je t'expliquerais en temps voulu.
-Ouai, on t'expliquera.

Rassuré par le fait que l'inconnu avait tout l'air de ne pas saisir mieux que lui les raisons de ce retournement, Sören haussa les épaules. Après tout, le fait d'accueillir un nouveau dans la troupe, ne serait-ce que pour un temps, ne lui déplaisait pas.

-Eh ! Verbe Juste !

Olaf interrompit brutalement l'histoire qu'il était en train de raconter, et qui lui avait permis de dissimuler la transe de Serena aux derniers clients de la taverne, et au tavernier lui-même.

-Tu peux négocier une chambre pour notre pote, là... Eh, c'est quoi, ton nom, d'abord ? Et puis, par le diable, retire cette satanée capuche ! Tu vas foutre des cauchemars au môme, là.
-Fous lui la paix, Bonne Parole. Si ça se trouve, il a la gale, ou un truc pas beau à voir... On en reparlera demain, au calme. En attendant, je crois pas qu'on se soit présentés. Je suis Olaf, dit « Verbe Juste ».
-Edwin, «La  Bonne Parole ». Et elle, c'est Serena. T'as pas intérêt à la faire chier, sinon ça se passera mal entre nous.
-Entre nous, on m'appelle « Fille de Dieu ». Le petit, c'est Sören.
-Eh !

Comme l'établissement fermait ses portes, les troubadours montèrent vers leurs chambres. Faute de pouvoir faire de la musique, ils allaient pouvoir parler à l'aise, loin des oreilles indiscrètes.
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Lorsque l'ours contempla la main sur avant-bras, Rafael pressentit le pire. Il vit son regard se durcir, perçut sa musculature se tendre. Il se prépara à l'impact, baissa son bras et contracta ses muscles. L'homme n'avait certainement qu'émis la pensée de le frapper, mais c'était autant d'indices que sa formation lui permettait de déceler. Nul doute que le coup aurait été dangereux, cependant, mais la douce voix de la jeune femme interrompit le geste, suspendant l'action à un fil. L'assassin entrouvrit la bouche, la regardant avec stupeur, puis revint vers l'homme qui dardait sur lui un regard incandescent. Que disait-elle sur lui ? Chaos ? Comment pouvait-elle savoir que ... peu importait. Certainement une facétie de troubadour. Un léger sourire en coin se dessina sur la commissure des lèvres de Rafael, il avait réussi à capter de nouveau son attention. Ce faisant, il croisa de nouveau le regard du colosse. Erreur fatale. Celui-ci découvrit ses dents dans un rictus tout sauf et amical et inspira profondément. Ça sentait le tas de cendres. Instinctivement, l'assassin recula d'un pas, avant d'être inondé des injures du percussionniste et faillit se demander s'il n'aurait pas préférer se manger son direct du gauche. Rapidement, cependant, l'attention de Rafael se perdit derrière l'homme qui l'injuriait, contemplant, effaré, la jeune femme qui agissait étrangement. Sa concentration se faisait trop rapidement happer par d'autres préoccupations, c'était là un défaut qu'il s'exerçait d'atténuer. Mais, en l'occurrence, c'était quelque peu justifié.

Guettant le comportement étrange de la jeune femme, il se retourna, entendant le conteur entamer un récit épique qui attira bien vite l'attention des badauds restants. Puis il revint à la possédée. Etait-ce ... habituel ? Rafael jeta un regard inquiet à l'adresse de son amant, tandis qu'elle reprenait ses esprits. Un frisson parcourut son échine, ce qu'elle venait de faire était ... surnaturel. Il avait l'impression que ce regard venait de le percer à nu, de mettre à l'épreuve son désir, mais comment pouvait-elle lui adresser un air si doux ? Elle lui sourit comme si elle comprenait son choix, comme on aurait accordé un cadeau à un enfant. Il ne savait s'il devait se sentir offensé ou honoré d'un tel acte, et lorsqu'il voulut ouvrir la bouche pour exprimer son incompréhension, la jeune femme reprit la parole, se perdant en comparaisons de plus en plus hasardeuses. Ce que l'assassin en retira, ce fut que la compagnie semblait l'écouter avec clairvoyance, et qu'elle était à moitié folle. Il n'était pas encore prêt à admettre que ce genre de chose pouvait exister, mais au gré de ses missions, il avait commencé à percevoir l'instabilité de ce monde, et la complexité de ce qui le constituait. Certains parlaient même d'être dotés de pouvoirs, capables, par exemple, de se transformer en êtres de fumée, par exemple. Ah ah, quelle naïveté, quelle stupidité. Il savait que rien ne valait la force de ses propres poings.

"Je ... heu ... merci ?" fit-il, perturbé par ce revirement ésotérique.

Lui aussi aurait aimé demander à ce qu'on lui explique, mais parfois il valait mieux se contenter de ce qu'on pouvait avoir, surtout lorsque cela tombait du ciel. Il plia l'échine sous le ton coléreux du percussionniste et chassa tout simplement ses questions de son esprit. Il saurait en temps voulu, comme toujours, n'est ce pas ? Patience était mère de sureté. Il interrogea néanmoins le plus jeune de la trouve du regard, mais fut rassuré par sa question. Au moins un camarade d'infortune dans cette clique. Rafael n'aurait su dire ce qui était le plus étrange, entre comment la jeune femme avait changé d'avis et pourquoi il se sentait aussi heureux d'être incorporé à ce groupe. Etrange sentiment que voilà, lui qui était l'instigateur de ce qui serait plus tard l'une des plus grandes Confrérie d'assassins des blues...

"Heu ... Rafael. Je m'appelle Rafael." répondit-il, se creusant la tête pour se trouver un titre éloquent, mais sans succès.

Ce faisant, il baissa sa capuche, révélant son visage juvénile. Assurément beau, il n'en paraissait pas moins adolescent. Il arborait pourtant tous les attraits d'un homme, rentrant dans un costume qu'on aurait dit trop grand pour lui. Il avait l'air de ceux qui avaient grandis trop vite, marqués par le sang et les épreuves. Et son regard ne trompait pas. Il était meurtrier, implacable. On lisait une froideur sordide au fond de ses pupilles, et pourtant il paraissait bien penaud à cet instant précis. Il s'acquitta d'une légère révérence, salut destiné à l'ensemble de la troupe.

"Enchanté." poursuivit Rafael.

Il dépassa celui qui se prénommait 'Bonne parole', non sans lui adresser un regard inquiet, puis alla se mettre à côté de Serena. Et en cet instant, il désirait tout sauf contredire l'ours aux poignes épaisses comme des battoirs. Quelque chose en cet homme suintait la violence, et le faisait se sentir comme un fétus de paille entre ses mains. Un frisson lui coula de nouveau le long du dos. Ces types n'étaient pas n'importe qui, mais il ne savait pas s'il fallait s'en méfier ou pas. Il préféra adopter la première solution, car mieux valait jouer la sécurité. Il reprit rapidement de son assurance, se calquant sur les préceptes de feu son maître. Un assassin ne devait jamais se laisser apercevoir, que ce soit de jour ou de nuit. Cet enseignement avait plusieurs interprétations, Rafael ne devait pas les laisser le cerner. Il se devait de remplir son habit de jouvenceau avec talent, comme toujours.

"Quand commencerons-nous, Serena ?" lui demanda-t-il, avec le ton impérieux qu'il avait employé quelques minutes plus tôt.

"Et ... pourquoi ce changement si soudain ... ?"
se risqua-t-il à lui poser, sa curiosité l'emportant sur ses préceptes.
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-J'ai plus guère de chambre de libre à une heure pareille. Mais je vais rajouter un lit d'appoint.
-Très bien, vous le ferez dans la chambre que je partage déjà avec Sören. Je ne pense pas que l'idée plairait à Edwin...
-Bien vu !

Pendant que l'on s'organisait pour la nuit, Rafael avait de nouveau manifesté son impatience. Visiblement, il voulait commencer ses leçons dans l'immédiat. Mais Serena l'écouta avec calme, avant de lui répondre sur un ton empli de douceur. Elle ne semblait pas avoir remarqué son ton impératif, celui-là même qui avait faillit provoquer la colère de son compagnon quelques instants auparavant.

-Il se fait tard, jeune homme, et nous avons joué toute la soirée. Nous avons tous besoin de repos. Toi y compris, d'ailleurs. La patience est le premier pas dans l'apprentissage de la musique. Je... devine que tu es préoccupé, et que le devoir ne tardera pas à t'appeler. Mais si je peux inciter mes amis à t'accepter pour un temps tout en sachant que tu ne rejoindra pas la troupe, et que je ne saurais te demander quoi que ce soit en retour, je ne peux pas les priver de sommeil. Passe une bonne nuit.

Et sans un mot de plus, Serena s'en alla rejoindre Edwin qui avait repris son large sourire. S'il était toujours trop franc au point de traduire la plus futile pensée par les mots ou les actes correspondants, son le fond de son cœur était doux. Sitôt que Rafael se serait intégré au groupe, il se montrerait chaleureux et cordial, sans même repenser à ses aprioris de départ. Chez l'ours, seul son amour pour Serena était permanent. Le reste ne relevait que d'impulsions spontanées le plus souvent irréfléchies.

-Sören, Rafael, venez. Je crois que ça faciliterait les choses si je vous en racontais un peu plus sur notre Serena.

Les trois hommes pénétrèrent dans leur chambre. Assis sur son lit, Olaf invita les autres à se mettre à l'aise. Sören était légèrement décontenancé. Il savait que Serena avait faillit finir en prison pour ce genre de crises de possession. Mais jamais auparavant il ne l'avait vu à l'oeuvre.

-Tout d'abord, Rafael, il faut que tu saches que nous constituons un groupe des plus atypiques. C'est notre étrangeté qui nous a réunis, tous les trois... puis tous les quatre, avec Sören. Comme tu as pu le voir par toi même, Edwin a la particularité d'avoir la parole... un peu trop franche. Jamais il ne lui arrive de ne pas dire ou faire ce qu'il pense. Tu imagines les problèmes que ça a pu lui poser ?
-Une fois, il m'a raconté qu'il avait passé un r'pas entier à faire r'marquer à sa famille qu'sa tante avait une nouvelle pustule sur l'nez. J'croyais qu'il s'vantait d'avoir été provocateur, mais en fait, y fait même pas exprès. Il est juste comme ça.
-Heureusement, Serena l'a fait un peu changer. A ce qu'il paraît, il était bien plus atteint avant de la rencontrer. Pour y revenir, d'ailleurs, Serena a une sorte de pouvoir... très spécial. Déjà enfant, elle terrorisait ses parents adoptifs en disant qu'elle entendait sa grand mère – morte, évidemment – lui confier des choses. Elle avait des accès de somnambulisme, elle parlait parfois sous contrôle d'un esprit... Bref, tout ce qu'il faut pour finir à la rue un peu plus vite que ce que voudrait le bon sens. Et le plus étrange, c'est que, quoi qu'en dise le commun des mortels, durant ses crises, Serena est capable de discerner des vérités inaccessibles.
-Connaître les intentions d'un gars ?
-Ouai. Ou avoir une vue sur l'avenir, deviner la peur et l'angoisse... Mais tout comme Edwin, elle ne contrôle rien. Elle dit qu'une foule d'esprits et de fantômes passent sans arrêt au-dessus d'elle et que de temps en temps, ils descendent la voir. Souvent, ce sont les mêmes, mais pas toujours. Elle a déjà essayé de leur barrer l'accès à sa conscience, mais... c'était pire. Ses crises survenaient en plein sommeil, et elle se réveillait dans des lieux inconnus avec l'esprit saturé de voix et d'images. Elle n'a jamais essayé depuis que nous sommes tous ensemble. Nous acceptons nos fantaisies mutuelles, et nous parvenons à être heureux simplement.
-Mais alors, quel est votre... originalité ?

Un sourire franc souleva la fine moustache du troubadour.

-Je suis simplement un intarissable bavard. Et crois-moi, c'est là un trait de caractère qui m'a coûté bien des complications. Il y a des sujets sur lequel j'aime avoir le dernier mot. Et par malchance, mon point de vue correspond rarement à quelque chose de communément et historiquement admis.

[Hrp : post sans grand intérêt, mais fallait le faire =) Je te laisse avancer sur le lendemain]

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L’adolescent tira la moue mais finit par se résigner en soufflant. La patience. La patience était une composante essentielle de sa vie après tout. De celle qui lui sauvait la mise, de celle qui faisait la distinction entre une victime et un meurtrier. Alors il acquiesça. Tout était beaucoup plus facile lorsqu’on était seul et c’était là son plus grand tort. S’il profitait du monde comme nul ne pouvait le voir, il en oubliait parfois la mécanique. Cet équilibre entre les hommes qui forgeait une communauté et donnait sens à une vie. Il la laissa s’en aller avec Edwin, lui adressant un regard ésotérique. Beaucoup de choses sonnaient étrangement lorsqu’on regardait Rafael. Il semblait toujours sur le qui-vive, prêt à disparaître à chaque seconde. Il n’était pas en paix et était dans un grand état de demande. Il manquait quelque chose à son âme, ce n’était pas difficile de le voir. Puis il reprit son masque et redevint le gamin impétueux qui s’était planté devant Serena.

Il resta donc à écouter le vieux bavard ressasser les étranges pouvoirs de Serena et les sales manies de son compagnon. Il hocha les épaules, ne pouvant se persuader d’une chose qu’en la voyant mais sourit néanmoins à l’évocation des traits de caractère de l’ours. Il était un peu comme ça lui aussi, mais il n’avait pas la même manière de régler ses conflits … Mieux valait que eux ne découvrent pas son ‘étrangeté’. Personne ne le devait.

« Je préfère écouter ce qui n’est pas communément admis plutôt que de faire le mouton. » trancha l’adolescent sur un ton boudeur.

Puis ils allèrent tous se coucher. Rafael les accompagna pour la forme, se traînant dans un coin et attendant que tous ferment leurs yeux pour s’esquiver dans la nuit. Il n’était pas en sécurité dans une pièce avec des inconnus. Il ne se sentait que rarement en sécurité à vrai dire. Il eut ainsi besoin de faire plusieurs fois le tour du pâté de maison, de courir, de grimper. Il lui fallait s’entraîner en permanence, dépenser sa rancœur et ses peurs avant de trouver le sommeil. Il revint ainsi au milieu de la nuit, sous l’œil insondable du conteur. Il ne chercha pas à négocier puis s’endormit, la main sur son arme.

L’aube vient les réveiller, annonciatrice de beau temps et de chaleur. Un coq chanta, puis la taverne se mit en branle. L’assassin se glissa hors de sa couche rapidement, descendant parmi les premiers pour obtenir ce pourquoi il était venu. Il était habitué à dormir peu, ainsi semblait-il frais malgré son escapade. Il s’assit à la table, n’osant pas aller en face de Serena par peur de la réaction d’Edwin. Il savait à présent qu’il risquait de se prendre une correction s’il s’approchait trop de son aimée. Ainsi se planta-t-il à côté du chat et entreprit de manger son petit-déjeuner, non sans avoir vérifié qu’il ne contenait rien de délétère. Il surprit le regard pesant de la troupe sur ses manies paranoïaques et s’en empourpra un peu.

« Je … c’est une longue histoire. » fit-il simplement, essayant d’éluder au mieux le moment gênant.

L’assassin leva les yeux vers la musicienne, puis revint vers le colosse. Hm. L’histoire du troubadour l’intéressait tout de même. Elle était capable de discerner la vérité au fond des gens ? Pouvait-elle réellement percer la coquille de l’assassin ? Et ces histoires d’esprits … boniments. Il revint à son assiette, essayant d’imaginer ce qu’il se passerait s’il venait à être identifié. C’était impossible, il ne risquait rien à North Blue. Il soupira en finissant son assiette.

« Merci pour le repas. » lâcha-t-il, les gratifiant d’un signe de la tête.

Fort de son expérience de la veille, il laissa Serena aborder le sujet de sa convoitise. Elle avait dit d’être patient alors il le serait : c’était dans ses cordes.
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Olaf n'était pas le seul à avoir remarqué le petit manège nocturne de l'invité de la troupe. Sören aussi, avec ses insomnies sempiternelles qui lui donnaient toujours l'envie d'aller battre la campagne à l'heure où la lune se lève, avait observé les faits et gestes du jeune homme. Il ne devait pas être tellement plus vieux que lui. Il aurait pu s'échapper, lui aussi, comme il l'avait fait bien des fois du temps où le travail de la vigne et le silence de sa fratrie rythmaient son quotidien. Mais il était pris d'une timidité prudente qu'il ne se connaissait pas, lui l'impétueux, lui le brave, lui l'inconscient seigneur de tous les chats de l'île du Loupiac.

Il se sentait curieusement inféodé à ses nouveaux compagnons, comme il ne l'avait sans doute jamais été auparavant. Le métier de la vigne, il avait grandi avec ; cette fois-ci, il avait des maîtres pour la première fois de sa vie.

Pour la première fois de sa vie, il se sentait humble et redevable. Il évoluait dans un univers dont il ne connaissait pas les moindres facettes, dont il ne s'épuisait pas à saisir le mystère insondable en clandestin. Son champ de vision s'était démesurément élargi. Et il pressentait déjà le temps qu'il lui faudrait pour s'y faire.

Tout cela pour dire que si Olaf jetait un regard rieur et complice à Rafael, le matin, Sören le regardait d'un air entendu et nettement plus concerné que la veille. Comme s'il avait affaire à un frère rôdeur d'un autre type, citoyen des ruelles plutôt que des chemins de terre mal entretenus.

-T'y aimes pas quand c'trop chaud, gars ?

L'accent arrondi, lourd et chantant de Sören lui frappa aux oreilles pour la première fois. Impossible pour le garçon de réellement concevoir ce à quoi Rafael pensait véritablement. Et maintenant, il cherchait à se frayer un passage jusqu'à la conversation, ne pas laisser échapper ce drôle d'inconnu aux relents de gouttières plutôt que de sous-bois. Du pareil au même, dans l'esprit d'un roi de la forêt en visite au zoo urbain.

-Dis, pourquoi qu'tu r'gardes derrière toi comme ça ?

Ingénu, terriblement observateur, Sören arracha un sourire bestial à Edwin, un rictus moqueur à Olaf et un air on ne peut plus évanescent à Serena. Face à lui, Rafael affichait une mine indéchiffrable.

-Il a pas tort, le môme. Eh, gamin. Tu serais pas un de ces affreux qui se traînent la marine au cul comme une casserole rouillée, des fois, non ? Faudrait voir à pas nous la faire à l'envers !
-Edwin !
-... j'avais oublié. Pardon, mon amour.
-J'ai dis que'qu'chose de mal ?
-Mais non.
-C'est une bonne chose. Sören fait bien de le faire remarquer, sinon, je l'aurais fait.

Serena fixait l'adolescent de ses deux yeux trop clairs, intimidants à force d'être trop fixes, comme deux escargots de surveillance qui auraient été possédés par une âme de bushido. Ils transperçaient sans agresser, opérateurs de réceptivité purs.

-L'apprentissage de la musique nécessite un abandon et une détente absolus. Le reste du monde ne doit plus exister pour toi pendant que tu joueras, c'est comme tout. Si tu es dissipé, tu t'éparpilles dans chaque objet auquel tu accordes ton attention, et tu finis par disparaître. Agir mécaniquement, comme un automate.
Dès le début, il faut jouer en y mettant tout ce que tu peux, sans même penser à l'objectif. Juste faire le geste dans tout l'infini qu'il recèle. Comme un enfant qui apprend à marcher. Il le fait tant qu'il ne sait pas parler, non ? C'est pour être mieux concentré, c'est ce qu'il y a de plus difficile, apprendre à se tenir sur deux jambes plutôt que sur quatre. C'est ça. Tu dois retrouver l'intuition d'un enfant. C'est à ce prix.

-J'peux d'mander à Morgan d'veiller sur l'quartier !
-Non, Sören. Le problème lui appartient, la solution aussi.
-Oh.
-Si tu ne t'en sens pas capable, je ne pourrais rien faire pour toi.

Elle se leva, tout le monde suivit, à l'exception d'Olaf qui s'était déjà dirigé vers le comptoir de l'auberge pour trouver quelque discussion endiablée sur laquelle se greffer.

-Nous travaillerons à l'extérieur du village, sur la plage. Puis quand tu t'en sortiras un peu mieux, tu tourneras quelques jours avec nous.
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La mine contrite, il se renfrogna en plongeant son regard dans le gruau. Que pouvait-il leur dire ? Qu’ils avaient tout autant l’air louche que lui ? Peut-être pas la meilleure réplique qu’il puisse trouver. Il se tut donc et accepta les diatribes sans y répondre. Il avait eu besoin de sortir, vérifier. Il se sentait en permanence épié : il n’avait aucunement la conscience tranquille. Pourtant personne n’avait percé le visage sous la capuche. Pourquoi avoir peur ? La perspective de côtoyer des gens pendant plusieurs jours peut-être. La perspective de les mettre en danger. L’assassin ne pouvait pas se permettre de consacrer toutes ses nuits et toutes ses journées à la fois à ces gens. Au moins le royaume de Morphée lui appartiendrait, il était obligé : qui assurerait la sécurité des gens du commun sinon ? Qui neutraliserait ces impies qui se riaient des lois et des hommes ? Il se renfrogna, regarda Sören droit dans les yeux. Il ne savait pas quoi répondre. C’était lui qui avait commis l’erreur de le laisser le regarder trop longtemps.

« Vous … y’a pas de danger. J’ai pas que des amis, mais je vous garantie que … Bref. J’ai juste besoin de souffler. » grommela-t-il en jouant avec ses couverts.

Jamais il ne s’était senti aussi mal à l’aise vis-à-vis d’autres personnes. Son assurance et sa morgue étaient mises à mal par les pupilles diaphanes de Serena et la franchise à toute épreuve d’Edwin. Même le jeune Sören le déconcertait. Peut-être que c’était ça, leur spécificité ? Ils n’étaient pas des gens avec qui il avait l’habitude de traiter. Des voyageurs de grand chemin, des personnes qui pensaient autrement que lui et son esprit cartésien. Là où il n’y avait que logique pour l‘assassin, ils percevaient la beauté du monde. La diversité et les changements. Il n’était qu’une dague dans le noir. Depuis toujours. Depuis sa tendre enfance … Il avait été entraîné et cela lui avait été ôté, mis à part quelques bribes de souvenirs avec son frère. La Matrone avait tenté de les sauver de cette vie là, mais les deux frères s’y étaient engouffrés à pieds joints.

« Je vois … retrouver l’intuition d’un enfant. Ce n’est pas chose que l’on m’a laissé avoir. Ou presque pas. Mais j’exerce un métier où ces talents sont nécessaires. Un métier qui exige du cœur et de l’intuition … » lâcha-t-il, sentant qu’il était inutile de cacher trop de choses à Serena.

C’était cette intuition donc, qu’il devait retrouver ? C’était ça qu’il avait ressenti lorsque la mélodie s’était faufilée entre ses oreilles, euphorisant sa psyché ? Ils terminèrent leur repas sans plus d’échanges et gagnèrent un lieu plus isolé, qui seyait mieux aux ambitions de l’assassin. Ils n’échangèrent pas de mots pendant cet intervalle. Rafael marchait aux côtés de Sören, tachant de répondre à ses regards par des sourires qui sonnaient un peu trop faux. Il incarnait ce qu’il ne désirait pas blesser. Ce garçon ne devait pas être loin de son âge. Innocent, encore pur. C’était du moins ainsi qu’il le voyait, et qu’il l’appréciait. Il n’en demeurait pas moins la personnification de ce qu’on lui avait ôté, de ce qu’il aurait pu devenir. Un léger pincement au cœur pas plus. Il ne regrettait pas ce choix et préférait agir dans le bien commun que de rester spectateur. En un sens, une troupe d’artistes était tout sauf composée de spectateurs. En un sens seulement.

Arrivé à la plage, l’assassin resta un moment à contempler les vagues. Il semblait en permanence en proie à des réflexions et des débats internes qui pouvaient le faire paraître un peu simplet aux yeux du commun. Son âme était tourmentée et il avait surtout un besoin crucial d’attention humaine pour ne pas devenir, justement, cet instrument mécanique et automatique. C’était quelque chose qu’il ne percevait pas encore mais cette aventure allait certainement lui apporter bien plus qu’une mélodie et une paix intérieure temporaire. Au bout de plusieurs minutes à contempler l’horizon, il se tourna vers Serena.

« Montrez-moi comment faire, j’essaierai de faire pareil. » lui demanda-t-il, adoptant la même démarche qu’il avait avec ses maîtres, ceux qui l’avaient formé à ses sombres arts.
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