Fin 1603, quelque part, un lit que deux corps réchauffent.
Ah !
Hm !
C’est pas bientôt fini, oui ?!
J’me sors, de partout. M’essuie la sueur d’une manche absente, avec les poils de bras. Ouvre la porte à la volée parce que je sais que ça mettra dans l’embarras le patron de l’auberge qu’est derrière. Ca loupe pas, il se force à me regarder dans les yeux mais fatalement a les iris qui lorgnent. Sa peau devient livide, sa moustache frétille, alors il use de la technique du faible : mater un point dans le vague derrière moi. Sauf que derrière moi y a la madame en fleur. De blanc, il devient transparent. Marmonne les deux-trois excuses sous lesquelles la prudence lui conseille de camoufler son "putain d’impudiques, pourraient pas faire moins de barouf ?", me tire la sonnette d’alarme un peu façon de pouvoir regarder sa bourgeoise en face quand il lui dira qu’il m’a dit que j’étais qu’un sale petit con imbu de lui-même. Puis se taille direction le rez-de-chaussée après deux ou trois phrases balancées aux colocataires que j’entends se plaindre dans le couloir. Même et surtout dans un petit pâtelin comme ici, on emmerde pas un caporal qui vient trombiner les rouquines qui lui paient la chambre.
Deux pas de gardien de vaches et un regard complice avec la satisfaite sous la couverture plus tard, je saute dans le baquet d’eau chaude de la salle d’eau. Pas qu’y caille dehors, mais j’me sens pas encore l’envie d’adopter une pneumo et j’ai pas encore la place pour un nénuphar dans mes poumons. En barbotant, j’repense à la journée si bien commencée. Ca doit être la première que j’ai pas ferrée moi-même, si je me plante pas. Ca me change, me faire mener comme ça. Bah. J’ai pas d’illusion et ça m’arrange, je la reverrai pas. Et ça m’arrange. Mais bon, mignonne quand même. Triste, mais jolie. Timide aussi, sinon pourquoi elle aurait voulu rester cachée comme ça ? J’ai bien senti ces trucs dans son dos mais ça peut pas être si moche que ça… Enfin bon. Profitons, la vie est belle jusqu’à demain où je rentre de perm. Le soleil du début d’hiver et cette partie fine, que demander de plus pour être comblé ? Un bon bain bien chaud ? J’ai ça aussi, ouais, trouve autre chose.
Allez, j’me pique un somme tellement j’suis bien. On f’ra revenir les pierres pour lui réchauffer ça quand j’aurai fini. Songes, songes glorieux venez à moi, venez à Bibi…
Ca me vient. Je vois des trucs qu’existent et des trucs qu’existent pas. Je vois des bateaux noirs et des gens rouges, du sang qui pique et des croupes qu’on pique. Des rousses, pas mal de rousses aux visages indistincts. Je vois même un gnome qui s’appelle Concepción. Le rapport est évident, je me dis que hinhin, ça va bien avec le nom du bled. Esperanza. Et puis après je nettoie ma mémoire vive en ouvrant les paupières, je me souviens de rien mais ce que je sais c’est que là j’ai les miches et les bouts de doigts fripés. Une serviette plus tard en mode beau gosse qui sort de son hammam, j’avise que la blondinette foncée s’est barrée en me laissant rien d’autre que son reflet dans la glace. Un battement de cils et même lui s’est cassé. Ha. Je le sentais bien. J’essaie de me souvenir de son nom pour l’ajouter sur le carnet noir de mes relations extraconjugales mais même pas je peux noter ça. Tant pis, ce sera la rouquine de fin 1603 à l’air triste et aux roucoulements amers.
Fini de jouer, vu la gueule du soleil qui commence à trembler dehors il va commencer à se faire tard, je devrais me mettre en route pour choper une bonne table au spectacle dansant de ce soir au Bonnap O’litain. Non, c’est pas avec les deux cents plaques de ma solde mensuelle que je peux me permettre ce genre de folies, mais faire le gigolo ça a pas que ses inconvénients. Si je la revois pas elle, l’anonyme, peut-être que je reverrai celle qui m’a filé les entrées. Moins tendre, mais rien de si horrible que ça en vaille pas la peine. Bref. Fringues, bottes, veste pour le froid, et hop, jsuis dehors.
Pas la peine d’admirer le centre-ville quand j’y pénètre, je sais déjà que y a rien de transcendant dans le coin à part du calme et la vieille salle des fêtes construite y a bien deux siècles dans laquelle je me rends. Peux pas m’empêcher tout de même de baver sur ce petit costume en velours noir que mes yeux captent contre mon gré dans une vitrine pour riches endimanchés. Un jour peut-être… Le videur me fait les gros yeux sous prétexte que j’ai pas de cravate, je lui dit que la madame dont le nom est sur l’invit’ me la filera à l’intérieur, il voudrait pas que je la fasse attendre. Il déglutit, me dit que non bien sûr pendant que je note ça sur la liste de mes achats futurs, puis je rentre sous son regard jaloux. Encore un jeune qui donne son corps avant son nom, qu’il doit se dire. Pas grave, mec. Je le vis bien.
Ah !
Hm !
C’est pas bientôt fini, oui ?!
J’me sors, de partout. M’essuie la sueur d’une manche absente, avec les poils de bras. Ouvre la porte à la volée parce que je sais que ça mettra dans l’embarras le patron de l’auberge qu’est derrière. Ca loupe pas, il se force à me regarder dans les yeux mais fatalement a les iris qui lorgnent. Sa peau devient livide, sa moustache frétille, alors il use de la technique du faible : mater un point dans le vague derrière moi. Sauf que derrière moi y a la madame en fleur. De blanc, il devient transparent. Marmonne les deux-trois excuses sous lesquelles la prudence lui conseille de camoufler son "putain d’impudiques, pourraient pas faire moins de barouf ?", me tire la sonnette d’alarme un peu façon de pouvoir regarder sa bourgeoise en face quand il lui dira qu’il m’a dit que j’étais qu’un sale petit con imbu de lui-même. Puis se taille direction le rez-de-chaussée après deux ou trois phrases balancées aux colocataires que j’entends se plaindre dans le couloir. Même et surtout dans un petit pâtelin comme ici, on emmerde pas un caporal qui vient trombiner les rouquines qui lui paient la chambre.
Deux pas de gardien de vaches et un regard complice avec la satisfaite sous la couverture plus tard, je saute dans le baquet d’eau chaude de la salle d’eau. Pas qu’y caille dehors, mais j’me sens pas encore l’envie d’adopter une pneumo et j’ai pas encore la place pour un nénuphar dans mes poumons. En barbotant, j’repense à la journée si bien commencée. Ca doit être la première que j’ai pas ferrée moi-même, si je me plante pas. Ca me change, me faire mener comme ça. Bah. J’ai pas d’illusion et ça m’arrange, je la reverrai pas. Et ça m’arrange. Mais bon, mignonne quand même. Triste, mais jolie. Timide aussi, sinon pourquoi elle aurait voulu rester cachée comme ça ? J’ai bien senti ces trucs dans son dos mais ça peut pas être si moche que ça… Enfin bon. Profitons, la vie est belle jusqu’à demain où je rentre de perm. Le soleil du début d’hiver et cette partie fine, que demander de plus pour être comblé ? Un bon bain bien chaud ? J’ai ça aussi, ouais, trouve autre chose.
Allez, j’me pique un somme tellement j’suis bien. On f’ra revenir les pierres pour lui réchauffer ça quand j’aurai fini. Songes, songes glorieux venez à moi, venez à Bibi…
Ca me vient. Je vois des trucs qu’existent et des trucs qu’existent pas. Je vois des bateaux noirs et des gens rouges, du sang qui pique et des croupes qu’on pique. Des rousses, pas mal de rousses aux visages indistincts. Je vois même un gnome qui s’appelle Concepción. Le rapport est évident, je me dis que hinhin, ça va bien avec le nom du bled. Esperanza. Et puis après je nettoie ma mémoire vive en ouvrant les paupières, je me souviens de rien mais ce que je sais c’est que là j’ai les miches et les bouts de doigts fripés. Une serviette plus tard en mode beau gosse qui sort de son hammam, j’avise que la blondinette foncée s’est barrée en me laissant rien d’autre que son reflet dans la glace. Un battement de cils et même lui s’est cassé. Ha. Je le sentais bien. J’essaie de me souvenir de son nom pour l’ajouter sur le carnet noir de mes relations extraconjugales mais même pas je peux noter ça. Tant pis, ce sera la rouquine de fin 1603 à l’air triste et aux roucoulements amers.
- Spoiler:
Fini de jouer, vu la gueule du soleil qui commence à trembler dehors il va commencer à se faire tard, je devrais me mettre en route pour choper une bonne table au spectacle dansant de ce soir au Bonnap O’litain. Non, c’est pas avec les deux cents plaques de ma solde mensuelle que je peux me permettre ce genre de folies, mais faire le gigolo ça a pas que ses inconvénients. Si je la revois pas elle, l’anonyme, peut-être que je reverrai celle qui m’a filé les entrées. Moins tendre, mais rien de si horrible que ça en vaille pas la peine. Bref. Fringues, bottes, veste pour le froid, et hop, jsuis dehors.
Pas la peine d’admirer le centre-ville quand j’y pénètre, je sais déjà que y a rien de transcendant dans le coin à part du calme et la vieille salle des fêtes construite y a bien deux siècles dans laquelle je me rends. Peux pas m’empêcher tout de même de baver sur ce petit costume en velours noir que mes yeux captent contre mon gré dans une vitrine pour riches endimanchés. Un jour peut-être… Le videur me fait les gros yeux sous prétexte que j’ai pas de cravate, je lui dit que la madame dont le nom est sur l’invit’ me la filera à l’intérieur, il voudrait pas que je la fasse attendre. Il déglutit, me dit que non bien sûr pendant que je note ça sur la liste de mes achats futurs, puis je rentre sous son regard jaloux. Encore un jeune qui donne son corps avant son nom, qu’il doit se dire. Pas grave, mec. Je le vis bien.