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[W]olf Like Me.

« SIX MILLIONS ?!
- La pièce !
- PUTAIN ! C’est un coquillage !
- Respire, Lilou…
- Mais c’est super cher ! Vous vous ne faites pas chier !
- Bwak…
- Et super rare aussi, ma petite dame ! Et il faut bien que je nourrisse ma famille, moi !
- Et moi ? J’ai droit de manger à la fin du mois ?!
- Y’a pas que moi qui fixe les prix, vous savez, ma petite dame.
- Oui enfin, vous devez vous faire une sacrée marge là-dessus !
- Bwak… »

Enzo, Anko, Bee et moi nous trouvions dans une petite boutique de Bulgemore, profitant de la journée pour faire des emplettes. L’endroit était glacial, peu accueillant, mais y régnait un certain mystère digne du premier Vegapunk. Nous étions sur son île natale, une île en tout point surprenante, ou les cyborgs succédaient à la vie humaine dans ce froid terrifiant. Nous avions trouvé refuge dans le magasin, cherchant des outils pour nous équiper et nous perfectionner à notre arrivée sur le Leviathan. Il m’avait fallu faire des pieds et des mains pour trouve ce qu’il me fallait, le vendeur étant peu enclin à me montrer sa plus belle marchandise. La plus part des produits étaient défectueux, ou en travaux, parfois usés, ou trop chers, mais j’avais tenu bon jusqu’à ce qu’il me sorte les quelques raretés qu’il avait en rayon.

« Il vous permettra de voler !
- Je sais bien. Et c’est pour ça que j’hésite encore… Je peux l’essayer ?
- Il y a des dials tests, au fond du magasin, si vous voulez voir. Ils sont plutôt prisés, et je n’attends plus de livraisons avant des mois, vous savez…
- Bon, je vais d’abord tester, ensuite, on verra…
- Suivez-moi, ma petite dame ! »

Ces raretés se résumaient à deux coquillages qui, selon ses dires, me permettraient de voler. J’étais à la fois surprise, curieuse et mitigée quant à ce qu’il me racontait. Après tout, sur terre, un coquillage, ce n’était qu’un vulgaire coquillage. Pourtant l’histoire invraisemblable qu’il me vendit en m’expliquant les tenants et les aboutissants de ces dials m’interpella assez pour que je veuille le croire un temps. Nous nous rendîmes tous jusqu’au fond du magasin, ou se trouvait une petite chaise. Il m’incita à m’assoir et me ramena une paire de botte. Celle-ci était usée, un peu sale, je les regardai avec un certain apriori…

« Voilà ! Enfilez ces bottes !
- Elles sont… Un peu grandes pour moi... »

Je ne me fis pas longtemps prier pour constater ce que je lui disais. JE me mis debout et marchai un instant avec elle. La pointure était trop grande. Je ne demandai pourtant pas d’en changer, impatiente de pouvoir tester ces « dials ».

« Vous êtes bien installées ?
- Euh… L’esthétisme n’est pas terrible, mais ça va…
- Très bien, alors, penchez-vous un peu vers l’avant de la chaussure… Mais très doucement…
- Comme çAAAAHABWAAAAH ?!!! »

La pression que j’avais exercé été minuscule et la surprise avait manqué de me faire tomber. Je lévitai à quelques centimètres du sol, sous mes talons sortaient d’épais nuages blancs. Je n’arrivai pas à tenir sur place, n’étant pas droite. Le marchant et Enzo se ruèrent pour m’attraper par la main et m’immobiliser. J’étais hébétée, complètement fascinée. Sur ma petite île de South Blue, je n’avais jamais entendu parler de telles choses. J’avais envie d’essayer, encore, d’aller faire le tour de l’île, d’en voir d’autres. Mon impatience se calquait dans mon corps par des petits tremblements, un sourire béat, des yeux pétillants, mais aussi mon incapacité à arrêter de bouger. Je me cognai, malgré le soutien de mes deux compères, aux meubles et aux murs. Doucement, certes…

« Calmez-vous, ma petite dame ! Restez tranquille, voilà, je vous tiens la main. Vous pouvez avancer, reculer, en inclinant vos pieds en fonction de la direction…. »

Je m’exécutai, doucement, et constatai, encore plus fascinée, ce qu’il me disait :

« Enzo ! Enzo, t’as vu ça ! C’est magique !
- Kzéhéhéhé, très fun, en effet !
- Bwak ! »

Il me fallait revenir sur terre, payer, et partir pour recommencer. C’était tout ce que je désirai.

« Je peux descendre ?
- Penchez-vous un petit peu et plier les jambes…
- D’acc-Oh ! »

La chute fut violente. J’atterrisai néanmoins sur mes deux pieds, sans broncher. Juste le cœur qui battait rapidement dans ma cage thoracique. Et un sourire immense sur le coin des lèvres :

« Je les prends ! »

Nous retournâmes au comptoir alors que j’enlevai les bottes rapidement avant de m’y ruer. Je me plantai devant lui, sautillant sur moi-même avec des grands yeux brillants :

« Qu’avez-vous d’autres ?
- Quelques impacts dials, si vous voulez…
- Impact Dial ?
- C’est plutôt dangereux, et violent, je ne le conseille pas d’ordinaire. Mais vous avez l’air représentant de la loi, et probablement des combattants. Il n’y aura, par contre, pas de test pour ceux-ci, je ne veux pas que la moitié de mon magasin vole en éclat…
- Mh… Montrez quand même… »

Il s’éclipsa dans sa réserve et revint quelques minutes après avec un grand carton qu’il retourna sur le comptoir. Fouillant dans les objets, il attrapa au bout de quelques secondes un petit coquillage qu’il me tendit avec précaution. Je le pris du bout des doigts, regardant attentivement l’objet sous toutes les coutures. J’étais comme fascinée par ce que je voyais. L’endroit n’avait pas l’air spécialement reluisant, mais était une vraie mine d’or pour moi. Je levai les yeux vers Enzo, lui montrant le Dial avec un sourire de gamine. Puis repris rapidement :

« Un truc si petit peu faire autant de dégât ?
- Les îles célestes sont des ressources de petites merveilles de ce genre. »

J’annonçai néanmoins que je préfère me contenter, pour l’instant, des deux milkys, quitte à le recontacter une prochaine fois, ou à me fournir directement sur la prochaine île céleste que nous pourrions croiser sur notre route. Le marchand ne broncha pas, il avait tout de même fait une belle affaire. Je payai mon dû, posai les douze millions sur le bois de la table, mis les dials dans mon sac, et sortis en sautillant pour rejoindre le climat glacial de l’extérieur. La porte teinta en sortant. Enzo passa derrière moi.

M’engageant presque dans la rue, j’entendis derrière moi une voix familière qui résonna à mes oreilles :

« Toujours aussi impatiente. Tu aurais attendu quelque temps et tu les aurais eu pour deux fois moins chers… »
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« Enzo ? Tu pourrais… amener Bee et aller faire un tour ? Je te retrouve plus tard… »

L’agent me regarda avec des yeux suspicieux. Il se doutait de quelque chose, principalement parce que mon visage s’était durci, que j’avais l’air tendu, énervé. Il jeta un coup d’œil à la jeune femme devant nous, une belle brune, la quarantaine sonnée, mais bien conservée par le temps. Elle avait l’air arrogante, sûre d’elle, mais était peu couverte malgré la température. Je me lovai dans mon écharpe, renfrognée, les poings serrés. Je n’aimais pas la voir ici. Pire, je n’aimais pas qu’elle m’adresse la parole. Pour le coup, demander à Enzo et Bee de partir n’était pas la meilleure idée du monde, mais j’avais un compte à régler avec elle avant de pouvoir leurs expliquer l’affaire.

« Un problème ?
- Aucun. »

Ou « un énorme, mais je n’ose pas te le dire, pour pas que tu t’inquiètes ». L’homme tourna les talons avec Bee, regardant par moment par-dessus son épaule pour vérifier qu’il ne se passait rien. Savanah se retourna et m’incita à la suivre. Je n’aimais vraiment pas ça. Mais je le fis, sans broncher.

Nos pas s’enfonçaient dans la neige blanche, nous nous suivions de près. Elle devant. Moi, derrière, à la scruter avec une attention toute particulière. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Qu’est-ce qu’elle voulait ? Dans quelle merde allait-elle me plonger, encore ? Je la connaissais assez pour savoir que je n’allai pas apprécier ce qu’elle allait me faire… Pourquoi est-ce que je m’obstinai à la suivre ? La dernière fois, elle m’avait laissé pour morte à Las Camp, dans un coin malfamé en me volant mes vivres et mes plans. Ça ne laissait rien présager de bon, mais je n’étais plus la même qu’avant. J’avais, en tout cas je l’espérai, changé. Je m’étais endurcie. Et il n’était pas question que je me laisse faire.
Nous pénétrâmes toutes deux dans un bar encore vide pour l’heure. L’homme derrière le comptoir salua Savanah, comme s’il la connaissait. Elle lui rendit la politesse et m’invita de nouveau à prendre place. La situation m’exaspérait plus qu’autre chose, et je n’étais pas d’humeur à parler chiffons, passé, ou n’importe quoi d’autres en sa compagnie autour d’un verre. Il y avait des rancœurs qui ne passaient pas, des mauvais coups qui restaient éternellement coincés en travers de la gorge. Et les siens, je n’avais toujours pas réussi à les avaler.

Il ne m’en fallut pas plus pour sortir de mes gonds. L’attraper par le sol de sa veste et la soulever avec assez de force et de hargne pour la projeter contre une table. Cette dernière céda sous la puissance et le poids de Savanah, et la femme n’eut pas le même sourire que tantôt. D’ailleurs, elle n’avait pas vu venir la prise. Et j’avais aisément pu profiter de l’effet de surprise. Forcément, quand on quitte quelqu’un et qu’on le retrouve trois ans plus tard, il faut s’attendre à des changements. Voire même à des progrès. De mon côté, sûrement n’espérait-elle pas que je puisse un jour lui tenir tête avec autant d’aisance. Alors, elle ne fit que constater :

« Tu as pris de la poigne, en trois ans…
- Et pas que ça… J’ai aussi appris à frapper.
- J’ai cru comprendre… »

J’armai mon poing, mais elle me fit un sourire en me demandant calmement de ne pas lui faire de mal. Je m’interrompis, vaguement, toujours en colère contre elle. Il me fallait tirer cette histoire au clair :

« Qu’est-ce que tu me veux ?
- Moi ? Rien. »

Moi ? Je fronçai les sourcils, poussant un soupir. Je ne comprenais pas. Si elle ne me voulait rien, que faisait-elle là ?

« Je ne suis pas sûre de comprendre. Ni d’aimer ce que tu vas me sortir. »

Une angoisse me prit, dans les tripes, à même l’intérieur de mon ventre, proche de ma peau. Comme quelque chose voulant sortir mais restant fermement accrocher à mes côtes. Pousser vers l’extérieur, agrippé jusqu’à ma propre moelle. J’avais la mine sérieuse, je me sentais trembler de rage. Elle le sentait aussi, mais restait aussi bienveillante que possible. Et plus cela allait, plus je savais que je n’apprécierai pas le piège qu’elle me tendait. J’avais fait une erreur monumentale en la suivant. J’aurais dut dire à Enzo de rester avec moi, à Bee de me suivre. Puis ensuite, je me rassurai, en me disant que j’avais préservé leurs vies. Qu’eux, au moins, ils s’en sortiraient indemne. Moi, beaucoup moins.

« Ne t’inquiète pas, d’accord ? »

De nouveau, froncement de sourcils. Et puis, la compréhension, presque immédiate à la suite de ses déclarations. Elle avait osé ? Non ? Je déglutis péniblement, me demandant comment est-ce que j’allai pouvoir prendre mes jambes à mon cou. Comment m’enfuir ? Comment hurler à Enzo qu’il fallait qu’on parte, maintenant. Tout de suite. Dans l’immédiat. Comment ? Il n’y avait pas de solution à mon problème. Ni d’issues de secours, d’ailleurs… J’allai la tuer. Je me sentais assez forte pour lui briser les os, parce que la colère et l’adrénaline battaient à ma tempe, assez fort pour que les pulsations soient visible à l’œil… Alors, je levai mon poing de nouveau et tentai de la frapper.
Et je sentis derrière moi, l’immense présence, l’aura prenante de cet homme. Tout comme sa poigne autour de ma main, m’empêchant de frapper Savanah. Sa peau rêche, abimée par le temps. Son immense patte qui m’englobait totalement, tirant avec force et douceur pour que je ne lui fasse pas de mal. Pas de mots. Il n’y en avait jamais besoin. Surtout pas pour que je sois prise d’une peur primaire. Je ne pouvais pas le regarder, je n’y arrivai pas. Mes yeux étaient rivés sur cette femme, là, qui m’avait trahi, une fois de plus.

Et je m’étais faite avoir bêtement.

« On va s’calmer. Et discuter. »
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La discussion, ça n’avait jamais été son fort.
Du moins, dans mes souvenirs, ça ne l’était pas. Il ne savait pas parler. Encore moins communiquer. Ses expressions ne filtraient quasiment jamais sur ses traits. En fait, la seule façon dont Yumen arrivait à se faire entendre, c’était par les coups. C’était ce qui avait marqué mon esprit. Dans les faits, je ne me souvenais que de ce monstre de puissance, frôlant le plafond de notre petite maison. Je me souvenais aussi l’avoir considéré comme ma seule famille. Et avoir appris, par la même occasion, son langage. Exprimer sa colère par la violence. Il n’y avait que ça, comme maitre mot. Et même si je savais me contrôler, je sentais souvent cette haine en moi, qui grouillait, dans mes entrailles, et qui m’empêchait parfois d’être ce que je devais être.

« Nous te cherchons depuis un moment, tu sais ?
- … Mh. »

Je sentais son regard lourd sur moi, sans oser tourner les yeux pour l’observer à mon tour. J’étais assise, sur ce tabouret, incapable de faire quoique ce soit, comme paralyser par cette situation. Mon cœur battait vite, trop vite. Il me sembla, par deux fois, partir en arrière sous l’émotion. Inconsciemment, j’avais peur, tellement peur. De lui, de ce qui m’attendait. En m’imaginant qu’ils m’obligeraient à rentrer alors que j’avais passé l’âge d’être cette demi-portion, esclave à plein temps, « fille de » par moment. Rien pour me donner envie de rester. Mais ce que je craignais le plus, dans cette histoire, c’était sa force, cachée dans ses immenses mains, celles qui m’avaient empêché d’agir.

Je voulais qu’Enzo revienne. Je voulais que Bee me sauve. Mais ce que je voulais n’arrivait malheureusement pas. Je me sentais comme prise, menacée, dans l’impossibilité de partir, de m’enfuir. C’était tellement injuste. Sa présence faisait remonter des souvenirs, souvenirs que j’avais voulu oublier. Qui me faisait encore souffrir rien qu’en songeant aux os brisés sous la colère. Cette colère qui rongeait ses organes et qui m’avait contaminé. Colère que je transposai, qui me faisait parfois être méchante sans que je ne le veuille vraiment… Je tentai de ravaler ma peur, mais elle se coinçait dans ma gorge. Car au-dessus de la fureur, il y avait la peur. Et cette crainte primitive épuisait mes forces et me rendait impuissante.
Face à lui.
Et là, je sentis sa main effleurer mon visage, m’attraper pour m’obliger à le fixer. Ses yeux étaient plantés sur le cocard que Tahar m’avait fait à Clockwork, lors de notre entrevue. Mais moi, j’étais rivée sur lui, sur son visage froid mais attentif, sur ses traits vieillis. Il était à la fois tellement différent et exactement le même que dans mes souvenirs.

« Qui t’as fait ça ? »

Ma respiration s’accéléra, comme mon cœur que je sentis pousser mes poumons contre ma cage thoracique. Je voulais réagir. Je devais réagir. J’en étais obligée. Dans la pièce vidée de ses clients, l’on entendit comme le son d’une claque. Et l’on vit que j’avais repoussé sa main de mon visage, l’obligeant à me lâcher, avec une insolence non feinte.
Tout était question de vouloir, me rappelai-je en entendant encore sa voix. Vouloir.

« Ne me touche pas. »

Il me fixa un temps, sans me lâcher. Savanah reprit à côté, essayant de nous temporiser :

« Calmez-vous. Vous devriez discuter, vous mettre au point. On n’est pas là pour te faire du mal, Lilou, on est là pour t’aider.
- Je n’ai pas besoin de votre aide, tranchai-je sans laisser la possibilité de nier. »

Je me levai, repoussant la chaise sous mes jambes en la faisant tomber brutalement. Je les fixai un temps et ne pris pas la peine de les saluer en tournant les talons. C’était là ma seule chance de pouvoir m’enfuir, de partir. C’était, pensai-je, le moment idéal pour les laisser comme des idiots et prendre les jambes à mon cou. Mais, c’était sans compter sur ce qu’ils savaient.

« Et le Haki, alors ? Tu n’as pas besoin de lui, pour le maitriser ? »

Je me stoppai, écoutant attentivement. Comment savaient-ils ? Et pourquoi aurais-je besoin de lui ? Pourquoi fallait-il forcément que mon destin soit lié au sien ? Il n’y avait pas de raisons…

« Qui vous l’a dit ?
- Personne. Reviens t’assoir, veux-tu ? On discute juste, pour l’instant. »

Pour l’instant. Je fis demi-tour, revins à leurs niveaux, mais ne me réinstallai pas. Je voulais rester debout, avoir l’opportunité de courir si je sentais le coup fourré. Savanah soupira bruyamment, mais reprit avec une voix très douce :

« Je l’ai remarqué, tout à l’heure, quand tu m’as frappé.
- Pourquoi vous êtes là, à la base ?
- Et bien… Il vou-…
- Pour rien. »

Je serrais les dents, évitant soigneusement de le regarder. J’invitai Savanah à poursuivre :

« Je pensais que tu ne savais peut-être pas ce que c’était, le Haki. Ni comment le maitriser de ton plein gré. Tu ne sais probablement même pas comment le déclencher sur demande, n’est-ce pas ? Il s’avère que tu as sous la main une personne qui pourrait t’aider à le maitriser.
- Si, je suis au courant. C’est une question de volonté, je me suis renseignée... Maintenant, je n’ai pas besoin de vous. Merci bien, mais je ne tiens pas à vous revoir. Ni l’un, ni l’autre. »

J’insistai sur le dernier point, les sourcils froncés. Je pensais clore la conversation sur ses mots, respirant plus lentement en me disant que j’avais bien fait. Mais il prit la parole, sa grosse voix retentit, en même temps qu’il se leva pour me faire face.

« C’pas qu’une question de volonté. »

Il tendit le poing vers l’avant et me montra sa main. Sa grande main, autour de laquelle grésillait l’air, finement, presque imperceptible si l’on ne prenait pas la peine de se concentrer. Je regardai ça avec un étonnement marqué. Puis, je relevai le regard en l’interrogeant silencieusement. Il m’attrapa le poignet violemment, et me tira à lui sans que je ne puisse rien faire. Je sentis mon épaule me faire souffrir pendant un temps, mais constater que j’avais été incapable de réagir et de ne me protéger. Je sentais sa peau, je sentais qu’il me touchait. Et je sentais que je n’avais que mon derme pour me couvrir. Pas de Haki.
Il n’avait jamais eu besoin de mot pour me convaincre. Généralement, ses poings suffisaient à me faire plier. Une fois de plus, même s’il ne s’agissait pas de me coller une dérouiller pour une raison x ou y, j’étais convaincue. Oui, voilà. Il avait raison, je ne le maitrisai pas. Ou du moins, seulement partiellement… Et ce n’était pas suffisant.

« J’irai dire à ton ami que tu seras occupée, les prochains jours. »

Je me tournai vers Savanah, affirmant d’un signe de tête.

Oui. Visiblement, j’allai être très occupée.
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« Frappe-moi. »

Nous étions plantés là, au milieu de nulle part. Il m’avait trainé dans un coin perdu de Belgemore, ou il n’y avait personne comme témoin sinon la nature autour de nous. Elle nous contemplait, immobile et impassible, savourant cette visite inopinée. Et moi, devant lui, morte de froid, les doigts congelés dans mes poches, à le regarder, totalement étonnée. Je ne comprenais pas. Son ordre me parut absurde, au point de lui demander de répéter. Il le fit. Une fois. Puis deux. Sans que cela ne me frôle vraiment. Le sens m’échappait, pourtant, les mots étaient logiques. Le frapper.
Lui, celui qui m’avait fait mal, avant. J’avais le droit de lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais sa déclaration m’échappait toujours. Pourquoi ? Pour remettre les pendules à l’heure ? Depuis le temps, qui avait gardé le compte du nombre de coups qu’il avait pu me distribuer ? Personne. Pas même moi.

« Frappe-moi. »

Alors, j’avais frappé. Fort. J’avais couru vers lui, bondis et j’avais cogné sur le coin de la joue. Il n’avait pas reculé, à peine bouger le visage pour « encaisser ». J’étais retombée sur mes pieds, j’avais regardé avec un air suffisant, pour remarquer alors que ça ne lui avait rien fait du tout. Qu’il n’y avait rien. Rien. Pas même une trace, pas même une preuve. Que j’avais senti la colère en moi, sans qu’elle ne fasse quoique ce soit…

« J’t’ai demandé d’me frapper. »

Sa provocation résonnait à mes oreilles, alors j’avais retentait le coup. Encore une fois. Et une autre. Qui n’arrivaient jamais à leur but principal. Et ainsi, toute la journée qui était déjà bien entamée pourtant. Malgré le froid qui me bouffait la peau, le sommeil qui me gagnait à force d’effort. Malgré les idées ingénieuses que je mettais au point pour gagner de la vitesse, de la puissance. Il continuait à m’ordonner de le frapper, alors que je pensais ma colère suffisante pour terrasser un peuple entier. Il n’y avait rien d’assez fort pour battre ce démon.
Et même la claque qu’il m’assena, qui franchit mes barrières, qui résonna à travers le silence de cette forêt de glace, ne m’aida pas à me ressaisir. Cette baffe me ramena en arrière, et au-delà de la colère, j’avais terriblement peur. Comme pour retomber en enfer, avec lui comme tortionnaire. Ça faisait si longtemps qu’il n’avait pas levé la main sur moi. Un si long moment que je m’étais imaginée qui pouvait ne plus vouloir le faire. Et ces idées s’effondraient, une à une. A chaque baffe qui me faisait tomber à genoux, pour faire rougir mes joues déjà roses…

« Ça ! Ça, c’frapper ! Alors frappe-moi, bordel. »

La fureur, à nouveau, qui bouillonnait dans mes tripes. Il le vit. Son regard changea, pour voir naitre un petit sourire, retirant ce masque de froideur. Et encore un coup, qui le fit reculer d’un pas, d’un maigre petit pas. Mais qui le fit exploser de colère, par la même occasion.

« Je comprends pas c’qui t’faut ! Je pige pas ! T’as besoin d’une raclée pour t’motiver à m’rendre la pareille ?! T’as oublié c’que ça f’sait ou quoi ?! Parce que j’peux le refaire, hein ! »

Ça, je le savais. Qu’il pouvait le faire. Je le savais mieux que personne. Mais déjà, mes muscles me faisaient souffrir, le froid griffait ma peau, je sentais mes poumons bruler à force de respirer trop fort. Et je ne comprenais pas ce qu’il voulait. Je frappai. Je ne faisais que ça, le frapper. Mais ce n’était jamais assez bien. Je sentais les larmes me montaient, je sentais qu’il fallait que je me relève. Mais j’étais trop épuisée pour continuer. Le frapper. Encore. Et encore. J’entendais sa voix dans ma tête me l’ordonnait, au point de me rendre malade. Le battre, c’est ce que je faisais. Tout le temps, là. Je le frappai et il ne sentait rien.
Alors que moi, chacun de ses coups étaient une réponse incisive, terrifiante, qui, par miracle, ne me tuait pas. Je savais, sous chacune de ses claques, que la douleur s’atténuait, qu’il m’atteignait moins. Et j’étais tellement en colère, en imaginant que ça devait suffire à lui faire mal. Je voulais le blesser, je le souhaitais plus que tout. En m’accrochant à cette idée, que c’était une question de vouloir. Et je voulais.

Pourtant, je ne le touchai pas.
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« Réveille-toi. On r’prend. »

Je me blottissais dans ma couverture de survie, ayant du mal à ouvrir les yeux, toujours à côté du camp qu’on avait monté et du feu qui crépitait toujours. J’étais comme dans un cocon que je ne voulais pas quitter. Pourtant, son regard dur m’y obligea. Lorsque je voulus m’étirer, je sentis tous mes muscles me faire atrocement souffrir. Je n’eus rien à manger pour me préparer, pas même le temps de m’échauffer ou de m’étirer. La veille, j’étais tombée de fatigue, incapable de continuer. Je m’étais réveillée ainsi. Et je savais que Yumen avait fait en sorte que je ne meurs pas de froid.

L’entrainement reprit, avec toujours cette même phrase, et ce même ordre qui résonnait dans notre petit camp de fortune. Le combat continuait sans qu’il n’ait à véritablement se forcer pour me faire mal, pour me repousser, ou quoique ce soit en fait. Il ne se fatiguait pas trop, sauf à me crier de le frapper. Je ne voyais pas de solution à mon problème, ni rien pour m’aider. Sauf là, à la fin de la journée, lorsque j’en eu assez et que je sentais la fatigue me gagner. Plus tôt que la veille, d’ailleurs, en partie parce que mon estomac criait famine.
Alors, j’avais crié, moi aussi :

« MAIS DIS MOI COMMENT FAIRE ! »

Il se stoppa. Respira un coup. Et me regarda attentivement. Il n’avait jamais été bon pédagogue. D’ailleurs, les mots ne lui venaient pas facilement. Il n’y avait pas de miracle, selon lui. Pas de véritable solution. Il n’y avait pas de « comment faire » dans cette maitrise. Seulement la volonté de maitriser pour certain, et dans notre cas, de juste canaliser notre colère. Alors, il prit la parole :

« C’pas qu’une question d’vouloir, j’te l’ai déjà dit. Vouloir, c’t’une chose. Mais dans ton cas, dans ta f’çon d’être, c’même pas l’plus important dans l’histoire. C’qui importe, c’est qu’tu saches comment contrôler ta colère. Parce qu’c’est elle qui t’guide, c’est elle qui t’fait être comme ça. Mais la colère, c’est qu’un pic. Ça passe. Et ça r’vient. Mais c’que passager. Alors qu’savoir la contrôler, c’t’autre chose. »

Il s’arrêta, comme satisfait de sa tirade. Mais j’avais comme un gout amer dans la bouche, une rancœur mauvaise qui ne demandait qu’à sortir. Et qui sortit :

« C’est toi qui me dit ça, c’est beau, quand même. Tu me parles de colère alors que t’es incapable de te réguler toi-même…
- Ouais. Et comme toi, j’ai été obligé d’apprendre, Gamine. Au moins pour pouvoir faire c’que j’voulais avec le Haki. »

Il me regarda et s’approcha, l’air sérieux.

« J’ai jamais dit qu’t’avais pas le droit d’m’en vouloir. J’ai jamais espérer qu’tu me pardonnes. D’ailleurs, j’ai jamais envisagé de m’faire pardonner. J’veux pas m’excuser d’être c’que j’suis. J’ai pas à le faire. J’ai fait, voilà. Et c’est fait. On peut pas r’venir en arrière. Et si on pouvait, ça s’saurait. Mais ça s’rait pire. »

Il avait l’air si convaincu par ses mots. Et même moi, j’étais prête à le croire. Je le regardai attentivement, essayant de le décrypter, de le saisir globalement. Mais son regard froid ma ramena au mien, sans me donner une quelconque réponse.

« J’ai mal agit. Mais j’le sais. J’ai eu l’temps de ruminer, d’me plaindre, d’frapper. De tuer. Et j’sais comment faire pour qu’la colère soit mon allié, pas mon tyran. Et c’pas ton cas. Toi, c’la peur ton moteur. Parce que t’es qu’une gosse terrifiée, qu’sait pas quoi faire pour fuir. T’penses qu’à ça. Fuir. Fuir ton père, ta mère. Me fuir moi. Fuir ta vie. Même dans ta tête, t’me fuis. Et quand c’pas tes yeux, c’ton corps entier. Ça, courir, te barrer avant qu’ça dégénère, t’sais faire. Mais affronter, c’pas dans tes cordes. C’est au d’ssus de tes forces ; T’es faible, Gamine.
- Lilou…
- Hein ?
- Rien…
- Mh… »

Il eut un rictus de mépris, tourna les talons et lâcha :

« Qu’est-ce que j’disais… »


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 2 Déc 2012 - 0:04, édité 1 fois
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« Tu t’vantes d’avoir un rapport privilégié à la douleur. Mais t’sais pas c’que c’est que souffrir. T’sais pas souffrir. »

Je baissais les yeux. Et j’y songeai, à tout ça. A la douleur, à ce que c’était. Et je le trouvai gonflé de me dire que je ne savais pas souffrir. Comme si, lui, du haut de ses deux mètres et cent, voire plus, kilos, il savait. Comme si on lui avait un jour sérieusement mis des mornifles à lui en décoller la rétine. Comme si, lui, savait mieux que moi…
Ça m’énervait. Autrement que les premières fois, il fallait l’avouer. C’était une colère au plus profond qui surgissait, parce qu’on touchait à un sujet forcément plus sensible qu’à l’ordinaire. On pouvait parler de haine, de peur. Sans soucis. Je l’avouai. Oui, j’étais terrifiée d’être ici, de le revoir. Oui, je le détestais, plus que tout. Mais pas plus que moi. Mais non, non. On ne pouvait pas me retirer la souffrance. Cette dernière, au-delà de tout le reste, était ce qui m’avait toujours motivé. Souffrir, je savais ce que c’était, mieux que les autres.
On ne s’était pas contenté de me briser physique. On l’avait fait mentalement aussi. Il. Il l’avait fait. Comme d’autres, après lui. Mais cette souffrance m’avait toujours poussé à reconstruire, derrière leurs passages. Alors, non. Ça, c’était à moi.

« Bon, Gamine, je…
- La ferme ! »

C’était parti, tout seul. Ma franchise, ma témérité, un pseudo courage que je regrettai. Un peu. Pas trop. Parce qu’il fallait que ça sorte à un moment ou à un autre. Que je ne pouvais pas me laisser marcher éternellement sur les pieds.

« Hm…
- Je ne te permets pas de parler de douleur, de souffrance ! Je te l’interdis ! Tu n’en as pas le droit, t’as perdu ce droit rien qu’en levant la main sur moi, la première fois ! T’as perdu ce droit en niant ma souffrance… Bordel, j’avais quatre ans ! Quatre ans ! Et j’ai passé cinq autres années à supporter ta présence, à te laisser me pourrir la vie ! C’est à cause de toi, ce que je suis ! C’est toi, qui m’as rendu comme je suis ! Alors ne viens pas me cracher dessus en disant que je suis faible, ou trop ceci, ou trop cela ! C’est toi, qui m’as fait comme ça ! Tu m’as détruite de l’intérieur, juste pour le plaisir, et t’as trouvé ça bien ! Parce que t’étais trop frustré pour savoir régler tes problèmes comme un grand, parce que t’as jamais été foutu d’assumer ta pathétique petite vie misérable, l’a fallu que tu te charges de me gâcher la mienne aussi !
- Ouais. J’avoue ; j’t’ai vu. Et j’me suis dit qu’j’voulais détruire quelqu’chose de beau. »

Le silence retomba sur nos épaules. Et le pire, c’était qu’il avait l’air tellement honnête dans ses déclarations.

« C’est tout ce que t’as à me dire ? »

Il haussa les épaules, comme si de rien n’était, sous mes yeux ahuris. C’était complètement surréaliste. Et alors que j’allai reprendre, il m’interrompit, d’un coup :

« Là. »

Je le fixai un instant, avant de regarder autour de moi pour voir de quoi il parlait. Il me désignait, moi, du doigt. Et reprit, pour se justifier :

« Tu sais pourquoi j’y arrive ? Parce que j’suis toujours en colère. Contre lui. Mon père. Contre toi, quand t’es partie. Contre moi, pour l’reste. Et t’sais quoi ? Ça a fini par plus m’bouffer. Au début, ça m’aidait. Puis quand ça l’a plus fait, j’ai décidé qu’il fallait qu’j’en use autrement. La seule chose pour laquelle j’suis désolé, Gamine, c’est d’t’avoir rendu comme moi. Et qu’t’ai à y passer, comme moi. Mais ça prouve qu’t’as la volonté de vivre. De survivre, même. Et qu’tu l’emploies comme il faut. Frappe pas avec les poings… »

Il ferma les mains, se mit en garde, et se prépara à cogner. En lui, autour de lui, passait ce fluide qui l’irriguait totalement. Je ne savais pas comment il faisait. Finalement, je ne savais pas contre qui est-ce qu’il se battait… On aurait dit un combat, perpétuel, contre lui-même. Et je me rendis compte qu’il avait beau être ce tortionnaire de mes souvenirs, lui aussi, se débattait avec ses propres démons. Et que finalement, ce tortionnaire… J’en avais fait mon père.

« Frappe avec ta putain d'vie. »


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 2 Déc 2012 - 0:03, édité 2 fois
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« Y’a p’t’être du progrès, mais c’pas encore ça, Gamine. Même Savanah frappe plus fort qu’toi.
- ... Mh…
- Bouge ton cul, on r’prend, Gamine. »

Il me titillait. C’était forcément ça. Il devait même aimer faire ça. Me mettre en rogne. En sachant que ça ne donnait jamais le résultat escompté. Mais pour le coup, je ne bougeai pas. Je ruminai.
Gamine.
Ce surnom résonnait à mes oreilles, ricochant dans ma tête en se cognant aux parois. J’avais la sensation d’être encore cette gosse de huit ans à peine, à ses yeux, empotée, pas très fine, plutôt chétive… Et pourtant, après toutes ces années, j’avais changé. J’étais sûre d’avoir changé. Je n’étais plus la « gamine ». C’était fini, ce temps. J’avais un nom…

« Qu’est-ce que tu branles là ? J’ai pas qu’ça à faire. »

Mon nom.
Ce nom que je m’étais moi-même donnée, ce soir-là. Celui de mon départ. C’était ce à quoi je m’accrochai, toujours, fermement. J’étais Lilou Bennett Jacob. Originellement Mademoiselle Phillip. Fille de Shell « Punk » Phillip. Probablement ascendant Yumen à l’occasion. Mais certainement plus cette « gamine ».

« Je m’appelle Lilou.
- Hein ?
- Mon prénom, c’est Lilou. »

Il se stoppa, et me regarda pendant un temps. Avant de renchérir, un petit sourire aux lèvres :

« Ok Gamine, ou est l’souci ? »

Je fermai les poings, et les yeux. Sans pouvoir le regarder, je savais ce qu'il faisait. Me mordant la lèvre pour me contenir, je fulminai intérieurement. Et je sentais, autour de mes poings, ce fluide chaud qui glissait, lentement, doucement. Qui m’emplissait, qui me protégeait. Je sentais là, sur l’instant, tout ce qu’il avait cherché à me faire comprendre, à me faire croire. Finalement, j’avais réussi à apprendre.

« Le souci, c’est que je ne suis plus cette « Gamine », d’accord ?
- T’seras toujours la Gamine. T’emballe pas, hein. »

Je pris une profonde inspiration. Puis, d’un mouvement souple, je sentis mon pied décollé du sol, je me sentis partir vers l’avant, m’élancer vers lui, les poings toujours fermés. Et d’un coup, sauter dans sa direction pour mehisser à sa hauteur. Et de lui coller mes phalanges dans la joue sans le ménager. Ma main avait percé sa défense naturelle, elle s’était imprimée dans sa pommette, le plus aisément du monde. Je touchai le sol. Il recula de deux pas sous le coup. Fronça les sourcils. Réalisa. Et se retourna pour m’offrir un sourire carnassier.

« T’AS BESOIN QUE JE TE L’IMPRIME ENCORE UNE FOIS DANS LA GUEULE POUR QUE CA RENTRE OU BIEN ?! »

Il me scruta un instant, puis il éclata de rire.

Et on s’était enfin compris.


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« C’toi, Enzo ?
- Euh… ça dépend ? On le demande pour quoi ?… »

Yumen fit un pas en avant et lui colla le corps sans vie de la jeune rouquine dans les bras. Il le fixa pendant un temps avec l'air sévère, soupirant bruyamment avec les sourcils froncés. Il le jaugea du regard, puis enfonça ses mains dans ses poches en fulminant toujours. L'idée de la laisser aux mains de ce gringalet ne lui plaisait guère. D'ailleurs, il avait un certain a priori à propos de ce garçon. Peu d'estime, mais c'était toujours ainsi avec Yumen. Il n'en avait que pour ceux qui prouvaient leurs valeurs. Et cet Enzo, là, il n'en avait aucune. Il considéra le serpent et le canard à ses côtés. Canard qui, sans s'afficher vraiment, l'avait très clairement reconnu. Ils ne firent rien de plus, sinon un petit signe de tête.

« Prend soin d’elle, l’temps qu’il faudra, ordonna-t-il d’une voix froide. »

Il fit un regard sombre, pour menacer le jeune homme, le tout en faisant craquer ses phalanges :

« Si j’apprends qu’elle a l’moindre soucis, j’t’écrase, Gamin… Pigé ? »

Enzo ne prit même pas la peine de répondre. D’ailleurs, il n’en eut pas le temps, car Yumen tourna simplement les talons. L’agent mena la jeune femme, les animaux sur ses talons, jusqu’à sa chambre. Elle semblait dormir profondément, mais lorsqu’il la posa sur son lit en prenant soin de ne pas trop la bousculer, elle s’éveilla un peu…

« Enzo ?
- Ouais ?
- Ça fait combien de jour ?
- Six.
- SIIIIIX ?! »

Elle se leva d’un bond, là, se redressant de sur son matelas. Mais ses muscles commencèrent à la tirer, très fort, si fort qu’elle retomba mollement sur le lit en gueulant qu’elle souffrait le martyr. Enzo ricana, moqueur, mais s’attela à la soigner, ayant des connaissances en médecine assez poussés.

« Il est parti ?
- Oui… C’était qui d’ailleurs ?
- Mon père.
- Punk ?!
- Non, l’autre… »

Le garçon fronça les sourcils, un peu surpris de la déclaration.

« Euh… Pas compris, là.
- Laisse tomber. Ce n’est pas très important. Dis voir, t’aurais pas à bouffer par hasard ?
- Kréhéhéhéhé… »
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