Alors c’est ça. Impel Down.
Alors c’est ça. La cage où tout se termine.
Ils l’ont relevé. Soigné. Embarqué. Il faisait la gueule et mangeait ses dents. Pleurait son sceptre et sa fierté. Jurait vengeance et savourait victoire. Je l’ai regardé partir. Il est parti.
Ils m’ont relevé. Menotté. Embarqué. Je souriais et montrais mes crocs. Pleurais ma poulie et mon sabre. Mes plus fidèles compagnons, toute cette partie de moi qu’ils représentaient, mes deux passés, ma vie entière, ils n’étaient plus. On m’a dit qu’on partait. On est partis.
On m’a lavé. Dépoilé. Ebouillanté. Ma cravate et mon manteau aussi, ils sont morts. Mon costume, taillé en pièces. Tout ce que j’ai pu accumuler dans ma vie, le peu que j’ai choisi de conserver avec moi toutes ces années, je ne l’ai plus. Les médailles sur le revers de mon cuir. Les vestiges du passé que je faisais voyager avec moi. Je ne les ai plus. Je n’ai plus rien. Je ne suis plus rien.
J’ai morflé, je bave encore et je fais probablement peur à voir. Pas grave, personne ne me voit. Je ne peux pas bouger. J’essaie mais je n’y arrive pas. Je ne suis plus fou, je suis seul avec la pierre nue de la cellule, et plus aucun bruit ne me parvient. Ni bruit ni lumière. Ce n’est pas dans une cellule qu’on m’a mis, mais dans une cave. Une cave de roche tout au fond des océans.
C’est étrange, je suis parfaitement calme. Comme si j’étais là où je dois être, comme si le Nouveau Monde ne comptait plus tant que ça, n’avait jamais tant compté que ça. Comme si toute cette errance n’avait eu que ce seul et unique but. Impel Down. Impel Down. Impel Down. Le nom sonne dans le vide qui m’entoure quand je le chuchote. Ricoche sur les murs, ricoche sur les barreaux du même granit que mes fers. Un grognement s’élève depuis la cage d’à-côté, passe par le couloir et rentre.
Je suis à l’étage où on range les monstres comme moi, je ne devrais pas être dépaysé. Je ne le suis pas. Pas vraiment. Je m’interroge. Est-ce que c’est ma place ? La prison ? La prison sobre ? Mes lèvres sont sèches, mon gosier aussi. Ma voix, je l’ai sentie pâteuse quand j’ai murmuré. Rauque.
Dans une nuit pareille, avec mes bras ballants qu’aucune énergie ne parcourt, qu’aucun sang ne me semble plus irriguer à cause des menottes, je n’ai que mes souvenirs à appeler. Je les appelle. Ils ne viennent pas. Ils viennent, mais comme de vrais souvenirs. Flous. Oubliés. Plus d’hallucinations.
J’essaie d’appeler Jenv, je ne la vois pas. Je ne sais plus la forme de son visage, plus le ton de sa voix, plus la douceur de sa peau. Son regard, de quelle couleur était-il ? Jenv, je crie, Jenv ! Mais personne ne répond. Pas même mes voisins. Rien, personne. On m’a dit qu’on viendrait me voir, on ne vient pas. Je ne sais pas combien de temps je suis resté là déjà. Pas mal. Plus sans doute.
Peut-être pas. J’arrive à me relever au quatrième essai. J’étais à genoux, j’ai la cheville qui tremble encore. Les chevilles. Je ne sais plus quand ça m’est arrivé. Peut-être quand Pully est morte. Tout est devenu sombre à cet instant. Tout est passé brouillard. Tout est toujours brouillard.
J’explore de quelques pas le sol de mauvaises dalles inégales. Je les sens gelées par la profondeur, humides. Les nuits vont être rudes. Enfin les nuits. Quand je m’effondrerai de sommeil, ce sera dur. Avec ce pauvre linge en coton qu’ils m’ont refilé. Je me demande s’il est rayé. Quel intérêt à donner des rayures aux prisonniers quand on les plonge dans les ténèbres.
Des pas. Dans le couloir. Je crois. Je me trompe. C’est mon cœur, mon cœur qui bat jusque dans mes oreilles. Ca faisait longtemps que je ne l’avais entendu. Il me souffle tandis que je reprends mes tâtonnements que la cellule fait trois par deux. Bien, au moins je pourrai m’allonger.
Me vient l’image que si j’avais été dans une prison normale j’aurais souri à cette pensée. Mais je ne suis pas dans une prison normale et pas sûr que réussir à dormir sans me plier en quatre dans la longueur suffise à m’apporter joie de vivre jusqu’au lendemain. Je suis à Impel Down et aucun lendemain ne se profile à l’horizon. Je suis à Impel Down et il n’y a pas d’horizon. Un frisson me tend brusquement. Ma tête lance, je me rassieds brutalement en tombant à terre.
Au-dessus de moi qui m’écrase, un plafond de roche épais comme Calm Belt est profonde. Autour de moi, loin, l’immensité mortelle et quelques poissons perdus en chemin. Autour de moi, pesante et en passe de devenir lancinante, cette question nouvelle. Excitante parce que nouvelle, mais effroyable plus même qu’excitante. Cette question littéralement existentielle.
Est-ce que j’ai vu pire ?
Alors c’est ça. La cage où tout se termine.
Ils l’ont relevé. Soigné. Embarqué. Il faisait la gueule et mangeait ses dents. Pleurait son sceptre et sa fierté. Jurait vengeance et savourait victoire. Je l’ai regardé partir. Il est parti.
Ils m’ont relevé. Menotté. Embarqué. Je souriais et montrais mes crocs. Pleurais ma poulie et mon sabre. Mes plus fidèles compagnons, toute cette partie de moi qu’ils représentaient, mes deux passés, ma vie entière, ils n’étaient plus. On m’a dit qu’on partait. On est partis.
On m’a lavé. Dépoilé. Ebouillanté. Ma cravate et mon manteau aussi, ils sont morts. Mon costume, taillé en pièces. Tout ce que j’ai pu accumuler dans ma vie, le peu que j’ai choisi de conserver avec moi toutes ces années, je ne l’ai plus. Les médailles sur le revers de mon cuir. Les vestiges du passé que je faisais voyager avec moi. Je ne les ai plus. Je n’ai plus rien. Je ne suis plus rien.
J’ai morflé, je bave encore et je fais probablement peur à voir. Pas grave, personne ne me voit. Je ne peux pas bouger. J’essaie mais je n’y arrive pas. Je ne suis plus fou, je suis seul avec la pierre nue de la cellule, et plus aucun bruit ne me parvient. Ni bruit ni lumière. Ce n’est pas dans une cellule qu’on m’a mis, mais dans une cave. Une cave de roche tout au fond des océans.
C’est étrange, je suis parfaitement calme. Comme si j’étais là où je dois être, comme si le Nouveau Monde ne comptait plus tant que ça, n’avait jamais tant compté que ça. Comme si toute cette errance n’avait eu que ce seul et unique but. Impel Down. Impel Down. Impel Down. Le nom sonne dans le vide qui m’entoure quand je le chuchote. Ricoche sur les murs, ricoche sur les barreaux du même granit que mes fers. Un grognement s’élève depuis la cage d’à-côté, passe par le couloir et rentre.
Je suis à l’étage où on range les monstres comme moi, je ne devrais pas être dépaysé. Je ne le suis pas. Pas vraiment. Je m’interroge. Est-ce que c’est ma place ? La prison ? La prison sobre ? Mes lèvres sont sèches, mon gosier aussi. Ma voix, je l’ai sentie pâteuse quand j’ai murmuré. Rauque.
Dans une nuit pareille, avec mes bras ballants qu’aucune énergie ne parcourt, qu’aucun sang ne me semble plus irriguer à cause des menottes, je n’ai que mes souvenirs à appeler. Je les appelle. Ils ne viennent pas. Ils viennent, mais comme de vrais souvenirs. Flous. Oubliés. Plus d’hallucinations.
J’essaie d’appeler Jenv, je ne la vois pas. Je ne sais plus la forme de son visage, plus le ton de sa voix, plus la douceur de sa peau. Son regard, de quelle couleur était-il ? Jenv, je crie, Jenv ! Mais personne ne répond. Pas même mes voisins. Rien, personne. On m’a dit qu’on viendrait me voir, on ne vient pas. Je ne sais pas combien de temps je suis resté là déjà. Pas mal. Plus sans doute.
Peut-être pas. J’arrive à me relever au quatrième essai. J’étais à genoux, j’ai la cheville qui tremble encore. Les chevilles. Je ne sais plus quand ça m’est arrivé. Peut-être quand Pully est morte. Tout est devenu sombre à cet instant. Tout est passé brouillard. Tout est toujours brouillard.
J’explore de quelques pas le sol de mauvaises dalles inégales. Je les sens gelées par la profondeur, humides. Les nuits vont être rudes. Enfin les nuits. Quand je m’effondrerai de sommeil, ce sera dur. Avec ce pauvre linge en coton qu’ils m’ont refilé. Je me demande s’il est rayé. Quel intérêt à donner des rayures aux prisonniers quand on les plonge dans les ténèbres.
Des pas. Dans le couloir. Je crois. Je me trompe. C’est mon cœur, mon cœur qui bat jusque dans mes oreilles. Ca faisait longtemps que je ne l’avais entendu. Il me souffle tandis que je reprends mes tâtonnements que la cellule fait trois par deux. Bien, au moins je pourrai m’allonger.
Me vient l’image que si j’avais été dans une prison normale j’aurais souri à cette pensée. Mais je ne suis pas dans une prison normale et pas sûr que réussir à dormir sans me plier en quatre dans la longueur suffise à m’apporter joie de vivre jusqu’au lendemain. Je suis à Impel Down et aucun lendemain ne se profile à l’horizon. Je suis à Impel Down et il n’y a pas d’horizon. Un frisson me tend brusquement. Ma tête lance, je me rassieds brutalement en tombant à terre.
Au-dessus de moi qui m’écrase, un plafond de roche épais comme Calm Belt est profonde. Autour de moi, loin, l’immensité mortelle et quelques poissons perdus en chemin. Autour de moi, pesante et en passe de devenir lancinante, cette question nouvelle. Excitante parce que nouvelle, mais effroyable plus même qu’excitante. Cette question littéralement existentielle.
Est-ce que j’ai vu pire ?