L'Ecume, moitié affalé sur le sable, s'fait caresser par le ressac, douc'ment. Sur son mat cramé, qu'pendouille comme un tich' muri à la gnôle, les voiles déchirées r'flètent les derniers rayons du coucher d'soleil. Ciao, grand clinquant. Ciao... Puis un peu ciao l'Ecume, enfin, pour l'instant. Noah, accompagné d'un groupe d'petite main, mi-chers à Cann'On, mi-esclaves made in Clockwork, évalue l'étendue des dégâts, comme un bon charpentier qu'il est. Mais l'coeur y est pas, on l'sent, et les oeillades qu'y m'balance, lui, l'premier d'mes compagnons saignants, en disent long.
Pas d'clameur, pas d'festin. P't'être parce que, si on sort d'une victoire, elle sent un peu l'souffre. On a perdu beaucoup. Beaucoup. Un bateau puis... le Cap'. La rumeur s'est vite propagée, assez vite pour être certain d'un fait. Tahar est parti, contre son gré, vers des profondeurs sombres et sans retour. Enfin, rien n'est indéfaisable, mais certains nœuds sont plus coriaces que d'autres. Impel Down en fait partie. Il sera pas seul le Tahar, l'a de la compagnie. Et nous on est moins. On est faible. C'qui m'amène à un autre problème, une décision à prendre. Noah l'sait. Les autres aussi, peut-être.
Je tape une bouffarde, tout en matant un d'nos esclaves se faire rosser. On ne se plaint pas messieurs, les plaintes, c'est pour les enfants. Eux ont des droits, il parait. Ça tourne dans ma tête, ça tourne. Jusqu'à s'arrêter. Si décisions y doit y avoir, faut qu'j'sache c'qu'il en est, qu'j'fasse l'état des lieux. J'ai déjà commencé. Placé quelques pions, envoyé du pigeon voyageur. D'ailleurs, j'attends toujours Linus, qu'est parti sur l'ile pour prendre la température. Si tout l'monde connait Dead End de réputation, encore faut-il savoir comment qu'elle tourne, la rosse. Devrait pas tarder, j'espère. J'mire Anthrax, qui jette des cailloux sur l'esclave rossé, maint'nant à terre, et j'me lève. L'pas assuré, les r'gards pointés sur mon dos, j'me dirige vers l'Ecume, pour y grimper. Une fois sur le pont, direction la cabine du Cap'. Ce qu'il en reste du moins. ... Quel bazar. C'est mignon, aménagé comme ça. Sans attendre, en abandonnant les considérations esthétiques peu viriles, j'inspecte les lieux, j'fouille. Jusqu'à trouver.
Hmm... Ouais, ça peut l'faire. Bien planqué, un p'tit magot s'révèle pourtant. Y en a pour vingt briques. Plus un 'tit bonus, sous forme de bourse. J'fais l'compte. On en a pour douze fois deux moins un millions. Vingt trois ça fait... ouais c'est bien ça, me souviens maintenant. Pas de quoi s'taper l'apoplexie, pas d'quoi crever d'faim non plus. Mais probablement pas assez pour faire réparer l'rafiot. Soit. Tout ça va dans la poche de Jack. Bien en sécurité. Plié petit, très petit. Je sors. Il fait noir maint'nant. On a fait un gros feu. Tout l'monde se tait, c't'ambiance, j'vous dis pas. Tiens, Linus est r'venu. L'aura des choses à m'dire. J'siffle mon singe, une fois, deux, pour enfin grogner. Il comprend qu'il va s'en prendre une et abandonne ses tortures minables, me r'joint. Puis, tournant mes mires vers mes compagnons, j'prends mes couilles en main, et m'décide à faire le pas. Bien fort, bien vrai, j'annonce.
Tahar s'est fait eu. J'reprends l'affaire.
Sur leurs tronches patibulos, y a un voile. Oz, dans la flotte, relève sa face dimension colline. J'm'en fous. J'continue.
V'z'êtes des grands et suis pas votre père. V'z'êtes libres d'partir. Mais...
Silence.
Mais si vous nous quittez, vous r'devenez l'pékin lambda, avec les risques qu'ça implique s'il prend l'envie aux Saigneurs d'vous truander à la sauvage. C'est dit.