« L'argent fait le bonheur »
- Je viens de faire escale à l'île de Barnanos avec peu de provisions. On m'a beaucoup parlé de cette île essentiellement réputée pour sa ville moderne du nom de Manshon. Au total, quinze milles habitants résident dans les rues pavées de Manshon. Je me sens relativement tranquille seulement en descendant des quais car je sais que les seuls forbans qui rôdent dans la ville se trouvent dans les quartiers mal famés assez éloignés du centre et surtout parfaitement protégés par les autorités locales. Je puis percevoir le bonheur dans les yeux et le sourire des habitants. Une fois sur les quais, j'amarre ma petite embarcation de bois avec une solide corde et m’attele sans trop tarder à la découverte de cette sublime ville. Dans les principales rues, je puis croiser de jeunes donzelles qui gambadent dans les quartiers, sous les rayons du soleil, des petites familles, des grands-pères qui rentrent chez eux, canne servant d'appui, le dos légèrement courbé ainsi que toutes autres personnes qui paraissent tout aussi aimables. Mais je dois me concentrer dans la recherche de provisions. En effet, depuis quelques temps, il ne me reste plus grand chose dans mes coffres et cela devient relativement problématique.
D'abord je me retrouve dans une vaste place animée par la foule et je puis observer des boutiques implantées tout autour de celle-ci. Des magasins de vêtements, des épiceries, des boulangeries, des armureries etc... Tout cela est bien alléchant, mais l'inconvénient n'est autre que ma bourse. Je la prends dans mes mains avec véhémence, pensant qu'elle soit pleine. Malheureusement ma déception est immensément grande lorsque je constate qu'elle est légère. Très légère. J'avais gaspillé tout mon argent en me payant des cigarettes, des alcools en tout genre et certainement aux casinos, qui est un loisir envers lequel je montre une certaine addiction depuis déjà quelques temps. Pour pouvoir acheter mes provisions je suis dans l'obligation de trouver des sous si je ne veux pas mourir de faim ou de soif d'ici deux jours. Je sais que cela ne sera pas une tâche aisée mais je dois m'en occuper rapidement. Comment pouvoir bien trouver de l'argent ? Tel est la première question qui envahi mon esprit et à laquelle je mets un certain temps à en trouver la réponse. Je peux aider un citoyen mais celui-ci ne va sûrement pas me donner tout son salaire à moins qu'il ne se montre d'une grande générosité.
La seule solution qui s'offre à moi, est une solution que je n'approuve pas du tout. Mais bon, je ne peux faire autrement. Le vol. Ce n'est pas du tout mon habitude, car les seules choses que j'ai volé dans toute ma vie sont des bonbons roses à la confiserie. Surtout que je ne suis guère un expert en la matière. La discrétion fait bel et bien deux avec moi. Je peux voler des bijoux pour les revendre, des bourses à des passants etc... Mais j'ai légèrement peur à l'idée de voler quelque chose. D'un coup, une idée me vient à l'esprit. Pourquoi ne pas voler un navire marchand ? En principe quand on veut s'améliorer dans quelque chose on commence par le plus simple et on termine par le plus complexe non ? Moi je fais complètement l'inverse. Moi qui suis pourtant un intelligent qui se sert souvent de sa tête, à ce moment-là, il doit y avoir un problème dans mon cerveau. Alors sans plus tarder, je reprends la route du port dans l'espoir de trouver un navire marchand dans lequel je vais chaparder toutes sortes de choses. Une fois arrivé sur les quais, j'aperçois rapidement mon embarcation qui est toujours bien à sa place sur l'eau. Plusieurs bateaux de différentes tailles se trouvent sur le lieu dont sans doute pas mal de navires transportant de la marchandise. D'ailleurs je vois certaines personnes qui travaillent bien entendu au port décharger des caisses de bois, ce qui m'intéresse tout de suite. Je me rapproche le plus discrètement possible du dit bateau et j'écoute la conversation de deux hommes trapus. Un d'eux a le visage couvert de cicatrices, l'autre a une jambe de bois à la place de la jambe droite.
« Eh John...Il paraît que le navire juste à côté, là, transporte de la marchandise illégale destinée à alimenter de petits criminels de Manshon. Il paraît aussi qu'elle sera déchargée dans la nuit, vers trois heures. »
« Clair que les bandits qui habitent sur cette île vont être ravis ! J'suis sûr que y a pas mal de trucs de valeur dans ces caisses. En tout cas j'irais pas m'en mêler, c'est certain. J'veux pas finir avec deux jambes en moins et un cache-œil sur le visage. »
Marchandise illégale ? Petis Criminels ? Alors c'est donc ça... Je me disais bien aussi que la ville est beaucoup trop paisible... Des criminels y résident donc et gérent pas mal d'affaires à ce que je vois. Sincèrement, la peur m'envahi en pensant au mot « bandit ». Mais je suis déterminé à voler cette marchandise. Je me décide donc d'aller au rendez-vous de la racaille, le soir, à trois heures. Les deux hommes qui viennent d'entamer la conversation secrète se séparent et je ne peux en apprendre plus sur la marchandise. J'ai faim et soif, peu importe si des criminels me recherchent aux quatre coins du monde. Avec ce qui reste dans ma bourse je m'achete un sandwich que j'ingurgite en quelques secondes seulement. Je suis stressé à l'idée de voler quelque chose qui en plus appartient à des criminels. J'attends la tombée de la nuit, la boule en ventre à errer dans le rues pavées. Si bien, que certains habitants me prennent un peu pour un clochard et font rentrer leurs gosses chez eux. Je commence à m'ennuyer et à avoir froid étant donné que je suis dehors lors du coucher du soleil et je n'ai sur moi qu'un chemise à manches courtes. Je suis même tellement glacé que je souffle dans mes mains pour tenter de les réchauffer.
Malheureusement je ne peux guère aller me reposer à l'hôtel ou boire quelque chose de chaud dans un bar puisque ma bourse est désormais totalement vide. Je suis donc condamné à rester dehors dans le froid et à me recroqueviller dans un coin, sur moi même. De plus, j'ai l'impression qu'une seconde dure une minute et qu'une heure en fait trois. L'attente est bien trop longue et je pense qu'aller piller un navire marchand sans expérience sera une tâche délicate. Dans la vie il faut avoir de la chance. J'en ai eu. Une vieille dame qui habite dans la maison où je suis assis devant la façade ouvre sa grande porte bien solide et laisse dépasser sa tête. Ses deux gros yeux font un tour à gauche puis à droite. Elle me remarque et sort tout son corps de la maison. Elle a une peau ridée et abîmée, mais son teint est d'une pure beauté car il est blanc comme des flocons de neige. La vieille dame me lance un sourire qui me remonte le moral. On peut apercevoir ses dents qui, malgré la vieillesse restent intactes. Elles sont parfaitement alignées et ressemblent à des perles blanches. Dans sa jeunesse, cette femme devait être splendide. D'un coup elle prends la parole d'une voix douce et aimable.
« Bien, monsieur, que faites-vous ici ? Dans le froid, à cette heure-ci ? Êtes-vous sans abri ? Avez-vous faim ? Avez-vous soif ? »
« Oui madame. Je suis sans abri. J'ai faim et j'ai soif. »
« Eh bien ! Que faites-vous encore ici ? Venez. »
Ô merci mon dieu. Cette bonne dame vient sans doute de me sauver la mise. Sa maison est en très bon état et les murs sont décorés par de beaux tableaux. Elle me fait entrer dans le salon et me présente son mari. C'est un vieil homme un peu gras, qui transpire à grosses gouttes et sa bouche est entourée de chocolat. Un gros porc, ouais. Je me demande d'abord comment une femme comme celle qui vient de me sauver peut être attirer par un type comme ça. Elle a mauvais goût.
« Bonjour garçon. »
« Bonjour monsieur. »
« Alors, comment t'appelles-tu ? »
« Viald, monsieur. Et vous ? »
« Donald. »
« C'est un très joli nom monsieur. »
« Merci, on me le dit souvent. »
« Installe-toi. »
Je m'installe tranquillement sur un fauteuil bien douillet et la vieille dame m'apporte du thé chaud. Trop aimable. Ces gentilles personnes acceptent de me garder pour la nuit. Mais cette nuit-là j'ai autre chose à faire. Alors, quand deux heures du matin arrive, je descends les escaliers en essayant de ne pas le faire grincer puis j'ouvre la porte doucement et je m'échappe de cette baraque en un bond. J'arrive donc au port, déterminé. Je prépare un plan dans ma tête pendant que le temps continue de tourner. Je suis maintenant devant ce fameux bateau marchand et la chance me sourit encore une fois étant donné qu'une seule personne est chargée de décharger le bateau ce soir-là. C'est un homme frêle, à la peau grise et creuse qui porte à la force de ses fins bras les caisses de marchandises.