La plus charmante des deux.

Moi-même et mon autre moi.

« Plus le temps passe, plus j’suis convaincu que cette putain d’terre est recouvert dans sa majorité de merdes et pas d’eau. J’en ai putain d’marre. Putain, j’dis qu’putain, putain. L’homme est faible et pire qu’excommunié, on reconnait l’diable à ses griffes. Agressif, mauvais, vicieux comme un cheval borgne, manipulateur. J’ai envie d’tous les tuer. Mes châsses en disent longs sur mon état d’esprit. J’marche l’air hagard, j’prie pour qu’on m’achève avec cette épée d’Damoclès au dessus d’ma tête.
Mes deux mains rejoignent mon visage suant, transpirant. J’sais pas quoi faire. J’irai pas au bar ce soir, j’irai nulle part d’autre que dans ma tête accueillant mes idées noires : mes envies d’meurtres, de pleurs et d’suicide. J’sais pas si j’suis bourré. Longtemps qu’j’ai pas touché la gnôle depuis qu’j’ai été exclu par le pater d’mon village.

Le voyage avec l’bateau d’la marine a duré j’sais pas combien d’temps, mais plus d’une semaine. La notion du temps, j’l’ai perdu. J’sais pas c’que j’fous là ni comment cette île s’appelle. J’sais juste qu’une fois qu’j’ai posé pied, j’ai eu une putain d’envie de tuer. J’me répète, mais c’est le cas. Dans ma caboche, l’idée résonne, elle m’ensorcèle et j’me mets à pleurer. Pourquoi ? J’sais pas. P’t’être qu’au fond, j’suis un gamin et qu’j’ai peur. J’suis seul ici, j’connais personne sauf la haine qui m’accompagne dans chacun d’mes déplacements. C’est arrivé à tout le monde de chasser des reluis par colère. Moi, très peu dans ma vie alors quand les larmes partent, elles partent pour de vrai. Comme si elle f’sait la course pour savoir laquelle d'entres elles arrivera en première sur mon col.

J’suis entrain d’péter un plomb, j’le sens bien. J’suis entrain d’converser avec moi-même comme ces putains d’schizophrène. J’transpire, ma tête tourne dans tous les sens, ma vision d’vient floue… Dites-moi où j’suis. J’me sens tituber, emporter par mes émotions vers un autre monde. Celui d’tous mes défauts. C’est là qu’j’suis ? Une scie m’taquine la réflexion, celle qu’j’ai inventé y a pas mal de temps. « Beigne dans ta gueule et tu baignes dans ton sang… » Kiril t’arrache brutalement les dents… J’étais fier de moi quand j’ai inventé cette connerie. A l’époque, j’voulais juste foutre des mandales au premier qui m’faisait chier et qui faisait chier la loi. Mais là, j’sens bien qu’c’est différent. Et c’est la première fois qu’j’ai envie de buter un mec. Mon poing gauche se resserre. Lana est là.

Lana, celle que j’ai toujours refusé d’utiliser parce qu’c’est une tombe ambulante. Une tombe sur un poing. Mais cette fois ci, j’ai envie d’enfoncer ses piques dans l’cou d’n’importe qui. Un mec qui m’ressemble. Un mec sur le point de tomber dans les ténèbres parce qu’il est rongé par ses propres peurs.

Lana donne-moi la force… Pfeuh, qu’est-ce que j’dis. Une arme qui a pour but de foutre à l’ombre quelqu’un te donne pas d’force, parce que cette arme est la pire des faiblesses qu’un homme peut avoir. C’est ce qu’j’pense et c’est pour ça que y a bien longtemps, j’ai choisi d’combattre seulement avec mes poings. J’voulais d’venir fort et aujourd’hui, j’chie la honte. Regarde Kiril où t’en es… Sur un banc en pierre dans une île dont t’as oublié le nom avec l’intention d’prendre le parti de tes démons et devenir un tueur. Et ouais. Mais l’pire, c’est qu’j’sais même pas pour quoi j’en ai envie.

« Welcome to Dead End », ça y est, maintenant j’m’en rappelle. Impasse. C’t’un message de Dieu ? Il s’fout d’ma gueule ? J’sais pas pourquoi à ce moment là, j’ai eu l’impression que je perdais contact avec la vie. Que c’t’île serait un tournant décisif dans le chemin qu’on suit tous. Celui qui nous emmène à la camarde. Héhé, j’rigole, j’ai une thèse que j’ai faite étant lieutenant dans la tête. L’idée serait que la mort est une très belle femme, terriblement séduisante à l’inverse de la vie qui est plutôt banale. Alors l’Homme dans tout ça, il a plutôt tendance à se diriger vers celle qui lui fait le plus envie. Et c’est ça qu’on doit éviter, dans la vie. Les envies.. Un exemple, la clope. C’est pas nécessaire pourtant j’en fume comme si c’était un besoin. Fin, quand j’en ai. Ben la clope c’est cette putain d’pute habillé en noir qui t’appelle et te dévisage comme si elle avait envie de toi, ce soir. Et le soir venue, elle t’injecte un venin qui te ronge. Moi j’suis un d’ces hommes qu’est parti la voir sans prendre le temps d’remarquer la beauté d’la vie et une fois qu’j’étais dans le lit avec la mort, j’ai vu son vrai visage. Hideux, à vomir… Et j’lui ai craché d’ssus. Mais c’était déjà trop tard. Le venin est bien présent et il me ronge…

Je sais que je vais mourir un jour. Tout le monde sait qu’il va mourir un jour.

Je sais que je suis un homme pourri. Tout le monde l’est.

Mais cette personne que je veux tuer et qui va mourir sait-elle qu’elle va mourir aujourd’hui parce qu’un homme pourri sait qu’il va mourir un jour et qu’il veut tuer quelqu’un aujourd’hui PARCE QUE C'EST UN HOMME POURRI QUI VA MOURIR UN JOUR QUI VA MOURIR UN JOUR QUI VA MOURIR......qui va mourir... peut-être aujourd'hui ?

J’ai peur. De moi. Qu’est-ce qui m’arrive ? J’ai arrêté d’pisser des châsses mais j’suis parfaitement en condition pour pisser dans mon froc tellement j’ai peur de moi. De moi ? Ou de ce qu’il m’arrive ? Je sais pas ce qui m’arrive. J’aime pas ne pas savoir alors j’ai peur de l’inconnu et c’est POUR ÇA que je pense avoir peur de moi… Je pense, je crois. J’ai la vie qui m’pique les yeux. Un jour, pas maintenant, je deviendrais quelqu’un de détestable… pour tout le monde parce qu’j’suis déjà quelqu’un de détestable pour certaines personnes y compris moi. J’me déteste ? Un peu. Les gens m’aiment pas ? Pas qu’un peu. Et mon père ? N’en parlons pas. Et ma mère alors ? On sait pas. J’suis un abandonné d’Dieu. Et putain, à qui je parle depuis tout à l’heure ? A moi-même, à Kiril, celui que t’admires mais que tu détestes.

Kiril a une gueule d’empeigne, la trogne d’un mec qu’a rien fait d’concret dans sa vie et qu’a peur de faire quelque chose. Kiril m’fait peur mais j’lui dit pas parce que ça ferait bien longtemps que j’serais mort si j’l’avais fait. J’comprends enfin que la mort que j’ai décrite tout à l’heure, cette femme aux cheveux bouclés et à la balustrade amplement suffisante, c’était moi et ce venin, j’me le suis injecté tout seul parce que j’avais peur de madame la vie, l’ennuyante. Et quand bien même j’me serais présenté à elle, on aurait fini par ronfler à l’auberge du cul tourné et j’serais revenu à mon démon, celui qui m’fait l’plus peur :



Moi. »





Dernière édition par Kiril Jeliev le Lun 11 Fév 2013 - 0:02, édité 4 fois
    La fille vêtu de noir.

    Je sens mon corps avancer dans le corridor qui mène à la lourde en velours noir. La poignée est en or, un or si scintillant qu’on ne peut qu’avoir envie de l’ouvrir même si on sait la terreur qu’il y a derrière. Des milliers de fois j’ai sombré, des milliers de fois, je l’ai vu mais jamais je n’ai osé regarder ce qui s’y trouvait. Et si… Et si rien que cette fois…
    Ma main l’empoigne et d’un mouvement lent elle…


    OH ! Qu’est-ce vous faites dans l’chantier ? Bah, pourquoi j’pose cette question, hier z’avez fait la fête m’sieur j’comprends, mais vous bougez d’là avant que moi j’vous fasse la fête.

    Où est-ce que j’me trouve… Ma tête me fait mal mais je sais que j’ai pas bu une goutte. C’était quoi c’rêve de chochotte et l’envie d’avoir une épée et d’trancher la gorge du premier v’nu. Haha, j’me relève et ignore l’gars qui vient d’me parler. J‘ai rien compris d’son dialecte d’toute façon. Les presque barques et l’air marin m’font penser qu’j’suis au chantier naval de Dead End, me rappelle pas comment j’suis arrivé là. Me rappelle juste que j’ai pété un câble et qu’j’me parlais à moi-même. Quel con j’suis, j’devais être pivé à coup sûr. On devient pas fou du jour au lendemain sauf si on boit du bon rhum ! Héhé.

    J’sifflote en m’cassant d’là, la ville est ni moche ni belle. C’t’un coin apaisant pour une merde, dira-t-on. Y a des nanas puis y a les autres que j’prends même pas la peine de regarder. J’avais sous estimé c’t’île, en fin d’compte. C’était pas si galère et merdique. P’t’être parce que j’ai rien dans les poches, sauf une arme, p’t’être parce que j’ai difficilement peur des gens. Ou tout simplement parce que j’suis Kiril, un putain d’message à tous les bouseux qui vont essayer d’me faire chier.

    Un jour un mec m’a dit « Tu sais, Kiril, un homme prend un job. Ce job, ça devient ce qu'il est. Tu fais des choses et elles sont ce que tu es. Tu deviens le job. » Alors j’ai pensé qu’un mec qui faisait rien de sa vie devenait néant, et c’est ce que je suis : le néant en personne cela dit je ne crois pas que quelqu'un doive vouer sa vie à un égocentrisme morbide. Une personne doit chercher à devenir une personne ordinaire, comme tout le monde. Mais à trop chercher à être ordinaire on devient le néant. Votre existence est oubliée, personne ne vous regarde, personne ne sait que vous êtes là mais pourtant vous êtes la seule personne qu’ils craignent. On appelle ça la méchanceté incarnée ou le Diable. Moi je ne vois pas le Diable comme le mal mais seulement comme un être dont on ne peut pas prouver l’existence donc quelqu’un que l’on craint comme Dieu. Dieu pourrait être le Diable.

    J’me retourne et j’regarde au ciel. Des fois j’ai peur qu’Il m’entende.

    J’me sens comme abandonné dans la forêt ici, un mec crie, une femme court. Attend, non. J’viens d’assister à une agression. J’reprends, c’t’un pays où la violence et la soif de puissance règne. Une île de merde où j’ai parfaitement ma place. Y a qu’des gueules d’faits divers, des gens comme moi. Ma gauche se serre et un sentiment qu’j’ai rencontré y a pas si longtemps refait surface. J’décide donc d’poursuivre le gars qui criait après la femme. Un être qui r’présente le néant a pas besoin d’voir la lumière… J’pense. Ben ça voudrait dire qu’moi non plus. Fin j’ai jamais dit qu’j’la méritais, c’pute de vie.

    J’me faufile entre les gros, les grands, les petits, les petits-gros et les petits-grands. Ah non, j’me suis perdu. J’ai l’œil qui s’attarde sur quelques rondelets et les jolis minois de ces d’moiselles. J’reprend l’visu sur l’agresseur et l’agressée, j’suis pas un enfant d’cœur ni l’défunt d’la veuve et l’père de l’orphelin. Non, moi j’veux juste lui faire sa tête et offrir sa chair aux rats. J’le vois qu’attrape le bras d’la gosse et l’emmène d’force dans une ruelle. Moi, j’suis un peu retardé par la foule mais j’atteins enfin la place entre les murs où il l’a caché. Merde, vision d’horreur, qu’est-ce qui fait avec son service trois pièces déjà dehors ??

    L’bougre s’retourne et sort un couteau, la femme en profite pour s’enfuir. T’as dit couteau ? Ok ça m’dérange pas. J’sors Lana et j’rigole comme un taré. J’suis sûr qu’il a jamais vu d’os de mouton pareil et il est tellement désemparé qu’il m’attaque et m’touche direct l’épaule. Et ouais, j’ai jamais été très bon en vitesse et en esquive. N’empêche j’suis pas un surhumain, et la douleur j’la sens. J’m’accroupis d’force et mets une main sur l’épaule. J’oublie pas qu’il est devant moi et l’croche à l’estomac avec mon poing américain. J’me relève, crache sur ma man droite et passe la salive sur la blessure. L’type étant à mes pieds, j’en profite pour lui foutre un coup d’targette dans l’menton qui l’envoi valser un peu plus loin. Il fait vraiment sombre, tiens…

    Derrière la porte, une femme se présente, cheveux noirs, yeux noirs, robe noire. Elle est exquise et me fait du charme. Elle ne sourie pas mais se contente de me fixer avec ses châsses. Son doigt me fait signe d’approcher, j’y vais en me méfiant, mais j’y vais quand même. Elle caresse ma joue tendrement de la pointe de son ongle jusqu’à finir au cou. Elle me regarde toujours et je sens comme une petite piqure à l’endroit où se trouve son doigt. J’me méfie pas, j’l’embrasse.

    Attention, ça coupe

    La radasse en noir… Crash, j’ai foutu une lame de Lana dans son avant bras de façon à ce qu’il ne bouge pas. Soudain j’suis pris d’une envie meurtrière et j’sais pourquoi j’commence à jambonner l’type, à lui défoncer l’visage avec mes satons. Plus j’le targette, plus j’sens mon esprit s’assombrir et mon corps s’propulser droit dans l’gouffre. La piqure, le venin, c’était pas des conneries, j’le sens. J’le sens bien maintenant. C’était pas des conneries. Elle m’a vraiment baisé cette connasse. J’la hais. J’te hais tu m’entends ? Tu m’entends ?!

    Elle commence à rire et son visage se déforme : elle est maintenant laide, des cercles de néant se forme sur ses joues et pour la première fois elle sourit de toutes ses dents triangulaires et irrégulières. Elle me tend ses bras. Moi, dévasté, déjà prit du venin, déjà contaminé, je m’avance et je sais que c’est la fin. Mais bizarrement, son visage se transforme encore. Miroir ? C’est moi. La mort que je vois n’est autre que mon reflet. Quelle genre de message est-ce… ? Mon autre moi se tient droit, sa bobine est dépourvue de tout sentiment, son poing arrive, m’aligne. Je tombe.

    Je tombe, m’évanouissant peut-être pour toujours. Embobiné par la mort, je me tais. Celle que je trouvais plus belle que la gitane le dos courbé qui ramassait les mauvaises herbes… En fait, ai-je déjà vu son visage ? ...

    Je me tais.

    Je ferme les yeux.

    Embobiné par moi-même.


    Dernière édition par Kiril Jeliev le Mar 12 Fév 2013 - 9:58, édité 1 fois
      La gitane au dos tourné.


      Mes yeux s’ouvrent dans une prairie, les hautes herbes caressant mon visage emportées par le vent. Je n’ai pas la force de me lever mais je suis bien là où je suis, je ne sais pas où je suis et c’est pour ça que j’y suis bien. Je tourne un peu la tête et je la vois, le dos tourné, elle ramasse les mauvaises herbes. Quand est-ce que je pourrais apercevoir son visage… Je comprends. Elle n’en a pas. La vie a le visage qu’on lui donne. Moi aussi, je lui ai tourné le dos et j’ai préféré me réfugier dans les bras de la camarde. C’est plus facile d’aller vers elle, vu qu’on la connait. Or cette gitane, on ne sait pas ce qu’elle nous réserve… J’arrête de la regarder et observe le ciel, les nuages, le soleil.

      Monsieur, réveillez-vous !

      Qui est-ce… Cette sainte me sourit, à moi ? Le néant ? Le vortex qui emporte tout avec lui ? Bien que je sois cet homme-là, elle me donne l’impression d’être l’inverse. En clignotant les châsses, j’arrive à distinguer qui elle est. C’est cette fille, la proie du dégueulasse que j’ai tué… D’ailleurs, l’avais-je tué ? Je me souviens m’être évanouit, pas lui avoir porté le coup final.

      Elle s’assoit au pied du lit et m’explique que je l’ai sauvé. Mmh… C’tait pas mon intention du tout mais j’me garde bien de lui dire. C’est la fille du gérant de l’auberge du Perroquet Bourré. Une cosne plutôt prestigieuse qu’accueille qu’des gros matons. Et avec ma bonne action, j’ai gagné une couchette gratuite. Soin et repas. En effet, mon épaule a été pansée d’une façon un peu plus professionnelle que la salive que j’avais foutue dessus. Fin bon, le coup du crachat, c’est une technique de vieux marine. En ce qui concerne le déjeuner, il est à ma droite sur la table. Tout va bien alors, mais, pourquoi ai-je cette forte impression que j’ai perdu quelque chose ?

      C’est cette foutue île ! Dès que j’y ai posé le pied… Ma vie… Non pas ma vie, mon destin a changé. Papa… Papa tu m’as encore foutu dans la merde ! Et bizarrement, je deviens fou. Je me dis que c’est de sa faute, que cette figure d’autorité que j’ai toujours haïs mais aimé est le centre de tout ce qui m’arrive. De mes cauchemars, de mes rêves… Je n’comprends plus rien. Rien. Mais j’ai toujours cet espoir, la gitane qui fait que je SAIS que je suis vivant. Hélas.

      Alors je m’ignore et je vis. Je regarde la beauté que j’ai soi-disant sauvé me tourner le dos et j’comprends. J’comprends que c’est elle la vie, elle représente la vie, elle est pas morte. L’autre gars, il m’a tendu la perche qui m’a fait plonger dans ma propre folie. Celle qui m’attendait d’puis le début. La camarde, c’tait moi. J’comprends. La vie n’peut exister sans la mort. Et moi dans tout ça ? Qu’est-ce j’suis ? L’néant. L’néant d’une vie morose. Qu’est-ce qui m’a conduit à là ? Moi-même. Kiril Jeliev.

      Petit à petit je trouve les forces pour me lever. Les forces venues de je ne sais où. L’herbe arrive à mes genoux, je traine des pieds en me dirigeant vers elle. La gitane. Je veux voir son visage.
      Plus j’avance, plus je sens qu’elle s’éloigne de moi. Pourtant elle répète toujours la même action. Arracher les mauvaises herbes. Toujours. Je veux voir son visage. Je cours comme jamais je n’ai couru, des larmes s’échappent de mes clignots. Finalement, j’arrive à la rattraper. Je suis tout près. Ses cheveux sont châtains… Je les caresse avant de m’accroupir, d’attraper son menton pour incliner son visage vers m… LANA ! On dirait Lana !

      Donne-moi ton nom.

      Donne le moi.



      « J’ai pas honte de mon nom. J’ai honte du nom qu’on m’donne. » disait un pirate qu’on a pécho quand j’étais marine. Qu’est-ce qu’elle foutait là… Lana. J’comprends que dalle à c’que j’vis. Est-ce que j’vis ? Kiril, c’est quoi ? C’est moi ? Toi ? Du flan ? J’en ai marre de me poser des questions d’tapette… Attendez. OU EST LANA ?

      J’me lève finalement d’la couche sous le regard un peu surpris de celle qui m’a gentiment recueilli. J’la regarde et pose ma main sur son épaule en lui disant que j’ai pas besoin d’un traitement spécial or que j’aimais bien l’auberge alors je paierais. J’lui laisse pas le temps d’me répondre et claque la porte. J’me retrouve dans les rues d’Dead End assez vite, je sais maintenant où aller mais avant toute chose, faut qu’j’vérifie la ruelle où l’macaron a soi-disant défilé la parade. C’est l’après-midi, fait chaud, un peu. Ca s’bouscule moins mais l’île manque pas d’vie.

      J’arrive sur les lieux du crime et vision d’horreur… C’est moi qu’a charcuté l’mec ? Ses deux yeux étaient crevés, il lui manquait son scalpe, toutes ses dents étaient par terre et Lana s’trouvait en plein dans son cœur avec une d’ses lames. C’est moi qu’a fait ça ? Putain, fallait qu’je bouge en tout cas. J’prends vite fait Lana en plissant mes châsses pour pas voir l’corps presque déchiqueté.

      Croire qu’c’est moi qu’a foutu c’gars à mort comme ça, c’est un peu dur… J’en ai aucun souvenir, et j’veux pas m’en souvenir. J’suis convaincu qu’c’est pas moi… Et si c’est pas moi… Ce serait la sauvée ? Hahaha… Haha ! J’me mets à rire comme un pivé. Y a bien des tarés qui s’cachent sur Dead End.

      Voilà où j’voulais aller. Le chantier naval de Dead End. Le gars de c’matin est toujours là à gueuler comme un chien sur les travailleurs. J’m’avance lentement, Lana dans la poche.

      Boulot ?

      Eh ! C’serait pas toi l’ivre qui dormait en plein milieu du chant’ c’matin ? Goulard ! Et un peu qu’y’a du boulot, on cherche d’la main d’œuvre, s’t’en veux viens régulièrement ici ! Tiens r’garde par là ! On fait la coque ! Allez ! Attends, non pas allez ! Avant d’te foutre au travail, mets ton nom là !

      Quel gueulard ce mec… M’enfin. Kiril Jeliev. C’t’écrit. Avant que le gros m’boost pour me mettre au taf, quelque chose a tiqué dans ma caboche. J’la tenais la vie, la gitane au visage de Lana. Une banalité sans concurrent. Un homme qu’a un job, qui mange le matin et le midi, qui boit le soir, qui travaille entre tous ces moments. Elle est là cette gitane… Même si elle m’fera chier un jour comme la sorcière de l’envie et d’la tentation, c’est la plus belle des deux.

      Allez va, je la laisse à ses occupations. Si ça la botte d’arracher d’la verte, elle l’fait. Lana a toujours fait ce qu’elle voulait plus vite que les autres.

      Elle te rend triste.

      Elle te rend heureux.

      Mais elle te fait avancer.

      Les trois en un.