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Bisbille à un moment, quelque part

« Humpf »

Je sors du coaltar brusquement, avec le bonjour d’un comptoir en bois crade. Je sais pas si c’est du chêne ou du noisetier tellement ça n'a plus aucune couleur, mais je sais qu’il y a assez de gras dessus pour arroser tout l’pays.

« Ça t’ferait mal au cul d’passer un coup d’pouliche une fois d’temps en temps, connard ? »

Mais je suis où, déjà ? Je suis quand même ? Qu’est-ce que je fous là ?

J’ai autant de chances de trouver la réponse que de trébucher sur sac d’or en sortant dans ce patelin pourri d’mes deux. Ma seule certitude est qu’il fait drôlement soif dans l’coin. Une sorte de microclimat qui m’force à m’imbiber pour pas me déshydrater.

J’ai ma santé à cœur, moi.

Le connard en question est un p’tit vieux tout sec. Visiblement, il en a connu des enfoirés dans sa vie. Y m’mire comme s’il s’en fout d’ma tronche. L’expérience de côtoyer des soulards l’a rodé. Je fais la visite de la salle sur mon tabouret : que des sales gueules. Y a pas un pas un tif blond, pas une nana. Une sorte de colloque de pifs rabougris et cramés par la gnôle. Et derrière les museaux en question, y a des faces de raie. Et sous les gueules en question, il y a de gros ventres avachis qui torturent manifestement les sièges encore en dessous. Une hiérarchie pyramidale de la hideur mondiale toute rassemblée ici. Les spécimens les plus déglingués du monde, les alcoolos les plus bourlingueurs. Heureusement qu’il fait jour, sinon, le seul contact entre l’haleine d’un de ces trous de balle et la flamme d’une bougie ferait tout péter.

En parlant de lâcher une caisse.
Ça va mieux.

« - Tu m’en ressers un p’tit ?
- Vous allez me payer ?
- Bien sûr ma couille, mais avant, tu m’rinces.
- Je vous en mets combien ?
- Pas plus haut que l’verre. Mais non, pas celui-là, abruti, l’autre, le plus grand.
- C’est pas un verre ça, c'est une bouteille entière, ça !
- Rien à battre, ça n’fait jamais qu’un verre ! Le verre, tu connais ? Laisse t'es trop con. Et arrête de ronchonner, sinon j’t’emplâtre au-dessus de l’entrée. Tu feras une jolie murale et tu n’viendras plus m’les hacher. »

Le litre de sky me mire à la manière de me dire d’aller m’faire foutre.
Moi m’faire foutre ?
C’est c’qu’on va voir !

Cul sec, coude haut. On n’repose pas le verre avant d’avoir tout avalé. T’es pas tombé sur un p’tit joueur, c’que j’prends, je n’le rends pas.

Bois ton prochain, Dieu te l’rendra.
Ou un truc du genre, m’souviens plus.
Bref.
Pour toute réclamation, vous adresser au susnommé.
Je suis en vacances, moi.

« Alors comme ça, on n’met pas les trois glaçons dans l’verre réglementaire ? »

Le type qui a posé cette question se trouve à une distance égale à un jet de poing dans la mouille. Il arbore une dentition jaune dont il n’a manifestement plus besoin. Mieux, il exprime clairement le besoin de la chier ce soir.

Moi, qu’est-ce que j’fais, du coup ?
Je réponds à ce besoin par l’affirmative, serviable que je suis.
Sauf que mes guiboles ont posé leur RTT. Et j'arrive à peine à éviter de m’éclater contre le comptoir. Dépité, j’lui fais :

« - Va chier, connard ! C’est pas à toi qui vas m'apprendre à m'torcher.
- Ah ouais ?
- Ouais !
- Tu n’voudrais pas que je m’fâche, dis ?
- Mais, j’attends qu’ça. J’t’en prends quand tu veux, et d’une seule main et sans suer, je te moule le ciboulot si fin que tu pourras passer dans les trous d'serrure. »

Il approche sa tête à quelques centimètres, manière de m’intimider. Il fouette comme s’il était mort et y a un putain d’vent qui lui passe entre les dents qui sent la crève. Y s’met à gueuler façon diva :

« - Moi j’ai l’foie fluo, mon gars ! C’est tellement rare qu’on m’a donné un prix pour ça. Alors fais pas çui qui sait alors que t’es qu’un gosse.
- Toi t’as gagné un ticket pour Pinageland. Tu vas faire un tour dans le train d’la baffe, tu m’en diras des nouvelles. »


Dernière édition par Julius Ledger le Mar 30 Aoû 2016 - 20:26, édité 1 fois
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Non, mais j’vais lui en mettre une à cette enflure, ça va l’calmer pour de bon. On va devoir s’expliquer et j’ai deux potes à moi qui ont envie de le faire. Ça les démange carrément de pas lui bourriner la gueule. Je sors mes deux paluches prêtes à lui démonter la bobine. Elles tremblent d’excitation. Je les connais les p’tites. Toujours prête à apprendre les bonnes manières aux trouducs de mauvais aloi.

Et crack.

Mais c’était ni ma main ni la sienne. C’était quelqu’un vers l’entrée de la salle. Un type extrêmement mal élevé qui ose interrompre une discussion prometteuse. Apparemment, il est accompagné de clodos qu’il a rassemblés ici et là. Visiblement, ils se prennent au sérieux. J’les mire avec les soucoupes larges comme ta mère. Y en a même un qui s’arrête à côté de nous deux.

Ça me dégoûte de dire nous pour cette face de fion.

Un petit avorton qui schlingue comme un goret putréfié. Il a le physique tellement improbable que je m’retiens de m’fendre la gueule.

En tout cas, j’ai essayé, c’est l’essentiel.

Lui, en tout cas, ça lui plaît pas. Il nous sort un pistolet et me braque. Pas nous. Plus de nous, il n’en vaut pas la peine, l’autre connard. Il nous fait avec sa voix de gamine :

« - La bourse ou la vie !
- À l’oreille, t’en as bien besoin. T’en es où niveau puberté ?
- Je vous somme d’abdiquer ! Je suis sérieux et prêt à vous faire mal !
- Ah ouais ? Donne-moi ça, abruti.
- Mais, mon armeuuh !
- Va faire tes devoirs et ne m’oblige pas à te remettre une tartine.
- Tiens, ta pétoire. Elle est un peu foutue, mais tu ne risques pas de faire mal à qui que ce soit dorénavant. Non, ne me remercie pas. Contente-toi de partir.
- Mais le patron a dit…
- C’est moi ton nouveau patron. Et je te dis de te tirer avant que je ne te pète la nuque. »

Là-dessus arrive un grand gaillard, avec une face de raie. Par contre, là, c’est pas une insulte. Enfin, si, ç’en est une, mais c’est vrai en plus. C’est un type, il a deux bras et deux jambes. Mais, au-dessus de tout ça, il y a un visage aplati. Un truc à te filer une gerbe monstrueuse. Perplexe, je lui fais :

« - Putain, mais c’est qui c’guignol ?
- Impudent ! Je suis le terrible, l’unique, le merveilleux…
- Daifesses.
- Je vous ai cent fois dit par le passé de ne plus jamais me désigner de cette manière !
- Je pige que dalle. J’veux la même chose que tu prends vu comment tu planes.
- Ah non ! Je ne consomme pas de produits illégaux. Seulement le sang de Christopher et apparentés. Je fais les présentations. La Raie Daifesses, je vous présente ?
- Ledger.
- Ledger. Ledger, la Raie Daifesses. C’est un connard sans envergure. Il est venu m’emmerder deux-trois fois sur les droits de l’homme-poisson ou une connerie dans l’genre.
- Mécréants ! Mon nom est Julien Le Sassanide !
- Sacré Julien ! Quoi que « La Raie Daifesses » c’est bien joué ? C’est de qui ? De toi ? J’aime bien.
- Mécréaaaaants !
- Alors, là, il est parti, pas la peine de lui expliquer. Il a un telle force d'inertie dans sa tête que tu perds ton temps avec lui.
- Techniquement, l'inertie n'est pas une force, mais un concept. Et oui, je suis physicien, croyez-moi.
- T'es qu'un putain de poivrot bouffé par la bibine.
- Vous avez fini les enfants ? Je tente quand même de lui faire changer d'idée. Viens, crétin, on va négocier. »

En une beigne dans le museau, je l’allonge aussi sec. À grande gueule, petite bite. En tout cas, vu comment il bave sur le parterre, il n’est pas près de se relever.

« - Où est-ce que vous avez appris à négocier ?
- J’ai quelques notions acquises par l'expérience.
- Bon, ben, mon vieux, t’es seul sur ce coup-là.
- Quoi, tu chies dans ton froc à l’idée que cette larve s’énerve ?
- C’est pas ça, mais c’est la morue. »

Silence gêné dans la sale. Même les bandits ont oublié de bander, non c'est pas ça, banditiser, laisse tomber. Quelle terrible bonne femme est-ce ?

De lourds pas se font entendre au loin. La terre tremble. Bien qu’il n’y ait pas une goutte de flotte dans la taverne, tout le monde visualise l’image d’un verre d’eau dont la surface se trouble à chaque secousse. Je l’sens dans l’regard de chacun. Le vacarme s’arrête. Je vois que l’barman se baisse derrière son bar ; dans un style assumé de fiotte chiassarde. Lui au moins, il fait pas l’fier. Le soleil nous inonde brusquement pendant que l’toit fout l’camp dans un craquement sonore.

Putain, l’horreur.


Dernière édition par Julius Ledger le Lun 25 Mar 2013 - 17:07, édité 1 fois
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C’est une gigantesque tête de morue qui apparaît dans l’entrebâillement du toit. Une large et grande bouche et deux yeux dont un seul est valide font tout le visage. Il n’a pas d’museau, l’bestiau. C’est plat et lisse comme un cul d’bébé phoque. La Morue n'est visiblement pas contente. D’ailleurs, elle le dit avec une voix à arracher les arbres :

« - Je ne suis pas content !
- C’est toi la morue ?
- Qui t’a dit ça, minus ? Morue est un nom vernaculaire. Je suis un Wotan de type Gadus Macrocephalus. Je n’aime pas qu’on écorche le nom de mon espèce.
- Gadus Macrophallus ?
- Cephalus, imbécile !
- Je m’disais bien aussi que c’était improbable. Et ton petit nom, c’est quoi ?
- Polyphème, humain.
- Encore un nom à coucher dehors.
- Papa, papa !
- Mon fils ! Qui t’a fait ça ? Montrez-moi les abrutis qui ont fait ça ! »

Et là, pour la première fois de l’histoire de l’île selon des avis compétents, tout le monde s’est instantanément mis d’accord. Un unisson d’une harmonie quasi extatique brisa le silence :

« C’est eux ! »

Et pour répondre à ça, un grognement si puissant que je m’suis cassé la gueule. Et y a pas que moi dans l’paquet, d’ailleurs. Après, deux grosses paluches sont entrées dans l’bar pour choper le sale con et moi. Et serrer, serrer.

« - Sors-nous de là, enfoiré.
- Va crever, enflure ! J’suis pas ta mère pour te torcher l’cul.
- Tu parles pas d’ma mère, enculé !
- Essaye de m’en empêcher pour voir ?
- Si vous m’ignorez, je vais me fâcher encore plus !
- Va t’faire mettre, La Morue !
- Je vous ai déjà dit de ne plus m’appeler comme ça ! »

Il s’est mis à brailler le con avant de nous lancer contre un mur. Il en a dans l’biceps, le salaud. On se relève péniblement des décombres. D’un coup d’œil, tout est dit. Enfin, j’crois. Disons que je préfère m’en assurer :

« - Tu penses à la même chose qu’à moi ?
- Ça dépend, tu penses à quoi ?
- Tu lui bloques les jambes pendant que je lui crève l’autre œil.
- Ah, oui, exactement. Je pensais à ça, oui.
- Tu pensais pas du tout à ça, en fait. Me prends pas pour un touriste, je vois bien que ça t’étonne. À trois, on y va.
- Trois. »

Raclure de bidet.

Bref, je fonce sur la créature qui de son côté fonce sur moi. On s'fonce donc mutuellement dessus. J’esquive le premier coup de patte d’une roulade. Puis un s'cond. Dans un coin de mon champ de vision, il y a un vieux con qui entoure les pieds d'la créature d’un fil. Il fait le nœud. Tout est enfin prêt.

Enfin, c’est sans compter la beigne que je m’suis pris à suivre l’autre, là. En tout cas, si je ne connaissais pas la douleur, maintenant je suis certain qu'si. C’est quand même chiqué comme combat quand sa paume fait toute la longueur de mon corps. Ça ne sera pas homologué s’il gagne, ça lui fera les pieds à c'connard.

La Morue se précipite à nouveau sur moi. Furieuse et écumante de rage. Avant de se prendre les guiboles dans l'piège et de s’affaler tout l'long. Parfait, c’est fini pour toi, mon con. Je dégaine mon épée et je la plante dans son œil valide.
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Cling.

Ma lame bute contre une paroi en métal. Une paupière en métal. Voilà, normal. Un accessoire visiblement à la mode tel que le cache-couilles protecteur contre les casse-baluches. Je m’retrouve comme un con face à ce monstre qui a l’air encore moins content que quand il est venu. On se mate, les yeux dans les yeux, ou les yeux dans l’œil. Je vais mourir, je crois.

« - Je vais mourir ?
- On dirait.
- Mais papaeuuh ! Tue-les qu’on en finisse !
- Moi je trouve que tu couves trop ce gosse.
- Vous pensez ?
- Mais bien sûr. Regarde, il est incapable de se débrouiller tout seul.
- Papa ! Ne les laisses pas t’embobiner, ils cherchent à te rembobiner !
- Tu vois, je te l’ai dit, Polype. Phème, oui, si tu veux. Il faudrait que tu le laisses s’envoler de ses propres ailes.
- J’ai essayé des lui inculquer des valeurs pourtant, rien n’y fait. Je n’…
- Mais, papounet !
- Il ne vous laisse même pas parler, si c’est pas à s’ronger les noyaux.
- Moi je crois qu’il faut qu’il apprenne à se démerder seul. C’est devant les difficultés qu’on apprend de la vie.
- Il faut revenir à une éducation traditionnelle. Je le dis tout le temps.
- Moi c’est pareil. J’ai l’même problème. Sous prétexte que je suis une terreur, personne ne s’en prend à mon fils. Résultat : il écoute de la musique de merde en se coupant l’avant-bras avec des feuilles de papier.
- Se couper avec du papier ?
- L’acier, il n’ose pas encore. Il dit que ça le fait tousser.
- T’es con ou tu l’fais exprès ? C’est pas une question de matériau. Non, laisse. Regarde, moi, je ne l’ai pas ménagé pour lui offrir une chance de s’affirmer.
- C’est vous qui avez raison, les gars. En ce moment, j’ai déjà trop à faire avec mon livre nommé « Apologie de la modernisation de l'infrastructure administrative et performative de la marine royale : entre tradition et innovation. »
- La marine, quoi. J'vois l'genre. Un peu.
- Je fais dans l’apologue, finalement.
- Vous aussi ? Je fabrique mes propres appeaux, moi auss...
- Non, là, non. Ta gueule, franchement ferme-la. Confiez-nous l’éducation du gosse. Faites-nous confiance.
- Au revoir.
- C’est ça, au revoir.
- Tu n’pars pas, papa ? Ils vont me faire du mal si tu me laisses.
- Qu’est-ce qu’il va chercher, le gamin ? Partez rassuré, on s’occupe de tout. »

Et il part. Je regarde La Raie Daifesse. Il a un peu l’air de péter dans son slip. Et il a bien raison.

« - Comment vous appelez-vous ?
- Fred Jokeline.
- Monsieur, Jokeline. Je vous offre le premier gnon. Allez-y, cognez-le.
- Je ne sais si je peux oser.
- J’insiste, sincèrement.
- Bien aimable.
- Barman, vous aussi.
- Vous êtes sûr ?
- Certain.
- Vous êtes un chic type, finalement.
- J’ai l’cœur sur la main, que voulez-vous. Les autres, je vous pardonne parce que vous ne savez pas. Une fois que ces deux-là auront fini, il sera à vous. C’est gratuit, c’est pour moi. »

Je sens qu’il manque un truc. En général, quand un combat se termine, il y a toujours des vermines qui débarquent. La marine, putain, oui !

« - Bah, c’est moi, ça.
- Je l’avais gueulé ?
- Un peu.
- T’es quand même pas bien sérieux.
- À un an de la retraite, je n’vais pas risquer de m’faire péter la colonne par cet enfoiré d’monstre.
- Ouais, bon. j'en ai déjà plus rien à foutre. Patron, deux bouteilles, je dois filer.
- Vous partez déjà ?
- Il n’est de bonnes sociétés qui ne se quittent.
- Au plaisir.
- Messieurs. »
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