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L'envol de l'aéro-grec.

Moi, à l’époque ? Y avait pas plus ringard. Fin les gens disent qu’aujourd’hui mon iroquois est pire… Sauf qu’ces gens sont morts… Héhé. Je m’habillais avec le style du premier de la classe à 15 ans mais j’bougeais pas d’mon jardin, en fait. Moi c’que j’voulais, c’était rentrer dans la marine alors j’me daublais avec l’arbre à coups d’poings pour les renforcer soi-disant. L’arbre dans mon enfance a été bien plus important qu’on peut l’imaginer mais avant de l’aborder, faut qu’j’me replonge dans la tête du Kiril de l’époque. Des souvenirs que j’aimerai jeter, écrabouiller et enterrer au fond du « jardin » mais que ça veut pas. Alors, autant l’raconter et au nom d’la gnôle, qu’ça disparaisse.

1610.

S’il y a une seule obsession que j’ai, c’est La Marine. Je veux servir l’ordre, moi aussi. Je veux me battre pour les gens, servir une cause qui plus est, la seule juste, celle dont la Justice est la mère. La belle Justice. La Sainte Justice. Celle qui apporte à la marine toute sa splendeur, son honneur, ses mouvements. Certains disent que je cherre les jacinthes, ils ont tort. Je laisse courir ces quelques chiens crevés car mieux vaut exagérer que ne pas être convaincu. J’ai un rêve, et c’est un plus pour réussir sa vie, ça. Ceux qui ont un rêve ont des ailes et ils décollent. Ceux qui n’y croient pas ont juste une pelle pour creuser leur robe de chambre où ils se laisseront pourrir jusqu’à que leur corps en décomposition disparaissent avec tout ce que les gens ont retenu d’eux : rien. Rien car ils n’en avaient pas de rêve. Alors, ne venez surtout pas me dire que j’exagère. On se souviendra de moi, au moins.

Héhé, ça fait pas du bien au cœur de me voir penser comme ça… Totalement endoctriné, je croyais à un monde irréel, je pensais que les super-héros existaient et qu’ils étaient dans la marine. Aequitas, y a bien Mouetteman chez Julius. J’avais tort car on comprend bien tard que les méchants se font souvent passer pour gentils et vice-versa, aujourd’hui encore je ne sais pas à quel camp j’appartiens. Les deux, peut-être ? Macarron pour l’un, gentilhomme pour l’autre, ah. J’y crois pas, hé puis c’est pas parce qu’on a 15 ans qu’on a le droit d’être con. Ouvre les yeux, petit bonhomme Jeliev, ouvre les…

La Marine a non seulement sauvé l’île de la tyrannie de Searay mais aussi ma famille de la violence de mon père. Il était devenu fou, je crois. Fou de devoir payer pour marcher dans sa propre demeure ou pour avoir le droit d’exercer un métier de chien pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Alors, il buvait. Tellement. Tellement que l’alcool était devenu son odeur naturelle, ses gestes, son sourire narquois avant qu’il ne s’attaque à ma mère. Quand j’avais les foies (allez, boude pas l’argot lecteur) je tremblais et je prenais aussi car il ne fallait pas émettre un son sinon, il perdait la boussole (ta bobine qui fait la moue, c’est crado héhé). Tout le rendait fou de rage.

Alors quand à mes 6 ans, Searay s’est fait arrêter et que tous ses biens ont été distribués aux habitants, il a reprit un peu de son humanité perdue autrefois. Cependant, il n’a plus jamais parlé de ce qu’il s’était passé. Jamais il ne s’est excusé. J’aimerai bien qu’il le fasse. A chaque fois que nous sommes en conflits, j’ai envie de lui foutre tout ça à la gueule mais je n’y arrive pas. La peur qu’il redevienne comme avant.

Ma relation avec mon père a été un moteur traumatisant dans mon enfance, je le raconterais plus tard. Je dis moteur parce qu’elle m’a fait avancer, partir, d’où le titre. Mais en même temps traumatisant parce que je n’arrivais pas à savoir si je l’aimais ou pas, si je devais fermer les yeux parce que c’était mon père, si je devais le pardonner comme le faisait ma mère… Alors, pour m’éloigner de ces pensées d’adultes là, je suis resté sur le chemin où la marine était la seule chose que je voyais. Ça m’a fait du bien n’empêche, de ne plus penser à des choses compliquées. Un grand bien.

Je me rappellerai toute ma vie du marine qui m’a porté pour me chuchoter à l’oreille que j’en ferais un bon. Depuis, l’idée d’y entrer ne m’a pas quitté la caboche. J’en parle à tout le monde, mes faux-copains, les voisins, ma mère…

Tu parles, j’l’ai déjà oublié l’drille. Boude pas l’argot.
On vient au pater.


Je ne parle pas souvent à papa, il part tôt et se couche tard. Je ne sais pas si je le déteste, je m’interroge souvent sur la question. Des fois, je me dis qu’au fond c’est mon père et que je l’aime. Mais quand j’entends les pleurs de maman, j’ai envie de me révolter et de lui cracher dessus. En grandissant d’ailleurs, j’ai développé un caractère et un ton un peu hautain voir dédaigneux. A cause de lui. Je suis un gentil garçon, c’est lui qui me nuit. Lui qui me fait me fermer et rêver à autre chose que La Marine… un père aimant qui porte son enfant sur les épaules, qui rentre et qui lui demande si sa journée s’est bien passé, est-ce qu’il voudrait pouvoir faire comme les hommes-poissons ou devenir un géant ! Mais rien de tout ça. Lui, il rentre, s’engueule avec ma mère en la traitant comme une moins que rien et ose lui réclamer le dîner ou revenir dormir avec elle. Il se permet absolument tout. Comme de ne pas rentrer à la maison pendant 5 jours puis d’apparaître comme une fleur un soir. Ce qui m’énerve le plus c’est que ma mère ne fait rien. Elle lui promet qu’il ne franchira plus le seuil de la maison mais rien. Quelques berrys, des fausses promesses et tout redevient comme avant. Si elle croit que c’est parce que je suis plus proche d’elle que je l’aime plus, elle se met le doigt dans l’œil. C’est à cause d’eux, tout. Tout est de leur faute. Tout ce qui se passera sera de leur faute.

Tout ce qui se passera, hein. Qu’est-ce qui s’est passé ensuite mon bon Kiril ? A part que tu t’es fait jeté par ta copine, enculé par tes potes, mis à la porte par ton père ? Bah, il s’est rien passé, t’es habitué à être dans la merde maintenant. Parce que, la place d’une merde, c’est quand même là. Fais pas la tronche.

L'envol de l'aéro-grec. Littlekiril2

La révolte. On la voit dans le regard, non ? Sourcils froncés, yeux noisette, coiffure impeccable. Mais zoom, oui, zoom sur le regard. Tu ne vois pas une ribambelle de sentiments ? Une salade, un pâté ? Moi je sais ce que je ressentais. La tristesse de la jeune colère belliqueuse. Sa mélancolie. Son sentiment d’être adulte avant l’heure. Le rêve est le seul point d’accroche qu’il me reste de l’enfance. A cause d’eux, je l’ai dit. J’ai grandi trop vite. Tu ne le sens pas dans le regard ? Regarde encore. Ce n’est pas le regard d’un simple adolescent rebelle, c’est le regard d’un jeune enfant choqué par le monde dans lequel il vient d’entrer. Celui des adultes. Ils m’ont tout pris trop vite. C’est de leur faute. Alors, non. Ne me demandez pas si je les hais ou si je les aime, et si je pouvais emporter une seule personne avec moi, qui choisirais-je. Ne me demandez pas s’ils m’ont bien élevés, si je suis heureux, si j’ai des marques. Vous ne trouverez rien. Vous n’obtiendrez rien de moi. Vous ne saurez rien. Dans le regard, tu ne le sens pas ? La liberté d’expression enlevée par moi-même. Je n’arrive plus à parler de ce qui me dérange aux autres. Je ne converse qu’avec moi. Moi-même. Moi-même. Et si vous ne sentez pas que le discours que je tiens n’est pas approprié aux réflexions qu’un jeune de mon âge devrait avoir, c’est que vous êtes comme eux. Eux, qui pensent que je n’ai pas le droit de vivre mon âge bête et mon innocence. Ils ne pensent pas à moi, alors non. Ne me demandez rien. Regardez plutôt le regard.


Dernière édition par Kiril Jeliev le Lun 8 Avr 2013 - 15:32, édité 1 fois
    Comment un Kiril peut bien s’occuper dans une petite demeure d’une île perdue au centre de la troisième voie en 1610 ? Je passe en fait, la plupart de mon temps dans ma chambre ou dans le jardin. Ma chambre, c’est mon esprit. Des photos de soldats passés sur le caillou, plusieurs uniformes de marines, des feuilles de performance en rapport avec l’entrainement quotidien que j’effectue. Et on en vient au jardin.
    Le jardin, c’est l’endroit où rien ne peut m’atteindre. Le vide qui me sépare de l’autre bout de la falaise du rêve. En guise de passage, il y a l’arbre.



    Pourtant, je savais que l’Yeuse me mènera à la mort. C’était un choix à faire. C’était une part de moi. Là où ma folie se logeait, là où mes émotions passaient. La mort de Kiril l’enfant sage logeait dans son tronc. Like the hanging tree. C’était un bel arbre les ¾ du temps. Le dernier quart étant l’hiver. C’est l’hiver où il faisait le plus peur. Des branches, encore des branches. Tellement de branches. On aurait dit des pieux cherchant du sang. Like the hanging tree. Il avait une âme. Je lui ai donné une vie. Le miroir de la mienne. Et si je n’avais pas été aveugle, j’aurai vu les cordes qui pendaient à ses tranchants. Cet arbre a été la mort du premier Kiril. Oui, sa mort.

    Pourtant, c’est lui qui a voulu ça. Les exercices étaient simples. Force : faire vibrer l’arbre. A 15 ans, j’y arrivais pas beaucoup voir pas du tout. Mais j’y mettais le cœur. Régularité : donner le plus de coups possibles à l’arbre, tant que je pouvais, je ne m’arrêtais pas, donc. Vitesse : se fixer un temps puis faire le même exercice que pour la régularité. Je pouvais le sentir vivre, oui, je voulais le faire vivre. Avec les coups que je donnais, je créais des battements de cœur. Je lui ai donné une vie. Mais j’étais aveugle car la mort pendait à ses branches. Like the hanging tree. Et je n’ai rien vu.

    Spoiler:

    Pourtant, je me sentais vivant en tapant, en tapant. Peut être que la mort nous donne cette chance. Je sentais qu’il me donnait l’essence, en tout cas. Celui qui permet de continuer à rouler. Mais tous les chemins emmènent à « More », on vous a berné. Et pendant que je pensais être en osmose avec lui, il préparait ses cordes. Like the hanging tree. Et je n’ai rien vu. J’ai continué à le faire vivre. Mais peut-on faire vivre la mort, hm… Drôle de fin pour Kiril. Mais du coup, j’ai compris pourquoi ça été sa mort. Cet arbre synonyme du passage à l’autre bout de la falaise ? Foutaise. L’autre bout, c’est la mort. Ceux qui me connaissent le savent. C’était un faux rêve, la Marine. Mais il y croit le gamin. Voilà pourquoi je ne voulais pas raconter cette histoire, que je voulais la jeter. Cet arbre est celui qui m’a changé après mes parents. Qui a rendu mes poings moches, aussi moches que lui. On dirait des pieux. Are they hanging fists ?


    1611.

    J’affectionne cet arbre et le jardin. C’est ici que le travail pour mon but a commencé et je le pratique chaque jour. Il faut que j’améliore ma force, ma vitesse et ma régularité. Les poings… Il n’y avait que ça de vrai. L’arbre le sait, lui. Il le sait car à chaque coups que je lui donne, son cœur bat. Son âme me communique sagesse. Je me sens vivant. Étrange sensation.

    Mon père est assis sur une sorte de transat lisant la gazette. Il se permet tout… Même d’entrer dans mon havre de paix. Ma rage se fait ressentir à l’intérieur de mon compagnon l’Yeuse. Je transmets chacun de mes sentiments à chaque droite que je mets. Ça ne fait pas qu’endurcir, les poings. Ça fait aussi mûrir. Et on mûrit comment ?

    Le père se moque. Je ne saurais dire pour quelle raison mais ça m’énerve puis j’arrête une minute, me retourne et me prends une beigne surprise. Qu’est-ce que… Je fonce illico dans l’herbe, la tête d’abord, le nez dans la terre. Pourquoi il a fait ça ? Puis il rigole, s’accroupit et me fixe. Je détourne le regard mais pas lui.

    Bien de savoir frapper, fils… Mais tu sais pas.

    Comment ça je ne sais pas ? Cela fait bientôt 10 ans que l’arbre et moi, on s’entraîne ! Lui, il a été absent toute mon enfance. Il est devenu père trop tard. Oui. C’est fini. Tu ne peux plus faire marche arrière.

    Pour en foutre des vrais beignes, faut en avoir reçu autant.

    Comment… Comment ça… Non. Je refuse de le croire. Je refuse de lui parler. Je me relève alors, les pieds à plat sur la verdure et puis bam, gnon surprise, je me re-étale. Même position.

    Bien de savoir éviter, aussi.

    Il m’énerve.

    Regarde toujours ton adversaire dans les yeux, aussi. Détourner le regard, c’est baisser sa garde, briser une de ses principales murailles… Les ennemis s’infiltrent et ne te lâchent pas.

    Il a raison. Et ça m’énerve. Pour la première fois, alors, j’ose. D’une gauche bien sentie, je m’apprête à l’emborgner mais sa main vient détruire mes chances. De l’autre, il me prend par le col et me relève pour alors me jeter à l’autre bout du jardin. Sans attendre, je reprends mon élan en espérant le toucher au moins une fois. Hélas, il contre ou il évite. Or il ne se retient pas de me renvoyer mes coups et moi par contre, je ne fais qu’encaisser et encaisser. A chaque choc, je recule d’un pas. Je sens les parties touchées en feu, ma respiration irrégulière mais rapide, mes mouvements se ralentir et un dernier coup du père synonyme d’arrêt de la séance d’échange à sens unique.
    Encore une fois, je finis par bouffer la terre sèche du jardin pendant que lui retourne sereinement à l’intérieur boire sa soupe ou manger des pâtes.

    J’ai honte. Atrocement. J’y avais passé dix ans, merde. Et je vois que mes coups n’ont même pas pu l’atteindre… Mais j’ai honte aussi de m’être fait battre par celui que je considère comme rat. Souillure. Saleté. Rien d’autre. Mais aujourd’hui, à cet instant même, je jure que jamais plus il ne pourra penser que je suis inférieur à lui. Que je ne suis pas un adversaire assez couillu pour lui faire face. Il verra. Tu verras, l’arbre.

    C’est à cet instant que je me suis perdu, tiens. Drôle. S’en suivit des pompes et des autres conneries comme ça. J’pensais qu’avec un peu d’musculation, j’y viendrais à bout. J’pensais beaucoup, en fait, tu sais.Alors le style ringard, j’l’ai abandonné pour prendre l’style bagarre. Véner, même. Sueur, sang et cicatrice. Les cheveux en bataille, les sourcils froncés et la rage dans le regard avec une barbe de 5 jours, même. Ça pique. J’avais alors deux obsessions. La Marine et lui. Le père. L’ennemi, presque. Le grand boss final du jeu. Si je perds, je dois recommencer. Si je dois recommencer, je dois gagner.


    Dernière édition par Kiril Jeliev le Lun 8 Avr 2013 - 15:40, édité 3 fois

      L'explosion, ouais. Les gulus dans la rue m'reconnaissaient plus, j'faisais plus partie d'la fratrie. Mon père avait honte. Il avait pas le droit. Est-ce que tu crois que j'avais pas honte quand t'allais coucher à droite à gauche ? Quand t'ignorais ce qu'était la vie de famille ? Quand tu rentrais pivé comme un âne à la deuxième heure et que tu voulais de la soupe ?
      Il avait honte qu'il disait. Il voulait commencer à faire mon éducation un an avant ma majorité. Je me sentais profondément humilié... Comme quand j'avais perdu face à lui sans avoir pu me défendre. Je n'étais devenu qu'une pauvre âme errant dans un corps qui n'était pas le mien alors j'ai fait en sorte qu'il le devienne. Je suis tombé encore plus profondément dans les abysses jusqu'à être méconnaissable, je suis mort une première fois pour renaître mais pas de mes cendres, non. Les cendres, elles, elles vont à la mer. Non, ma naissance s'est faite six pieds sous terre, et c'est un beau paradoxe.
      Ils m'ont dévisagé, méprisé, comme si j'n'étais plus qu'un fantôme alors j'ai commencé à penser pareil. Je me suis perdu et l'image que j'avais de moi était semblable à celle de mon père. Celle d'un putain d'hubin.
      Mais le malheur ne dure pas toute une vie, j'ai pris conscience que moi j'avais quelque chose en plus. Lui, il se levait tous les matins s'en savoir quoi faire, sans avoir aucun but. Moi j'm'étais défoncé pour ce qui m'tenait à coeur même si c'était d'la merde. Alors j'me suis relevé... J'ai souri à cette population d'merde. J'étais content d'être leur fantôme. Pour moi, j'étais Cinderella man.


      Cinderella Man/Ode au changement:


      Dernière édition par Kiril Jeliev le Lun 8 Avr 2013 - 15:44, édité 1 fois

        Gauche. Mon corps fait une rotation de 360°, les derniers 180 étant un peu forcé pour qu’avec l’élan du tour sur moi-même, j’envoie une beigne à mon opposant et père. Il l’évite de peu, ça ne me surprend pas. En jetant sa tête en arrière, il en profite pour m’envoyer un jab que je prends en pleine face. Mais ça ne me fait pas sourciller. Hop, il recommence. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que désormais je ne prends pas les coups, je les accueille. Toujours en le regardant droit dans les yeux. J’ai juré que j’y arriverai. Ce n’est qu’un obstacle que je dois franchir. Alors, je me mets en position, observe la piste et attend le départ… Bang. Je commence à courir comme un guépard.

        Première haie : je me mets à sa gauche puis à sa droite puis à sa gauche et enfin j’envoie un uppercut dans son menton. Bam, il le prend, recule un peu, j’avance encore. J’envoie un coup de genou dans son ventre et lui, quelque chose comme sa paume sur ma joue. J’continue à courir alors je force ma tête à rester en position, monte mes yeux au niveau de son nez et lui jette un coup d’boule dans celui-ci. Voilà pour toi pépère. J’me sens bien, c’est cool.

        Deuxième haie : Force brute, comme à la vieille école. Mes coups sont désordonnés, vrai et il n’y a que le quart qui arrive à destination, vrai aussi mais ça fait un putain d’bien d’faire n’importe quoi. Tu t’sens comme le roi du monde ou un tox en manque. Et les toxs en manques sont bien fendards, non ? On s’échange le même genre de torgnole avec le pater sauf que les siennes sont un poil plus puissantes, j’sens comme ses sentiments dans ses poings. Mais moi aussi je sais faire ça papa, je sais en transmettre. Oh putain, manque juste la musique et j’me sens comme Travolta. Tiens, sens la haine et la rage que j’ai, prend toi cette droite dans le cœur puis ose me dire… Non je vais te le dire.

        Bien de savoir éviter, aussi.

        A ces mots, j’vois ses sourcils qui s’lèvent soudainement il me frappe à la mâchoire et…. Merde, il était même pas au max, j’crois. Preuve, j’reviens au point d’départ m’prenant les deux haies que j’croyais avoir franchise. Lui, il apparait comme un mur qu’c’est pas possible de l’éviter. J’crache.

        Alors, c’est ça hein… Tu penses que tu vas me démotiver ? Que je vais arrêter ma course ? Jamais. Jusqu’à ce que je m’effondre je m’efforcerai de te faire comprendre que je ne fais pas parti de ton monde, Jeliev. Maintenant ne pense pas que je ne te frapperai pas parce que je suis ton fils, j’ai hérité de ton poing droit de Dieu et tu vas le prendre dans la bouche, l’abdomen, le front, le torse. Ma gauche est aussi là parée pour toi, attention à ta garde. Ma confiance en moi est indestructible, c’est la motivation ultime, je ne perdrai pas contre un chien qui trompe sa femme et éduque mal son fils. Tu n’as jamais souffert, jamais pleuré, jamais eu de sentiments parce que t’es tout simplement pas humain, papa.

        Tu n’as jamais vécu ce que j’ai vécu.

        Tu n’es pas comme moi et je ne suis pas comme toi.

        Troisième haie : J’ai toujours préféré les tigres aux lions, alors comme lui je plante mes griffes dans sa peau, le mord d’un gnon dans la bobine. J’m’arrête puis j’reprends. Il a les yeux noirs, j’ai les yeux marron. Satan ? Cinderella man se relèvera toujours tant que le monde ne s’est pas effondré… Là, j’sens son poing parcourir tout mon visage pour qu’mes pieds décrochent le sol, fuck la gravité, et qu’j’arrive encore au point de départ.

        Putain.

        Putain pour lui. Parce que j’ai pas perdu la motivation, pas encore. Regarde mes yeux, ils ont changé d’couleur. Tu vois quoi ? Tu vas m’dire que tu vois d’la haine, hein. Tu vas m’dire qu’tu vois d’la colère, deux. Mais y a rien d’tout ça maintenant. Y a rien, en fait. Pas d’sentiments, pas d’émotions. J’ressens rien. Tu sais quoi, padre ? Je baisserai pas les bras, ça t’ferait trop plaiz’. Dans mes yeux, y a le mur que t’incarne qui m’empêche d’avancer.

        Dégage du chemin.

        L'envol de l'aéro-grec. Littlekiril

        Kiril a grandit, l’ami.

        J’fonce sur lui en lui envoyant une giboulée d’coups comme j’ai appris à faire, mandale sur mandale, marron sur marron, j’lui tire la queue comme personne la lui tirera à l’avenir. Lui aussi, il y met le cœur. J’reçois des rampons et des châblers, j’dis rien, j’accueille. Et un des gens bien accueillis ont toujours envie d’revenir, j’les reçois comme il faut : tellement bien qu’il m’invite chez eux et j’suis bien reçu aussi. Lancé d’dés, j’donne des jetons à mon adversaire sauf que j’bluff jamais, moi. J’regarde c’que j’ai dans la main, j’souris. Du pique, bon. J’la lui envoie. Ça pique. Bon. As de pique, même. Il aime pas, il a du carreau, ouais, il s’tient à carreau. Deuxième manche, cœur. Ok. J’lui envoie une patate qui vient du fond du cœur accompagné d’un gros lot d’jetons. Qu’est-ce t’as à répondre, vieux ? Carreau ? Ok. Il s’tient à carreau. Troisième manche. J’souris encore. C’est bon.

        Tapis.

        Tapis ? Ouais, j’le mets au tapis en déballant une suite royalement badass, prend toi mon pique de trèfle de ton cœur de carreau… ou d’glace, au choix. En effet, j’ai détruit comme un as ses quelques dix barrières pour défoncer les valets et en garder un sous l’coude pour qu’il m’indique la chambre de la reine. J’l’ai prise en otage et j’ai menacé le roi. Il s’est rendu. J’ai quand même buté la reine. Et l’roi. Et l’roi. On t’oublie pas.

        Papa Jeliev au tapis, but atteint. C’est l’heure. J’regarde derrière moi. Hm. Le jardin et l’arbre.

        1613.

        A bientôt.
        Le navire de la marine m’emmène cette fois-ci. J’suis fier et en uniforme, j’vois ma mère qui pleure un peu. Ça me plaisir, j’lui dis au revoir avec la main. Mon père est à côté, il regarde pas. Oh croyez pas qu’il fait semblant de s’en foutre et qu’en fait il est fier de moi ou des trucs clichés comme ça. Il s’en fout vraiment. Vrai qu’là où il regarde y a une minette qu’a un cul à faire bander un prêtre. Voilà. J’reconnais bien mon père. Toujours fidèle à lui-même. C’est un tireur au cul qu’a élevé un cabrion. Une enflure vicieux comme un cheval borgne, têtu comme un vieux mulet avec une voix de mêlé-cass. J’suis content d’démurger au tonnerre de Dieu d’lui. Cet homme est la peste. Cet homme est mauvais. Cet homme est mon père. Ah en fait j’viens de remarquer que j’ai ses fossettes : il en a pas.

        Je t’aime papa.