L'assassin haussa un sourcil, se retournant vers Naphylia. Amie ? Il ne la connaissait pas ? Pourtant, l'homme-chien l'avait targuée de révolutionnaire, une feinte ? Il fronça les sourcils, se prépara à traiter avec cet intrus ... juste avant que la jeune femme ne prenne la parole. Il desserra les doigts, la regarda perplexe puis soupira discrètement. Bon. Une révolutionnaire en devenir, apparemment. Si elle faisait un écart, il serait là pour le corriger. Ainsi, il faudrait la mettre à l'épreuve avant de l'impliquer dans le plan visant à renverser Goa. Il revint vers le Roi des ordures, bien différent de ce à quoi il pensait.
"Hum. Disons que Naphylia est en instance de recrutement. Vous pouvez m'appeler Rafaelo, Bo. Enchanté." trancha-t-il, histoire d'éviter que la discussion ne s'étende trop autour de cela.
Ce faisant, il adressa un regard noir à la jeune femme qui n'avait pas daigné lui dire qu'elle n'était pas réellement des leurs. Peu importait, elle semblait sincère. Bref. Il croisa les bras, jeta un regard à Céline, histoire de lui signifier qu'elle avait fait du bon travail. Non pas qu'elle puisse en douter, mais il était toujours appréciable de le reconnaître.
"Désolé pour le contretemps, j'étais occupé à tergiverser avec l'homme-chien. J'ai pu en profiter pour ramener vos hommes avec moi, ça a un peu saigné par là-bas." grommela Rafael, prenant un siège à la table du Roi des ordures.
"Vague ... mieux vaut le rester tant que tout n'aura pas été décidé. Mon amie a du vous parler des grandes lignes. Les jours des nobles de Goa, de la royauté, sont comptés. Je suis arrivé ici pour rencontrer certains de mes hommes, et j'ai décidé de me mêler de vos affaires - sauf votre respect. J'ai déjà officié à Goa par le passé ... et il est temps que cette cité décadente sombre, pour laisser le bien du peuple." poursuivit l'assassin, n'apprenant certainement rien de nouveau à son interlocuteur.
"J'ai déjà discuté avec l'homme-chien à ce sujet, le hasard a fait que je l'ai rencontré avant vous. Mais, pour faire simple, disons qu'il en est. Quelques exigences pour lesquelles j'ai émis des réserves : sa vengeance, à savoir Anthony et les femmes de la famille royale et ... le port pour ses hommes. Chose qui me semble peu acceptable." fit-il.
Il était de notoriété commune que Bo employait des bandits pour arriver à ses fins. L'homme-chien devait donc avoir son lot d'espions, tout comme le Roi des ordures possédait les siens. Rafael ne désirait pas que le contenu de cette discussion soit éventé. D'autant plus qu'il se méfiait de Naphylia à présent. Pouvait-elle avoir convaincu l'homme-chien qu'elle était révolutionnaire pour mieux s'infiltrer parmi eux ? Possible. Pouvait-elle être une espionne de l'homme-chien, directement ? Encore plus possible ... il ne savait pas d'où elle venait, donc il valait mieux se méfier. D'un autre côté, elle avait déjà entendu la teneur de ses échanges avec l'homme-chien. Ne restait plus qu'à l'intégrer et la surveiller de près. Tant qu'il gardait un oeil sur elle, tout irait pour le mieux ... et à la première entourloupe, elle en prendrait pour son grade.
"Quant au reste. Je désirais savoir si ce projet vous intéressait, j'ai déjà disséminé quelques personnes de confiance à cet effet sur Goa et ses environs. Avant de commencer à faire germer la graine de révolution qui secoue le peuple, je voulais avoir votre soutien ainsi que celui des forces en vigueur de Grey Terminal. J'ai un plan, et quelques petites surprises en réserve. Enfin, vous savez certainement mieux que moi comment procéder, raison pour laquelle je m'en remets à vos conseils avisés." continua l'assassin, regardant son interlocuteur droit dans les yeux.
La négociation serait bien plus aisée avec lui, si négociation il y avait. Si Céline lui avait donné les grandes lignes de son projet, il avait tout de même besoin de savoir si le Roi des ordures le suivrait. Non pas qu'il en doutait, mais c'était ... une forme de politesse, de respect. Il venait tout de même sur son territoire avec un plan pour la ville qu'il surveillait et combattait. Bien qu'ils furent révolutionnaires tout deux, c'était chose délicate que d'annoncer à cet homme, qui avait voué sa vie à ce combat, qu'il venait tenter de renverser ce royaume. Mais l'assassin avait des avantages que Bo ne possédait pas. À commencer par Vengeance, qui traînait lui-même parmi les nobles de Goa. Un infiltré à l'intérieur de ce royaume putrescent, qui luttait depuis des années pour changer les mentalités. L'heure n'était plus à la diplomatie à présent, les assassins règleraient la question dans le sang. Toute Révolution passait par le sang.
"Une Révolution ? À Goa ? Mettre en jeu les vies de tous les hommes et femmes impliqués dans le mouvement ici pour renverser une monarchie qui purge les lieux au moindre battement de cil ? C'est pour cela, Auditore, que tu viens me voir ?" répondit Bo, posant à plat les mains sur la table.
Rafael fronça les sourcils, se doutant au ton presque sarcastique employé par son interlocuteur qu'il y avait anguille sous roche. Il se lécha les lèvres, attendant la suite. Certes, mener une révolution c'était un peu logique quand on était révolutionnaire. Mais Goa était un des plus gros centre de formation, si on pouvait dire, concernant leurs rangs. La misère avait tôt fait de faire émerger les idéalistes et ceux qui désiraient changer les choses.
"Concrètement, l'armée de ce pays surpasse tout en nombre, obéit au doigt et à l'oeil de leurs capricieux maîtres. Les esclaves courbent l'échine et les bandits sont sans cesse persécutés. Tu sais très bien ce qu'il nous en coûterait de tenter une chose pareille, Auditore. Cela mêlerait bien trop de gens à tout ça, je peux t'assurer que si c'était facile, ce serait déjà chose faite. Les chances de succès sont quasi nulles." poursuivit Bô, en secouant la tête.
"Quasi, pas inexistantes." répliqua l'assassin en levant un doigt.
Il fouilla dans l'intérieur de son veston, tirant un parchemin. Il le déplia, montrant un plan sommaire de la ville de Goa et des environs. Quelques annotations ça et là, des points remarquables rédigés dans une écriture inconnue pour la plupart des gens attablés. De toute manière, ce n'était pas ce qu'il voulait démontrer. Tout ça n'était là que pour l'emphase après tout.
"Ce royaume fait honte à nos idéaux depuis longtemps : esclavage, corruption, crime organisé et j'en passe. De plus, il n'est pas lié au Gouvernement de manière directe, ce qui nous protège des retours de bâton éventuels. Je te parle de l'après frère, car je préfère penser à notre victoire et à la suite. Imagine donc un Royaume révolutionnaire ? Un Royaume qui partage nos idéaux ?" poursuivit-il, montrant le Royaume de Goa sur sa carte.
"Une cible affaiblie, de gros risques pour des bénéfices incertains. La Marine royale, les gardes, tous ces hommes entraînés à la répression depuis leur plus jeune âge, Auditore ..." répliqua le Roi des ordures, haussant les épaules.
"Des mercenaires pour la plupart. Autant profiter de la fange pour la retourner contre eux, non ?" lui fit-il, avec un sourire qui voulait tout dire.
"C'est un risque de plus que de les impliquer. Je suis d'accord avec ton idée, cela va de soi. Mais, franchement ... sais-tu au moins ce dans quoi tu mets les pieds, frère ? Ah. Les rafraîchissements." s'interrompit Bo, faisant signe à un de ses hommes de s'approcher.
Un solide gaillard s'approcha, apportant un pichet et trois chopes. Il les posa sur la table, et servit les invités du Roi des ordures. Céline refusa poliment la boisson, tandis que Rafael remerciait l'homme en prenant la sienne. Bo leva son verre, pour trinquer à la révolution, puis attendit que son subalterne ne quitte les lieux avant de faire signe à Rafael de continuer ce qu'il avait à dire.
"Oui, je sais. J'ai vécu ici il y a quelques temps." répondit l'assassin, relevant sa manche jusqu'à montrer une cicatrice barrant un symbole que le Roi devait forcément connaître.
La marque des esclaves.
"J'ai connaissance de plusieurs souterrains, de nombreux accès cachés ainsi que la façon d'arriver aux loges des nobles sans éveiller les soupçons. Je peux donc t'assurer que je suis au courant de la situation. La répression devient de plus en plus dure, et je pense que le peuple se joindra à nous une fois que cela aura commencé. Les esclaves sauront briser leurs chaînes à temps ... L'homme-chien nous aidera aussi." poursuivit-il.
"L'homme-chien ? Les bandits risquent de faire bien des dommages ... et les nobles raseront Grey en répression : grosso modo c'est du réussir ou mourir. Et encore, la victoire nous coûterait beaucoup. De trop gros risques pour des résultats médiocres. Si Grey tombe, l'une de nos plus grosses bases sur les blues tombe. Es-tu prêt à mettre cela dans la balance, Auditore ?" répliqua le Roi des ordures en croisant les mains.
"Et si jamais nous réussissons ? Un refuge pour les révolutionnaires, un refuge pour le peuple. Une terre où nous serons libres, ou tout le monde sera libre. Il ne s'agit pas de purifier par les flammes et de trouver quoi faire des cendres par la suite. Il s'agit de construire à travers ce qu'il restera. Tous les nobles ne sont pas contre nous, Bo. Il y a moyen de scinder la ville, de profiter des dissensions pour saisir l'occasion. Je te demande simplement ton appui, tes hommes pour quand le moment sera venu. Le reste ... j'en fais mon affaire. Si jamais te prouve que je peux te fournir l'occasion, marcherais-tu avec moi ? Le moment venu, je m'engage à fournir à la révolution une occasion inespérée de frapper Goa et de mettre à mal la royauté." fit Rafael, frappant du poing sur la table.
"Et si tu échoues ? Grey Terminal sera purgé." répliqua Bo, en soupirant.
"Si je n'ai pas ton soutien, oui, j'échouerai." trancha l'assassin.
Le Roi des ordures leva les yeux au ciel, soupira de nouveau. Il semblait en proie à une lutte interne, décidant s'il devait porter crédit ou non aux paroles de l'assassin. Rafael semblait pourtant sûr de lui. C'était une chose qu'il n'aurait jamais oser tenter s'il n'était pas sûr de lui. Il pêchait souvent par excès de confiance, c'était vrai, mais il avait abattu un Corsaire en devenir, non ? Il était ressorti vivant de la guerre South Blue, tout comme de Drum. Il avait aidé et sauvé des Révolutionnaire au péril de sa vie, il avait su se faire un nom. Il était un as de la Révolution. La raison pour laquelle il avait suivi Ombre sans discuter ferait peut-être sa force aujourd'hui ...
"Tu es Auditore, après tout ... Hum. Va. Je te suivrais." fit-il, repoussant sa chope sur la table.
L'assassin sourit, adressant un signe de la tête à Céline. Il avait l'impression de forcer la main au Roi des ordures, mais au final cela ne comptait que peu. De deux, à présent. Grey Terminal était ... rallié. Pas sous sa férule, mais presque. Il en tremblait presque de joie, cela ne pouvait augurer que de bonnes choses pour l'avenir. Ce point de l'histoire réglé, il ne lui restait qu'à faire son travail, le point où lui, il interviendrait.
"Pour l'homme-chien ... pourquoi pas la moitié du port ? Tu me parles de sa vengeance, soit. De toute manière, la famille royale trinquera d'une façon ou d'une autre. Une alliance temporaire est envisageable, à supposer qu'il se calme au moment où les choses commenceront à s'apaiser. Mais il le faut de notre côté. La moitié du port, histoire que rien ne soit oublié le moment venu. Qu'en penses-tu, Auditore ?" poursuivit Bo, tirant à lui la carte réalisée par l'assassin.
Rafael opina du chef, l'homme-chien accepterait-il cela ? Certainement, il n'avait pas le choix après tout. Cela devrait lui convenir, une fois la bataille terminée. Qu'il fasse tampon dessus s'il le voulait tant que la marine serait là, mais il serait important pour la suite que la révolution ait de quoi s'ancrer là dessus. Sans compter que même si la majorité du royaume serait versée dans l'idéologie révolutionnaire après ça, l'autre partie serait sous la coupe de cet homme. Le faire disparaître pendant les combats pourrait s'avérer utile ... très utile même.
"Cela me semble être un bon compromis. Avec l'assurance qu'ils puissent profiter de quelques bâtiments pour se loger et s'abriter par la suite. Il faudra éviter qu'un réseau criminel ne se monte directement après. Le trésor royal devrait nous aider à entretenir un semblant d'ordre après tout ça. Bon. Ce sont des points qu'il faudra voir avec les différentes parties une fois que le plan sera établi. Je dois encore aller rencontrer un contact pour la question de la ville en elle-même, pourrais-tu t'occuper de transmettre cette condition à l'homme-chien ? Avec plus de tact que je ne saurais le faire, cela va sans dire." le remercia Rafael, tendant sa main vers Bo.
La nuit était encore avancée, mais il y aurait tout de même un moyen de rencontrer Servo Vendetta et de le mettre au courant des avancées de la chose avant que les informations ne commencent à filtrer de partout. Il faudrait prendre les autorités de vitesse, car il y aurait des fuites : l'assassin ne doutait aucunement de cela.
"Prévoyons une rencontre entre les différentes parties dans deux jours, le soir. Je te laisse le choix de l'endroit et de l'heure, tu es mieux placé que moi pour cela. Ainsi que de prévenir l'homme-chien, cela serait-il possible ? Céline restera ici pour coordonner le reste." conclut Rafael, avant de se lever de sa chaise.
Il adressa un signe de la tête à sa comparse, puis se leva de sa chaise, non sans jeter un regard à Naphylia. L'emmener avec lui pour la surveiller ? Non, elle aurait certainement beaucoup à discuter avec Bo avant de sortir d'ici. Il n'avait pas de temps à perdre à tester sa loyauté et ses informations. Ils auraient certainement beaucoup à discuter par la suite, mais pour l'heure, il devait rejoindre la planque de Servo pour le mettre au courant de tout ça, et arranger sa rencontre avec une certaine personne. L'assassin rejoignit les hommes qui attendaient paisiblement dans l'autre salle puis il les laissa le guider hors de la planque du Roi des ordures.