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Captivité ~ La belle et la bête


Les jours. Les nuits. Quelle différence ? Toujours la même rengaine. Les remords, puis les doutes. Et enfin la colère. Jamais le marchandage, ça non. Plutôt croupir à Impel Down plutôt que de quémander à ces chiens le moindre quignon de pain. Sur le champ de bataille, il avait failli flancher. Et cela n'arriverait plus jamais. L'assassin n'avait que de brefs moments de répits, à cause du poison que distillait le granit marin sur sa peau. Ce poison qui sapait toutes ses forces et le condamnait à demeurer entre l'éveil et le sommeil, dans un état quasi catatonique. Comme si on prenait plaisir à aspirer toute sa force, mais à lui en laisser juste assez pour qu'il se sente aussi faible qu'au premier jour. Il avait appris à faire avec, à résister à ce contact délétère. Mais c'était sa malédiction. Il avait frôlé tous les murs de sa cellule. Lisses, sans accrocs. Du pur Granit Marin. Cette pièce avait été construite pour lui. Le Léviathan avait du rapidement traité, et certainement que Salem avait veillé à ce que l'assassin ne leur cause plus de tort. Plus jamais. Où allaient-ils à présent ? Pour quelle raison ? Ah, que de questions. Si peu de réponses. Tout ce qu'il pouvait faire dans ces ténèbres, c'était ressasser, tirer des enseignements. Cela restait une forme d'entraînement. Visualiser dans son esprit, faire ses plans et les mener à grande échelle. Malheureusement, cela ne pouvait jamais aller très loin, ses forces étant limitées. Mais chaque jour un peu plus ...

"T'es dans un était pitoyable, Rafaelo." gronda la voix qui s'était éveillée à Drum.

"Pire encore que lorsque je me suis fait enlever. Tu te souviens ? Cette fois où tu es resté dans l'eau sans rien faire, alors que la Marine m'emportait loin de toi ?" continua-t-elle, appuyant avec malice là où elle savait faire mal.

L'assassin secoua la tête, essayant de chasser cet oiseau de mauvaise augure comme il l'aurait fait d'un moustique incessant. Inutile, c'était au fond de son crâne. C'était comme des flashs. Il revoyait Césare, il ressentait ses échecs jusqu'au plus profond de ses tripes. Et cette voix qui n'était que trop semblale à celle de son frère ne cessait de le tourmentait. Mais elle lui permettait de tenir, lui rappelait d'où il tenait toute cette rage enfoncée en lui. Pourquoi il se battait. Ou, s'il ne s'en souvenait plus vraiment, d'où il puisait sa force et sa volonté. La vengeance. La colère. La peur. Beaucoup de peur. Tout cela menait sur de biens obscurs chemins. Mais pour combattre le monstre, ne fallait-il pas en devenir un ?

"Non, petit frère, pas du tout. Ceci n'est qu'une excuse. Ecoute, écoute la rumeur du Léviathan. Entends comme ces hommes ont souffert sur Drum. Tout ça, à cause de toi. Ah, mais suis-je bête : tu n'en savais rien ! Ah ah. Ombre a fait claquer sa langue et ta dague a frappé, c'est ça ?" continua l'insidieuse petite voix, tirant un gémissement de douleur à Rafael.

Ce n'était pas ça. Il avait refusé de tuer Alleyn, tout comme Old Lando. Il avait voulu faire autrement, déroger à leurs petites règles. Et où cela l'avait-il mené ? Pas la moitié du plan de la Révolution ne lui était parvenu aux oreilles. La Marine lui avait appris l'existence des bombes, quelle infamie. Et par un sursaut de désespoir, il avait voulu emporter le plus de monde avec lui. Le plus de Corsaires. Si tenté était que Krabbs en fut un.

"Bah oui, mourir. Intelligent. Qui me sauvera ? Ah non, ça, tu as déjà échoué. Et la Confrérie alors ? Personne pour corriger ceux qui se croient tout permis ? Peut-être aurait-il mieux valu que ce soit toi, celui qui soit capturé et torturé. La Cause y aurait gagné au change." continua-t-elle, ricanant avec malice.

Un frisson parcourut l'échine de Rafael, qui baissa la tête, faisant tinter les chaînes. Cette voix. Ce n'était pas son frère. C'était ... pire. Quelque chose qui ne pouvait émaner que de lui. Ce qu'il restait de sa conscience ? Un fragment de son humanité ? Tous ses regrets, tous ses doutes. Non, cette voix, c'était la vérité. L'abominable vérité. Que pouvait-il faire face à cette expression de son subconscient ? Mais cela ressemblait trop à la voix de son frère disparu. C'était comme écouter un écho vengeur de ce qu'il fut.

"Redresse-toi. Tu me fais honte. Capturé, humilié. Tu as tant tué que tu ne sais même plus pourquoi tu te bats. Tu es perdu, seul comme jamais tu ne l'a été. Et tu continues à vouloir diriger le monde comme si ce n'étaient que des marionnettes, mais réveille-toi Rafaelo, révei..."


"TA GUEULE !" hurla l'assassin, à l'encontre de ce qui se déroulait dans son propre crâne.

"Oh. Une réaction. Il était temps. Je voulais juste te dire, tu as de la visite. Une rouquine incandescente. Je te laisse deviner qui c'est." le toisa la voix, avant de s'évanouir.

Rafael leva les yeux, alors que la porte coulissait. Il s'enfonçait de plus en plus dans sa folie, et son incarcération n'arrangeait pas les choses. Il y avait une fine limite à franchir avant de définitivement sombrer. Mais bien qu'il flirtait sans arrêt avec elle, il ne s'était pas encore décidé à faire le grand saut. Pour combien de temps encore ? Ce fut un homme affaibli et au regard hagard qui accueillit Lilou. Sa dernière discussion mentale l'avait mis à rude épreuve, et le contact prolongé avec le granit marin n'arrangeait en rien les choses. L'assassin se prit d'un rire assez sinistre en voyant la jeune femme qui venait le voir. Il inspira bruyamment.


"Salut ma belle. On a pas bien pris le temps de discuter depuis notre dernière rencontre, hé hé ... Une envie de renouer avec le bon vieux temps ?" tenta-t-il de plaisanter, cherchant à cacher au mieux sa faiblesse apparente.

Ne laisser aucune faille, rester comme un roc. Mais avec des fondations aussi friables, c'était peine perdue.
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Mh.

La nuit porte conseil, hein ?

Tissus de connerie, comme tous ces dictons à la con avec lesquels on te berce depuis que t’es tirée de ton île. Tu le sais. Mais tu ne peux pas t’empêcher d’être là, dans ta chambre, à tourner et tourner dans ta chambre comme une lionne en cage qui ne peut pas trouver le sommeil. Une lionne. Ou autre chose d’aussi féroce qu’une Lionne. En tout cas, quelque chose qui ne sait pas ce qu’il attend vraiment de la nuit. Qui ne résout pas à simplement fermer les yeux. Tu ne peux pas, hein. Tu n’as jamais vraiment pu dormir sur tes deux oreilles de toute façon.
Quand tu quittes ta chambre, en silence, sans éveiller le moindre soupçon, c’est avec le sac dans lequel tu as fourré ta trousse de secours. Et c’est lentement vers la cuisine que tu te rends, pour faire le plein de… Le plein de quoi ? Une pomme, du pain, une bouteille d’eau, le repas froid du soir que tu emballes soigneusement. Tu ne sais pas toi-même ce qui te prend de faire ça. Sans doute… Sans doute la bêtise qui prend le contrôle, comme souvent. Tu es si bête, Lilou. Si naïve. D’un optimisme à tout épreuve, et tellement dérangeant. Agaçant. Tu fais grincer des dents.

Foutaises.

Foutaises. Conneries. Bordel.

C’est tout ce qu’il y a dans ta tête, tout ce qui se promène, qui va, qui vient, qui ricoche. Pathétique. Un peu comme toi, maintenant, qu’essaye de comprendre ce qui ne tourne pas rond dans ce putain de monde. Mais on te l’a dit, ça. On te l’a dit que le monde avait rien d’humain. Ni de rond. Et quand t’arrives enfin devant sa cellule, t’as très bien compris qu’en toi, y’avait pas grand-chose qui tournait rond. Qu’est-ce qu’il a de plus, ce con-là ?

Comme l’autre. Lui. Le grand Lui.
Un dragon ?


Alors quoi ?

J’espère.

Quoi ?

Une conscience.

Mais qu’est-ce que ça ? Et, toi, t’en as une, pour l’exiger chez les autres ?
Oui. Je crois.
Tu crois quoi ? que la conscience, elle se forge ? Elle se créé ? Et toi, tu l’aurais créé à partir de quoi ? Des os brisés. Mes os brisés. Elle s’expérimente dans la douleur. Comme la vérité non ?

Mouais. Tu crois. Comme d’habitude, tu crois. Mais croire en n’importe quoi, ça veut dire croire en n’importe qui. C’est ce qui te perdra. Tu le sais, ça aussi, putain. Tu le sais, et tu continues. Combien de fois il faudra que t’en chie, que t’en saignes, que t’en crèves, pour enfin comprendre que tu ne peux compter que sur toi. Que sur toi, et encore. Tu n’en es tellement pas sûr. C’est peut-être pour ça que tu te caches derrière ton armure, derrière tes protections, derrière ton haki. Affronter le monde à nu, tu n’as jamais su faire. T’as déjà tenté, quelque fois. Mais qu’est-ce que tout ça, quelque fois ? Ce n’est rien, fondamentalement rien sur toutes ces années de vie.

Ouais. Je sais. Tout ça, c’est difficile pour toi. Ta chair n’est faite que de nerfs à vif, d’os brisés, de tâches ensanglantés sur tes habits de poupées. C’est pour ça, n’est-ce pas ? C’est pour ça que tu te caches derrière un géant d’acier. Derrière un géant de muscle. Derrière un géant des mers. C’est pour ça que partout où tu vas, tu te planques derrière un homme formidablement immense, puissant, infaillible. Qui saura te protéger de la douleur.

Et c’est peut-être pour ça que tu as besoin de savoir que les autres peuvent être faibles, comme toi tu l’es. Après tout, c’est comme ça que tu es née.

Faible.

Pas de ça entre nous, Rafaelo : Ravale donc cette fausse arrogance et ce sourire. Et mange-moi ça, plutôt.

Pourquoi t’es là, putain ? Pourquoi t’es là à le nourrir. Tu sais qu’il crève la dalle. Tu sais ce que ça fait, ça aussi. Tu sais qu’il crève de douleur. Et ça, tu sais mieux que lui ce que ça fait. Tu sors un désinfectant, des bandages, des compresses, et tu passes ça à travers les barreaux de sa cage, comme une enfant qui n’attend peut-être rien en retour. Ou peut-être que si. En fait, tu n’en sais rien. C’est cette sale habitude que tu as pris de soigner ce qui peut l’être. Parce que peut-être, ça te soignera toi.

C’est pour ça que t’es là ? Dis.

Tes blessures ? Elles se remettent ?

Oublie ça, Lilou. Pitié.

A l’intérieur ? Il n’y a pas de flamme. Qu’un cœur de glace qui ne veut pas fondre. Que des couches de glaces, et des couches encore, et des remparts d’acier, glacial. C’est derrière quoi tu te caches, n’est-ce pas ? Ça a toujours été ça. Alors, qu’est-ce que tu fous là, bordel ? Il est à ton image. Brisable. Brisé. Cassé. Mais, tout ça, c’est comme le reste : ça se répare. C’est ce que tu penses.

Idiote.

Prend le temps de réfléchir deux secondes, Lilou. Prend deux secondes pour te dire que tu n’as rien à faire dans le coin. Certainement pas en face de lui. Le passé, c’est le passé. Et lui, là, il t’a fait plus de mal qu’autre chose. Il t’a fait fuir d’un possible chez toi. Même si chez toi, c’est un peu partout et surtout nul part. T’as eu un chez toi, et ça ressemblait à un caillou sur lequel on avait construit un petit baraque qui tenait par l’opération du saint esprit. Et le Léviathan. Salem. Lui. C’est un peu chez toi, ici.

Ouais. Dis-toi ça. Berce-toi de ça. Peut-être qu’un jour, tu t’en convaincras.

Idiote.

Mh…

Idiote.

Il est toujours temps de partir en courant. De prendre tes jambes à ton cou. De retourner te coucher. T’as fait ta bonne action de la semaine. Dis-toi ça. Répète le, jusqu’à t’en convaincre. Et peut-être que tu pourras aussi te convaincre que tu es forte, que tu peux protéger tout ça.

Dis.

Désolée, je ne sais pas ce que je fais ici…
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Il resta sans savoir quoi dire. Lorsque Oswald avait sorti ses outils, il avait su. Lorsque tous les jours, on venait le railler, lui jeter sa nourriture comme à un chien, il savait. Lorsqu'on venait montrer la bête aux camarades de chambrée, il savait. Mais là, devant elle. C'était peine perdue. Il ferma les yeux un instant. Il se rappela ce qu'ils avaient vécus ensemble. Chacune des secondes était encore fraîchement gravée dans son cerveau. Comme chacune des secondes de sa vie, après tout. Mais c'était la première fois qu'il était amené à la revoir dans ces circonstances. Une image qui lui aurait tiré un sourire, auquel il ne pouvait se résoudre en cet instant. C'était étrange, de se rappeler ce que le mot 'paix' pouvait signifier. Sa simple présence mettait lui mettait du baume au coeur. Parce que dans le regard de cette femme, il savait qu'elle était là pour le soigner, simplement. Les sévices de Double Face étaient encore frais. Il ne pouvait fanfaronner, seulement se terrer au fond de sa cage. Son coeur se serra. La barrière qu'il érigeait se fragilisa. Le geste le prenait au dépourvu. À moins qu'elle essaya de venir l'acheter ? De ... de vouloir lui faire oublier ses rapports avec Mafaele ? Elle passa la main à travers les barreaux. Il eut un geste de recul. Les flashs de l'outil barbelé lui revinrent en mémoire. Il serra la mâchoire, fit comme si de rien n'était. Son sang était encore maculé de bandages sales rougis par son propre sang. Du sang trop frais pour être celui de Drum.

"Celles de Drum vont mieux." répondit-il, en avançant sa main vers la nourriture qu'elle lui offrait.

Son ventre gargouilla devant ce festin promis. Il n'en serra que d'autant plus les dents. La chaîne arrêta son geste à quelques centimètres du pain. Il grogna et tira plus fort dessus, faisant se soulever le poids qui le maintenait. Chose dont il s'était montré incapable au tout début de son incarcération. Une des rares choses qui lui faisait augurer un avenir meilleur. Il mordit dans le pain, une première fois. Avala un morceau. Puis il engloutit le reste du repas en à peine quelques secondes, s'aidant de ses genoux pour palier à l'absence de main sur son autre bras. Il ne laissa pas une miette, se moquant du regard que Lilou pouvait bien lui jeter. Sa faim l'emportait. Il s'essuya la bouche du revers de la main puis avisa les bandages qu'elle avait déposé de son côté. Il les regarda, perplexe, puis reporta ses yeux sur elle. Il se méfiait encore. Pourquoi était-elle là ? Elle ne l'achèterait pas avec de bons soins. Il ne comprenait pas vraiment. Il savait qu'elle avait essayé de sauver le plus de monde possible sur Drum. Etait-elle une idéaliste ? Tentait-elle de composer au mieux ? Il y avait de ces gens qui choisissaient la voie de la rédemption, qui essayaient de sauver tout le monde. Lui, il avait choisi celle du châtiment. Neutraliser ceux qui font de ce monde une horreur. Il ne pouvait donc prendre son geste pour ce qu'il était, cherchant perpétuellement la raison derrière cela. Cherchait-elle à le faire flancher ? A ... à quel but ? Il ne pouvait plus réfléchir calmement. Son esprit embrumé ne cessait de raviver les souvenirs de la rouquine. Sa mémoire était aussi un fléau dont il se serait volontiers passé en de telles circonstances. Il frémit, sujet à une violente céphalée, puis inspira profondément, occultant cette douleur. Ce n'était rien comparé aux affres de Double Face.


"Merci." articula-t-il, reportant son regard sur les bandages.

"Désolé, je ne peux ... pas vraiment m'en occuper moi-même." fit-il, dévoilant avec gêne son infirmité.

Il exposa à la jeune femme son moignon. La chair se refermant sur l'os quelques centimètres après le coude. Cette main qui autrefois avait caressé la peau de cette fragile rouquine. Fragile. Qui à présent se battait au milieu des champs de bataille, donnant la leçon à plus d'un vétéran. Quelque chose avait du se passer. Etait-ce à cause de son geste qu'elle avait rejoint le camp adverse ? Non. Inutile de se donner autant d'importance, Rafael. Il inspira profondément, tremblant sous la fatigue et la douleur qui le foudroyait à chaque mouvement un peu trop brusque. Son torse était recouvert de blessures fraîches, à tel point que respirer était presque devenu un calvaire. Mais on s'y habituait. Tout ce qu'il craignait, c'était de le revoir revenir. Ce type en noir et aux pupilles jaunes.


"Dis-moi plutôt pourquoi tu es venue ici." lui demanda-t-il, espérant la pousser à rester un peu plus.

Elle semblait perdue, ne sachant pas pourquoi elle était là. Que voulait-elle donc ? Il ne pouvait pas se résoudre à la voir partir cependant. C'était triste à dire, mais sa vision était la seule chose agréable qu'il lui était arrivé depuis son réveil. Plutôt mourir que vivre le restant de sa vie derrière les barreaux d'une cage. LA barrière qu'il érigeait s'effritait de plus en plus. Les derniers sévices d'Oswald.

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Laisse-moi faire.

Tu es trop gentille. Trop gentille pour prendre soin de ses poignets blessés par ses chaines, avec tes mains toujours marquées par ton travail. Trop gentille ou trop bête. Car lorsqu’il te mordra pour te remercier, peut-être que tu comprendras le message. Peut-être que ça rentrera dans ton épaisse caboche. Peut-être que... Peut-être. Peut-être qu’un jour, tu prendras en compte ces « peut-être ». Tu ne te contentes pas de ça, toi, tu exiges les certitudes. C’est ça ton problème. Et tu as la bête certitude qu’il n’y a personne de profondément méchant. Juste des gens profondément meurtris. Ça change la donne, que tu penses. Oui, tu le penses.
Mais qu’est-ce que ça change vraiment, au fond ? Ce sont ces sentiments qui viendront à bout de toi, Lilou. Retourne dans ta carapace. A chaque fois que tu en sortiras, on voudra te porter le coup de grâce. Il n’y a pas de belle mort pour les téméraires dans ton genre. Retourne dans ta carapace, Lilou. Sauve nous de ce monde en t’enfermant dans le tien. Ne reviens pas sur tes pas, ne reste pas à lui faire la conversation. C’est un prisonnier. Il est ton prisonnier. Tu l’as amené ici, consciemment. Ne culpabilise pas de ça. Il le mérite.

Oui, il le mérite.

Je voulais juste voir comment tu allais.

Idiote.

Comment veux-tu qu’il aille ? N’ignore pas le sang sur ses bandages, car il y est par ta faute. Parce que tu as laissé faire Oswald. Parce que tu ne sais pas comment t’imposer pour l’instant. Parce que tu l’as amené ici. Il est affamé parce que personne ne veut de lui à bord. Lui, plus que tous les autres. Parce qu’il trahit, il ment, il tue. Penses-y. Et il fait ça pour le plaisir sûrement. Plus que pour sa foutue cause. Et quelle cause… Quelle cause demande de tuer, mentir et trahir ? Quel but légitimise chaque crasse qu’un homme peut faire contre un autre ?

Tu viens d’un autre monde, Lilou. Un monde où tu veux qu’on épargne tout le monde, alors que tu viens d’un endroit où on ne t’a pas épargné un seul foutu instant.

Et lui, là…
Lui.
Il t’a trahi, menti. Ne lui laisse pas la chance de te poignarder dans le dos lorsqu’il en aura l’occasion. Ne lui donne pas ce plaisir en restant ici. Ne montre pas tes faiblesses, ta naïveté, ta simplicité. Ne lui laisse pas l'occasion de t’envisager comme une brèche ou il aura la possibilité de fuir. Sois ferme, intransigeante. Sois ce que tu dois être depuis le début. Ou tu dois être, également. Loin de sa cage, le laissant baigner dans son sang. Il y a d’autres façons de l’épargner. S’il mérite d’être épargner. Parce que selon ses dires, toi, tu ne mérites aucun pardon. Encore moins la vie.

Et tu ne peux pas sauver tout le monde.
Tu ne peux pas. Idiote.

Tu vas trouver ça bête mais, j’étais curieuse de savoir ce que le temps avait fait de toi. Maintenant que je sais, je ne sais pas quoi en dire. Je me dis juste que…

Que le temps change les gens. Pas radicalement, mais qu’il les change. Et que tu ne comprends pas tout. Que tu ne pardonnes pas tout non plus. Dis-lui, ça. Dis-lui, que tu lui en veux, parfois. Dis-lui qu’il t’a empêché de te construire un chez toi. Et que tu ne le laisseras pas faire cette fois. Mens-lui. Ou dis-lui de ne plus jamais remettre un pied dans ta vie. Là où il va, de toute façon, il ne pourra plus jamais d’importuner.

Ne t’en sens pas coupable.
Demande toi… Qu’est-ce qui compte le plus ?

Qu’un peu de répit, ça ne fait de mal à personne.

Et tu t’imagines l’être, Lilou ? Un peu de répit, pour lui ? A quoi tu penses, bon sang ? Qu’il en a besoin ? Qu’il le mérite ? Bien sûr, il en a cruellement besoin. Mais le mériter, ça… N’en sois pas si sûre. Son propre rang au sein de la Révolution le désigne comme un monstre que tu ne peux sauver. Il ne mérite ni ta sympathie, ni ton amitié. L’homme que tu as connu n’est qu’un vague souvenir qui s’est estompé au fil du temps. Et l’homme que tu as en face de toi n’est qu’un ersatz d’Homme. Mais plus celui qu’il était cette nuit-là. Il a cédé depuis longtemps à ces démons. Sauf qu’aujourd’hui, il est tombé sur plus fort que lui.

Je ferais en sorte qu’il ne revienne plus.

Là.

Là, c’est tout ce que tu peux faire pour lui. Empêcher Oswald de revenir lui rendre visite. Ça se limite à ça. Ça devrait ne se limiter qu’à ça. Qu’à le mettre à distance des autres. Pour lui, comme pour ces autres. Il n’a pas besoin de se faire plus torturer, il y arrive déjà bien tout seul. Et eux, comme toi, n’ont pas besoin de sombrer avec lui. De se découvrir des noirceurs insondables. Comme celle de Jenkins. Tu les connais aussi, celles-ci, non ? Tu les connais si bien que tu veux que personne ne les éprouve à ta place. C'est adorablement idiot.

Mais à un moment, Lilou, tu craqueras.

Mais toi. Pourquoi tu es ici.

Un dernier nœud. Un dernier mouvement. Tu t’éloignes.

Et tu fais bien.
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Mensonge. Personne ne venait voir comment il allait. Personne ne venait le voir lui. Il était l'incarnation du mal sur ce navire, aux yeux de ces païens qui ne voyaient là que le prêcheur d'une cause impie à leurs yeux. Des gens qui ne voyaient pas plus loin qu'on ne le leur demandait. Il inspira, la regarda de nouveau. Son regard s'adoucit légèrement. S'il ne comprenait pas, il faisait de son mieux pour accepter. Quel risque y avait-il à prendre ? Manger, être soigné. Pourquoi se méfier ? Parce que personne ne prenait soin d'Il Assassino. Il avait fait voeu de donner son âme en vertu de sa cause. Et personne n'escortait les damnés jusqu'à leur tombeau. Bien que ses lèvres bougeaient, ses yeux restaient fixés sur sa poitrine, sur ses blessures. Il hésita un instant à l'attraper, à la forcer à venir contre ces barreaux. Mais il chassa cette stupide idée. Agir ainsi, envers la seule âme chaleureuse de ce maudit navire ? Il soupira, retint quelques cris de douleurs lorsque ses doigts parcoururent ses blessures. La douleur. Son quotidien.

"Personne ne s'intéresse à mon sort. Sauf les curieux et les audacieux." lui répondit-il, sans la regarder.

Elle sembla hésiter, taraudée par une question dont l'assassin ne saurait donner l'énoncé. Perplexe, Rafael la dévisagea encore. Une chose qui semblait la mettre mal à l'aise. Il était loin le jeune homme sûr de lui, audacieux. Ce n'était plus qu'une ombre. Cela lui rappelait ses vieilles leçons. Les raisons qui le poussaient à se battre, c'était toujours dans de pareilles situations qu'il les trouvait. La marque gravée au fer rouge sur son épaule en attestait. Il avait été esclave, après tout. Même si cela n'avait duré qu'un temps. Maintenant, il se retrouvait de l'autre côté des barreaux. Là où tant de créatures malignes avaient vu leur vie se terminer. Et autant d'innocents. Foutu Gouvernement.


"Le temps n'a pas été clément avec moi, comme tu peux le voir. J'y ai perdu beaucoup de choses." répondit-il, comblant la fin de sa phrase.

Il ne cherchait pas sa pitié, ni même sa compréhension. Il ... parlait. Il n'allait pas s'épancher sur les travers qu'il avait subi, ni même les évoquer. Il avait beaucoup perdu, certes. Mais beaucoup pris aussi. Chaque vie était un fardeau dont il devait s'encombrer pour cheminer. Jusqu'à se perdre dans les ombres. Crétin d'assassin. On ne peut avoir de remords dans ta profession. Pourtant, Drum, ça en a laissé plus d'un. Mais tout cela était nécessaire. Nécessaire ? Un maelstrom d'émotions se déchainait en lui. Il s'accusait, se justifiait. Par moment, il se sentait exploser sous une telle pression. D'autres fois, c'était au monde entier qu'il en voulait. Il inspira profondément, chassant ces images gravées dans sa mémoire. Indélébiles. Il se souvenait du visage de chacune de ses victimes au moment de leur agonie. Il ne rêvait plus depuis longtemps. Des têtes d'assassins, de comploteurs. De tueurs. Et d'innocents. De pauvres hères qui avaient fait le mauvais choix. Alors il n'avait plus le droit de se défiler. Il devait avancer coûte que coûte, pour que le prix du sang n'ait pas été versé pour rien. Mais plus il avançait, plus les flammes le consumaient. Vengeance, colère. Haine.


"Du répit. Paix. Liberté." grogna-t-il, avec dérision.

Pas besoin d'en dire plus, son ton illustrait très bien ce qu'il en pensait. Ces mots étaient balancés par de nombreuses personnes, et leur signification occultée. Ce n'était que de l'encre sur du papier. Rien de plus. Pourquoi diable s'attardait-elle avec lui ? Il ne comprenait pas. Il leva les yeux vers elle, restant sans voix quant à ses derniers propos. Il fronça les sourcils, détourna le regard. Ainsi donc, c'était chose commune. Tous savaient ici ce qu'Oswald était ? Ils le cautionnaient ? Acceptaient cela ? Bande d'enfoirés. Un frisson de rage parcouru son échine. L'assassin serra le poing à s'en faire blanchir les jointures. Il pouvait en vouloir autant qu'il le voulait à cette erreur de la nature, il n'en était pas moins compréhensif. Il avait vu cette chose, il savait de quoi il en retournait. Mais savait-elle au moins pourquoi il était venu ? Et si toutes ces attentions n'étaient qu'une raison pour elle d'étancher sa culpabilité ?


"Lui ? Ce n'est pas moi qu'il faut protéger. Tu sais ce qui se terre au fond de son crâne. Cette chose qui règne en son esprit. C'est lui qu'il faut sauver, Lilou. Lui qu'il faut sauver avant qu'il ne se consume tout seul." répondit-il, faisant fi de ses prétentions quant à le faire basculer de son propre côté.

Il affronta le regard de la jeune femme, le sien s'embrasant à nouveau, à la mémoire des séances avec Oswald. Certes, il n'hésiterait pas à le neutraliser s'il en avait l'occasion. Mais il ferait cela sciemment en sachant qu'il aurait pu l'aider. Ce n'était plus une chose dont il s'encombrait à présent. Double Face avait dépassé les bornes, et il avait poussé Rafael hors des siennes. Nul sacrifice ne serait trop grand pour débarrasser le monde de ces engeances diaboliques. N'avait-il pas fait le sacrifice le plus grand, en abandonnant son existence à une simple idée ? Alors nulle pitié n'était nécessaire. Cela valait aussi pour elle. Elle qui savait, et n'avait rien fait.


"Pour sauver le monde." lui répondit-il, la regardant droit dans les yeux.

Le pire, c'était qu'il était sérieux. Il pensait chacun de ces mots, et c'était là son objectif après tout. Combattre le mal par le mal. Utiliser cette rancoeur dans un but louable. Juguler ses forces dans ce simple but. Que serait-il devenu sans ce crédo, sans cette cause ? Autre chose. Une de ces engeances, peut-être. Ainsi, il n'avait pas le droit de laisser cela se produire pour d'autres. Il devait agir et s'interposer. Les gens ne comprenaient pas la douceur. Ils la piétinaient et s'essuyaient allègrement les pieds dessus. Alors que sa justice, elle était redoutée et assumée. On ne se souviendrait pas de la femme qui avait sauvé tant de gens sur Drum, qui avait évité le pire. Non, on se souviendrait de ceux qui avaient tué Krabbs et ses hommes. De ceux qui avaient annihilé tant de vies.


"Et toi ? Qu'es-tu venue faire ici ? Avec ton ami du Cipher Pol." lui demanda-t-il, sur le même ton déterminé.

Oui, il savait. Et il y en avait un qui risquait de ne pas apprécier cette nouvelle. Ce n'était pas une menace, juste une mise en relief. Elle était venue avec un agent du Gouvernement, débarquant sans prévenir. Il s'en souvenait encore. Alors ce n'était pas innocent. Il y avait quelque chose derrière. Quelque chose qui l'inquiétait suffisamment pour qu'il n'ose se laisser aller à ses soins.

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Ne m’engueule pas.

Paradoxal. L’ordre que tu lui donnes et d’une douceur incomparable. Il contraste avec sa façon de s’adresser à toi. Dans sa voix, tu n’y sens que de l’amertume, de la glace. Dans la tienne, il y a une pointe de chaleur. Une chaleur douce qui a le mérite de calmer simplement, sans brusquer. Tu n’es pas là pour un débat d’idées. Tu n’as pas envie de ça, et ça se comprend. Qu’est-ce que tu peux faire entendre à un type comme lui ? Il est sourd, borné, il n’entend que ce qu’il veut bien entendre. Tu as l’impression qu’il ne sélectionne que certain mot pour former ces propres phrases dans sa tête. C’est ça, la folie ? Mh… Tu es peut-être pareil, dans le fond. Mais ce n’est pas le sujet.

Qu’est-ce que je dois faire, moi, hein ? Qu’est-ce que je dois faire ? Je viens de débarquer ici, je ne connais que Salem, je n’ai aucun lien d’amitié avec les autres membres de l’équipage. Alors quoi ? Je leurs mets le nez dans la merde en leurs disant « hé, les gars, Oswald est un gros psychopathe qui aurait une double personnalité encore plus psychopathe, qu’est-ce qu’on fait ? Comment ! Vous n’avez pas gérer la situation ? » ? Histoire de bien travaillé avec eux à l’avenir, et de poser les bases d’une relation tout à fait saine.

Oui. Ici, tu es impuissante. Et ça fait mal de l’admettre. Il ne te manque pas grand-chose, peut-être, pour remettre ça dans le droit chemin. On peut s’interroger sur ce qu’est le droit chemin… Tu en as ta propre conception, toi. Et Rafael a la sienne… Alors… Tu as juste besoin de temps pour amputer, cautériser, reconstruire. Tu sais faire, ça. Mais comme un médecin, il te faut d’abord analyser pour ensuite intervenir.

Je fais quoi, alors ? Je fais comme toi ? Je le tue ? J’abrège ses souffrances ? Tes souffrances ? Comme ça, je guéris Oswald plus rapidement. Et si jamais son cas est curable, et bien, j’aurais cas dire « tant pis, hein, c’est dommage, mais il était dangereux vous comprenez… ». Ou mieux. Je le coupe en deux !…

Etrangement, ta voix s’emplit d’ironie. Tu ne te savais pas si sarcastique. Mais il faut le dire, tu n’es pas du genre expéditive, comme lui. Tu n’abandonnes pas l’espoir qu’un jour, tout ça guérisse. Et tu ne peux pas y aller les yeux fermer. Du temps, encore.

Non, désolée. Je ne sais pas ce qui se terre dans son crâne. Je ne saurais pas dire ce qu’il est. Ce qu’il fait. A qui j’ai à faire. Je ne veux pas le savoir non plus. Mais vraisemblablement, personne n’est capable de s’occuper de lui, ici. Je ne prendrais pas le risque de faire quoique ce soit sans en savoir plus.

Après tout. Toi aussi tu veux sauver le monde, non ? Ton monde. Mais un peu celui des autres. Parce qu’ils font partie de toi. Malgré tous tes efforts pour les mettre à l’écart.

Il me faut du temps. Je ne peux pas faire d’erreurs.

Mais des erreurs, tout le monde en fait. Toi la première en essayant de ne surtout pas en faire. Tu as la hantise de te tromper, n’est-ce pas ? Comme là. Tu sais que tu t’es trompée sur ce type. En beauté, même. Mais t’es quand même là, à te tenir devant lui en espérant que quelque chose se fasse de lui-même… Comme si c’était si simple. Tu ne peux pas sauver tout le monde, Lilou. Et lui, il est déjà loin, aux portes de la mort, même. Il te fera plus de mal que toi tu lui feras de bien. Et quand il aura détruit tout ce qu’il touchera… Qu’est-ce que tu feras ?

Pour Enzo… Qu’est-ce que ça peut te faire ? Pourquoi il t’inquiète ? Enzo est là… était là… pour veiller sur moi, selon les ordres de mes supérieurs. Je suis nouvelle dans la branche scientifique, Enzo devait me protéger et s’assurer de mes motivations et capacités. Je me suis retrouvée affectée au Léviathan pour le remettre en état et il m’a suivi, selon sa mission.

Dis-lui. Pour une fois, rien ne tourne autour de lui. Pour une fois, Enzo ne gravite pas autour de sa personne. Enzo était là pour toi. Il le sera encore si tu l’appelle demain… Enfin… Peut-être pas demain. Mais quand il reviendra… ça ne sera sans doute pas pour Rafaelo Di Auditore. Ça, non.

Je ne suis pas venue là pour te poser des questions, te comprendre, essayer de te faire changer d’avis sur le monde. Ces discussions, ça m’ennuie. Je m’en fous. Moi, je sais pourquoi j’avance et je n’ai pas besoin de ton accord pour avancer. Tu ne me dois rien, je ne te dois rien… Tu n’as pas à te méfier de moi. Tu devrais le savoir. Je te l’ai dit. Alors arrête ça, ta méfiance, ton agressivité... Toi et moi, on n’est pas des ennemis. On ne vient pas du même monde, mais on est loin d’être différents.
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Rafael soupira de dépit. Pas envers elle, non. Plutôt envers cet équipage, ses manières et ses vices. Il accepta son ordre sans broncher, il ne savait pas sur quel pied danser. Comment savoir qu'elle était honnête ? La voix au fond de son crâne lui dictait de l'envoyer paître, de lui faire du mal. Mais il n'en avait pas envie. Peut-être que les femmes avaient toujours été sa faiblesse. Non, celle-là en particulier. Pourquoi donc ? Parce qu'elle était innocente. Il l'avait connue comme telle. Aujourd'hui, elle se retrouvait de l'autre côté des barreaux. Il ne pouvait pas lui en vouloir dans le sens où il avait une part de responsabilité à l'époque. Elle l'avait percé à jour, mais ne s'en était pas mêlée outre mesure. Cette jeune ingénieure l'avait juste accepté sans demander plus. Pourquoi ne pouvait-il pas faire pareil en cet instant ?

"Soigner ... Parfois, cela revient à amputer. Que feras-tu lorsqu'il tuera encore et encore au nom de sa folie ? Lorsque des innocents tomberont sous sa main, seras-tu toujours là à essayer d'arranger les choses. Aller voir les veuves et les enfants, si elles subsistent encore et les consoler." accusa-t-il, songeant qu'elle devait faire le même parallèle avec lui.

Ce débat était mort avant d'avoir commencé. Cela ne mènerait à rien de s'embourber dans de telles réflexions : la dernière fois qu'il avait discuté ainsi avec un membre de l'équipage, il y avait laissé plus que quelques gouttes de sang. Il savait Lilou incapable de cela. Du moins, il l'espérait. Il l'avait vue courir sauver les civils avec une telle ardeur que cela l'avait presque rassuré. Bordel, pourquoi était-il aussi faible ? Mais elle avait raison, dans un sens. Avant de tuer, d'amputer, il devait déterminé si sa cible exigeait un tel traitement ou non. Le cas d'Oswald apportait une autre vision. Le soigner suffirait-il ?


"Tu as raison. Ne pas agir dans la précipitation. De plus, le gérer n'est pas ta responsabilité." répliqua-t-il, coupant court à tout débat à ce sujet.

Il était las de ce genre de discussion, et parler de son tortionnaire ne l'aidait pas. Il sentait son coeur se gonfler de rage à chaque fois qu'il y songeait. Il sentait son esprit lui imaginer mille tourments, alors que sa conscience prônait de le soigner. Il avait détourné la pince, après tout. Il ne fallait pas oublier ce qu'il avait fait avant non plus. Torturer pour arracher une promesse ... C'était presque risible. Ce n'était qu'un prétexte à ses instincts. C'était Oswald qui avait demandé les instruments. C'était Oswald qui l'avait menacé. Certes, ce n'était pas lui qui les avait réellement manipulés, mais c'était lui qui en avait eu l'idée avant même d'entrer dans la cellule. En un sens, il voyait ce qu'elle voulait dire quand elle disait qu'il était un psychopathe, mais Rafael se demandait laquelle des deux faces était la pire.


"Enzo ? Parce que Salem savait trop de choses sur Drum. Et que j'ai tendance à me méfier de ces Cipher Pol. J'aurais du y penser plus tôt ... hum." répondit-il en secouant la tête.

Il traînait trop près du château, cela ne pouvait être que lui, de ce fait. Il avait du réussir à gagner le pilier et en revenait tout guilleret à dos de lapin des neiges. Enfoiré de gouvernemental. Il était là pour la surveiller en plus ? Pour les capacités, il n'en doutait pas. Mais que les motivations de Lilou furent mises en doute, cela l'intéressait. Ils engageaient tout ce qu'ils trouvaient ? Ou alors, elle devait être plus que compétente. Il l'avait vue face à Reyes. Efficace, monstrueuse. Il n'était pas rendu au point de penser qu'elle l'avait surclassé, mais il la considérait avec un certain respect. Une femme puissante. Une adversaire de taille. Il eut un léger sourire. Avec ses derniers sales coups sur le navire, elle avait du avoir du pain sur la planche.


"Pourtant, nous ne sommes pas dans le même camp. Penses-tu que tes patrons te laisseront longtemps tenir ce genre de discours ?" répliqua-t-il, toujours avec le même sourire.

"Mais ... je te crois. Tu ne serais pas venue ici en essayant de m'amadouer, ce serait peu convenant." continua-t-il, sur un ton qui se voulait neutre.

"Ça va toi ?" lui demanda-t-il, essayant de changer au mieux de sujet en aiguillant la conversation sur un thème plus badin.
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Gharr Hadoc m’a appris à rester ouverte d’esprit. Dans un panier ou il y a une pomme pourrie, toutes les autres ne le sont peut-être pas. Alors… Pourquoi jeter le panier complet ?

C’est l’image qu’il te reste. Que tu sors. C’est la seule que tu trouves assez complète pour exprimer le fond de ta pensée. Rafaelo n’est peut-être pas une pomme pourrie. Oswald non plus. Il y a peut-être encore moyen de sauver le panier. De le donner, de le savourer. Mais pour ça, il faut se faire comprendre, pour ne pas qu’un autre se montre trop entreprenant. Tu le connais, un peu. Intimement, disons. C’est déjà beaucoup. Tu es peut-être la seule à être capable de le voir sous un autre angle. Il n’est pas que Il Assassino, tu le sais. Car sinon, même pour lui, tu trouverais ça triste.

Je ne fais que ce que je veux. Je suis comme ça. Qu’il y ait des interdits, des tabous, tout ça… Je n’ai pas de rapport à faire si j’adresse la parole à un prisonnier. C’est entre lui et moi.

Tu souris. Il devrait le savoir, non ? Il t’a déjà vu faire. Il t’a déjà vu l’accepter, le prendre comme il était sans te soucier du reste. Toi civil, toi marine, tu penses que ça ne change pas grand-chose à la donne. Tu es peut-être trop idéaliste. Ça te perdra, Lilou.

Tu t’y perdras.
Ou il te perdra.

Surtout à mon prisonnier.

Au moins les choses sont dites. Il sait pourquoi il est là. Il sait pourquoi ses frères ne l’ont pas sauvé. A cause de toi. De ta volonté. Sa liberté n’a tenu qu’à toi et tu as tranché pour lui. Tu t’en veux, peut-être ? Tu peux. Mais tu te raccroches à ce que tu peux. Aux branches. Rafaelo Di Auditore n’est qu’un criminel. Il te l’a prouvé, non ? Plusieurs fois. Il s’est attaqué à ce que tu devais protéger. C’est un juste retour des choses.
Mais le reste. Tu ne sais pas quoi lui répondre. Tu ne sais pas si tu dois lui répondre.

Tu ne vas pas bien. Personne ne va bien. Il y a comme quelque chose de gravé au fer rouge. Tu as l’impression de le sentir, dans ton dos. Une marque que tu garderas à vie, de l’après Drum. De ces histoires. D’eux. Comme de lui. Mais ça, qu’est-ce qu’il en a à faire ?

Si ça va ? Mh… J’ai…

Lui dire la vérité ne le ferait que jubiler. Ne l’oublie pas Lilou. Il n’est pas ton ami. Il ne le sera jamais. Il y a en lui un truc ancrée, jusqu’à l’âme, qui lui fait penser que quiconque ne pense pas comme lui ne sera jamais un de ses proches. Et vu que personne ne pense à sa manière, il sera toujours seul. Ne t’y perds pas, Lilou. Ne sois pas idiote à ce point.

… Tellement de travail. Avec Drum, le Léviathan que tu as failli détruire, l’armure endommagée,... Je n’en vois pas le bout. Je suis épuisée. Rajoutons que je n’arrive pas à dormir à cause de Jenkins et ses bêtises…

Tu marques une pause. Vrai, tu as du mal à réfléchir. La fatigue n’arrange pas les choses. Et lorsque tu peux dormir, c’est le sommeil qui ne veut pas de toi.
Décidément.

Mais oui, ça va. J’ai trouvé un endroit où je pourrais faire de grandes choses, être moi, faire ce que j’aime. Ça fait du bien d’avoir une « maison » ou revenir.

Le concept est abstrait. Même pour toi, pas vrai ?
Mh…
Tu ne pensais pas ça possible… Un endroit où on voudrait bien de toi. Pour longtemps. Ou tu ne pourrais pas t’enfuir. Un endroit où, même si tu t’enfuyais, on t’accueillerait à bras ouvert lorsque tu reviendrais… tu crois que Salem a tout ça à t’offrir ?
Oui.
T’espère.
Peut-être qu’avec le temps, j’y serais chez moi.
De gré, comme de force, pas vrai ?
S’il n’y a pas de place pour moi, je m’en ferais une.

Hinhin.

Tu ne crois pas ?

Et toi, elle est où, ta maison ? L’endroit où tu voudrais revenir ? Tout le monde en a une, non ? Et la tienne, alors ?

Si tu étais libre, qu’est-ce que tu ferais de bien ?

Tu te demandes ce qu’il a prévu pour le monde ? Tu attends de voir s’il a des projets. Pour lui, comme pour les autres. C’est ce qu’il te reste de Gharr. Toujours faire au mieux, avec ce qu’on a. Toujours tenter de voir plus loin. Le Samourai a déteint sur toi. Plus que tu ne le voudrais. Il y a quelques années, tu n’aurais pas su contenir ta rage. Tu n’aurais pas su regarder plus loin que ta colère. Tu n’aurais pas su te tempérer. Tout noir, ou tout blanc. Rien d’autre. Mais tu sais qu’il y a du bon à prendre partout, qu’il faut composer avec. Qu’il faut accepter ce noir pour pouvoir ensuite le canaliser.

Alors tu cherches à savoir si tu peux faire quelque chose d’autre pour le monde.
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"En effet, Lilou. En effet. Alors tu jettes simplement la pomme pourrie, et tu attends de voir si la corruption s'étend. Alors là, tu jetteras la suivante. On ne peut juger de la corruption sans qu'elle soit avérée." répondit-il, doucement.
 
N'était-ce pas là sa manière de procéder ? Sauf que jeter était un bien grand terme, bien entendu. Ah, on ne voyait toujours que les activités d'assassinat. Jamais les menaces, les mises en garde. Toujours les morts. On ne s'interrogeait que peu souvent sur les évènements qui en découlaient. Mais elle ne comprenait pas. Non. Il ne parlait pas de jeter le panier, seulement d'en effectuer un tri. Certes, il dénigrait le panier, qui ne faisait rien pour se prémunir. Mais il ne le jetait pourtant pas dans son ensemble. Il ne faisait que le traiter. C'était peut être expéditif, certes, mis cela marchait dans une moindre mesure. La corruption s'étendait si facilement ... Il la laissa parler. Ils avaient des antécédents, leurs rapports n'étaient pas similaire à ceux qu'il entretenait avec le reste de l'équipage. Pourquoi cela changerait ? Elle avait presque réussi à l'apaiser, en prenant tout simplement soin de lui. C'était un concept étrange à ses yeux. Agréable, pourtant. À vrai dire, depuis quand quelqu'un ne l'avait pas pris en pitié ? Pas de cette manière dégradante, non, mais dans un aspect plus salutaire. Une forme d'affection. Cela devait remonter aux premières années de sa vie. Pathétique.
 
Prisonnier ? 'Son' Prisonnier ? Il leva un regard interrogateur vers elle. Ses pupilles se rétrécirent sous le coup de l'émotion. Quelques secondes s'écoulèrent sans qu'il ne profèrent un mot. Il avala sa bouchée, sans lâcher du regard la jeune femme. Si elle l'avait embarqué, cela voulait dire qu'il n'avait pas été abandonné ? Cela voulait dire qu'on ne l'avait pas laissé mourir ? Toutes ces nuits à remâcher son désespoir, à maudire ses traîtres de frères. Ceux qui n'avaient pas pris la peine de le secourir alors qu'il avait mis sa vie en jeu pour eux. Ceux qui n'avaient pas jugé utile de l'informer quant à leur plan dévastateur ... Mafaele. Ombre. Les deux qui figuraient sur sa liste à présent. Ombre, leader responsable de ce chaos. Mafaele, instigateur en chef de cette escroquerie. Les deux étaient de mèches. Les deux avaient quelque chose à jouer dans son infortune. Et maintenant, la rouquine venait de s'y faire une place en or. Le poing de l'assassin se serra. Pas même capable de briser la pomme qu'il tenait. Sa faiblesse était insultante, et plus encore. Il réprima ses premières paroles. Il ferma les yeux, détourna la tête, inspirant profondément. C'était donc pour ça, ce climat qu'elle cherchait à instaurer ? Pour mieux lui avouer, pour mieux le duper. Il inspira encore, cherchant à conserver son sang-froid.
 
"Ton prisonnier." reprit-il, glacial.
 
Il la laissa parler, retenant ses émotions. Trop violentes pour cette cage. Ce ne serait pas par la violence qu'il se vengerait. Non. Tout était de la faute de cette femme ... Elle paierait. Elle lui parla de ses soucis. Choses qui passaient à des lieues au-dessus de sa tête.
 
"Bêtises ? Oswald et ses bêtises ? Bon Dieu. Tu savais depuis le départ. Tu m'as enfermé, tu m'as privé de la seule chose qu'il me restait encore et tu m'as livré à cette bête ?" continua-t-il, toujours aussi froid.
 
Aucune nuance dans sa voix. Juste un ton neutre. En temps normal, il se serait emporté, aurait juré et frappé. Mais là, c'était un stade au-dessus. Quelque chose au-delà de la colère. Un mélange de haine et de rancoeur mêlés en un tout forgé dans la glace. La tempête qui animait son âme était trop violente pour être exprimée par des mots. Des images de ses propres mains serrant la gorge de Lilou fusèrent dans sa tête. Il pencha la tête sur le côté, ferma les yeux pour les chasser.
 
"Tu en meurs d'envie Rafael ... tu en meurs d'envie ..." lui susurra la voix, goûtant avec malice à la malveillance de l'assassin.
 
Occultant cette insidieuse voix, il fit comme si de rien n'était. Rapidement, il la sentit comme submergée par sa propre volonté, jusqu'à se taire au fond de son crâne. Hum. Une bonne chose de faite. Il avait un contrôle sur cette émanation. Cette chose qui lui criait qu'il était un monstre. Ça, il voulait bien le croire. Il inspira, chassant cette envie de bondir sur la rouquine et de lui faire payer. Il serra les dents, supporta.
 
"Les grandes choses. Tu le feras sur le dos d'autres. Tu n'es pas si différente. Toi, toi et toi. Je comprends mieux." répliqua-t-il, délaissant toute trace de sympathie, s'il en restait encore, dans sa voix.
 
"Il y a des choses, aussi improbable que cela puisse te paraître, que l'on fait au sacrifice de soi." grogna-t-il, acerbe.
 
"Cette maison, je m'en suis interdit l'accès à jamais. Pourquoi donc ? Parce que j'ai décidé de me battre pour ceux qui n'en avaient point. Alors mes désirs quant à ma liberté ... ils sont évidents. Vous faire tous brûler dans les flammes des neufs Enfers." poursuivit-il, la regardant droit dans les yeux.
 
"Faire les choix les plus sombres pour que d'autres n'aient pas à les faire. Pour que les gamins restent toujours innocents et n'aient pas à voir leur mère ou leur père tomber sous le coup des tyrans et des profiteurs de ce régime où tu veux faire de grandes choses. Parce que soigner, c'est bien mignon. Mais ce n'est pas de soins que les gens ont besoin : c'est de nourriture, de vêtements. De maisons. Et rester les bras croisés en roulant pour sa pomme, ça ne changera rien. Oh, certes, tu as sauvé quatre civils sur Drum. La belle affaire. Dis-moi, combien d'hommes as-tu libérés des chaînes de l'esclavage ? Contre quelles injustices t'es-tu dressée, en levant le poing ? Ah non, excuse-moi, si c'était le cas, jamais tu n'aurais eu ce poste. Et cette possibilité de faire de 'grandes choses'. Même Salem a sa dose de pourriture en lui : t'as-t-il parlé de ce qu'il s'est passé lorsque sa femme est morte ? Non, bien entendu. Ce genre de chose n'est pas bonne pour sa réputation. Pas étonnant que des gars comme Lazar ou Jenkins puissent évoluer tranquillement ici-bas." continua Rafael, d'un trait.
 
Il laissa la pomme entamée rouler hors de ses barreaux, préférant les affres de la faim à la pitié de celle à cause de qui il était là. Si son ton avait été glacial, il s'était enflammé à présent, et des flammes brûlaient au fond de ses iris. Si ses fers n'entravaient pas ses pouvoirs, nul doute que la pièce aurait été emplie de fumée noire en cet instant. Ce qui était présage de mauvaise augure dans le cas de l'assassin.
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<blockquote>FERME LA !

L’ordre tonne. Tu hurles. Tu hurles, mais tu ne sais pas d’où ça te vient. Tu ne peux plus l’écouter, tu ne peux plus l’entendre. Ces images qui te reviennent, elles te dégoutent. De toi. Mais pas les images qu’il te montre. Parce que celles-ci ne te correspondent pas. Ce n’est pas toi, qu’il désigne. Ça ne l’a jamais été. Il réveille juste d’autres choses, qui font plus mal, parce que ces choses sont réelles, palpables. Tu en sens encore les marques. Tu en as encore les cicatrices. Tes os en gardent un souvenir impérissable.
Et lui, tu ne l’as jamais vu dans ton enfer.

Pitié, Rafaelo, Pitié.

Je te l’avais dit. Il ne sait que faire mal. Il ne sait que tuer. Détruire. Piller. Mentir. Juger. Il veut reconstruire un monde sur une terre qu’il aura rasé lui-même. Un monde à son image, pas vrai ? Alors, là… Tu exploses. Au sens propre, comme au figuré. Il y a quelque chose en toi qui n’en peut plus d’écouter ces bêtises, qui en a assez de s’en prendre plein la poire. Tu es venue en amie. Tu es restée en amie. Tu repartiras comme tu es venue. Et c’est peut-être ce que tu veux faire comprendre. Mais ses mots te renvoient à la figure d’autres choses.

Epargne-moi ta paranoïa, épargne moi tes grands maux et tes grandes paroles ! Tes discours ô combien éloquents, tes actions ô combien bienfaitrices ! Tu me fais rire ! Non, je n’ai pas libéré d’esclaves, certes… Mais je n’ai jamais tué personne. Je n’ai jamais eu à le faire. Et tu sais quoi ? J’ai la conscience tranquille. Mais toi. Toi, tu l’ouvres. Toi, tu es un grand homme. Toi, toi, toi. Toi, tu n’étais nulle part où j’étais. Toi, tu ne sais pas où j’ai grandi. Toi, tu ne sais pas qui j’ai fréquenté. Toi, tu parles sans savoir de quoi tu parles. Parce que dans mon enfer, là où j’ai crevé de faim et de froid, je n’y ai jamais vu ton sourire. Et je n’y ai vu aucun des tiens pour me sauver la vie. Toi, t’as juste à t’écraser au lieu de te permettre de me juger.

C’est cette colère qui monte, en même temps que la pression sur tes épaules. Tu ne la ressens pas, parce que tu es lancée dans ces paroles, dans cette diarrhée verbale qui t’embarque. C’est du toi que tu vomis, c’est ta peine que tu craches. Tu ravales tes larmes, tu les troques contre plus de colère. Parce que ça te dégoute, ce qu’il dit. Parce que ce n’est pas toi, qu’il dépeint. Parce que ça te met la haine qu’il ose parler de toi sans te connaitre. Après tout, lui, n’a jamais rien fait pour toi. Lui, n’a jamais levé le petit doigt pour toi. Lui, ne t’aurais pas laissé vivre s’il t’avait trouvé, gisant presque morte sur un coin voué à exploser.

Tu n’as jamais mis les mains dans la merde, Rafaelo. Moi, je te parle de la vraie merde. Je te parle de là d’où je viens. Tes grandes actions ? Mais quelle grande action ? Combien d’esclaves tu as libéré, toi ? Dix ? Vingt ? Cent ? Et pour quoi tu t’es fait connaitre, rappelle moi ? Tes meurtres ! Tes bavures ! Alors, non. Non, ne viens pas me voir avec tes jugements expéditifs, avec ton arrogance, ne viens pas me cracher à la gueule, me mordre quand je te tends la main ! Parce que moi, je sais ce que je connais de toi, et je n’ai jamais prétendu plus. Toi, tu crois savoir ce que je suis parce que tu m’as rencontré une fois, et qu’on a couché ensemble. Mais toi, tu ne sais rien… Alors ferme-la.

Virulente, forte, tranchante. Cette pression s’abat sur lui, comme sur toi. Elle te sert le cœur, te donne mal dans la poitrine. Tu te dis que c’est toi. Que ça vient de toi.
Oui, ça vient de toi. Mais pas comme tu le penses.

Tu n’es pas mieux qu’un autre ! Tu te caches derrière ta cause pour tuer librement ! En pensant que ça te donne un mobile tout à fait crédible. Mais arrête-toi. Arrête-toi tout de suite. Tu ne vaux pas mieux qu’un Jenkins, ou qu’un Lazar. Tu parles de moi, mais mes mains sont propres. Elles n’ont fait que nettoyer le sang d’un autre en espérant que ça ne soit jamais le leur. Mes mains sont là pour créer, construire, reconstruire derrière ce que TOI, tu détruis pour le plaisir.

Tes mains, tu les montres. Tu les montres parce qu’elles n’ont jamais tué. Car depuis que tu es née, tu les as voué à construire. A aller au-delà de ce que tu peux faire. Au-delà de l’impossible, de ton imagination même. Si parfois elles ont servi à frapper, elles n’ont jamais tué. Elles ont comblé. Elles ont eu un rôle qu’aucune enfant n’aurait dû avoir.

Regarde les corps croupissant que tu laisses derrière toi, et ose venir me dire que tu fais le bien. Ose seulement. Tu as la délicatesse d’un pachyderme en rut, la discrétion d’un bulldozer en pleine action. Mais ce qui est le plus drôle, c’est que tu te permettes de me regarder en face, de me dire ce genre de choses sans savoir mon nom, et surtout, sans même jeter un coup d’œil sur ce que tu fais, toi. Ta cause, elle n’est jamais venue me chercher. Salem, Gharr, Yoru, eux… Ils l’ont fait. Ils m’ont accepté et accueilli pour ce que j’étais. Ils m’ont donné une chance.

Ton nom, tu veux qu’ils s’inscrivent au milieu des autres. Ton nom. Qui tu es. D’où tu viens. Tout ça il n’en sait rien. Et ça te rend encore plus folle qu’il ose en parler. Qu’il ose prétendre savoir quoi que ce soit sur toi. De ses bonnes actions, tu n’en as jamais vu la couleur, ni l’écho. Tu t’étouffes. Tu t’asphyxie de colère.

Je n’ai volé qu’aux voleurs, je n’ai menti qu’aux menteurs. Mais je ne les ai jamais jugé pour ce qu’ils sont, parce que la seule personne, si elle existe, capable de le faire, c’est Dieu. Et toi, tu es loin d’être Dieu. Alors, non, pitié, épargne-moi tes grands mots. Epargne-moi tes promesses d’avenir heureux, en me disant que tu le fais pour qu’un autre n’ait pas à le faire à ta place. Tu le fais parce que tu le veux bien. Et tu le fais quand ça t’arrange bien.

Tu reprends ton souffle, qui se coupe, se saccade, se perd. Et tu as encore tellement de choses à dire. A faire comprendre. Tu sens sa poitrine s’oppresser, tu sens tes entrailles se tordre. Tu sens la tête te tourner. Mais tu dois encore lui dire.

Dis-lui.

J’épargne au monde un homme qui ment et que tue pour le plaisir de tuer et de mentir. Tu es mon prisonnier. Je te le dis, parce que ça n’a aucune incidence sur ce que je pense de toi. Ce que je pense de ce que tu fais, de ce que tu peux vraiment faire de bien. Parce que je n’en ai rien à foutre que tu le saches. Et que je te le dise, ou non, ne change rien au reste. Si je ne t’avais pas ramené, personne ne l’aurait fait.

C’est la vérité, qu’il veut. Il l’a. C’était sa liberté, contre sa vie. L’une, il peut la regagner. L’autre, on ne la joue qu’une seule fois. Elle est précieuse. Ça, tu le sais.

Je ne t’aurais pas laissé crever là-bas…

Et tu t’arrêtes. Enfin, tu t’arrêtes. Et tu réalises que ton propre souffle est saturé, que l’air de te provient plus. Tu réalises que tu sues à grosses gouttes

Je…

Tu te plies, tu t’accroches aux barreaux, tu te tiens les côtes en espérant que ça passe. Et c’est là, que tu sens les larmes monter, couler. C’est la douleur qui te crève. C’est cette pression qui émane de dieu sait ou qui te fait mal.

J’étouffe…

Quand on étouffe, on ne crie plus.
</blockquote>
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Et elle demande pitié. La rouquine demande pitié. Quelle ironie. Douce et profonde ... t'aime ça, hein Raf' ? Jouer avec les mots, ça t'a toujours plu. Ton petit faible, cette manie d'aller plus loin qu'avec une lame. Car on n'arrête pas une idée, même après une décennie elle peut encore vous ronger. Tu en sais quelque chose, assassin. Meurtrier. Tortionnaire. Oh. Tu ne te défends plus, à présent ? Les mots qu'elle t'envoient, ils résonnent en toi. Tu les sais vrais, pour la plupart. Mais à présent, tu es là de les voir te reconnaître tel que tu te penses. Ils ne comprennent pas, ne comprendront jamais, c'est ce que tu te dis, hein ? Mais moi, moi je te vois. Tu me rejettes, tu n'est pas même capable de t'assumer. Je suis ta voix intérieure. Celle que tu n'aurais jamais du écouter. Pourtant, tu cèdes si facilement à toutes ces pulsions ... Dis moi, qu'est ce que ça fait de tuer un homme ? Oui. C'est ça. Rien. Personne ne te croit. Ton regard lorsque tu détruis une vie, jubilant au nom d'une cause désuète. Pourquoi ne pas faire le choix de tout risquer pour elle ? Pourquoi penser garder une étincelle d'humanité ? Non. Tu n'es pas différent d'eux. Tu te voiles la face. Seulement, tu n'es pas prêt à l'admettre. Mais elle a raison. Et tu sais pourquoi ? Parce que lorsque le monde renaîtra de ses cendres, il ne leur restera plus qu'une seule chose à haïr. Toi.
Et je les ferais souffrir comme jamais, pour que dans la douleur ce monde m'abhorre et me détruise. Alors, seulement, la leçon sera acquise et le peuple vivra en paix.
L'assassin leva les yeux vers Lilou, Sa rancoeur n'avait pas disparu. Un sourire insolent trônait sur ses lèvres. Il fit glisser ses chaînes, glissa sa main sur les bandages qui maculaient son épaule gauche. Tremblant légèrement, il s'empara du tissu et le tira, révélant ses blessures et une ancienne cicatrice, posée au fer rouge sur son épaule. Deux initiales, au dessus du sceau royal de Goa. Deux traits de chair cicatrisée barraient le sceau, mis en exergue par la crasse et le sang dont il était maculé. Une marque d'esclave. Qu'elle parle de douleur, de faim. De froid. Cela le faisait doucement sourire. Ce n'était pas parce qu'on ne l'avait pas aidée qu'elle ne pouvait se permettre de rejeter tout ceci en bloc. Elle avait une grande idée d'elle-même, il le sentait. Cette gamine qui avait tout surmonté, tout bravé toute seule ? Et maintenant, elle voulait sa maison, sa sécurité. Il entendait presque la petite fille pleurer derrière ces paroles. Cela n'était pas pour l'attendrir, mais lui donner à réfléchir. Peut-être n'était-ce que ça, après tout ... un caprice de jeune fille.
"Aurais-je touché un point sensible ?" répliqua-t-il, se rapprochant des barreaux.
"Sais-tu quelle est la meilleure façon d'être certain de la valeur morale de ses objectifs, Lilou ? C'est de mettre les mains dans la merde, jusqu'au coude et plus encore. Alors je me dis que quelqu'un qui a vécu ne serait-ce qu'un iota de la misère de ce monde ne peut pas décemment rester là, et regarder en secouant la tête. Crois-moi, c'est ainsi que m'ont formé mes mentors. Comment comprendre ceux que je désire aider si je ne souffre pas avec eux ? Alors j'ai été esclave. Alors, j'ai été torturé. Alors, j'ai enduré. Mais tu l'as dit toi-même : tu ne me connais pas. Tout comme je ne te connais pas. Mais tes réactions, tes mots m'en apprennent bien plus qu'une vie à tes côtés. Je n'ai cure de ton passé, seulement de ton présent." lui répondit-il, lui renvoyant son regard.
La pression sembla soudain s'accroître. L'assassin accusa le coup en baissant la tête, sentant sa cage thoracique se comprimer. Manquant d'air, il ouvrit la bouche et s'y reprit à deux fois pour respirer. La faiblesse du granit marin devenait de plus en plus persistante, certainement. Mais il ne se laisserait pas abattre. Il releva son regard vers elle, contempla ses mains. Avec un sourire malsain, il revint vers les siennes. Des mains qui avaient tué. Qui avaient détruit. Des mains qui avaient eu un rôle qu'aucun enfant n'aurait du avoir.
"Quand ai-je proclamer le bien ? Je ne fais pas le bien. Je tue. Depuis quand tuer est un geste citoyen ?" ricana-t-il, sentant la voix jubiler au fond de lui, vibrant de voir Rafael accepter cette vérité.
"Mais il y a une chose que vous omettez de voir, une chose qu'il ne sert à rien de discuter avec vous.  Car si tu mens aux menteurs, je tue les meurtriers. En espérant qu'un jour, je serais le dernier que l'on devra tuer. La vérité, à n'importe quel prix Lilou. La vérité sur Oswald, la vérité sur toi. La vérité sur moi. Je n'ai rien à cacher, j'assume. Car je ne mourrais qu'à la toute fin : cela sera ma dernière offrande au nom de la cause. Je leur offrirais la rédemption. Un héros surgira des ténèbres et guidera les hommes. Je ne cherche pas à inscrire mon nom sur un panthéon doré, comme tu sembles si bien le dire. Je serais le mal que chacun combattra. Et un jour, lorsque je ne serais plus que la dernière ombre au tableau, je laisserai le monde détruire le mal. N'est-ce pas ainsi la meilleure manière de faire ? Les sauver, puis leur offrir un ennemi commun ?" continua Rafael, oscillant entre vérités et non-dits.
Que pouvait-elle comprendre à cela ? Plus ils parlaient, plus la tension s'accentuait entre eux. Palpable, trop. Comme si elle devenait réelle et oppressante. Il ne s'attendait pas à ce que Lilou se rende compte que ses paroles n'avaient aucune incidence sur lui, pas depuis que Oswald avait brisé ses derniers liens avec le crédo. Certes, c'était toujours ce qui le guidait, mais il avait compris bien des choses. Ce n'était pas en leur montrant la vérité qu'il guiderait les gens vers le salut. Non, il fallait leur donner une chose à haïr, à détruire. Il se rendait bien compte que si ses actes étaient perçus positivement, ce n'était que parce qu'il influençait un changement désiré. Mais un jour, le monde se retournerait contre lui, et tout cela n'aurait servi à rien. Non, il lui fallait faire la chose dont personne d'autre n'était capable. Libérer le monde, dans un premier temps. Puis le forger pour que plus jamais cela ne se produise. Et c'était pour cela qu'il était seul. Parce que ce choix, personne d'autre ne l'approuvait. Parce qu'ils désiraient le détruire plutôt que le comprendre. On ne pouvait arpenter cette voie sciemment, et pourtant il le faisait. Certes, il retirait un plaisir à faire payer ses adversaires. Il était vindicatif, colérique et orgueilleux. Cela faisait donc de lui un parfait candidat. Un assassin victime de ses émotions. De toutes ses émotions. Un assassin qui pouvait détester. Un assassin qui pouvait aimer. Ridicule constat, Rafael. Pathétique. Mais c'était ça le problème, s'il se jugeait selon son propre crédo, il aurait du être l'un des premiers à mourir. Il avait tant de sang sur les mains ... Mais comme la rouquine le sous-entendait, elle avait été forgée par la misère. Il en était de même pour lui. Il était devenu une arme. Une arme qui se posait bien trop de questions. Cela ne pouvait mener que sur une pente fatale.
Elle avait réussi à le pousser à parler, en fin de compte. Mais il ne s'attendait pas à ce qu'elle comprenne. D'autant plus qu'il commençait à suffoquer, come si une chape de plomb s'abattait sur ses épaules. C'était encore plus puissant lorsqu'il croisait son regard, ressentait cette force inébranlable qui coulait en elle. Oh. L'assassin arqua un sourcil, relevant avec difficulté la tête. Elle ... pleurait ? Cette pression, ces yeux inquisiteurs. Il le sentait, le savait. Peut-être pour ça qu'il s'était arrêté en cette sinistre soirée à Tequila Wolf. Une Reine ? Pas au sens féodal du terme, non. Mais il ressentait ce fluide qui l'enrobait, tentait de le soumettre et de le faire choir. Mais il était trop trempé pour sombrer. Il frissonna, et s'avança, tendant la main. Elle glissa, s'affala et il la rattrapa. Pourquoi avait-il fait ça ? Il n'en savait rien. Et ça l'énervait d'autant plus. Ses paroles avaient frappé droit dans son ventre. Liberté contre vie. Etait-ce vrai ? Non. Certainement pas. Céline serait venue le chercher, elle n'avait pas agi parce que la Marine s'en était mêlée, voilà tout. Mais ... Lilou avait-elle simplement agi par bonté de coeur ? Cela lui serait fatal, un jour. D'autant plus que cette bonté n'était pas aussi spontanée qu'elle semblait le dire. Il n'était pas utile de tuer pour être mauvais. Il en savait quelque chose. Bon nombre d'esclavagistes se targuaient de cette étiquette, de ne pas être des meurtriers. La chaîne qui maintenait son bras racla contre les barreaux, l'empêchant d'aller plus loin. Il la retint de justesse avant qu'elle ne se blesse.
"Respire. Reprends le contrôle de tes émotions." lui ordonna-t-il, se retenant de trembler sous l'effet du haki combiné au granit marin.
Il ne savait pas réellement comment gérer ça, juste une idée. Tout comme il ne savait pas pourquoi il la soutenait en cet instant. Les larmes d'une femme avaient d'étranges pouvoirs.
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<blockquote>Respire. Reprends le contrôle de tes émotions.

Reprendre le contrôle ? Il te fait rire. Enfin, si tu pouvais rire, tu le ferais. Toi ? Perdre le contrôle ? Ça t’était déjà arrivé avant, sans pour autant te plier en deux. Tu n’as jamais eu aussi peur. De quoi ? de toi, peut-être. Parce que c’est de toi que ça vient. C’est de toi que ça émane. Tu n’as pas besoin de chercher du regard. Ce n’est pas de l’angoisse, ce n’est pas de l’hystérie. C’est ta colère que tu sais palpable, inhumaine, qui se diffuse comme une spore qui paralyse. Elle te paralyse. Au-delà de tout ce que tu as pu connaitre. Et tu n’as vécu ça qu’une seule fois… ça… Tu ne peux pas l’oublier.
Avec ton père, la première fois. Dans ce bar miteux en compagnie de tous ces rustres qui avaient fermement décidé de le tuer. Cette pression sur tes épaules, tu la reconnais. Tu le reconnais sans en être certaine, parce qu’elle est diffuse, imprécise, violente, rageuse. Elle est un peu comme toi en ce moment. Bouleversée. Par tous ces retours en arrière que tu t’imposes sans le vouloir. Rien que quand tu penses à ton père, le plomb retombe sur tes épaules alors que tu tentes de reprendre ton souffle.

Reprend ton souffle. Reprend le contrôle de tes émotions.
Je ne peux pas.
Vide-toi la tête.

Mais tu n’y arrives pas, ou peu. Cette pression qui se retire revient instantanément la seconde d’après. Tu te concentres, tu essayes, mais c’est pour l’instant au-dessus de tes forces. Et plus tu retiens tes larmes, moins tu peux respirer. Et lui, là. Lui, en face. Tu ne peux même pas le regarder dans les yeux. Tu sais que si tu le fais, si tu n’arrives pas à oublier sa présence, tu ne t’en remettras pas. Tu as envie qu’il te lâche, qu’il ne te touche plus. A la fois, son soutien est sûr, tu t’y accroches.

Tu m’énerves tellement, Rafaelo. Tellement. Ça. Plus le fait que je ne comprends rien de ce qui m’arrive. Tu me mets hors de moi.

Hors de toi, hein…
C’est ce qu’il se passe.
Tu es hors de toi.

Dans un drôle d’état.

Tu dis ça, sur le ton de la presque plaisanterie. Parce qu’au fond, ces débats t’épuisent, t’agacent, plus qu’autre chose. Tu n’as fait que ton travail. Finalement, qu’il te croit ou pas, ça ne change rien. Tu as fait quelque chose pour le peuple, qu’il le veuille ou non. Tu l’as empêché de nuire. Et ça, il ne te l’enlèvera pas. Tu finis par t’accrocher, à le tenir par la main, en glissant progressivement vers le sol en évitant de te blesser. Tu te recroquevilles et tu attends que ça te passe. Car il faudra bien que ça passe. Ou quand tu perdras connaissance, peut-être que ça s’arrêtera…
Mais pas besoin d’aller dans ces retranchements, car progressivement, à force de te forcer à respirer, à réaliser, à comprendre, tu reprends le contrôle. Les mots tournent dans ta tête, tournent et tournent et tournent jusqu’à faire écho. Ils tournent et ricochent, jusqu’à te convaincre de ce qu’ils disent. Tu parviens à prendre une grande inspiration, à te calmer. Et alors que ça passe, tu relèves soudainement la tête pour plonger tes yeux dans ceux de Rafaelo.

J’ai juste besoin que l’histoire se termine bien.

Et tu y penses, à ces mots. Et plus tu y penses, plus tu y entends l’écho d’un autre homme que tu as croisé plus d’une fois. Et à Rafaelo, tu lui diras la même chose.

Tu es comme lui. Comme Tahar Tahgel. Pas de la même manière, mais vous pensez pareil.

Un maigre sourire né sur tes lèvres. Penser à Tahar. Ça te rend bizarre. Ça t’apaise, même. Parce que lui aussi, il est un peu comme toi. Je veux dire, avec son aura violente et ses compétences. Vous n’êtes pas du même bois, c’est sûr, mais au fond, tu te sens proche de lui.

Et tu sais quoi ? Je te dirais la même chose qu’à lui. Je ferais en sorte de changer les choses, et quand ma voix aura assez de poids dans la balance, je mettrais un point d’honneur pour que « ces choses-là, celles de ton monde, celles que tu as vues, subies, ou faites subir peut-être, disparaissent définitivement ».

Tu te relèves. Timidement, mais tu te relèves. En t’accrochant comme tu le peux, avec les jambes tremblantes, la tête qui tourne, les yeux rougis. Mais tu soutiens maintenant ton regard pour faire la différence. Et même si ton corps ne te suit plus après ce passage à vide, tu restes fixe et immuable. D’une voix ferme mais faible, tu lui demandes :

Tu sembles savoir ce qui m’arrive. J’ai peur de le comprendre. Mais si tu m’expliques, je te laisserais tranquille...
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La pression se dissipe peu à peu, s'en va. Il la sent s'apaiser entre ses bras, et l'écho de sa colère s'en va. L'assassin en frémit presque. Il sait ce que c'est, il sait ce qu'elle est en train de devenir. Cela ne pouvait pas être une coïncidence. Ils ne pouvaient se retrouver ici sans raison, pas en cet instant. Cela marquait un tournant, il savait alors que Lilou deviendrait une des grandes de ce monde. Mais comment nourrirait-elle celui-ci ? Là restait la question. Car si elle continuait dans cette voie, ils auraient à s'affronter un jour. L'assassin savait déjà qu'il s'échapperait d'ici, seule la façon dont il y était arrivé avait changé. Alors au final, cela n'importait que peu : on pouvait faire de mauvaises choses pour une bonne raison, non ? Il ne pouvait que comprendre, seul le degré de leurs actions différait. Il sourit en la voyant entre ses bras. Cela lui rappelait une époque où tout était moins compliqué. Un temps où il n'avait pas besoin de regarder ses mains tous les soirs en se demandant s'ils le méritaient tous. Il n'était pas beaucoup plus jeune, certes, mais il demeurait inébranlable. Il n'agissait que d'un point de vue local. À présent, il avait vécu deux guerres, avait fait face aux puissants de ce monde. C'était suffisant pour se poser des questions, à savoir quelle place il avait sur l'échiquier.
Pourquoi ne pouvait-il pas la haïr ? Etait-ce ses paroles ? Ou son contact. Il n'aurait pu le déterminer. Cela aurait été bien plus simple de la neutraliser une fois pour toute. Neutraliser une innocente. Allons donc ... Ce n'était plus une question de crédo. Il n'en voyait tout simplement pas l'utilité. À ce niveau du combat, plus personne n'était innocent. La mort d'un simple civil ne changerait rien à la donne. Alors il pouvait se targuer de mettre le crédo aux oubliettes, ce qu'il avait appris sur Drum. Old Lando, il avait hésité à le tuer. Criminel de renommée, un bon fond mais meurtrier. Idem pour Alleyn. Mais elle ... elle avait le droit de vivre. Pourquoi ? Parce qu'il le décidait. Un instinct. Une chose qui lui ferait toujours retenir sa lame. C'était peut-être le maximum de sentiments qu'il pouvait accorder à une femme. Ce qui était certain, c'était qu'il ne méritait pas plus.
"Je fais toujours cet effet." plaisanta-t-il, doucement, soutenant son regard.
Non, pas ça. Pas encore. Il détourna les yeux, rangeant ses bons sentiments au fin fond de son âme. Un frisson désagréable parcourut son échine. Cette sensation écœurante de faiblesse, de niaiseries. Il inspira, fronça les sourcils. Un instrument ne devait rien éprouver, sinon des émotions capables de canaliser ses actions. Sauf qu'il n'était plus un instrument à présent, juste un homme qui se battait avec ses travers pour accomplir sa tâche. Que tout se fasse pour le mieux, que tout se termine bien. La seule échappatoire serait la mort, lorsque tout serait fini. C'était ainsi qu'il voyait les choses, et cela ne changerait jamais. Qui tuait par l'épée, périssait par l'épée.
"Le pirate ? Violeur ... pilleur ... Tueur. Est-ce ainsi que tu me vois ?" s'étonna-t-il, avec un fond de colère lorsqu'elle prononça le nom de Tahar.
Elle termina sa phrase, il ne répondit pas. Penser de la même manière ? Il voulait quoi, devenir la némésis de ce monde pour le dresser dans un but commun ? Pourquoi donc le faire en laissant les mêmes bases de ce monde ? Cela s'était déjà produit par le passé, entre penser et faire, il y avait une sacré distance.
"Penser n'est pas faire. Mais tes paroles sont ... louables. Tu essaies de faire bouger les choses de l'autre côté de la balance. Je pense que cela est impossible. À toi de me prouver le contraire." répondit-il, un léger sourire sur le coin de sa bouche.
Ce n'était pas raillerie. Le granit marin drainait trop efficacement ses forces pour qu'il en soit là. Juste qu'il la pensait utopique, fantaisiste. Une petite fille dans un corps de femme. Qu'elle rêvait d'un Eden impossible à atteindre. Mais il voulait bien la laisser essayer, car lorsqu'elle se rendrait compte que tout ça n'était qu'une chimère, elle ne resterait pas plus longtemps avec eux. Elle se relèverait et ferait face dans la bonne direction. Cela valait certainement le coup de la laisser vivre. Le pouvoir qui naissait en elle ne pouvait être que de bonne augure, un jour elle changerait quelque chose. Et l'assassin ferait en sorte que ce soit dans la bonne direction, essaierait de veiller à ce qu'elle ne soit pas corrompue en route. Redoutant ce qu'il aurait alors à faire.
"Ce que tu as. Ce que tu développes. Seuls quelques élus s'en sont montrés dignes, au cours des différents âges de ce monde. Le Haki des Rois. Je n'avais fait qu'en entendre parler ... mais cela y ressemble trop." trancha-t-il, de but en blanc.
Qu'elle s'en aille. Elle lui donnait trop à penser, et il cela lui renvoyait un triste constat de lui-même. De ses actes et de ce qu'il lui restait à faire. Son âme était définitivement souillée. Alors l'homme devait disparaître au profit de la cause, pour que ses tares ne nuisent en rien au monde. Qu'elle s'en aille et cesse de mettre en exergue ses faiblesses.
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<blockquote>Vous parlez de la même manière, voilà tout.

Violeur, menteur, tueur,… Est-ce de cela dont vous parlez ? Non. Juste des mots. Le même discours. D’un bout à l’autre. Et même si ça peut lui paraitre invraisemblable qu’un monstre comme Tahar parle de la même manière que lui, il lui faut reconsidérer sa position : Et lui ? N’est-il pas aussi monstrueux qu’un Saigneur de passage ? Peut-être que toi, tu vois au-delà des simples actes. Sinon, comment pourrais-tu apprécier la compagnie de Tahar ? Ou même celle de l’assassin en face de toi ? Et puis… Apprécier. C’est un grand mot. Disons… Tolérer ? Accepter ? Oui, voilà. Accepter. Ce n’est rien d’autres que l’acceptation de ces divergences d’opinions. Et puis… tu t’en fous, de son opinion. Toi aussi tu fais ton chemin, tu en as le droit. Tu as le droit d’exister comme tu l’entends, de ne pas te conformer à ce que font les autres. Tu es peut-être dans la Marine maintenant, mais est-ce que ça fait de toi un monstre d’inhumanité et d’égoïsme ?

Non.
Tu as tes convictions. Tu crois pouvoir faire mieux qu’avant. C’est déjà bien assez. Il ne reste qu’à le prouver, n’est-ce pas ?

Prouve-le.

Tu sais en arrivant à Alabasta… Nous serons tous très occupés. Avec les réparations et améliorations qui s’annoncent également pour le Léviathan… Pendant quelques jours, le navire risque d’être… désert.

Tu ne sais pas ce que tu fais. Cela semble anodin, comme ça. Juste sur le ton de la conversation. Entre deux souffles mal pris. Entre deux regards détournés. Tu relèves tes cheveux avec un air nonchalant, essayant d’effacer ce qu’il t’a dit sur le haki. Un soupire t’échappe. Comme lui, hein… Comme ton paternel. Il a fallu que ça t’arrive à toi. Tu ne sais pas ce que ça implique, mais tu as l’étrange impression de recevoir beaucoup trop de ces hommes qui ont fait ton monde. Yumen. Punk. Quand tu y penses, tu as cette sensation qu’ils t’ont marquée encore plus durablement que tu ne l’aurais voulu.

Mais peut-être que ça ne tient pas d’eux. Tu y as pensé ?
Non. Tu n’y as pas pensé. Peut-être parce que tu n’arrives pas à te défaire de ces géants- là. Peut-être que c’est pour t’aider à ne pas être que leur ombre…

Après tout, peut-être que tu mérites une place au soleil. Il l’a dit, non ? « Seuls quelques élus s’en sont montrés dignes ». Pourquoi pas toi ? Tu n’es pas comme ton père, tu sais. Tu n’as pas trempé dans le même sang. Pas jusqu’au cou. Et dans tout ça, peut-être que tu pourras accomplir ton rêve.

Gagner une place. Et faire des choses biens.

Prouve-le.

Prouve-moi que tu n’es pas un vulgaire criminel.

Tu tournes les talons simplement, ne prenant même pas la peine de jeter un regard en arrière. C’est une invitation. Une invitation à retrouver sa liberté. Il ne t’a pas convaincu sur son discours, mais tu espères qu’un autre saura le convaincre de ne pas être que l’ombre de lui-même pour une cause qu’il défend. Il agit, oui. Mais peut-être pas de la bonne façon, tu penses. Peut-être qu’il y a d’autres chemins à prendre avant de foncer tête baissée dans l’un d’eux. Et de se prendre un mur en accélérant de plus belle. Oui, voilà. Tu penses qu’il faut voir plus larges.

Commence par appliquer ce que tu penses, Lilou. Ça serait peut-être une bonne idée.

Je ne reviendrais pas te voir.

Des adieux ? Oui. Voilà. Des adieux. Parce que tu en as trop fait pour deux prochaines années. Que tu ne peux plus de permettre de revenir voir un prisonnier comme ça. Ce n’est pas qu’une question de réputation, c’est aussi une question de… de… de toi. Voilà. Juste. Tu ne peux pas faire ça. Tu ne peux plus te perdre en pensées, en discussions, en élucubration avec un inconnu comme Rafaelo. Tu as mieux à faire, tu as mieux à songer. Tu as du pain sur planche avant d’envisager de sauver le monde.

Profite bien de ce temps de répit.

Tu ne prends plus la peine de t’arrêter, tu te fonds dans l’ombre qui prend déjà toute la place dans les couloirs étroits du Léviathan. Et en t’enfonçant dans cette pénombre, tu sens la fatigue te gagner. L’expérience tantôt t’a épuisée. Vidée la tête.

Il n’y a plus qu’une question qui te trotte dans la caboche…

Est-ce que Morphée voudra bien de moi ?

Bien sûr. Il te tend déjà les bras.
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