Paraît que les mots sont le miroir de l’âme. Les mots ou les yeux, dépend des versions. Dépend des poètes, j’en ai pas connu beaucoup. Les yeux, peut-être. Retournés dans la nuit complète, les miens sont morts. Les fermer, les garder ouverts, ça ne change plus rien. Ils ne contemplent plus rien. Les mots par contre, ça, ça peut pas être complètement vrai. Si ça l’était, j’écrirais rien. Si ça l’était, j’aurais rien à écrire. Mon âme, déjà avant j’ai jamais trop su où elle était. Là, elle est partie. Plus rien à quoi se fixer, je lui en veux pas. C’est ce que je voulais. Je suis vidé, fini, HS. A sec. Pour de vrai. Le caillou a arraché les chairs de mes poignets déjà esquintés par les fers. Il a déchiqueté les veines, ça je l’ai senti. C’était sale, plus que le reste parce que c’était moi. Et maintenant c’est dans mon sang que je baigne, que ma carcasse amaigrie et brisée baigne. Dans mon vrai sang à moi qui s’épanche dans le noir. Paraît qu’on est poussière, j’y retourne à mesure que celle du sol éponge le liquide un peu épais qui goutte et goutte et… Cette fois je me suis pas loupé. C’est bien. Ca m’aura donc pris dix ans, ou vingt, ou trente, mais ça y est. La troisième a vraiment été la bonne. C’est vraiment en train d’arriver. Ca arrive vraiment. Mon cœur ralentit. Déjà mes pieds… Déjà mes… Dé… Sursaut mental, j’aurais dû me douter. J’aurais dû me souvenir. On dit que le cerveau meurt en dernier, même après le cœur qui vient de s’arrêter. On dit que les derniers instants sont infinis, que l’esprit recule l’instant fatal en changeant la perception du temps qui passe, parce qu’il ne peut pas concevoir sa propre fin… Que c’est l’éternité faite reine… J’espère qu’on se trompe. Je la sens enfin. La sérénité. La fin… Je la vois presque… Elle est si proche… Presque là… Encore un peu, juste encore un peu après… Si… Calme, si calme… Ca y est, les sens aussi se taisent. Plus que cette minuscule étincelle à s’éteindre… Et enfin, et enfin ce sera le vide… Laisse-moi… Laisse-moi t’atteindre… Laisse-moi m’éteindre… Depuis trente ans maintenant, depuis trente ans maintenant c’est toi que je cherchais, je m’en rends compte, maintenant… Tout ce temps à marcher à vide, et c’est vers toi que j’allais… Toute cette vanité, dans le monde, tout ce temps à œuvrer à vide… avec la loi… contre elle… dans les ors… dans la fange… Et cette errance de plus après ce dernier sursaut, avec la mauvaise bande, avec Shri… Haha… Si vain, si ridicule… Et ici, encore, toujours, ces sursauts, tout le temps… Et toute cette vanité chez les femmes, ces vides en attente, à remplir pour mieux les assimiler, depuis le bateau, la croisière… et jusqu’à… Jenv… Non, jusqu’à… jusqu’à Lilou, même, oui… Elle et ses propres vides à combler… Elle est ses propres vides… A quoi bon… A quoi bon… A quoi bon les avoir… tués… volés… contentées… Pour au final, encore, toujours, partout, pour tous… cet instant, cet abîme à sauter qui seul échappe à l’inanité de tout… Ah… ces éclairs, ces images… je me rapproche, les derniers soubresauts, le dernier regard sur la vie menée, les derniers souvenirs… et dire que j’étais si fier de t’entendre maman tout à l’heure ou hier ou avant-hier je ne sais plus mais quelle importance alors que maintenant je te vois et hélas je vois mundan aussi derrière toi dans l’ombre de la chambre où il dormait quand il repassait te voir et piquer ce que tu avais gagné à exploiter la ferme des tahgel sa ferme depuis son dernier retour…et dire que j’étais si attaché à ton fantôme jenv alors que tu n’es qu’un souvenir de vide idéal un poids magnifié et la justification la plus facile de tout ce que j’ai pu commettre mais je vois maintenant qui tu es qui tu es vraiment tu n’es rien qu’une morte et moi je vais l’être bientôt aussi mais nous ne serons pas ensemble parce qu’il n’y a rien après et c’est tant mieux car je vois maintenant sans toi et je vois mieux et je vois bien… et enfin penser être libre de ce poids de tous ces poids de tous ces riens lourds comme des mondes des mondes absurdes… et enfin comprendre et entendre et savoir… et refuser au chaos l’énième chaos qu’il appelle non pas de sursaut plus de sursaut pour rien pour rien du tout… le calme pour tous par le calme de tous le calme pour moi… arrêter tout… arrêt… a… .. .