Encore une perm' pour Serena. C'est drôle, qu'elle se dit en suivant la rigole d'une ruelle. Ses collègues, quand ils font trop les cons, ils se tapent des jours d'arrêts. Mais elle, on préfère la foutre en vacances. Au fond, elle sait que c'est parce que ses supérieurs ne la supportent plus depuis longtemps. Trois mois, c'est long. Et ça fait trois mois qu'elle campe à Tanuki. Pas de picole, qu'elle se dit. La dernière fois, c'était pas terrible, et elle veut pas retomber sur Kanbei. L'autre fois, il lui avait fait peur. Ou presque. Sans parler du retour à la caserne. Ça, elle savait comment ça allait se passer, alors elle avait pas flippé. De toutes façons, Serena, elle avait eu trop peur, trop peur trop de fois dans sa vie pour craindre encore ce drôle de ricaneur aux mains moites.
Le Rampant. Ceux qui ne le connaissent que par ses effets l'appellent « La Peur ». Mais il est petit, voûté, aigri, et il sait se glisser dans les failles de tous les cœurs quand on lui ménage de bons sentiers. Et en matière d'élagage, il sait saisir les opportunités. Au dernier arbre abattu, on le voit louvoyer entre les souches et se couler dans les artères de ses victimes. Tout entier présent, il les paralyse, les fait trembler, les rive au sol. Un petit bout de lui suffit à tordre les tripes les mieux accrochées, et à dérouter les esprits les plus rationnels.
Serena, elle saute une flaque d'eau gelée. C'est l'hiver, sur Tanuki. On ne s'attarde pas dans les rues sans un col fourré, ou sans un bon litre de gnôle en perfusion. Pas que ça tienne chaud, non, mais ça fait oublier le froid. Elle a opté pour le premier remède, mais eux ont préféré le second.
Eux, ce sont les trois mousquetaires et leur D'Artagnan qui se promène le surin à l'air au sens propre, et pas figuré. C'est un élément déclencheur, un pirate qui n'a rien à foutre là mais qu'est là quand même, me dit le Narrateur. Ses copains tapent dans les poubelles, écrivent des trucs sur les murs parce qu'ils ont envie de le faire depuis longtemps et que le jour, à jeun, ils en ont pas le courage. Ils ont peur, peur de marquer le monde de leur sceau, peur de s'y briser les dents. Alors, ils se rabattent sur le crépis de la vieille qui dort vaillamment en dépit des ronflements de son vieux, à quelques mètres au-dessus d'eux.
Ah, je l'ai pas dit, ça. Mais le Rampant est pudibond. L'alcool le fait fuir à toutes jambes, vers ceux qui ne boivent pas et dans lesquels il aime bien se terrer, faire son nid, aux heures de grande décadence.
Serena s'arrête, elle se dit qu'elle veut pas d'ennuis avec des civils, elle a déjà assez fait de conneries comme ça. Elle attend sa mutation comme le messie, parce qu'à Tanuki, elle tourne en rond comme un lion dans sa cage. Les environnements où les gens font leur vie, ont leur famille, sont tous terriblement normaux et bien rangés, ça l'emmerde. Pas qu'elle soit jalouse, non. Ça fait longtemps qu'elle sait qu'une existence comme celle du plus grand nombre, ça sera pas pour elle, et dans le fond, elle s'en branle, trace ta route et fous moi la paix. Mais autant de petits bonheurs mesquin, d'hypocrisie quotidienne au nom du confort, de la concorde et de la bonne entente, elle supporte pas. Parce que ces regards, ces regards, ils la jugent. Ou peuvent le faire. Et elle a pas encore appris à y être insensible. Parce qu'en tout et en toutes choses, elle doute d'elle.
Et c'est pas le regard de la foule sur ses yeux cernés, sa démarche errante et ses mains balafrées qui vont faire que ça aille mieux. En fait, Serena aurait du se barricader naturellement contre la peur. Du lierre, des ronces et des chardons auraient du barrer le chemin du Rampant. Mais en fait, dans le fond, elle n'a jamais cessé de lui laisser le champ libre. Pour lui, son cœur à elle, c'est l'autoroute, le fun en plus et les aires de repos en moins.
Le Rampant ne s'endort jamais. Il couve et trépigne, parfois, en martelant le ventre de ses victimes de ses petits pieds impatients.
-Gnihihi...
Serena s'arrête. Ses quatre vis-à-vis aussi. Et dans chacune de leurs ombres, il y en a un. De Rampant. Elle cligne des yeux, elle veut pas y croire. D'habitude, ils se laissent pas voir. Ils causent pas, ils agissent. Ceux qui les portent s'approchent, puant la gnôle et le désir de nuire pour combler le vide, se sentir moins vide, faire le vide.
Ils sont tous costauds, surtout les trois qui marchent derrière. Des militaires de réserve, elle les reconnaît. Ils lui en veulent, mais en même temps, ils s'emmerdent trop pour pas avoir d'énergie négative à revendre. Inspirer la peur, jouer les défricheurs. C'est là leur seule satisfaction. Tout a l'air de se figer, l'une des petites silhouettes noires passe entre les jambes de son porteur sain, celui qu'a un surin qui brille au clair de lune filtré par les gouttières, et grimace lorsque Serena recule.
-Plus tu te caches, plus c'est facile pour moi de t'envahir. Regarde, il t'a retrouvé. Il te déteste, il va te faire souffrir. Tu aurais jamais du lui faire ça. Enfin, c'est un peu tard. Tu es en mon pouvoir, Grim. Même ceux qui se promènent déguisés en Camarde ont des plis et des creux dans lesquels je sais me glisser. Des petites peurs secrètes, discrètes, féroces, que je peux sortir de ma manche pour mieux te sucer le sang jusqu'à l'os. Oui, Grim. Oui. Tu as perdu beaucoup. Mais tu peux perdre bien plus encore.
-Eh, y'a erreur sur la personne, là.
Les trois autres Rampants imitent leur frère, et fusionnent en un seul. Et leur voix est comme un gargouillement infâme, un grouillement de rats morts de faim et ivres de jalousie.
-Du respect pour qui domine ton être tout entier, gamine.
-J'ai pas peur de la mort. J'serais pas la première à passer. Qu'ils viennent, les quatre. Je m'vendrais chèrement.
-Ils te tueront pas. Ils t'embarqueront, te vendront comme esclave à Goa. Ou alors, ils s'arrangeront pour te faire disparaître à Tequila Wolf. Qu'est-ce que tu crois ? Je suis pas la Camarde.
Je suis ce qui domine le plus grand nombre, et ne croyez pas, tous les deux, y avoir échappé. A genoux. A genoux devant votre seigneur et maître, Le Rampant. Car mon pouvoir est immense. Je suis la mort de l'âme.
Le Rampant. Ceux qui ne le connaissent que par ses effets l'appellent « La Peur ». Mais il est petit, voûté, aigri, et il sait se glisser dans les failles de tous les cœurs quand on lui ménage de bons sentiers. Et en matière d'élagage, il sait saisir les opportunités. Au dernier arbre abattu, on le voit louvoyer entre les souches et se couler dans les artères de ses victimes. Tout entier présent, il les paralyse, les fait trembler, les rive au sol. Un petit bout de lui suffit à tordre les tripes les mieux accrochées, et à dérouter les esprits les plus rationnels.
Serena, elle saute une flaque d'eau gelée. C'est l'hiver, sur Tanuki. On ne s'attarde pas dans les rues sans un col fourré, ou sans un bon litre de gnôle en perfusion. Pas que ça tienne chaud, non, mais ça fait oublier le froid. Elle a opté pour le premier remède, mais eux ont préféré le second.
Eux, ce sont les trois mousquetaires et leur D'Artagnan qui se promène le surin à l'air au sens propre, et pas figuré. C'est un élément déclencheur, un pirate qui n'a rien à foutre là mais qu'est là quand même, me dit le Narrateur. Ses copains tapent dans les poubelles, écrivent des trucs sur les murs parce qu'ils ont envie de le faire depuis longtemps et que le jour, à jeun, ils en ont pas le courage. Ils ont peur, peur de marquer le monde de leur sceau, peur de s'y briser les dents. Alors, ils se rabattent sur le crépis de la vieille qui dort vaillamment en dépit des ronflements de son vieux, à quelques mètres au-dessus d'eux.
Ah, je l'ai pas dit, ça. Mais le Rampant est pudibond. L'alcool le fait fuir à toutes jambes, vers ceux qui ne boivent pas et dans lesquels il aime bien se terrer, faire son nid, aux heures de grande décadence.
Serena s'arrête, elle se dit qu'elle veut pas d'ennuis avec des civils, elle a déjà assez fait de conneries comme ça. Elle attend sa mutation comme le messie, parce qu'à Tanuki, elle tourne en rond comme un lion dans sa cage. Les environnements où les gens font leur vie, ont leur famille, sont tous terriblement normaux et bien rangés, ça l'emmerde. Pas qu'elle soit jalouse, non. Ça fait longtemps qu'elle sait qu'une existence comme celle du plus grand nombre, ça sera pas pour elle, et dans le fond, elle s'en branle, trace ta route et fous moi la paix. Mais autant de petits bonheurs mesquin, d'hypocrisie quotidienne au nom du confort, de la concorde et de la bonne entente, elle supporte pas. Parce que ces regards, ces regards, ils la jugent. Ou peuvent le faire. Et elle a pas encore appris à y être insensible. Parce qu'en tout et en toutes choses, elle doute d'elle.
Et c'est pas le regard de la foule sur ses yeux cernés, sa démarche errante et ses mains balafrées qui vont faire que ça aille mieux. En fait, Serena aurait du se barricader naturellement contre la peur. Du lierre, des ronces et des chardons auraient du barrer le chemin du Rampant. Mais en fait, dans le fond, elle n'a jamais cessé de lui laisser le champ libre. Pour lui, son cœur à elle, c'est l'autoroute, le fun en plus et les aires de repos en moins.
Le Rampant ne s'endort jamais. Il couve et trépigne, parfois, en martelant le ventre de ses victimes de ses petits pieds impatients.
-Gnihihi...
Serena s'arrête. Ses quatre vis-à-vis aussi. Et dans chacune de leurs ombres, il y en a un. De Rampant. Elle cligne des yeux, elle veut pas y croire. D'habitude, ils se laissent pas voir. Ils causent pas, ils agissent. Ceux qui les portent s'approchent, puant la gnôle et le désir de nuire pour combler le vide, se sentir moins vide, faire le vide.
Ils sont tous costauds, surtout les trois qui marchent derrière. Des militaires de réserve, elle les reconnaît. Ils lui en veulent, mais en même temps, ils s'emmerdent trop pour pas avoir d'énergie négative à revendre. Inspirer la peur, jouer les défricheurs. C'est là leur seule satisfaction. Tout a l'air de se figer, l'une des petites silhouettes noires passe entre les jambes de son porteur sain, celui qu'a un surin qui brille au clair de lune filtré par les gouttières, et grimace lorsque Serena recule.
-Plus tu te caches, plus c'est facile pour moi de t'envahir. Regarde, il t'a retrouvé. Il te déteste, il va te faire souffrir. Tu aurais jamais du lui faire ça. Enfin, c'est un peu tard. Tu es en mon pouvoir, Grim. Même ceux qui se promènent déguisés en Camarde ont des plis et des creux dans lesquels je sais me glisser. Des petites peurs secrètes, discrètes, féroces, que je peux sortir de ma manche pour mieux te sucer le sang jusqu'à l'os. Oui, Grim. Oui. Tu as perdu beaucoup. Mais tu peux perdre bien plus encore.
-Eh, y'a erreur sur la personne, là.
Les trois autres Rampants imitent leur frère, et fusionnent en un seul. Et leur voix est comme un gargouillement infâme, un grouillement de rats morts de faim et ivres de jalousie.
-Du respect pour qui domine ton être tout entier, gamine.
-J'ai pas peur de la mort. J'serais pas la première à passer. Qu'ils viennent, les quatre. Je m'vendrais chèrement.
-Ils te tueront pas. Ils t'embarqueront, te vendront comme esclave à Goa. Ou alors, ils s'arrangeront pour te faire disparaître à Tequila Wolf. Qu'est-ce que tu crois ? Je suis pas la Camarde.
Je suis ce qui domine le plus grand nombre, et ne croyez pas, tous les deux, y avoir échappé. A genoux. A genoux devant votre seigneur et maître, Le Rampant. Car mon pouvoir est immense. Je suis la mort de l'âme.