Rain Base était le genre de ville ou elle ne se voyait pas vivre. Trop grande, trop animée, trop vivante. C’était ainsi que l’on pouvait la qualifier. Des gens à toute heure du jour comme de la nuit, des néons qui font être comme en pleine journée, des bruits et de la musique à chaque instant,... Une ville ou la vie prenait trop de place, ou la pensée échappait consciemment au penseur pour qu’il se centre sur autre chose de moins important. Voilà pourquoi elle n’aimait pas l’endroit, voilà pourquoi personne ne pouvait s’y sentir chez soi. Rain base était une ville bouffeuse de crâne, ou l’apparence, l’argent et le luxe étaient primordiaux, au-delà même de la personne.
Trainant le pas derrière Oswald, elle releva la tête et se stoppa un temps à un carrefour rempli de monde. Elle regarda chaque endroit, chaque bâtisse immense, chaque boutique luxueuse, avec la désagréable impression que la ville elle-même lui vidait la tête de ses idées... Les mains dans les poches et un sac sur le dos, capuche rabattue sur la tête pour que personne ne voit son visage ou ne témoigne de sa présence dans la ville, un soupire lui échappa. Elle reprit la route lorsque Jörg la rappela à l’ordre. Nous n’avons pas de temps à perdre.
En parlant de lui, Jörg avait été agréablement surpris de la présence d’Oswald à mes côtés. Son sourire en coin résumé très bien ses pensées, et plusieurs fois lors du trajet jusqu’à la demeure des Badwin, il avait tenté de glisser quelques phrases tendancieuses, cherchant à savoir ce qui pouvait réellement motivé Jenkins pour aider la rouquine dans sa mission pour le moins peu légale. Mais tout du long double-face était resté impassible, ou avait répondu certes maladroitement, mais en détournant la conversation, éludant comme il le pouvait. Au final, Jörg s’était régalé de ses rougissements et bégaiements, trouvant là un point exploitable.
Et en parlant de la demeure des Badwins, elle s’étendait devant leurs yeux. Massive et imposante, derrière un portail forgé et sculpté à leurs convenances. Des jardins luxuriants, garnis, colorés devant des façades en briques sablées. Un balcon, des colonnes qui semblaient en marbre, des statues le long des allés… Sur plusieurs étages, la maison, ou le palais selon comment on voyait les choses, semblait aussi grand qu’un Léviathan. Enfin, ça, c’était ce que la rouquine pensait. Elle savait déjà qu’elle allait s’y perdre. Et des gens s’avançaient, vêtus de leurs plus beaux vêtements (un parmi tant d’autres), vers l’entrée immense de la maison, reçus par une horde de serviteurs tellement propres sur eux qu’on aurait pu les lécher et en changer d’haleine.
Gardes, invités, serviteurs. C’est pourtant le meilleur soir pour y aller. Igor sera occupé en bas à faire le paon, et les gardes n’iront pas à l’étage vu que les accès sont fermés. Je reste ici, je n’irai pas assez vite pour vous…
Jörg sortit de son sac deux petits escargophones qu’il accrocha sur l’épaule de ses deux partenaires. Il leur tendit ensuite deux masques et leur indiqua du doigt une allée moins fréquentée. Pour le reste, il somma les deux compères de se débrouiller pour accéder au deuxième étage sans attirer l’attention.
Sur ces mots, Lilou pris les devants, sans s’occuper de savoir si Oswald la suivait. A pas de chat, elle contourna la grille et se jeta dans un buisson trop bien taillé. Elle remarqua là que le Lieutenant-Colonel était à ses côtés, un peu plus réservé quant à ce qu’ils étaient en train de faire. La nuit était une cachette fantastique, et en s’enfonçant un peu plus dans les jardins peu éclairés, ils échappaient à la vue de tous. Jusqu’à la façade ouest, il n’y eut aucune encombre, et encore après. Elle releva les yeux et observa les entrées. Toutes les fenêtres étaient closes, à l’exception d’une se trouvant au deuxième étage. Attrapant Oswald, elle le tira de toutes ses forces vers le mur, ou elle lui ordonna de faire le guet. Sortant son arc et une flèche, elle visa et envoya une flèche qui s’ouvrit en grappin. Ce dernier s’accrocha aux rebords. En s’assurant qu’il tenait bien, la rouquine commença à gravir le mur, veillant à ne faire aucun bruit et à se fondre le mieux possible dans la pénombre.
Passant la jambe par-dessus le rebord, elle s’accroupit le temps de vérifier que l’endroit était inoccupée. Une chambre, luxueuse, avec un lit à baldaquin, une coiffeuse ravissante, un placard débordant de robes magnifiques. Elle poussa un long soupir et siffla brièvement Oswald.
L’homme se saisit de la corde et commença son ascension. Mais au même moment, des bruits de pas se firent entendre. Voulant accélérer la cadence, son pied dérapa sur la brique sèche et il retint de justesse un cri. Agrippé au mieux, il reprit vite ses appuis. De son côté, la rouquine tira de toutes ses forces pour remonter son partenaire, qui échappa de justesse et en presque toute discrétion à la vue d’un garde. Elle l’aida à passer par-dessus la fenêtre en l’attrapant par son T-shirt. Lui à terre se remettant de ses émotions, elle à côté, elle poussa un long soupir. Et tapotant sur l’escargophone, elle murmura à la suite :
Jörg, tu m’entends ?
Yep.
Nous sommes rentrés.
Imperceptible, l’escargot fit un sourire.
Dernière édition par Lilou B. Jacob le Ven 26 Juil 2013 - 1:36, édité 1 fois