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Le syndrome du zèbre.


Le syndrome du zèbre. Divan-psy-victime1


Voilà, c'était prêt. Une petite touche personnelle, le bouquet de tournesols sur l'étagère. Bon, c'était pas le mieux, mais vu les conditions il ne pouvait pas faire davantage. Wallace s'installa à son bureau, fit craquer les pieds du siège. Bon, ne pas trop bouger, première chose. Ses livres reposaient dans une imposante malle dissimulée derrière par un rideaux rapiécé, masquant une écoutille condamnée. Faute de place, on lui avait donné les anciens quartiers de la lingerie, mais il s'en contentait. Ce n'était pas mieux que de partager sa chambrée avec Oswald, après tout. Il rangea ses fiches, aligna ses stylos dans l'ordre de leur taille. Puis opta pour une classification par couleurs. Dieu que le temps passait lentement. Il avait pris soin de retourner l'unique miroir contre le mur, au lieu de le briser. Une attention louable s'il en était. Un tapis usé trônait devant la porte en bois qui barrait son office. Mais là, c'était encore les simples détails matériels de son bureau. Bien entendu, il possédait un casier à l'infirmerie. Il ne pouvait pourtant pas officier là-bas, au milieu des effluves d'éther et des gémissements de douleur. D'autant plus qu'il avait besoin d'un espace clos. On lui avait assuré que l'endroit n'était pas sur écoute ou autre, car personne n'avait trouvé utile de doter la lingerie de tels atours à l'époque.

Le Docteur se leva, redressa le tableau d'un champ de blé en été qu'il avait accroché au dessus du divan censé accueillir ses patients. Le temps commençait décidemment à se faire long. Mais il comprenait la réticence de l'équipage à venir se faire ausculter. Il était étranger. Il faisait peur à en fissurer les miroirs. Et puis bon, il avait beau mettre du parfum ... enfin, vous voyez ? Le chlore, ça agresse pas tant que ça les narines, mais c'est pas une odeur agréable. Raison pour laquelle il avait aéré d'ailleurs, une autre écoutille, disposée à gauche de son bureau, était restée ouverte. Il avait placé une chaise contre la porte pour créer un courant d'air. Et il avait veillé à ce que la porte soit assez peu ouverte pour qu'on ne vienne pas le dévisager du bout du couloir. Déjà qu'il n'aimait pas trop qu'on le pointe du doigt, ça c'était encore plus humiliant. Le monstre soupira de dépit, et entreprit de classer ses stylos par préférence d'utilisation. Le rouge pour souligner et entourer, le noir pour écrire ...


*toc toc*

Wallace se leva d'un broc, faisant craquer les pieds de son fauteuil. Les accoudoirs enserrèrent sa taille et y restèrent accrochés. Il se redressa donc, cogna la lampe de sa tête et se retourna pour aviser le truc qui lui collait au train. Ce faisant, il renversa son bureau comme s'il n'avait été qu'un fétus de paille et voulut enlever la chaise qui lui trônait sur le séant. Paniqué à l'idée de perdre la face devant son premier patient, il arracha le bois de son siège si vite qu'il l'éclata en deux. Grommelant, Wallace essaya de se débarrasser des débris et se pris les pieds dans le bureau à terre. Il s'affala de tout son long, écrabouillant ce dernier sous son poids. Le choc ébranla la pièce, faisant tomber vase et tableau par terre. Retenant un juron, le Docteur se retourna, au milieu des décombres, et se releva en cognant une fois de plus la lampe de son office. Il écarta les débris d'une main, les envoyant contre le mur et essaya de les cacher avec une partie du rideau rapiécé qui masquait sa malle. Présumant de sa force, il ne réussit qu'à arracher la tringle qui rebondit sur le sol avant que Wallace ne réussit à cacher ses méfaits. Se retournant, il se précipita vers la porte, se prit les pieds dans le tapis. Il se rattrapa sur le divan, perçant le tissu de ses ongles acérés, en faisant jaillir un ressort affuté.

"Hum ... entrez." fit-il.

Au fond de la pièce trônait un rideau cachant les restes de son bureau et de son siège. À terre, des tournesols dans leur eau. Le divan était ouvert en deux, quasiment, et un tableau brisé se cachait en dessous. Essayant de paraître le plus professionnel possible, Wallace se tenait sur son siège, les jambes croisées. Il mâchouillait le bout d'un stylo d'un air déterminé, comme le faisaient les plus grands psychologues de ce monde. Et un bloc note reposait sur sa cuisse. Ou comment ne pas perdre la face ...

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-Raaah s’il-te-plaît Salem! Pourquoi ça doit être moi?

-Parce que j’ai besoin de quelqu’un pour tester c’psychologue à la noix! Et que t’es le mieux placé pour me faire un bon rapport et lui servir de patient!

-Mais j’ai pas envie d’raconter mon existence à un type sorti d’on n’sait où!

-Allez! C’est un ordre de ton capitaine. Et puis, peut-être que tu as des choses à confier, au fond…

Je cesse un instant de me retenir au plancher par le talon de mes bottes et me retourne, l’air surpris, vers Salem qui me lance un sourire énigmatique.

-T…Tu… euh…

-Allez! Ouste!

BAM!

Si ça c’est du coup de pied…

Sans pouvoir me retenir à une quelconque attache, je suis propulsé avec force et vitesse directement à l’autre extrémité du couloir, directement devant la porte de la lingerie où je m’écrase durement. Le contre-amiral sait obtenir ce qu’il veut, ça c’est indéniable.

"Bon, allez, ça peut pas être la fin du monde, c’truc. "

-Tu crois…

Je me relève péniblement, me frictionnant le dos, puis toque à la porte d’un air résigné. Pour rien au monde je n’éprouverais l’envie de me confier d’une quelconque façon à un psychologue, même sous demande d’un frère d’arme et d’un ami! Pas même pour Salem! Mais les ordres sont les ordres, et parfois, il faut savoir laisser passer un mauvais moment pour ne plus se retrouver dans le pétrin.

C’est ce que je m’apprêtais à faire, laisser couler une discussion emmerdante et sans but jusqu’à ce que le psy m’informe de la fin de cette rencontre. Rien de mieux. Peu importe, un inconnu ne devrait pas avoir à mettre son nez dans les affaires des autres! Quand bien même cela pouvait-il être son boulot!

Malgré ma réticence, le souvenir du sourire mystérieux d’Alheïri s’impose à mon esprit alors que je caresse pensivement le bois lustré de la porte. Avoir des choses à confier malgré tout? Serait-il au courant de ma rencontre avec Rafaelo? Connaîtrait-il la torture que j’ai fais subir à l’Assassin?

Soudain rembruni par une telle hypothèse, je ne réalise qu’un peu tard que l’on me demande d’entrer depuis un certain temps.

Si je connais déjà les dimensions des pièces de ce quartier du navire, je reste tout de même surpris devant l’exigüité de l’endroit. Peut-être est-elle amplifiée par la décoration recouvrant le sol et les murs de façon complètement désordonnée, peut-être est-ce aussi dût au fouillis du mobilier. Ou alors, cela est-il tout simplement dût à la carrure effarante de la chose qui se tient devant moi.

"Bordel… c’est pas un psy c’est un tyrannosaure! "

Que dire de plus? Semblant coincé dans le certes large fauteuil sur lequel il trône, le psychologue tente de faire preuve du meilleur professionnalisme possible dans le désordre de son antre. Son stylo se perd dans l’immensité de ses mains, son calepin semble enseveli sous la masse impressionnante de l’homme… En fait, ce psychologue est-il réellement humain? Sa peau écailleuse, sa longue et ciselée dentition ainsi que ses immenses mains et pieds me portent à croire le contraire.

Au fond, l’entièreté de la personne se tenant devant moi me pousse à croire de tout mon être que ce n’est pas humain. Puis, je me calme. Oui, c’est humain. Oui, c’est impressionnant, mais c’est très probablement humain. C’est déstabilisant, cependant, je sais aussi inspirer cette émotion chez les gens.

Puis soudain, il me demande de m’assoir, de prendre place. C’est là que toute l’illusion est brisée. Une voix suave, éloquente, charmante, même. Une voix d’homme civilisé, poli et rassurant. Comment un homme à l’air si naturellement menaçant peut-il posséder une si grave et onctueuse voix? C’est à en rire.

Mais je ne ris pas, j’évite plutôt la vue de l’homme et me pose d’un air plutôt coincé sur le fauteuil dépravé faisant face au psychologue. Tout en avisant avec incertitude le ressort, je m’allonge calmement et fait face au toit de la cabine. Je suis toujours chez le psychologue. Quelqu’un qui, malgré son apparence, est tout de même ici pour me drainer paroles et émotions.

Quelqu’un à qui je n’accorderai aucune de ces choses.

-Euuh… Je m’appelle Oswald Jenkins. Je suis Lieutenant-colonel et seconde de l’amiral Fenyang.


Dernière édition par Oswald Jenkins le Ven 16 Aoû 2013 - 23:13, édité 1 fois
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"Mais c'est ... fascinant !" s'exclama le Docteur, en se levant précipitamment de sa chaise.

Il s'approcha d'Oswald, le fit s'asseoir sur le divan, sortant un étrange outil en forme de tournevis d'on ne savait où. Il le poussa presque, commença à regarder ses paupières, puis le teint de ses pommettes. Un homme bigarré ! Incroyable ! Il ne pensait pas voir le phénomène du Léviathan si rapidement, et encore moins être son premier patient.


"Ah, monsieur Jenkins, c'est un honneur. J'ai beaucoup entendu parler de vous !" fit-il, retournant vers son bureau écrasé.

Il fouilla dans les décombres, et en sortit une liasse de documents d'une taille conséquente. Il la posa sur le divan, et commença à farfouiller dedans de ses énormes mains. Il en tremblait presque d'excitation. C'était l'existence d'un autre 'monstre' qui l'avait tant motivé à venir officier ici. Ce phénomène bicolore aux tendances psychologiques déviantes. Enfin, c'était ainsi qu'on le décrivait. Il tomba enfin sur le dossier qu'il cherchait, l'historique d'Oswald 'Double Face' Jenkins. L'historique militaire, à vrai dire. Le reste comportait beaucoup de photos d'Oswald, avec plusieurs pages d'annotations ressemblant plus à des gribouillis qu'à une écriture cohérente. Quoi qu'il en fut, on se doutait bien qu'il avait longtemps travaillé sur le sujet.


"Bien bien bien. Comment allez-vous, monsieur Jenkins ? Oh ! Suis-je bête, j'en oublie mon sens civique ! Docteur Wallace Johnson, médecin intérimaire et spécialiste en psychologie humaine et non humaine." se présenta-t-il, se rasseyant prestement, en croisant les jambes.

La chaise grinça mais tint bon. Il lui saisit la main, la serrant entre ses immenses pognes, puis lui sourit de toutes ses dents pointues. Rencontrer LE Double Face, c'était incroyable. Cet énergumène était un défi à la science, et il entendait bien le résoudre. Ah, la journée commençait admirablement bien.


"Alors, alors. Monsieur Jenkins. Vous devez savoir que j'ai été mandaté ici pour rendre compte au Gouvernement de votre état psychologique suite aux évènements de Drum. Mais avant de commencer l'entretien, je voudrais juste vous dire comment je fonctionne, je pense que ça pourrait vous aider." commença-t-il, levant un doigt en l'air.

"Tout d'abord, n'essayez pas de vous retenir de quoi que ce soit : nous sommes ici en privé et ce que vous me direz ne franchira pas cette porte. Je devrais certes remettre un rapport, mais ce sera une expertise, non pas un compte rendu. Sauf si vous me rendez compte de haute trahison, là je ne pourrais fermer les yeux." expliqua-t-il, sur un ton aussi anodin que s'il était en train de beurrer sa tartine du matin.

"Ensuite ... oh bon Dieu, je tiens plus !" poursuivit-il, en trépignant comme un enfant.

"Vous avez toujours été comme ça ? Hein ? Votre couleur ... mais c'est fascinant ! Comment ... êtes-vous né comme ça ? Dites-moi, dites-moi ce que vous avez vécu. C'est fascinant, incroyable. Vous êtes magnifique, vraiment. Non, je ne vous fais pas des avances. Oui, je suis un vrai médecin. Mais voyez donc, c'est tout bonnement stupéfiant, monsieur Jenkins. Vous êtes ... vous êtes ... ah, je ne saurais le décrire !" s'emporta, l'étudiant sous toutes les coutures.

"Avez-vous résolu votre problème de double personnalité, ou ce 'Dark' est-il toujours là ? Je ... je peux lui parler ? Oh oui, je voudrais bien lui parler ... vous devez en avoir des choses à me dire !" poursuivit-il de but en blanc, semblant tirer cette information d'on ne savait où.

Non pas qu'il voulut être désobligeant ou mettre les pieds dans le plat, mais l'excitation l'emportait sur son professionnalisme. Un vrai cas psychologique se tenait devant lui, et il ne pouvait se contenir face à toute cette nouveauté. Le cas le plus intéressant de sa carrière, très certainement ! Au delà du cliché, sa double personnalité se scindait de manière quasi physique. La formulation même de la psychée surpassant le corps. C'était un cas inédit, fascinant. Le Docteur en trépignait même.
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"Putain… On est tombé sur le phénomène d'la Marine…"
-Et on est bien placé pour parler tu crois?

Interdit, je reste un instant assis sur le fauteuil crevé, les yeux ronds comme des billes, à fixer "l'homme" qui jubile devant moi. C…C'est… euh… normal? Cette réaction?

Non, décidément, ce n'est pas normal.

N'importe qui se serait plutôt mis à hurler de terreur ou alors à me menacer de reculer. Son regard ne devrait pas être admiratif, mais plutôt méfiant, haineux. Il ne devrait pas être trépignant, mais plutôt complètement sidéré. Aucune retenue dans ses questions, que de l'expectative et de la fascination. C'est à ne plus rien y comprendre. Que répondre? Ne pas rester prostré là, comme ça, dire quelque chose. Ce n'est définitivement pas le type de séance à laquelle je m'attendais. Allez, trouver quelque chose, une réponse intelligente, concrète. Il en a posé des questions, pourtant, ce Wallace Johnson!

-Euuuuh… qui à parlé de trahison?
"Oh bordel… T'es vraiment le pire des idiots…"

Ah non… Pourquoi je n'ai pas simplement répondu que je me portais bien?! Pourquoi faut-il toujours que lorsqu'il est question de vraiment parler, je n'trouve rien à dire?! Ça tue les affinités sociales, l'enfermement…

Il faut recadrer la conversation, rapidement, avant que ça ne tourne à l'interrogatoire en règle que je désespère à subir. Il me faut trouver un moyen de susciter son intérêt extra-professionnel.

"Parle de la pluie et du beau temps!"
-Non! Mauvaise idée!
"Euuuh…. Des donzelles sur le navire!"
-Non mais tu l'as vu? Tu crois que ça l'intéresse?
"M…Mais… Raaah! Cogne-le!"
-Quoi?!
"Ouais! Cogne-le et fout l'camp!"
-Mais t'es malade? C'est qu'un pauvre psychanalyste qui fait son boulot!
"Cogne-le j'te dis!"
-Non je… euuh…

Ça c'était la bourde à ne pas faire. Dialogue avec l'autre idiot. Maintenant, j'ai droit à un psychologue complètement abasourdi, me fixant comme si je suis le Seigneur Ombre en personne. Tomber plus bas? Impossible. Enfin… ça reste à voir.

-Euuh, ouais, ça remonte à un moment, cette couleur.

Silence désagréable. Je n'arrive pas à dire si ma réaction l'a tué dans son élan ou s'il est toujours sous le choc d'une telle découverte. Ou alors peut-être qu'il a fait le lien entre ma première phrase et la mort de Krabbs?! Oh pitié non…

-On est obligé de parler de Drum, Doc?

Laissant la position assise pour m'étendre d'un seul élan sur le matelas biscornu, je soupire en poussant cette phrase. Il faut bien parfois assumer ses erreurs et son passé, mais loin de moi l'envie de ressasser les horreurs qui ont eu lieu là bas.

-V…Vous…Tu… euh… Il fait beau dehors non?
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"Et bien ... c'est moi, vraisemblablement." répondit le Docteur en continuant d'ausculter Double Face sous toutes les coutures.

Il avait lu les rapports de Drum, il savait que le chaos avait été de mise là-bas. Mais il préférait aider un homme égaré que le condamner pour une faute commise au coeur d'un champ de bataille. La guerre, c'était la guerre. Il y avait eu tant de morts là-bas que c'en était indécent rien que de le penser. Il secoua la tête, marquant un instant d'arrêt en repensant à ce carnage. La terre des Toubib 20. Il était déjà allé là-bas par le passé, une condition sine qua non pour tout médecin digne de ce nom. Puis il repartit s'asseoir sur sa chaise, posant ses index sur ses lèvres en tapotant.


"Parler de Drum ? Et bien ... pas nécessairement. Disons que Drum est la raison de ma venue ici, rien de plus. Ma mission est de m'assurer que vous alliez bien. Et si ce n'est pas le cas, elle deviendra de vous aider à aller mieux." poursuivit-il, s'emparant de son calepin.

Il gribouilla quelque chose dans une écriture à la calligraphie illisible pour tout profane à l'art médical. Quelques mots épars, quelques indications puis un dessin rapide de l'anatomie d'Oswald. Il se saisit du dossier qu'il avait monté sur lui et commença à compulser quelques pages en lâchant des "hm hm" affirmatifs de temps à autre.

"Plutôt beau, en effet. Cela doit faire du bien de quitter l'Hiver pour la chaleur d'Alabasta ! Je suis désolé de vous recevoir dans ce petit endroit où on ne voit même pas le Soleil, d'ailleurs. Allons bon, faisons comme si tout allait bien, hein ? Bref. Hum. Ah, oui. Je vais commencer par les tests préliminaires et clichés des psychologues, histoire de vous mettre dans le bain." fit le Docteur, toujours avec son ton à la fois hystérique et complètement détaché.

Il se leva et alla chercher quelques affaires dans les décombres de son bureau. Puis il en tira une sorte de classeur. Un nombre incroyable de feuilles étaient rangées en vrac à l'intérieur. Il se saisit d'un petit paquet puis entreprit de les trier avant d'arriver jusqu'à ce qu'il cherchait. Les feuilles préparées spécialement pour cette entrevue là.


"Bon, je vais vous montrer des images, et vous allez me dire ce que vous ressentez à la vision de celles-ci, et ce vous y voyez." commença-t-il.

Il se saisit de la première.


image 1:

"Que vous évoque cette image ?" lui fit-il, notant scrupuleusement ce qu'Oswald lui racontait.

Puis il enchaîna deux trois autres images du même type jusqu'à s'arrêter et passer complètement le paquet. Il s'empara d'une autre feuille et la montra à Oswald.


image 2:

"Et celle-là ? Ah, intéressant ... hé hé." continua-t-il, ricanant devant son petit tour.

Il s'empara ensuite d'une plus grande feuille pliée en quatre. Il la déplia, l'observa. C'était vrai qu'il y avait eu cet épisode aussi.


image 3:

"En effet, cela va au delà du simple test, mais il me faut connaître vos avis sur tout cela, très cher Oswald. Allez, courage, il n'en reste plus qu'une." fit le Docteur avec un sourire contrit.

image 4:

"Hu hu hu ..." ricana-t-il, se tapant sur la cuisse.

Oui, il en était fier, et alors ? Il s'essuya une larme sur le coin de l'oeil, puis reprit son calme. Certes, il jouait avec les nerfs d'Oswald, mais un peu de plaisanterie n'avait jamais tué personne. Au contraire même ! Bref. Il replia le dossier. Les réactions du visage de Double Face étaient bien plus intéressantes que ses paroles. Il avait l'impression de pouvoir lire à chaque instant la dualité qui s'emparait de sa psyché lorsqu'il lui répondait. Et Dieu que c'était intéressant.


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-Euh, c'est genre…. un scarabé?
"Non, un scarabée on dit."
-Ah, ouais… un scarabée?

Que répondre de plus? Pour moi comme pour Dark, le fil de cette discussion devient de plus en plus improbable. On ne va pas m'interroger sur Drum? On va plutôt me rassurer et me demander comment je vais? C'est à n'y rien comprendre!

C'est un piège peut-être? Une façon de m'adoucir pour mieux me faire cracher mes bévues? Raaah! C'est à en devenir fou.

"Ah non…. c'est plutôt un papillon…. ou peut-être une tâche d'encre…"

Et il a le droit de griffonner une esquisse de mon corps sur son calepin? Et il a le droit de prendre des notes sans que j'puisse les voir? Et pourquoi est-ce que chacune de ses actions me crient qu'il n'est qu'une caricature ridicule amenée ici pour me faire cracher que j'ai fauté sur l'île hivernale?

"…Remarque, ça pourrait aussi être un éléphant vu de face… ou peut-être un carcajou ou un vase ancien…"

Non mais regardez-le! Il est plus baraqué que Salem! Si ça se trouve c'est un enquêteur spécialisé dans les interrogatoires forcés qui cherche à me faire cracher la vérité à coup de baffes?!
D'un mouvement subtile, mais pressé, je me retourne vers la porte pour m'assurer qu'elle n'est pas barrée ou entravée.

"Ah, je sais, une chauve-souris!"
-Non, un crabe.

Un crabe. Un crabe! Bon sang! Le seul crustacé de tous les océans que je n'aurais pas dût voir sur ce foutu papier! Maintenant, il faut parler, expliquer. Et puis merde… j'ai jamais été bon pour mentir ou cacher quoi que ce soit…

-Euh… ouais… ça m'évoque un crabe… euuh… probablement parce que des crabes, y'en a plein dans l'océan non? Ouais plein de crabes de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Des rouges, des jaunes, des oranges, des jaunes, des violets. Violets comme les corsaires. Euuuuh, NON! Pas comme les corsaires! Je sais même pas pourquoi je parle de corsaire, haha! J'en connais pas des corsaires moi, Envy, Krabbs, jamais entendu parlé! Haha! ….Euhm….ahem….désolé…

Ça y est, j'ai merdé en moins de trente secondes… Ça y est. Je baisse les yeux, évite le regard reptilien du Doc. Des sueurs froides me coulent le long de l'échine tandis que Wallace tire une nouvelle feuille de ses affaires.

Ah, ça, c'est facile. Ça, c'est rassurant après cette bourde monumentale.
Salem. Le Boss.

-La confiance.

Puis un instant plus tard, un chuintement sonore résonne dans la pièce et le bruit caractéristique d'un tissu qui se déchire se fait entendre avec force. L'instant qui s'est écoulé, c'est l'instant nécessaire pour permettre au Doc de ranger l'image de Salem pour tirer celle d'un détonateur psychique pour moi comme pour Dark.

Et le bruit de déchirement, c'est le tissu du matelas que ma main devenue lame a éventré d'un seul réflexe à la vue de l'assassin. Mon corps au complet est dressé comme un seul ressort près à se détendre. Chacun de mes muscles est crispé avec la dureté de l'acier de mon fruit.

Non, là, c'est une vraie torture psychologique que l'on m'impose.

Dans mon esprit renait le noir. Ce noir caractéristique du cachot fait de kairouseki qui abritait Rafael. Puis l'odeur de la mort, cette mort qui guettait l'assassin, cette mort que je lui apportais presque au bout de ce crochet de granit. Ce sceptre de souffrance pure conçu comme canalisateur des cris d'un homme assez brave pour défier Double Face. D'un homme assez brave pour le vaincre jusqu'à le plonger dans un tourment insoutenable.

-Je n'ai rien à dire sur cette image. Suivante.

UN CANARI?!

CRACK!

Il trouve ça drôle?! Il rit?! Je suis debout, campé avec colère devant lui, le bois sous ma botte est craquelé et fendu. On ne joue pas ainsi avec les émotions de Double Face! C'est inacceptable de tourner le fer dans la plaie en me rappelant de mauvais souvenirs puis de se foutre de moi avec un jouet de bain stupide!

D'un coup de pied rageur, j'envoie valser le matelas éventré sur le mur. Puis je m'en vais sans me retourner, trop aveuglé par la fureur pour rester un instant de plus dans le bureau de cette caricature de psychologue saurien.


Dernière édition par Oswald Jenkins le Dim 22 Déc 2013 - 0:48, édité 1 fois
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« Hm. Je vois. » fit le psychologue, en griffonnant sur son petit carnet.

Forte propension à tourner autour de l’affaire Krabbs. Beaucoup d’agitation, beaucoup de sudation. Le regard qui part en vrille, le rythme cardiaque qui s’accélère. Dilatation des pupilles, peur ? Inquiétude. Le monstre entrouvrit les crocs, goûtant l’air qu’exsudait Double Face. Oui oui, à ne pas s’y tromper. Il y avait une odeur piquée, un goût acre et salé.  Un petit quelque chose de secret inavoué. Il était admis que personne n’était coupable tant qu’on ne l’avait pas prouvé, mais coupable de quoi au juste ? Auditore avait tué Krabbs, c’était la version officielle. Le reste, bwarf, ça n’avait presque rien à voir. Presque, presque.


« Ah, la confiance. C’est très très bien. » poursuivit le Docteur, n’écrivant rien cette fois.

C’était le répit avant le glas. Il fallait sonder, savoir et conjecturer. Il ne pouvait donc pas se satisfaire de quelques bribes d’informations. Quoi qu’il en fut, la réaction n’était pas celle qu’il escomptait. Pas aussi violente à vrai dire. Encore une autre histoire sous jacente ? C’était l’odeur et la couleur de la colère, sombre et puissante.


« Rien ? Vous êtes sûr ? D’accord, d’accord. Suivante. » continua-t-il, comblant la moitié de la feuille cette fois.

CRAC.

Wallace se baissa comme si le geste avait été prévu depuis le départ. Les réactions violentes étaient son quotidien et puis, et puis il était psy’ c’était son métier après tout. Le Docteur regarda Oswald perdant son petit sourire. Certes, l’humour guérissait bien des choses mais il y avait quelque chose de plus puissant qu’il n’avait pas réussi à saisir. Remettant de l’ordre dans ses effets, le Docteur se releva et se racla la gorge au moment où le Lieutenant-Colonel sortait de la pièce. Il posa tranquillement son calepin et son crayon par terre.


« Oswald Jenkins. » tonna-t-il de sa voix de stentor.

« La séance n’est pas terminée, revenez vous asseoir. Ce n’est pas un jeu, ni pour vous ni pour moi. Chacune de ces planches a un sens particulier qui est censé impacter sur votre psyché et déclencher des réactions ciblées et particulières. Chacune de ces planches a été choisie par mes soins pour susciter lesdites réactions. Comprenez bien qu’elles ne font que souligner que je sais déjà beaucoup de choses à votre sujet et que votre refus de coopérer ne me permettra pas de tirer au clair les zones d’ombre résidant autour de vos actes sur Drum. » poursuivit-il, prenant soudainement toute la place de cette minuscule pièce.

La lumière avait déserté l’endroit, le hublot caché par l’imposante silhouette du monstre. Ses yeux jaunes, reptiliens, étincelaient autant que ses dents acérées. Ses griffes pianotaient sur ses bras, croisés sur sa poitrine imposante.


« Je sais pour Krabbs. Je sais pour Auditore. Je sais beaucoup de choses. Pourquoi ? Parce que j’écoute, parce que je lis votre visage et vos réactions. Oh, certes, je ne sais pas les détails, je suis seulement assez perspicace pour déduire bien des choses. Les allusions des membres de l’équipage, les rumeurs sur les cris ou encore les récits divers et variés. Je ne suis pas ici par hasard, mais bien parce que je suis titulaire d’un double doctorat qui m’ouvre bien plus de portes que vous ne voudriez le croire. Je suis ici pour aider et améliorer les choses, alors je vous demanderais d’y mettre un peu du votre et de juguler une fois pour toute ces accès de violence qui vous mettent dans de telles situations. Voyez donc ce que vous venez de faire, au sein même du Léviathan. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps d’apprendre à maîtriser ces pulsions ? Ainsi donc, acceptez mon aide et je vous garantie que plus jamais cela ne vous arrivera. » grogna le Docteur, faisant un geste vers le mur où se trouvait auparavant le matelas.

Feu et glace. Rien n’était autant efficace pour déclencher de pareils éclats chez ses sujets. En général, son apparence suffisait à jeter le malaise. C’était aussi une des raisons qui le poussaient à faire ce métier. Ce n’était pas une question de mettre en relief l’aspect monstrueux de ses patients, mais bien de les guérir, de montrer au monde qu’on pouvait dompter un monstre et en faire un homme modèle. Ainsi donc, il pourrait lui-même y prétendre, non ? Non, ça c’était une démarche égoïste. Il nourrissait certes cet espoir, mais c’était en second plan : il voulait aider et soigner avant tout. Rien de plus, rien de moins. Il offrit un sourire peiné à Oswald, insistant d’un geste de la tête pour qu’il reprenne sa place. Ah oui … le matelas. Quittant son air de grand méchant loup, le Docteur attrapa le bout du matelas de sa pogne et le retourna comme un fétus de paille pour le remettre à sa place, fracassant encore plus le sommier au passage.


« Heu … en passant, vous ne sauriez pas où je pourrais trouver un bureau un poil plus grand ? » minauda-t-il, se grattant la tempe de son ongle griffu.
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Il….Il sait?

Cette constatation, elle me transperce avec la même froideur qu'un sabre. Elle me paralyse d'un coup, si bien que je reste foudroyé, sur le pas de la porte. Hébété, l'esprit oppressé dans un étau à m'en scier le crâne, je reste prostré là, entre cette lingerie et le couloir, incapable de bouger, de penser. Et pour ponctuer ce silence, seul l'écho en sourdine des paroles grondantes du psy me parviennent, comme si elles provenaient d'une autre pièce, d'un autre monde. Instinctivement, la morsure glaciale de mon fruit du démon s'insinue le long de mes bras, se voulant rassurante, m'incitant à faire taire celui qui parle trop. Ce frimas congelant mes articulations et les affutant comme des rasoirs, il me souffle de faire volte face et de le tuer. Cet homme dont je ne sais rien, cet homme qui pourrait là, maintenant, coucher mes erreurs sur papier et les livrer au gouvernement. Il ne peut pas… Ne doit pas…

Non. Calme, silence.

-Écoute…

Non. Il n'y a rien à dire, rien à expliquer, rien à justifier…

Un instant, j'ai même l'impression de Le savoir ici. De revoir les volutes de fumée l'enveloppant typiquement. De cerner son regard ombragé et mystérieux, presque fou. De voir briller son sourire trop convaincu, fendant et narguant. Cet assassin qui a fait de l'après-guerre un enfer sans nom, un chaos trop violent pour mon esprit corrompu. Tout ça…. c'est de sa faute….

"Non."

Non. C'est la mienne. C'est moi le monstre ici. C'est moi L'Aberration qui a perdu le contrôle, celui qui a scrupuleusement piétiné et massacré des dizaines et des dizaines de pirates et de révolutionnaires.
Tous des hommes se battant pour des idéaux justifiables, leur étant propres.

Je suis un tueur de rêves. Est-ce ça?

Ou suis-je comme je prétend l'être, quelqu'un qui se bat pour ses amis? Qui défend les faibles et répand la justice?
Soudainement, c'est une lourde chape de plomb qui s'écroule sur mes épaules, c'est une lassitude puissante qui m'ébranle et me frappe. Je titube, le sol bougeant devant ma vision brouillée par ce trouble qui m'assaille. Je m'affale contre le fauteuil, l'esprit brouillon, presque choqué.

Et mon premier réflexe, malgré tout, c'est de poser une seule et simple question. Une question qui, la réponse étant déjà presque assurée, semble tout de même être décisive à mon existence.  

-Tu vas rien dire… hein?

Et puis… ça semble simple de s'contrôler quand tu parles comme ça…. mais tu peux pas comprendre ce que c'est d'être un monstre, un vrai. Et ne vient pas m'faire croire qu'avec tes doctorats t'as une traître idée de c'que c'est…


C'est bien vrai. Ces pulsions, elles viennent, elles partent. Elles sont dirigées par la colère, ce vecteur de violence universel. Mais personne ne peut contrôler sa colère, personne, pas même le plus efficace des psychanalystes.
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Un raclement de pierre tombale. Ses dents s’entrechoquaient, causant ce bruit infâme. Une craie sur un tableau noir. Quelque chose qui fouraillait les entrailles et qui émanait du plus profond des chairs du monstre. Lui, ne savait pas ce que c’était qu’être un monstre ?

« Le serment de Chopper m’oblige à une certaine confidentialité. » expliqua-t-il en arrêtant de ricaner, si on pouvait appeler ça ainsi.

Il se gratta le crâne, prit le temps d’inspirer. Ce n’était pas qu’il hésitait sur la conduite à suivre, plutôt sur la manière de faire comprendre le tout à son patient. Il était assermenté, après tout, et ne pouvait pas faire des ‘fleurs’ à tout bout de champ. Autant opter pour l’empathie. Oui, voilà. Une bonne piste.


« Je ne sais pas ce que c’est qu’être un monstre. Hum. D’un point de vue professionnel, monsieur Jenkins, je n’ai pas à vous livrer mon ressenti. Mais monsieur Fenyang m’a invité à faire partie de cette grande famille alors je vais être honnête. Dire que vous êtes un monstre ne suffit pas à faire de vous un monstre. » fit-il en se frottant les mains.

Choisir ses mots avec le plus grand soin. Il hésitait tant que cela se ressentait dans chacun de ses gestes. Personne ne savait rien de son passé, après tout. Pouvait-il faire confiance à Oswald ? C’était donnant-donnant. Il se leva, alla fermer à clef la porte. Quelques secondes passèrent, peut-être trop. Oswald était le second, après tout. Peut-être pouvait-il se confier. Avoir confiance ... oui. C’était ça. Cela pourrait être un premier pas vers la lumière. S’il pouvait saigner à blanc son passé pour aider un homme, il n’hésiterait pas, après tout.


« Pour tout vous dire, mes doctorats ne représentent que peu mes spécificités. Avant d’être un homme de science, j’étais ... disons ... je vivais hors de la société. Vous n’êtes pas sans remarquer mon physique et mes habitudes ... alimentaires. J’ai ouïe dire que l’on me surnommé Croc’ par ici, ou le tyrannosaure. » commença-t-il en marquant une pause.

« Oui, j’ai l’ouïe plutôt fine. Bref. Ce n’est pas totalement faux, j’ai passé une grande partie de ma vie dans des lieux peu fréquentables, qui suffiraient à faire de moi une espèce à part entière. Alors oui, je sais ce que ça fait, monsieur Jenkins. Les asiles ne sont pas forcément probants par leur méthodes, mais à leur manière, ils épargnent bien des épreuves. » poursuivit-il.

Evidemment qu’il était au courant, le dossier était parfaitement construit. Et puis il était fasciné par Oswald, après tout. Son apparence, ses réussites. C’était à la fois un exemple et un cas à traiter. Il était heureux de pouvoir combler ses déficiences, car il était le premier en son genre, à pouvoir monter les premières marches d’un escalier que nombre de parias pourraient franchir en vue de sauver ce monde. Après tout, ce n’était qu’une question d’adapter les enseignements aux recrues et pas l’inverse. Certes, il fallait faire preuve d’une certaine discipline. Mais avec une formation adaptée, on conservait son sens moral intact.


« Ce n’est pas une question de dire, monsieur Jenkins. C’est une question de soigner : mon but est de faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Si vous vous engagez à faire des efforts, il n’y a aucune raison que cette erreur de passage tâche votre cursus - déjà plutôt anarchique. Et je mettrais ma patte ... hum ... ma main à couper que vous êtes prêt à vous engager sur cette voie là, non ? » fit-il, avec un sourire reptilien.

Un instant, on eut l’impression qu’une seconde paupière venait de passer sur ses yeux. Non. Il était humain, c’était impossible. Mais c’était le genre de chose qui passait par l’esprit des gens. Suffisant pour les faire frémir. Déjà que les homme-poissons c’était dur à accepter, un humain muté à l’acide chlorhydrique, c’était un peu plus ardu à faire entrer dans les moeurs ...

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Un sourire qui se voulait compatissant se dessina sur le visage du Docteur. Il montrait ses dents comme on pouvait pour les donzelles le faire. Sauf que lui, c’était pas forcément sexy. Il émit un grognement rauque, proche du mammalien le plus primal. Il se frotta les mains, attendant que Oswald trouve tout seul les mots dont il avait besoin.

« Vous savez, cher ami Jenkins, si j’étais adepte de la thérapie de choc, cela se saurait. Je ne suis pas là pour sanctionner, je suis là pour guérir. »

Il s’assit par terre, à côté de lui histoire que leur tête soit au même niveau. Un sourire plus naturel cette fois empreint ses traits. Ses yeux se perdirent dans le vague, ça sentait la séquence émotion à plein nez. Retour aux origines du pourquoi du Docteur, sans aucun doute. Préparez – vos – mouchoirs.

« C’est justement pour ça que j’ai décidé d’être ce que je suis. J’ai été témoin du miracle de l’esprit humain dans son intégralité. La force d’une volonté, la ténacité d’une âme. Savais-tu que l’esprit pouvait guérir le corps par sa simple force ? Le nombre de personnes qui ont pu devenir grand juste parce qu’ils le voulaient, ah. Notre monde est magnifique Oswald : pourquoi gâcher son temps à regarder derrière nous alors qu’on pourrait garder un œil sur le large et les aventures qui nous attendent ? »

Il se pencha vers son matelas complètement éventré. Un tas de plumes d’oie en sortait. Il s’en empara d’une et la maintint dans sa paume ouverte, face à Double Face. Légère, intacte. Il serra son poing à s’en faire craquer les jointures. On pouvait voir les muscles se dessiner autour des plaques osseuses et ses tendons s’étirer. Le genre de poing qu’il valait mieux éviter de se ramasser sur le coin du crâne. Puis il le rouvrit, lui montrant la plume intacte.

« Mon point est celui d’un monstre, mais je l’ai destiné à une seule vocation : préserver cette innocence que tous ont. Notre vie n’est qu’une succession de choix, Oswald. Peu importe comment tu la commences, c’est comment tu la termines qui importe. »

Il soupira et lança sa plume par-dessus son épaule. Ah, là, ça venait enfin. Cette histoire d’origine, de passé. Bon, fallait toujours une intro c’est vrai, mais on aurait pu se passer du petit détail kitsch, tu crois pas ?

« Ce n’est pas quelque chose qui s’apprend par les doctorats, en effet. Mais ce qui fait de toi un monstre, c’est le regard que tu te portes à toi-même. Certaines personnes se voient les qualités d’un saint : en sont-elles un pour autant ? Et toi qui te vois monstre, tu es certain d’en être un. Pourtant, moi, je vois une complexité incroyable. Un défi. Une force. Un diamant brut qui ne demande qu’à être taillé. Or tu essaies de me faire croire que tu es un monstre. Je ne te crois pas. »

Il pointa son gros doigt vert sur sa propre poitrine.

« Mes doctorats sont mon moyen d’essayer d’être autre chose qu’un monstre. Pourtant, c’est toujours ainsi que je me définis aujourd’hui. En suis-je un ? Les gens te répondront que oui la première fois qu’ils me verront. Hors mon but est de faire en sorte qu’ils pensent le contraire à la seconde rencontre. C’est la façon que j’ai de retrouver mon humanité. Et toi ? Que serais-tu prêt à faire ? »
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