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Nile Fellah

Un navire tout recouvert d’or remontait à vive allure le long fleuve central de l’île d’Alabasta. Ce genre de scène était parfaite pour une introduction. Son pavillon noir représentant un crâne particulièrement moche confirmait son statut de vaisseau pirate. Et accessoirement, on reconnaissait celui des Truands. Sur le pont, des matelots désœuvrés avaient organisé une partie de pétanques géante, et s’arrangeaient pour la jouer le plus bruyamment possible.

A l’intérieur de la cabine du capitaine, deux hommes discutaient. Le premier, Ange, pouvait être qualifié de plutôt patient : en général, quand une conversation l’ennuyait ou qu’il ne la comprenait pas, il se contentait de penser à autre chose en attendant que ça finisse. Sauf que la, il avait affaire à Numérobis, le trésorier et –titre dont il était très fier- cerveau de l’équipage. Et que cet homme était capable d’agacer les gens les plus stoïques.

- […] Et comme je te disais, Ange, on aurait du faire ça depuis le début. Je t’avais dit que l’on perdait notre temps dans cette petite ville côtière, et qu’il fallait trouver de l’activité pour les hommes, Ange…

C’est ça, cause toujours, tu m’intéresse…
Puisque tu n’as rien de mieux à faire, tu pourrais… réfléchir utilement, pour une fois ?
Pour quoi faire ? Il suffit de laisser Num’ parler, au bout d’un moment, il va peut-être enfin se décider à me dire clairement son plan, et on l’exécutera.


- […] Parce que tu sais, Ange, l’inactivité c’est très nocif à un équipage. Alors bien sûr, au début les gars sont très contents de pouvoir ne rien faire, et aller se saouler à la taverne. Mais Ange, si tu laisses la situation s’éterniser, tu ne pourras plus rien obtenir d’eux, et ce n’est pas digne d’un capitaine.

Et puis, il m’agace à dire mon nom à chaque phrase !
Ignore-le.
Bon… de toute façon, je ne suis même pas sur qu’il ait un plan valable. D’autant que je n’ai dit à personne que je n’avais plus la lettre, alors il ne peut pas prendre ça en compte !
Ce n’est pas très important. Ils feront peut-être un peu la tête quand ils sauront, mais tant pis ! Ce qui compte, c’est que tu puisses te servir d’eux pour rentabiliser tes millions.


Tout à coup, le capitaine des Truands sentit que son interlocuteur avait fait une pause dans son monologue, et l’observait, attendant une réaction de sa part. Le regard du sauvage émergea du vide, le temps de comprendre ce que l’on attendait de lui. Vu que l’autre n’avait pas l’air d’avoir dit grand-chose d’intéressant, il se contenta d’un "hum-mh". Cela parut satisfaire Numérobis, qui reprit :

- Et donc, Ange, si tu veux mon avis il faudrait que tu fasses faire aux gars du vrai boulot de pirate. Tu sais, les trucs ou vous faites plein de bruit, quelques victimes, ou vous brûlez un ou deux trucs, et que vous repartez les bras chargés d’or, en tirant en l’air avec votre pistolet en criant "Yeeepee !".

Euh… j’en  étais ou… ah oui : rentabiliser comment ?
Eh bien… en fait, ce n’est pas complètement idiot ce qu’il vient de dire.
Quoi ? A quel sujet ? Je n’y comprends plus rien : il faut que j’écoute, ou pas, finalement ?!


- Mh… C’est une super idée, Num’. Continues…

Si le trésorier avait tenu Ange en meilleure estime, il aurait senti là un sarcasme. Mais comme selon lui son nouveau capitaine était avant tout une nouille, il supposa que l’autre voulait juste faire semblant d’avoir tout comprendre. Ah, c’était dur de vouloir faire réfléchir une bande de béotiens ! Mais tout bien réfléchi, ce n’état pas si gave. Après tout, s’il pouvait manipuler le chef de l’équipage…

- Ah, content de voir que tu es de mon avis, Ange. En fait, je m’étais assez sérieusement demandé si toi aussi, tout comme les autres gars, ta seule envie n’était pas de ne rien faire. Parce que autant te dire que ça n’aurait pas été à la hauteur de ton prédécesseur…

Dis, espèce d’âne, est-ce que tu te souviens comment Satoshi gagnait tout son argent.
Ahem… je crois… qu’il avait des genres de grosses boutiques. Des… des endroits ou les gens venaient mettre de l’argent et repartaient sans rien. C’étaient euh… des… des banques ?
Mais non, crétin ! Des ca-si-nos ! La différence, c’est que les gens y viennent en sachant qu’ils vont se faire truander !
C’est bien, ça ! Et donc, il faudrait qu’en plus de son équipage, je vole aussi les casinos de Sato’ ?
Pas besoin ! Est-ce que tu te souviens ce que l’on trouve le plus à Rainbase, la ville où on va ?
Des casinos !? Mais alors…
Exactement ! Tu es assez riche pour te payer le tien maintenant. Et même, si tu utilises les Truands, tu pourrais le faire à moindre frais, en libérant de la place dans la concurrence. Merci pour la piste, Num’.


***

A peu près au même moment, en haut de l’escalier qui mène aux cabines, on retrouve Gaspari, matelot de l’équipage et escrimeur aux allures de mousquetaire défraîchi. C’était une mauvaise journée qui avait commencé pour lui, et il en avait déjà plus que marre ! Fichu bateau qui avançait trop lentement, fichu soleil de cette fichue île qui brillait trop fort, et fichue plume de son chapeau qui n’arrêtait pas de tomber ! Gaspari descendit cette saleté d’escalier tout en jurant tout bas et en insultant cette bande d’ahuris de l’équipage qui l’avaient battu aux cartes, le désignant volontaire pour aller porter une stupide nouvelle a cet abruti de capitaine.

Il arriva devant la porte. Toute moche, d’ailleurs, surtout depuis que con imbécile de propriétaire avait peint "capitaine" à la main dessus. Il hésita à frapper, mais passa avant la main sur son chapeau pour s’assurer que la plume y était toujours. Ce n’était pas le cas ! Il revint sur ses pas en promettant la mort au monde entier qui lui en voulait surement, avant de la retrouver en bas de l’escalier. Il ramassa en lui promettant le pire traitement possible quand il aurait les moyens de la remplacer et l’enfonça de force sur son chapeau, d’où elle ne tarderait pas à repartir.
Enervé comme il était, le mousquetaire oublia de frapper avant d’entrer.

Oh non, c’était encore pire que ce qu’il pensait ! L’autre, le gars avec qui le capitaine parlait, c’était cette enflure de raclure de bon à rien de Numérobis ! Lorsqu’Ange lui demanda ce qu’il voulait, il eut bien envie de lui répondre "non, rien, j’me tire !". Et puis, pour qui se prenait-il, à lui parler sur se ton la ?! D’accord, il était le capitaine,… et ok, Gaspari était entré sans frapper, mais tout de même ! Il détourna ostensiblement le regard de Numérobis et dit :

- On arrive en vue du port. Grmblm. C’est tout.

Sans attendre de réponse, il fit demi-tour et s’en alla. Puis revint, trente secondes plus tard, pour ramasser cette saleté de plume qui était encore tombée !
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Rainbase ! Sa splendeur, sa richesse ostentatoire, ses immenses bâtiments colorés, ses palmiers, ses fontaines ! Tout cela subjuguait le voyageur à son arrivée ! La ville était comme un mirage qui prenait réalité au milieu du désert ! Un rêve et une promesse de fortune qui prenaient forme ! D'autres pourraient parler d'une ville de vice, de corruption, de perversion, et tout le tintouin. Mais pour ça, il faudrait quand même être sacrément blasé !

Les Truands étaient arrivés par le crabe voyageur, ce qui ne s’était pas fait sans frayeurs –on parle d’un crabe géant, tout de même !-, après avoir laissé leur navire et une petite partie de l’équipage dans le petit port qui servait à apporter les nombreux approvisionnements, à quelques kilomètres de la ville. Rainbase elle-même étant située en plein désert. Parce que… ça n’était peut-être pas pratique du tout, mais c’était carrément plus classe !

Les pirates s’étaient attroupés dans un coin, sans se soucier des passants qui les regardaient bizarrement, pour recevoir leurs instructions.

- Bon, les gars, ce qu’on va…
- Nan, Num. Tais-toi, c’est moi qui parle.

Il y eut quelques rires moqueurs de la part de l’équipage. Être méchant avec Numérobis attirait toujours la sympathie, et ça Ange l’avait compris.

Tu vas nous faire un discours bien, hein ?
Euh… surement ?
Tu as de l’entrainement, maintenant, n’est-ce pas ?
Ahem… oui ?
Et donc, tu ne vas pas bégayer, ou dire de bêtises, ou oublier un truc, d’accord ?
Hum… euh…évidemment…


- Bon…

Ça commence mal !

Tu dois les… euh tu comprends le mot "exhorter" ?
Non.
Zut. Bon… tu dois leur faire comprendre qu’ils doivent absolument t’obéir pour que vous réussissiez ! Il faut leur donner envie de t’obéir à la lettre ! Et essaie de leur faire passer l’idée en  douceur, puis de leur faire miroiter leurs rêves. Et tu peux caser des mots comme "très riches" à la fin.


- … vous voyez tout ça, les gars ? Tous ces bâtiments qui n’attendent que nous pour  en rafler toutes les richesses ?!

Un "Ouais" sans personnalité vint de l’équipage. Ce n’était pas très compliqué d’écouter un discours quand on était pirate : il suffisait d’acclamer quand le gars qui avait pris la parole se taisait, et suivre ce que faisaient les autres une fois terminé. Et au pire, ensuite, on pouvait demander à son voisin "Pssst ! Et au fait, on doit faire quoi ?".

- Eh bien si on pille tout maintenant, on va avoir toute l’armée d’Alabasta à dos. L’immunité du corsaire ne marchera plus, et on se fera arrêter ou massacrer en moins de trois jours.

Un silence gênant s’installa. L’auditoire avait du mal à comprendre où leur capitaine usurpateur voulait en venir.

-  Alors ce qu’on va faire, c’est qu’on va profiter de notre immunité pour se mêler à la population. Ensuite, on va repérer une proie, que l’on va dévaliser discrètement à la nuit tombée ! Si on fait ça, on n’aura peut-être pas de gloire ou de renommée, mais on évitera les ennuis. Et puis on deviendra très riches sans prendre de risques !!

Normalement, l’auditoire aurait dû rester un moment sans réagir, surtout que l’idée était quand même saugrenue, pour des pirates. Mais le sauvage avait compris depuis longtemps que les foules obéissaient à l’effet de masse : aussi, chaque fois qu’il prenait la parole, il prenait soin de glisser quelques complices dans l’assistance, qui avaient pour rôle de pousser des acclamations pour inciter les autres à faire pareil. Ça marchait plutôt bien !
Les Truands acclamèrent donc, sans tous forcément comprendre pourquoi.

Il avait été décidé –enfin Numérobis avait décidé, et Ange avait dû accepter- que l’on commencerait par faire des repérages : il fallait trouver un casino, ou une banque, ou un magasin de luxe. Quelque chose de suffisamment riche en tout cas, de s’arranger pour le visiter afin d’en connaitre la structure, la surveillance, si possible la salle des coffres, et pouvoir s’y retrouver quand on y reviendrait la nuit venue. Pour Ange, il s’agissait aussi, si possible, de trouver une boutique suffisamment bien. Il pourrait alors la vider, l’essorer, la pousser au fond du gouffre, puis de la récupérer pour son propre compte. Quand il pensait à ses millions, tout cela lui montait à la tête !

***

Saleté de journée ! Sale ville pourrie, trop chaude, trop lumineuse, avec ces enflures de riches corrompus, tout ce luxe à profusion, tout cet argent jeté par les fenêtres ! Non, décidément, Gaspari n’aimait pas cette ville ! Et il n’aimait pas non plus le plan du capitaine Mais ça, c’était surtout pace qu’on l’avait inclus de force dans le même groupe que ce sale type de Numérobis,… tout ça parce qu’il était trop occupé à demander à son voisin ce qui se passait pendant qu’on répartissait les rôles. Ange était aussi avec eux, ainsi que Célina la vigie. Pour une fois qu’elle faisait autre chose que roupiller dans son nid-de-pie, celle-là !

Mais en fait, elle aussi, elle lui tapait sur les nerfs ! Elle n’arrêtait pas de parler pour ne rien dire, de faire des propositions idiotes, de raconter sa vie… comme si on pouvait avoir une vie passionnante quand on passe la moitié de ses journées perchée en haut d’un mât ! Et puis elle n’arrêtait pas de se plaindre, parce que sa combinaison en cuir moulante lui tenait trop chaud. Bah évidemment, ma grande, que ça tient chaud ! Mais si tu t’habillais correctement aussi !! La combinaison moulante en cuir, ce n’est pas fait pour les grosses chaleurs !

Un second groupe d’investigation était mené par Jazz, le quartier maître. Il avait failli se faire coller à la surveillance du bateau, au départ du port, mais il avait réussi à négocier pour que ça soit Sca qui s’y colle à sa place ! Haha ! Du coup, il était de très bonne humeur, au point qu’il avait supporté d’écouter parler Num’ sans broncher ! Alors, plutôt que de s’embêter à chercher un bâtiment qui avait l’air riche dans une ville ou il n’y avait que ça, il décida de partager sa bonne humeur avec ses gars autour de quelques bières dans un bar du coin.

L’homme à la coupe afro Bongo commandait le troisième groupe. Ils étaient sûrs de trouver la meilleure cible. Normal, puisqu’ils étaient commandés par Bongo. Et Bongo, c’était lui le meilleur ! En tout cas, c’était ce dont il était convaincu, et par chance beaucoup partageaient son avis. Seulement, ça ne lui plaisait pas trop à lui, l’idée du cambriolage discret. Alors le moment venu, s’il y avait moyen de créer une esclandre…
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Le centre-ville regroupait la plus grosse concentration d’être humains jamais vue par Ange. Et même, la plus grosse concentration d’êtres vivants si l’on exceptait l’énorme fourmilière qu’il avait un jour découverte, près de son village, alors qu’il faisait la sieste. Depuis, la simple vue d’une fourmi lui rappelait avec beaucoup de douleur le souvenir de centaines de piqûres dans le dos.
Parmi tous les bâtiments, l’un de ceux qui brassaient le plus de monde était un grand édifice blanc, bariolé de peinture et recouvert d’immenses fresques, avec écrit au-dessus de la porte en grosses lettres brillantes "Nile Fellah - CASINO", et en plus petit "le nouveau casino de Rainbase". Cependant, l’écriture déjà un peu ternie prouvait qu’il n’était plus si nouveau que ça. Les quatre pirates se concertèrent du regard, et décidèrent de commencer leurs recherches par là.

Le "Nile Felah" semblait avoir été conçu par un homme qui aurait recherché sur un catalogue tous les articles les plus coûteux, et les aurait ensuite assemblés sans prendre en compte des notions futiles telles que le bon goût. Cependant, si on prenait la peine de faire le tour de l’édifice, on remarquait que les trois autres murs étaient en béton tout bête et tout moche. On avait fait ce qu’il fallait pour attirer le client, mais pas plus. Le sauvage s’abandonna un moment à la contemplation du décor. Il essayait d’imaginer ce que l’on pouvait ressentir en étant le maître d’une telle bâtisse. On devait probablement se sentir grisé, et puissant ! Il se voyait déjà, contemplant la ville du haut d’un balcon, avec des airs de propriétaire. En fait, il était complètement à côté de la plaque. Honnêtement, Mr. Sakhap Hatath, le propriétaire du Nile Fellah, se considérait comme un homme accablé de soucis.

Ange, Num’, Célina et Gaspari gravirent l’escalier recouvert d’un tapis rouge pelucheux, -très classe, même s’il était maculé de sable à force d’être piétiné- pour atteindre la porte. Mais là, deux gorilles tout en muscles, aux allures de clones qui servent habituellement pour meubler le fond, leur bloquèrent le passage en se plaçant d’un mouvement synchronisé devant l’entrée.

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Bad et Stupid, parce que l’on suppose que c’est leur nom, étaient en fait assez contents d’avoir l’occasion de s’interposer devant quelqu’un. D’ailleurs, s’ils avaient disposé de plus de volonté, on aurait pu affirmer qu’ils s’ennuyaient ferme ! Ils avaient été disposés là pour les besoins de l’histoire, mais ils auraient tout aussi bien eu leur place à jouer les armoires à glace derrière leur patron si c’était lui qu’il avait fallu rencontrer, ou à n’importe quel autre endroit ou on avait besoin de gros bras en arrière plan. D’ailleurs, il y avait fort à parier qu’ils seraient derrière lui lorsqu’on le verrait tout à l’heure. Quoi qu’il en soit, on ne devinait rien de tout cela dans le ton ferme, méprisant, légèrement goguenard et très professionnel que prit Bad pour s’adresser aux Truands :

- Holà, les pouilleux. ‘Passe pas !

Hé mais… Comment ont-ils deviné qu’on était des voleurs ?
Peut-être… parce que ta photo traine un peu partout en ce moment ?!
C’est du grand n’importe quoi : on n’a pas plus des têtes de criminels qu’eux !
Tu devrais peut-être leur dire.
Euh, non. Je risque des ennuis si je dis à ces deux Mr. Muscle qu’ils ont de sales têtes !
Mais pas du tout : dois juste leur dire qu’on n’est pas venu tout cambrioler !


La première, Célina s’indigna :

- Hé, vous vous prenez pour qui, les deux costauds ? On est des clients comme les autres !
- Héhé, t’as vu ça, Bad ?
- Ouais… elle va dégager vite fait, la pouffe, ou je vais l’y aider à coups de pied dans le derche !
- Non mais… !
- Messieurs, je vous prie ! Voyez, nous sommes de respectables clients, qui…
- Bah le respectable binoclard, toi et les autres trouffions ‘pouvez pas rentrer, alors cassez-vous !
- Hé, les gars ! J’ai retrouvé ma saleté de plume ! Elle était tombée, et…

Ça commence mal, tout ça.
Il fallait s’y attendre : des gens riches ont forcément les moyens de défendre leurs biens.
N’empêches, ils sont marrants ces deux gars. On dirait des jumeaux. Et… ce sont leurs noms qui sont écrits sur leurs débardeurs ?
Bad ? Stupid ? Bien sûr que non ! Il faudrait être de sacrés hurluberlus pour s’appeler comme ça, et il faudrait être complètement stupide pour écrire ça sur des vêtements.
Bah justement, c’est ce qui est marqué…
… Ou peut-être qu’ils ne savent pas lire.
Ou alors, c’est comme pour le gars que j’ai croisé une fois et qui avait un pull avec écrit dessus : "je suis en face d’un crétin" ?
C’est quoi le rapport ?! Et ce n’est pas l’important, andouille !! Essaye plutôt de savoir ce qui ne va pas avec ces deux là.


Un groupe de badauds s’était formé autour de l’entrée du casino. A Rainbase comme ailleurs, les passants étaient toujours partants pour une distraction gratuite. Et ici ça promettait de chauffer ! Hésitant, Ange s’approcha des deux gardes. Ceux-ci lui lancèrent un regard tellement assassin par-dessus leurs lunettes de soleil, qu’il faillit rebrousser chemin sur-le-champ ! Avalant sa salive, il bredouilla :

- Ahem… c’est quoi votre… euh…enfin le…

Éloquent, assurément !
Mais je…
Écoutes : tu es riche, tu te fais passer pour un corsaire, et tu es capitaine pirate ! Tu ne vas pas te laisser éjecter comme ça, si ?!
Mais…


- Hé, Bad, c’est pas de la résistance, ça ?
- Oh, si ! J’crois bien qu’on va pouvoir s’amuser un peu, héhé !
- Mais non ! Vous ne comprenez pas ! On est venus… Ange tira une liasse de billets tout frais de sa poche… dépenser notre argent !

Il faillit esquisser un sourire, puis se ravisa. Les deux gardes auraient dû prendre un air exaspéré, mais ils n’avaient pas ce type de données dans leur programme. Et de toute façon, ils étaient payés pour rouler des muscles à l’entrée, pas pour réfléchir. Aussi, c’est à peine s’ils prirent une différente nuance de mécontentement pour répondre :

- Écoute, tête de serpillère : ici, c’est "Tenue correcte exigée". C’est… marqué, sur le panneau, derrière.
Pour la première fois, le mastard sembla manquer de confiance en lui. Il indiqua vaguement une affiche derrière lui pour appuyer ses propos mais sans être certain que ça y soit bien écrit. On le lui avait dit, et il l’avait cru sur parole. Et maintenant qu’il y avait un doute, il s’aventurait sur le chemin dangereux de la lecture et de la compréhension des mots. L’autre vient à sa rescousse.
]- Riche ou pas, on ‘va pas te laisser rentrer avec le sac poubelle qui te sert de vêtements !
- Ah, c’était donc ça ! Et vous ne pouviez pas le dire plus tôt ?!
]- Dis, Stupid : tu les tiens et je les frappe, ça te va ?
- Ouais, haha ! Mais tu me laisses le trouduc’ à lunettes, j’ai vraiment envie de le baffer celui-là !
- Ce… euh… ce n’est pas la peine ! Allez Ange, on s’en va !

***

- Dis, Num… j’ai vraiment l’air de porter un sac poubelle ?
- Pire que ça, Ange, bien pire. C’est vrai que nous on est habitués, mais eux…

Alors, on va ailleurs ?
Surement pas ! C’est un affront qu’ils vous ont fait ! On doit dévaliser cet endroit !
Et alors ? Les affronts, tu as l’habitude, non ?
…Alors on fait quoi ? On entre par derrière ?
Mais non ! Ce que tu peux être niais ! Tu n’as qu’à acheter des vêtements. Tu es assez riche pour ça, non ?
C’est vrai… en fait, j’ai toujours rêvé de porter une tenue super classe !
Alors c’est parti !
Et… je pourrais aussi m’acheter un manteau que je porterai en cape, comme les capitaines pirates ?
Tu plaisantes ? Par ce temps-là, tu cuirais dans un truc pareil !


Ange fit part de sa proposition aux autres. Bien que dépenser son précieux argent pour ce genre de choses l’ennuyât un peu, il pouvait bien en avancer un peu. Et puis après tout, ça pouvait être amusant ! Il avait un peu l’impression de devoir se déguiser.
Puisqu’elle était la seule fille, Célina fut désignée d’office pour acheter les vêtements : écoutant leurs préjugés masculins, les autres étaient convaincus qu’elle seule saurait le faire. Ce à quoi Numérobis répliqua qu’ils risquaient de se retrouver vêtus d’articles d’une boutique pour sadomasochistes, ce qui lui valut une belle gifle de la part de la concernée, qui envoya voler ses lunettes !
Gaspari, lui, n’en avait rien à faire et s’en fichait. Toute cette histoire l’énervait au plus haut point, et il ne savait pas ce qui le retenait de tout plaquer et de partir !

Finalement, chacun irait lui-même faire ses emplettes. Gaspari partit donc à la recherche d’un chapelier –si jamais il en trouvait dans cette satanée ville-. Célina annonça qu’elle allait essayer de retrouver une boutique qu’elle avait repérée à l’aller. Quant à Num’, la joue toute rouge, il devait avant tout trouver un opticien pour faire arranger ses lunettes.
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Ange, flâna un peu au hasard dans les rues. C’était la première fois qu’il allait acheter des vêtements, et il se demandait s’il ne gagnerait pas à les voler, comme il le faisait d’habitude. D’ailleurs, en plus de lui économiser de l’argent, cela lui permettrait de ne pas avoir l’impression d’être devenu trop "civilisé". Soudain, alors qu’il passait dans une ruelle de traverse, la façade d’une boutique lui sauta aux yeux : "Ginfis & Fils, Dentistes Prothésistes". On peut dire qu’elle lui fit le même effet… eh bien… qu’un magasin de jouets à un enfant,… ou qu’un rôti tout juste sorti du four à un chien !

Parce que s’il avait fini par se familiariser avec l’étrange monde qu’était celui des civilisés, le sauvage avait encore quelques préoccupations bien à lui. Ce qu’il allait faire, c’était, dans son univers à lui, comme un homme qui irait s’acheter un nouvel étalon chic et cher –ou un gros bateau, ou même un carrosse bien kitch, faute d’autre moyens de transport plus modernes et plus polluants-, blanc, avec un air avantageux, et une selle de compèt’, dans le seul but de pouvoir se promener avec en ayant la sensation d’exister -et pour pouvoir oser aborder les jeunes femmes de leur âge-. Sauf que lui, c’étaient les dents. Si dans sa tribu on se limait les dents en pointes, ce n’était pas particulièrement pour avoir l’air plus méchant ou parce que ça faisait moins de surface à brosser (d’où des économies de dentifrice), mais parce que pour eux quelqu’un qui avait les dents plates c’était comme… quelqu’un qui ne se couperait ni ne se coifferait jamais les cheveux chez les civilisés ! Ce n’était pas indispensable, ni réellement utile, mais ça paraitrait saugrenu et plutôt de mauvais goût de ne pas le faire.
Le sauvage avait pris sa décision : sa dentition avait besoin d’un coup de neuf. Le regard illuminé, il poussa la porte de la boutique.

***

- Cela vous convient comme ça, euh… monsieur ?
- M….h… Hm’rès h’ien.
- Parfait ! Je dois dire que c’est –hum !- de très bon gout !
- He crois hauchi.
- Splendide ! Et… voici la facture.
- H… aaargh !

***

Une heure plus tard, Ange trouva la fine équipe était réunie près du casino. Célina avait troqué sa combinaison contre une robe moulante –en cuir, forcément-, et elle s’était munie de tout un assortiment de bijoux en toc. Gaspari, lui, portait maintenant un horrible costume-cravate rouge et gris, de très mauvais goût selon Ange ; selon le mousquetaire aussi : il ne l’avait acheté que parce que c’était le seul à la portée de sa bourse, ce qui était d’ailleurs une raison de plus d’alimenter sa mauvaise humeur ! En revanche, il avait agrémenté le tout d’un large chapeau noir, flambant neuf et muni d’une grande plume blanche ! Même s’il n’allait pas du tout avec le reste de sa tenue, il en était très content ! Num’, lui, avait gardé son costume blanc habituel. Réparer les lunettes, ça coûtait déjà assez cher comme ça.

- Tiens, te voilà Ange ? Mais… que…
- Argh ! C’est bien toi ?!
- C’est moooche !
- Mais non, c’est super classe ! Dis, tu t’es fait un tatouage avec ?!
- Hein ?! Pour quoi faire ?

Le sauvage avait beaucoup réfléchi. Pour ce qu’il en savait, un gars riche –mais vraiment riche- n’allait pas s’embêter à porter le même costume-cravate (noir, gris ou beige) que tous les autres riches. Surtout qu’on ne se sentait même pas vraiment à l’aise dans ce genre de tenues ! Aussi avait-il opté pour le style "riche excentrique -il était très fier de cette expression-, qui correspondait beaucoup mieux à ses propres envies, très influencées par la première moitié de sa vie passée dans la jungle. Ange avait donc troqué ses vieux vêtements noirs délavés et usés par le temps, aux manches élimées, contre une chemise de plage de luxe (enfin c’était se que prétendait l’étiquettes, avec ses histoires de soie à cent pour cent et le prix à six chiffres), ainsi qu’un short du même acabit, mais sans palmiers. Les lunettes de soleil, il ne les avait pas volées : c’était une nouveauté pour lui d’essayer ce genre d’accessoires, et, alors qu’il y avait encore peu de temps il ne se gênait pas pour critiquer ceux qui en portaient, il était aujourd’hui très fier d’en avoir ! Il avait aussi récupéré tout un assortiment de bijoux –de la camelote, mais c’était un détail-, qu’il avait inséré dans ses cheveux à intervalles réguliers, persuadé que ça lui irait bien.
Quant à ses dents, c’étaient sa nouvelle grande fierté ! Mr. Ginfis avait fait du bon travail : plutôt que de toutes les retirer pour les remplacer par un dentier, il avait fait poser de fines feuilles d’or par-dessus les vraies, maintenues par de petits crochets fixés à même les dents. Ce qui combinait deux avantages : la solidité, et la quantité d’or bien moindre à y investir ! Ce n’était peut-être pas le genre d’opération que pouvait se payer un petit sauvage vivant dans les blues, mais ici on était à Rainbase, la ville des gros richous !

Spoiler:

***

Le retour devant le Nile Fellah, se fit le moins discrètement possible : dans la rue, chacun se retournait sur le passage des quatre Truands, affichant parfois un regard franchement incrédule. Et Ange ne se privait pas d’envoyer à la ronde des sourires dont l’éclat était tel qu’il aurait même fait de l’ombre au sourire charmeur de James Fermal. Avant peu, si on arrivait à le reconnaître sous cet accoutrement, toute la ville saurait que le soi-disant prétendant corsaire se trouvait ici… et qu’il avait maintenant une vraiment drôle de tête !

Bad et Stupid les regardèrent revenir avec un air plus que soupçonneux, et les inspectèrent longuement avant de se décider. Ce que les pirates portaient la, s’il s’agissait de vêtements neufs et de qualité, ce n’était pas non plus ce que l’on endentait habituellement par "tenue correcte". D’un autre côté, les deux hommes de main n’avaient pas vraiment reçu d’instructions claires à ce sujet. Et puis, de leur point de vue, les accoutrements des quatre hurluberlus leur donnaient des airs de riches qui ne savent pas comment dépenser leur argent. Et puis après tout, Bad & Stupid n’étaient pas payés pour réfléchir !

- ‘kay, allez-y, passez.

Les Truands obéirent sans demander leur reste ! Dans le hall, un réceptionniste s’avança presque en courant vers eux et leur proposa, avec force de courbettes, de prendre leurs affaires. Ils l’envoyèrent méchamment promener, traitant pauvre homme de voleur, de pickpocket, et lui disant qu’il avait de la chance qu’ils n’appellent pas la sécurité !

Passé ce détail, ils purent découvrir pour la première fois à quoi ressemblait un casino vu de l’intérieur ! En fait, celui-là était assez bizarre. Il donnait l’impression qu’on avait voulu s’inspirer du style cliché des casinos mafieux, mais tout en respectant le style architectural d’Alabasta. On combinait donc les fausses dorures, le tapis pelucheux, les grands et indispensables lustres, tout ça à côté de colonnes colorées au sommet en forme de papyrus, des sculptures murales étranges avec des bonshommes de profil, des bassins aux couleurs vives remplis de nénuphars et autres plantes aquatiques. Même les employés affichaient ce mélange de deux styles : celui du costume-cravate noir et des cheveux gominés, pour des personnes de type clairement Alabastien portant le fez.
Il régnait dans le bâtiment un brouhaha, mais de l’espèce distinguée : du genre d’où émerge des tintements de verres en cristal, et des rires contrôlés du style "Ha-ha-ha", avec une petite voix haut-perchée.

Le trésorier de l’équipage arracha ses camarades à leur contemplation du décor : il fallait maintenant se mettre au travail ! Apparemment, il y avait largement de quoi piller ici, mais ils devaient tout de même faire leur travail de repérage. Ils devaient savoir quels étaient les objets les plus intéressants à embarquer une fois la nuit tombée. S’ils pouvaient repérer l’accès à la salle des coffres, c’était encore mieux ! Et il fallait aussi se faire une idée du système de sécurité : combien de gardes, si possible quelle activité nocturne, et surtout, s’il y avait des dispositifs de sécurité avancée, comme des escaméras où ce genre de choses.
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La bonne volonté d’Ange ne dura pas longtemps : après avoir mollement essayé de glaner des informations, il se laissa gagner par la folie des jeux. Parce qu’en dépit de son apparence de parfait hurluberlu, il avait l’air riche, un groupe d’hommes en costumes (noirs, gris ou beige –l’un d’eux était rayé-) l’avait invité à participer avec eux à un jeu dont, même après plusieurs parties, il ne réussit pas à comprendre les règles. Les autres ne se génèrent pas pour le soulager d’une partie de son argent. Le sauvage aux dents d’or fut ensuite pris à parti par un moustachu en costume (bleu, cette fois !), et un amas de soieries, de bijoux et d’écharpes pelucheuses qui devait être sa femme. Ils lui demandèrent si c’était bien lui le futur corsaire, et trouvèrent cela "foôôormidable".

Finalement, le capitaine des Truands s’installa devant une drôle de machine avec des airs de caisse enregistreuse, et, en observant ses voisins, il avait compris qu’il suffisait de glisser des sous dans une fente pour essayer d’en récupérer plein d’autres ! Voilà une façon de regagner simplement ce qu’il avait perdu !

Après une dizaine d’essais infructueux, Ange, comme des milliers –peut-être même des millions- de joueurs avant lui, se fit cette constatation :

C’est de la triche !
Évidemment ! Tu ne croyais quand-même pas que la machine allait te donner plus d’argent que tu n’en mets !
Bah… il est ou l’intérêt, sinon ?
Ce que tu peux être stupide ! Elle est la pour enrichir son possesseur, rien de plus ! Des centaines de pigeons comme toi viennent y mettre de l’argent, et de temps en temps, l’un d’eux en récupère. S’il est chanceux, il n’en récupérera pas moins que ce qu’il a mis.
C’est… c’est de l’arnaque !
Oui, mais de l’arnaque légale. Réveilles-toi, crétin ! C’est ça le principe des jeux de hasard !
Mais…c’est que… je croyais que j’étais chanceux, moi !
Eh bien tu ne l’est pas ! Ou alors tu as épuisé toutes tes réserves ! Alors tu devrais arrêter les frais avant qu’il ne soit trop tard.


Le sauvage regarda la machine. Il regarda l’interstice par lequel on faisait rentrer les pièces Il regarda sa main, dans laquelle se trouvait plusieurs milliers de berrys en petite monnaie. Son regard fit plusieurs fois des allers-retours entre la fente et les pièces, puis il se ravisa. Après tout, il était déjà riche. Mais tout de même …!

Attends… tu ne vas quand même pas repartir en ayant perdu de l’argent ?
Euh… je ne devrais pas ?
Toutes ces pièces que tu as données, tu n’as rien reçu en échange.
Nan mais de quoi j’me mêle ?!
Euh… C’est vrai ça.
N’importe quoi ! Ne perds pas ton temps !
Et ils osent faire ça au capitaine Ange ?! Au riche capitaine Ange. LE prétendant au titre de corsaire ?
Ahem… bon, alors je fais quoi ?
C’est ex-prétendant, d’abord. C’est pour ça que tu es riche, boulet…
On s’en fiche ! Ton argent, tu dois le récupérer !


L’homme aux dents d’or eut ce qui pourrait passer pour une lueur déterminée dans le regard. Il retourna en face de sa machine à sous, tira sa dague, et la coinça dans un interstice. Puis il tira, tira, pour essayer de l’ouvrir ! Mais la machine résistait !

Pas comme ça ! Tu vas tout casser !
Mais ça résiste !
Tu sais ouvrir les portes, non ? C’est bien ton seul talent.
Ce n’est pas une porte ça, aussi !
Tu n’as qu’à faire comme si c’était le cas, crétin !


Laissant son arme, le sauvage posa ses deux mains à plat contre la conque de la machine, se concentra l’espace d’une seconde, et tira doucement. La machine à sous s’ouvrit en deux, dévoilant un mécanisme complexe, et faisant tomber sur les pieds du pirate ravi un petit tas de pièces d’or ! Les yeux aussi brillants que ses dents, il se pencha pour se servir quand une voix retentit :

- Hé, vous ! Ma machine ! Ma machine !

***

Un petit homme s’était précipité en courant à côté d’Ange. C’est un petit personnage à la peau tannée par des années de travail au soleil, vêtu d’un costume noir haut de gamme qui contrastait avec son visage de paysan tout juste tiré de son champ. Il portait courte barbe noire, et sa tête était couverte d’une coiffe traditionnelle. Non, pas le fez, et pas non plus la coiffe "bédouin", mais celle "j’ai mis une serviette sur ma tête". Mais surtout, il était talonné par deux montagnes de muscles en débardeur blanc, qui avançaient à grands pas derrière lui tout en jetant des regards mauvais à la foule. On reconnaissait sans mal Bad et Stupid ; quand à savoir pourquoi ils étaient maintenant à suivre le petit homme plutôt que de garder l’entrée,… eh bien il valait mieux ne pas trop se poser de questions ! Comme tous les gardes du corps, ils se plaçaient là où le récit avait besoin d’eux, et c’était tout !

Nile Fellah 211090SakhapAtath

Sakhap Hatath, car c’était le nom du petit homme, cria encore. Mais pas de la voix de l’homme riche et sur de lui, qui sait qu’il peut compter sur une équipe de costauds pour arranger ses problèmes. Son ton était plaintif, gémissant, presque suppliant ! En fait, il agissait presque comme si les deux costauds n’étaient la que pour lui rendre service. On devinait qu’il n’était pas dans sa nature de donner des ordres à qui que ce soit.

- Il a cassé une machine ! Et il va tout voler ! Bad, Stupid, empêchez le !

Qu’importe les capacités de leur patron : s’il ne savait pas commander, les deux Mr. Muscle, eux, étaient habitués à obéir. Avec un large sourire, ils s’approchèrent de l’homme aux dents d’or en faisant craquer leurs jointures. Celui-ci pâlit -pour autant que cela lui soit possible. Selon toute évidence, il allait passer un sale quart d’heure !

Tu ne vas quand même pas te laisser faire !
Bah…
Mais non, prends la fuite !
Surtout pas ? Elle va devenir quoi, sa réputation à ce nigaud, s’il passe son temps à courir ?!
Euh… je pourrais juste ouvrir une porte d’air, qui me mènerait directement dehors…
Pour partir sans ton argent ?
C’est de la folie de tenir tête aux gardes. Et de se mettre tout le casino à dos !
Tu es dans ton bon droit ! Ce sont eux les méchants, ici !
Raaah ! Je n‘arrive plus à réfléchir ! C’est le bazar dans ma tête !
C’est toujours le bazar dedans !


Bad & Supid n’étaient plus qu’a quelques pas de lui. Le sauvage, au bord de la crise de cerveau, se prit la tête à deux mains en roulant des yeux.

Reprends-toi, espèce de naze !
Mais… qu’est-ce que je peux faire ?
Ce gusse, là, celui qui à l’air de commander. On dirait qu’il est encore plus faible que toi ! Tu dois bien pouvoir l’intimider.
Mais il a deux costauds avec lui !
Et toi alors ?! Jusqu’à la parution d’un démenti, tout le monde te croit corsaire ! Tu as un équipage de pirates à tes ordres ! Et puis… tu as des dents en or superclasses qui en imposeraient à n’importe qui !
Euh… c’est vrai.
Alors au travail !


 Ange se redressa de toute sa taille. Même comme ça, il faisait une bonne tête de moins que les deux "skinheads". Il étendit sa main devant lui, et de toute puissance de sa voix il s’écria :

- STOP !!!

C’est le genre de moment ou le brouhaha autour s’arrête. Ou tous les gens, même les plus impolis, se taisent. Ou chacun autour abandonne son activité pour regarder ce qui ce passe, et écouter cet homme débordant de charisme qui vient d’imposer le silence. Forcément, ce genre de choses ne marchait pas avec Ange. En fait, c’était à peine si les joueurs autour tournèrent la tête pour regarder la scène. Après tout, un joueur qui se faisait expulser, ça n’était pas si rare à Rainbase et les gens en général avaient compris qu’il valait mieux éviter de trop s’intéresser à des videurs comme Bad et Stupid. D’ailleurs, c’est ceux-là savaient reconnaitre l’autorité quand ils la voyaient, et la elle n’y était pas. Aussi continuèrent-ils leur progression, et se plantèrent devant le sauvage.
L’un d’eux, celui qui avait écrit "Stupid" sur son t-shirt, empoigna le sauvage par le col.

- Toi mon gars, t’as embêté le patron. Et, rictus menaçant, c’est pas bien d’embêter le patron…

Ne te laisse pas faire !
Et je fais quoiii ? Il va me faire mal ! A l’aide !
Pffff ! Gros nul ! Sorts ton pistolet !
Mais… ?
Obéis !


L’homme aux dents d’or prit son arme, la pointa en l’air, et tira ! La détonation retentit dans tout le casino. Si l’on se fichait éperdument d’un petit homme qui criait, la peur des armes à feu, elle, était suffisamment ancrée dans l’humain moyen pour que tout le monde se sente concerné ! Toutes les personnes présentes se retournèrent vers l’endroit d’où était parti le coup. Avant de laisser le temps aux plus sensibles de crier et de s’évanouir, ou de déclencher une débandade, Ange s’exclama, la voix un peu cassée à cause de son précédent cri, mais avec une dureté que l’on n’aurait pas soupçonnée chez lui :

- Ça suffit maintenant !
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La scène s’était figée. La foule se divisait maintenant entre les spectateurs inquiets mais intéressés qui regardaient la scène en espérant assister à un spectacle qu’ils seraient fiers de raconter, et les terrifiés qui étaient en train de se cacher dans un coin, où, pour les plus malins, de filer discrètement vers la sortie. Et bien sur, ça criait dans tous les sens, parce que l’affolement c’est beaucoup plus amusant si c’est la pagaille ! Il y avait aussi Seth Unskhoup le journaliste de passage, qui avait déjà préparé son appareil photo et qui se réjouissait d’assister à un tel évènement. Il imaginait déjà son titre en gros sur la première page : « Scandale !!! Bagarre au Nile Fellah Casino !!!» ; ou mieux encore : « Scandale !!! Un mort au Nile Fellah !!! » ; en tout cas, il devrait y avoir le mot « scandale » dans le titre, et au minimum six points d’exclamation !

Revenons-en à la scène principale. D’un côté, il y avait Ange. Son regard, heureusement dissimulé derrière ses lunettes de soleil, exprimait la terreur. D’un autre côté, sa bouche était grande ouverte sur une grimace affolée, mais qui toujours grâce aux lunettes qui pouvait passer pour un rictus méchant. Du genre qui veut dire « je suis un fauve enragé, et je vais faire de vous mon quatre-heures ! ». Comme il avait les mains fermement cramponnées à son pistolet, elles ne tremblaient pas.

Ses deux antagonistes étaient à peine moins effrayants. Faute de posséder une apparence exubérante, une arme et des dents pointues, ils avaient pour eux leur musculature, leur mine patibulaire, leur nombre, et surtout une longue expérience des combats de rue ! Et puis les ordres, c’était sacré. Surtout ceux de ce genre la. Alors pistolet ou pas, ils comptaient bien casser sa figure à ce drôle de type !

En revanche, juste derrière eux, Sakhap Hatath n’en menait pas large. Au moment de la détonation, il s’était aplati contre le sol, les deux mains sur la tête, à la manière d’une autruche. Maintenant il regardait la scène en gémissant. Pour le sauvage, qui n’avait pas l’habitude se susciter la peur chez grand-monde, voir tout ce monde terrifié suscitait une sensation… plaisante. Sans les deux gardes du corps, il aurait presque pu se sentir maître de la situation.

Gyaaah, je savais que je n’aurais pas tu tirer ! Je vais me faire massacrer maintenant !
D’autant que ces deux gorilles n’ont surement pas la notion de « peur » de programmée dans leur cervelle.
Euh… il n’est peut-être pas trop tard pour filer ?
Non ! Surement pas ! ça t’aurait servi à quoi de leur tenir tête si tu t‘échappes ? Et puis contrairement à ses hommes, le gars en costume, lui, il a plutôt l’air de la même trempe que toi... et même pire !
Alors…
Alors dis lui que tu es un des terrible membres de l’ordre des sept capitaines corsaires ! Ça devrait le faire réfléchir…
Mais… c’est un mensonge !
Oui, et alors ? D’ailleurs, la nouvelle s’est répandue et tout le monde croit que c’est encore vrai. De toute façon, tu dois à tout prix éviter de provoque un gros scandale si tu veux t’installer dans le coin, alors tu n’as plus trop le choix.


- Euh…

Et aies l’air plus méchant !

Le capitaine des Truands se composa le visage le plus terrible qu’il se sentait capable d’exécuter : sa bouche grande ouverte et ses lèvres retroussées dévoilaient ses crocs dorés dans un sourire éblouissant. Il avait retiré ses lunettes et fixait aussi intensément que possible devant lui avec ses grands yeux rougeâtres.

- Ça suffit, j’ai dit ! Je…
Tu as intérêt à faire ça bien, hein ?!
… je suis le capitaine Ange Del Flo, LE nouveau futur corsaire ! Mouais plus maintenant. J’AI tué le puissant Krabbs ! Enfin non, mais c’est un mensonge gratuit. JE suis le possesseur de la lettre qui fait de moi un corsaire, et JE représente donc le gouvernement ici !! N’importe quoi. Et en plus tu ne l’as jamais faite valider, même avant de la revendre…

Silence terrifié dans la salle, seulement troublé par le flash de l’appareil photo de Seth le journaliste. Ça y était, il le tenait son scoop : « Scandale au Nile Fellah !!! Le prétendant au titre de Greed menace de mort la centaine de personnes présente sur les lieux !!! ». Sans parler du long article qui suivrait, dans lequel il pourrait disserter à loisir sur l’erreur que fait le gouvernement mondial en offrant l’immunité à des psychopathes sanguinaires de l’acabit de cet Ange Del Flo. Il allait faire un carton ! Mais l’homme aux dents d’or poursuivit :

- Si j’ai ouvert votre machine c’est parce que…
Parce que quoi, au fait ?
Parce qu’elle était cassée, non ? Pour une fois, ça sera presque la vérité.

… parce qu’elle était détraquée. Et je… euh… j’essayais de la réparer. Hum. Voilà. Pour pouvoir continuer à jouer.

La tension retomba de plusieurs crans dans le casino. De la peur, on passait maintenant à l’incompréhension. Toute cette histoire… pour ça ?! La seule personne encore mal à l’aise, c’était le patron. Cependant, il possédait cette faculté que développent tous les hommes faibles qui souhaitent préserver leur vie : celle de savoir se prosterner, supplier, s’écraser s’il le faut, pour ne pas avoir à subir le courroux des grands. Et il faisait aussi partie de ceux qui savent se rendre éloquent quand le danger les menaces. Le petit homme se précipita donc aux pieds du soi-disant nouveau corsaire, et gémit :

- Pitié, monseigneur, épargnez nous ! Pardonnez notre erreur, je… je suis vraiment navré ! N… nous allons vous rembourser votre mise, bien évidemment. Et euh… soyez assuré que nous vérifierons l’état de toutes nos machines Ne nous punissez pas, je vous en prie… nous sommes vos humbles serviteurs !

Dans l’assistance, le plus déçu de tous était le journaliste. Déçu, il barra son ébauche d’article d’un trait rageur. Puis, après un court instant de réflexion, il reprit son stylo et se mit à griffonner quelques lignes avec un sourire mauvais : s’il ne pouvait pas coller un scoop sur le dos de cet Ange, c’était Sakhap Hatath qui en ferait les frais ! Hm… « Machines truquées au Nile Fellah ? Un futur corsaire dévoile une tentative d’arnaque dans le fameux casino ???!!! » Ça sonnait bien ! Il en salivait d’avance ! Il devrait peut-être le retravailler, ajouter quelques points d’exclamation, mais l’idée y était.

Mais finalement, l’un des plus surpris était Ange lui-même, qui n’en revenait pas du résultat auquel il était parvenu. Cependant, il était trop concentré à conserver son air méchant pour le laisser paraitre. Très satisfait de pouvoir utiliser ce genre d’expression, il lâcha un dédaigneux :

-‘Passe pour cette fois, vous pouvez vous estimer heureux !… Et vous avez de la chance si personne ne vient enquêter !

Puis il se baissa pour ramasser tous les sous qui étaient tombés de la machine, en fourra autant que possible dans ses poches ! Cela fait, il se rendit dignement vers la sortie tandis que les clients s’écartaient craintivement sur son passage. L’homme aux dents d’or expérimentait pour une des premières fois de sa vie ce que l’on ressentait lorsqu’on provoquait autour de soi un sentiment de terreur mêlée de respect. Il sentait qu’il allait aimer ça !
  
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