Un navire tout recouvert d’or remontait à vive allure le long fleuve central de l’île d’Alabasta. Ce genre de scène était parfaite pour une introduction. Son pavillon noir représentant un crâne particulièrement moche confirmait son statut de vaisseau pirate. Et accessoirement, on reconnaissait celui des Truands. Sur le pont, des matelots désœuvrés avaient organisé une partie de pétanques géante, et s’arrangeaient pour la jouer le plus bruyamment possible.
A l’intérieur de la cabine du capitaine, deux hommes discutaient. Le premier, Ange, pouvait être qualifié de plutôt patient : en général, quand une conversation l’ennuyait ou qu’il ne la comprenait pas, il se contentait de penser à autre chose en attendant que ça finisse. Sauf que la, il avait affaire à Numérobis, le trésorier et –titre dont il était très fier- cerveau de l’équipage. Et que cet homme était capable d’agacer les gens les plus stoïques.
- […] Et comme je te disais, Ange, on aurait du faire ça depuis le début. Je t’avais dit que l’on perdait notre temps dans cette petite ville côtière, et qu’il fallait trouver de l’activité pour les hommes, Ange…
C’est ça, cause toujours, tu m’intéresse…
Puisque tu n’as rien de mieux à faire, tu pourrais… réfléchir utilement, pour une fois ?
Pour quoi faire ? Il suffit de laisser Num’ parler, au bout d’un moment, il va peut-être enfin se décider à me dire clairement son plan, et on l’exécutera.
- […] Parce que tu sais, Ange, l’inactivité c’est très nocif à un équipage. Alors bien sûr, au début les gars sont très contents de pouvoir ne rien faire, et aller se saouler à la taverne. Mais Ange, si tu laisses la situation s’éterniser, tu ne pourras plus rien obtenir d’eux, et ce n’est pas digne d’un capitaine.
Et puis, il m’agace à dire mon nom à chaque phrase !
Ignore-le.
Bon… de toute façon, je ne suis même pas sur qu’il ait un plan valable. D’autant que je n’ai dit à personne que je n’avais plus la lettre, alors il ne peut pas prendre ça en compte !
Ce n’est pas très important. Ils feront peut-être un peu la tête quand ils sauront, mais tant pis ! Ce qui compte, c’est que tu puisses te servir d’eux pour rentabiliser tes millions.
Tout à coup, le capitaine des Truands sentit que son interlocuteur avait fait une pause dans son monologue, et l’observait, attendant une réaction de sa part. Le regard du sauvage émergea du vide, le temps de comprendre ce que l’on attendait de lui. Vu que l’autre n’avait pas l’air d’avoir dit grand-chose d’intéressant, il se contenta d’un "hum-mh". Cela parut satisfaire Numérobis, qui reprit :
- Et donc, Ange, si tu veux mon avis il faudrait que tu fasses faire aux gars du vrai boulot de pirate. Tu sais, les trucs ou vous faites plein de bruit, quelques victimes, ou vous brûlez un ou deux trucs, et que vous repartez les bras chargés d’or, en tirant en l’air avec votre pistolet en criant "Yeeepee !".
Euh… j’en étais ou… ah oui : rentabiliser comment ?
Eh bien… en fait, ce n’est pas complètement idiot ce qu’il vient de dire.
Quoi ? A quel sujet ? Je n’y comprends plus rien : il faut que j’écoute, ou pas, finalement ?!
- Mh… C’est une super idée, Num’. Continues…
Si le trésorier avait tenu Ange en meilleure estime, il aurait senti là un sarcasme. Mais comme selon lui son nouveau capitaine était avant tout une nouille, il supposa que l’autre voulait juste faire semblant d’avoir tout comprendre. Ah, c’était dur de vouloir faire réfléchir une bande de béotiens ! Mais tout bien réfléchi, ce n’état pas si gave. Après tout, s’il pouvait manipuler le chef de l’équipage…
- Ah, content de voir que tu es de mon avis, Ange. En fait, je m’étais assez sérieusement demandé si toi aussi, tout comme les autres gars, ta seule envie n’était pas de ne rien faire. Parce que autant te dire que ça n’aurait pas été à la hauteur de ton prédécesseur…
Dis, espèce d’âne, est-ce que tu te souviens comment Satoshi gagnait tout son argent.
Ahem… je crois… qu’il avait des genres de grosses boutiques. Des… des endroits ou les gens venaient mettre de l’argent et repartaient sans rien. C’étaient euh… des… des banques ?
Mais non, crétin ! Des ca-si-nos ! La différence, c’est que les gens y viennent en sachant qu’ils vont se faire truander !
C’est bien, ça ! Et donc, il faudrait qu’en plus de son équipage, je vole aussi les casinos de Sato’ ?
Pas besoin ! Est-ce que tu te souviens ce que l’on trouve le plus à Rainbase, la ville où on va ?
Des casinos !? Mais alors…
Exactement ! Tu es assez riche pour te payer le tien maintenant. Et même, si tu utilises les Truands, tu pourrais le faire à moindre frais, en libérant de la place dans la concurrence. Merci pour la piste, Num’.
A peu près au même moment, en haut de l’escalier qui mène aux cabines, on retrouve Gaspari, matelot de l’équipage et escrimeur aux allures de mousquetaire défraîchi. C’était une mauvaise journée qui avait commencé pour lui, et il en avait déjà plus que marre ! Fichu bateau qui avançait trop lentement, fichu soleil de cette fichue île qui brillait trop fort, et fichue plume de son chapeau qui n’arrêtait pas de tomber ! Gaspari descendit cette saleté d’escalier tout en jurant tout bas et en insultant cette bande d’ahuris de l’équipage qui l’avaient battu aux cartes, le désignant volontaire pour aller porter une stupide nouvelle a cet abruti de capitaine.
Il arriva devant la porte. Toute moche, d’ailleurs, surtout depuis que con imbécile de propriétaire avait peint "capitaine" à la main dessus. Il hésita à frapper, mais passa avant la main sur son chapeau pour s’assurer que la plume y était toujours. Ce n’était pas le cas ! Il revint sur ses pas en promettant la mort au monde entier qui lui en voulait surement, avant de la retrouver en bas de l’escalier. Il ramassa en lui promettant le pire traitement possible quand il aurait les moyens de la remplacer et l’enfonça de force sur son chapeau, d’où elle ne tarderait pas à repartir.
Enervé comme il était, le mousquetaire oublia de frapper avant d’entrer.
Oh non, c’était encore pire que ce qu’il pensait ! L’autre, le gars avec qui le capitaine parlait, c’était cette enflure de raclure de bon à rien de Numérobis ! Lorsqu’Ange lui demanda ce qu’il voulait, il eut bien envie de lui répondre "non, rien, j’me tire !". Et puis, pour qui se prenait-il, à lui parler sur se ton la ?! D’accord, il était le capitaine,… et ok, Gaspari était entré sans frapper, mais tout de même ! Il détourna ostensiblement le regard de Numérobis et dit :
- On arrive en vue du port. Grmblm. C’est tout.
Sans attendre de réponse, il fit demi-tour et s’en alla. Puis revint, trente secondes plus tard, pour ramasser cette saleté de plume qui était encore tombée !
A l’intérieur de la cabine du capitaine, deux hommes discutaient. Le premier, Ange, pouvait être qualifié de plutôt patient : en général, quand une conversation l’ennuyait ou qu’il ne la comprenait pas, il se contentait de penser à autre chose en attendant que ça finisse. Sauf que la, il avait affaire à Numérobis, le trésorier et –titre dont il était très fier- cerveau de l’équipage. Et que cet homme était capable d’agacer les gens les plus stoïques.
- […] Et comme je te disais, Ange, on aurait du faire ça depuis le début. Je t’avais dit que l’on perdait notre temps dans cette petite ville côtière, et qu’il fallait trouver de l’activité pour les hommes, Ange…
C’est ça, cause toujours, tu m’intéresse…
Puisque tu n’as rien de mieux à faire, tu pourrais… réfléchir utilement, pour une fois ?
Pour quoi faire ? Il suffit de laisser Num’ parler, au bout d’un moment, il va peut-être enfin se décider à me dire clairement son plan, et on l’exécutera.
- […] Parce que tu sais, Ange, l’inactivité c’est très nocif à un équipage. Alors bien sûr, au début les gars sont très contents de pouvoir ne rien faire, et aller se saouler à la taverne. Mais Ange, si tu laisses la situation s’éterniser, tu ne pourras plus rien obtenir d’eux, et ce n’est pas digne d’un capitaine.
Et puis, il m’agace à dire mon nom à chaque phrase !
Ignore-le.
Bon… de toute façon, je ne suis même pas sur qu’il ait un plan valable. D’autant que je n’ai dit à personne que je n’avais plus la lettre, alors il ne peut pas prendre ça en compte !
Ce n’est pas très important. Ils feront peut-être un peu la tête quand ils sauront, mais tant pis ! Ce qui compte, c’est que tu puisses te servir d’eux pour rentabiliser tes millions.
Tout à coup, le capitaine des Truands sentit que son interlocuteur avait fait une pause dans son monologue, et l’observait, attendant une réaction de sa part. Le regard du sauvage émergea du vide, le temps de comprendre ce que l’on attendait de lui. Vu que l’autre n’avait pas l’air d’avoir dit grand-chose d’intéressant, il se contenta d’un "hum-mh". Cela parut satisfaire Numérobis, qui reprit :
- Et donc, Ange, si tu veux mon avis il faudrait que tu fasses faire aux gars du vrai boulot de pirate. Tu sais, les trucs ou vous faites plein de bruit, quelques victimes, ou vous brûlez un ou deux trucs, et que vous repartez les bras chargés d’or, en tirant en l’air avec votre pistolet en criant "Yeeepee !".
Euh… j’en étais ou… ah oui : rentabiliser comment ?
Eh bien… en fait, ce n’est pas complètement idiot ce qu’il vient de dire.
Quoi ? A quel sujet ? Je n’y comprends plus rien : il faut que j’écoute, ou pas, finalement ?!
- Mh… C’est une super idée, Num’. Continues…
Si le trésorier avait tenu Ange en meilleure estime, il aurait senti là un sarcasme. Mais comme selon lui son nouveau capitaine était avant tout une nouille, il supposa que l’autre voulait juste faire semblant d’avoir tout comprendre. Ah, c’était dur de vouloir faire réfléchir une bande de béotiens ! Mais tout bien réfléchi, ce n’état pas si gave. Après tout, s’il pouvait manipuler le chef de l’équipage…
- Ah, content de voir que tu es de mon avis, Ange. En fait, je m’étais assez sérieusement demandé si toi aussi, tout comme les autres gars, ta seule envie n’était pas de ne rien faire. Parce que autant te dire que ça n’aurait pas été à la hauteur de ton prédécesseur…
Dis, espèce d’âne, est-ce que tu te souviens comment Satoshi gagnait tout son argent.
Ahem… je crois… qu’il avait des genres de grosses boutiques. Des… des endroits ou les gens venaient mettre de l’argent et repartaient sans rien. C’étaient euh… des… des banques ?
Mais non, crétin ! Des ca-si-nos ! La différence, c’est que les gens y viennent en sachant qu’ils vont se faire truander !
C’est bien, ça ! Et donc, il faudrait qu’en plus de son équipage, je vole aussi les casinos de Sato’ ?
Pas besoin ! Est-ce que tu te souviens ce que l’on trouve le plus à Rainbase, la ville où on va ?
Des casinos !? Mais alors…
Exactement ! Tu es assez riche pour te payer le tien maintenant. Et même, si tu utilises les Truands, tu pourrais le faire à moindre frais, en libérant de la place dans la concurrence. Merci pour la piste, Num’.
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A peu près au même moment, en haut de l’escalier qui mène aux cabines, on retrouve Gaspari, matelot de l’équipage et escrimeur aux allures de mousquetaire défraîchi. C’était une mauvaise journée qui avait commencé pour lui, et il en avait déjà plus que marre ! Fichu bateau qui avançait trop lentement, fichu soleil de cette fichue île qui brillait trop fort, et fichue plume de son chapeau qui n’arrêtait pas de tomber ! Gaspari descendit cette saleté d’escalier tout en jurant tout bas et en insultant cette bande d’ahuris de l’équipage qui l’avaient battu aux cartes, le désignant volontaire pour aller porter une stupide nouvelle a cet abruti de capitaine.
Il arriva devant la porte. Toute moche, d’ailleurs, surtout depuis que con imbécile de propriétaire avait peint "capitaine" à la main dessus. Il hésita à frapper, mais passa avant la main sur son chapeau pour s’assurer que la plume y était toujours. Ce n’était pas le cas ! Il revint sur ses pas en promettant la mort au monde entier qui lui en voulait surement, avant de la retrouver en bas de l’escalier. Il ramassa en lui promettant le pire traitement possible quand il aurait les moyens de la remplacer et l’enfonça de force sur son chapeau, d’où elle ne tarderait pas à repartir.
Enervé comme il était, le mousquetaire oublia de frapper avant d’entrer.
Oh non, c’était encore pire que ce qu’il pensait ! L’autre, le gars avec qui le capitaine parlait, c’était cette enflure de raclure de bon à rien de Numérobis ! Lorsqu’Ange lui demanda ce qu’il voulait, il eut bien envie de lui répondre "non, rien, j’me tire !". Et puis, pour qui se prenait-il, à lui parler sur se ton la ?! D’accord, il était le capitaine,… et ok, Gaspari était entré sans frapper, mais tout de même ! Il détourna ostensiblement le regard de Numérobis et dit :
- On arrive en vue du port. Grmblm. C’est tout.
Sans attendre de réponse, il fit demi-tour et s’en alla. Puis revint, trente secondes plus tard, pour ramasser cette saleté de plume qui était encore tombée !