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Les Kontes de la Krypte.

Paix et fraternité mauvais bougres. Comme le décor y est, j'prends le coeur, pas le mien hein, pour vous jeter dans les abysses de notre petite escale sur l'île. Y a les personnages, trois gosses, ah non, deux gosses pétochants, Am et Stram. Puis leur père, Scott qu'a une allure d'animal sauvage de Little Garden. J'étais entrain de bouffer les chaleurs sur la couverte quand il m'a attrapé par le colleton pour me foutre dans l'herbe de la jungle qui avait le goût du plastoc. Pas flippante l'histoire pour l'instant, tu m'diras, tocard. Mais attends. J'fous le bon déjà, ensuite le mauvais. Pas les deux en même temps. Faut choisir. Ben tiens Walt qui prend jamais parti, il a finit par perdre la tête. Héhé.

Pas de cris. Pas de bruits de copulation. Pas de mecs sirotant le sirop dans les bois. Non, une petite odeur douce de que dalle. Pas de maléfique, pas de cousins de Walters. Si ça continue comme ça, Am va finir par pleurer, ça lui fait peur. Moi, un peu ragaillardi à cause des effets du légume qui se dissipent, j'me racle la gorge en matant l'air qui passe. Autant vous dire que j'en ai plein la vue. On sait pas où on est encore, mais quand on interceptera une odeur de bouffe, ça nous redirigera. J'me gratte et gratte le vent, ça nettoie mes ongles puant le sang. Mélangé à de la crasse de sueur. Bark.

Hey le Scott, j'pensais que ce serait tripant la virée mais j'me sens comme une gonzesse sans son eye-liner. C'qu'on fait ?


Dernière édition par Kiril Jeliev le Sam 26 Oct 2013 - 17:03, édité 2 fois
    Mwais... C'est vrai que jusque là, on s'contente de foutre un pied d'vant l'aut' dans la cambrousse, entouré d'type et d'gonz' qui nous matent chelou... J'capte pas vraiment pourquoi. Enfin, on nous a filé des sandwichs pas dégueux, y'a des jolis p'tits culs, j'vois pas d'quoi i s'plaint l'autre. Pour une fois qu'on est au calme. De toute façon, même si c'est un peu chiant ça dure jamais longtemps. Alors...

    "Maique, j'sais bien que l'temple avait l'air plus cool, mais c'qui qu'a pris la fuyante d'vant l'totem là et qui nous a fait louper l'départ, hein ?"

    Ouais, il s'en prend dans les dents. Et alors ? Moi j'tiens ma tête d'une main et m'nourri d'l'autre. J'check les gosses, ils sont tous dans l'coin, sauf Gramm, mais il va pas tarder, j'sens. J'ai Am' à côté qui m'tient l'froc façon inquiète. L'guide qu'est juste devant tire une drôle de tronche à chaque fois qu'il se r'tourne... En même temps, elle a failli lui bouffer un doigt quand il a voulu lui offrir une sucette. Et Stram, lui ben, il fait son d'jeuns les mains dans les poches et qui check de coin les p'tites. Elles font pareil, mais pas avec les mêmes intentions. J'crois...

    "Pap's ! R'garde c'qu'on m'a filé !"

    J'me r'tourne. C'est l'grand qui débarque en courant à travers la file de touristes. L'gamin porte un gros sac qui semble avoir déjà été vidassé. Il m'l'ouvre d'vant les yeux et j'z'yeute c'qui y'a n'dans. D'la bouffe, dl'a pieraille, il ch'tit coffre à loquet et des tunes. J'lève les mirettes, j'vois l'gosse qui blêmi. L'a compris c'qu'il l'attendait si y'avait pas une explication à suivre.

    "C't'une vieille Pap's. Elle m'a fait signe d'venir vers elle et elle m'a dit d'prendre ça..."

    "Et c'tait pas plus plein ?"

    "Bah... Si... c't'ait plein d'bordel, de lettre et d'fringues à chier. J'ai d'jà fait l'tri. C'tait lourd t'sais !"

    "Et tu veux m'dire qu'elle te l'a filé, sans rien d'mander ?"

    "Ben... Ouais..."

    C'là qu'derrière, y'a l'cri du gonz', assez pigée j'pense, qu'a pas la joie. Elle crie au saligaud, qu'où qu'il est passé l'sale gamin avec son sac et tout. Tiens... quand j'disais qu'le calme n'durait jamais longtemps...

      J'ai entendu et j'ai su. Peut-être que Gram descend pas du suicidé, mais ils ont un gêne en commun : foutre le désordre quand il y est pas. Moi, j'suis calme, d'habitude. Mais. Y a que. Depuis qu'on a quitté Dead End, j'me sens bien de lui rendre hommage, faire des trucs sales, des coups de crasses, des coups de croches, ou tout simplement des coups.

      N'empêche que faut pas une demi seconde pour qu'on se retourne vers nous, ben ouais, on est des gens bizarres donc on est les coupables. En d'autres occasions, j'aurais crié au racisme mais là, comme c'est vrai, ben je ferme ma gueule. Les gens voient le sac dans la main de Gram. Ils nous regardent, on les regarde, ils nous regardent, on se regarde pas.

      Bon, vous savez quoi, y a un moyen de régler c't'affaire sans qu'il y ait de parlotte plus tard.

      J'allais finir par une phrase super cool qui renverse la situation, genre, "et c'est la baston !" mais j'me suis rappelé du statut de vendu de notre super capitaine trop classe et j'ai fermé ma bobine. Du coup, les gens attendaient que je finisse. Mais que dalle. Alors la longée est venue me frapper avec sa canne et Gram au passage sauf qu'il avait déjà filé le sac à Stram, l'agile du groupe. Il joue au taureau avec elle, même. J'envoie un regard de mauvais pivé au Scott, genre, maîtrise tes gosses. Et j'ai fait un doigt d'honneur mental à monsieur Jack j'ai-récupéré-mon-honneur.

      J'y pense, tiens... Et j'vais pour la rendre muette de ma main qui recouvre son visage.

      Hm. Z'avez du voir, je pense, qu'on est l'équipage de Jack Machin. Les Saigneurs. On traque les pirates pour rendre vos pauvres vies de vicos oisives et arrogantes moins dangereuses et sans embrouilles. Cette vieille est liée à un équipage pirate. Et donc...

      Toi le punk, t'es pirate ? Des Saigneurs, en plus ?

      Ouais tocard.

      Comment ça se fait qu'on te connait pas, alors ?

      Ben...

      Me dis pas que... T'as pas de prime...? Héhé... Héhé... HAHAHA.

      Beigne. Et il est à terre. Même dedans. Les jambes en l'air. J'fais le regard qui dit qu'encore une blague naze comme ça et ils le rejoignent. Pas le temps de poursuivre qu'on n'y voit plus rien et que des bruits genre incantation se font entendre. J'pensais que c'était Am mais impossible vu qu'elle est bouche bée tant elle est contente. Flippant. J'pensais au Scott, donc, mais celui là avait disparu ou se fondait très bien dans la masse et vu sa fourrure de yéti, ça m'étonnerait. J'pensais plus à personne quand j'ai vu des mecs aux corps luminescents s'approcher de nous en mimant l'air du "Lion est mort ce soir" avec une choré digne du AK des Zélandais. Foutage de gueule étonnant mais les gens ont l'air d'y croire. Cons.

      Cons ? Hey, ils nous prennent pour. Peut-être qu'on peut plus tuer de civils mais les faire pisser dans leur pantif...


      Dernière édition par Kiril Jeliev le Sam 26 Oct 2013 - 17:07, édité 2 fois
        Si j'ai disparu, comme le dit l'aut', là, la taf', c'est pour me taper un ch'tit contournage de sauvageons en kit. Ouais, j'les ai senti viendre de loin. Mais allez pas croire que j'suis totalement parti. Beh nan, j'ai laissé ma tête à Am', et pour le reste, c'est K qui s'en charge. L'a l'habitude de toute manière...

        De toute manière, j'sens que j'vais bientôt péter une durite moi. Marre d'être utilisé comme intermédiaire pour tes conneries Walt' !

        Donc, pendant qu'on s'tape un débat interne pas super intéressant, voilà c'que mon corps s'charge d'faire. Il s'faufile façon salaud derrière les zogotos en pagne, et joue à la cloche avec les têtes pleines d'os qu'ils ont. ça fait un joli BONG qui résonne et qu'en épate plus d'un. Bref, les maoris d'occasion s'retrouvent HS, par terre, comme des bons petits. Et dans l'assistance, y'a les mâchoires qui tombent. 'Fin bref, on va pouvoir s'occuper d'nos soucis pèpère maint'nant.

        "Woh Madame ! Mattes voir ici bas... WOH MADAME ! J'TE CAUSE !"

        Y'a un temps d'latence pour que la vieille s'tourne vers ma caboche. Elle semble encore être en train de digéré le coup d'la citrouille velue qu’assomme l'personnel en charge d'l'animation. Mais j'veux dire, ils se sont pas pointés au bon moment ces cons. Bon, j'crois qu'j'arrive enfin à attirer l'attention d'la daronne, du haut d'ma p'tite Amy. Donc, la ridée s'tourne vers nous, nous lâche des mirettes grandes comme les poêles de Micha, lâche un ch'tit cri dans les aigus, et s'renverse en arrière.

        "Bah ça, c'est malin."

        En bonne famille attentionnée, les Scotts s'penchent sur l'ancêtre, avec Kiril en bonus, wesh. Et c'est parti pour les commentaires:

        "Bravo Pap's, tu l'as foutu KO sans la toucher."

        "Paaaaap ?"

        "Non Am', tu laisses ses poches tranquilles."

        "T'es sûr qu'il faudrait pas tenter d'la réanimer ?"

        "J'sais pas, t'as envie d'y faire du bouche à bouche toi ?"

        "Euh..."

        "Arrêtez les enfants, j'suis sûr qu'le guide saura quoi en faire."

        "Que se passe-t-il par ici ?"

        Et ça, c'est pas not' guide, ça, c'est un vieux craignos à la moustache un peu parsemée de c'qui semble être du maquillage, suivit de près d'une jolie mignonne au rouge à lèvre un peu étalé. Le vioque s'fraie un ch'min jusqu'à la vieille et s'penche sur elle. Il la prend dans ses bras, me regarde, l'air faussement triste. Parc'que way, j'sens bien c'qui s'passe au fond. K tu veux prendre l'honneur ?

        J't'emmerde Scott.

        Pas d'humeur lui, aujourd'hui... Bref, dans son crâne, au papy, y'a d'la joie. Un peu d'envie d'vomir à la vue d'une tête coupée, mais aussi d'la joie. Parc'que ouais, j'crois qu'il préfère la gamine. J'pense qu'il a envie d'dire quelque chose. J'pense qu'il va pas y arriver, avec la main d'la vieille qu'agrippe son col...

        "WILBUR ! CES MÉCRÉANTS M'ONT VOLÉ ! FAIT LES ARRÊTER !!"

        Un peu déçu, l'Willy-boy visiblement. Mais ça n'empêche pas, il m'pointe la face du doigt. On voit bien qui c'est qui porte la culotte hein ? Héhéhé.

        "GAAAAARDES ! ARRÊTEZ LES !!!"

        "Euh, v'z'êtes sûrs ?"

        "Hein ?"

        "Non, v'z'avez pas entendus c'qu'il a dit l'monsieur avec la crête, juste là ? L'histoire de Jack machin et tout..."

        "Comment ?"

        "J'vous en veux pas c'la dit. C'vrai qu'c'est un peu nouveau comme affaire..."

        "WILBUUUUUUUUR"

        Bon, ok, j'suis pas doué pour la diplomatie. J'sais pas d'où is sortent tous ces mecs, mais y'en a plein. J'savais pas qu'on était autant dans s'te rando...

          C'est que mes lecteurs commencent à me connaître, pour sûr. Pour sûr, vous savez qu'la baston, j'aime bien. Me battre en traître avec bras et tête, tout du long d'une vie qu'est la mienne, avant de battre en retraite. Alors évidemment, les dents se serrent, les yeux s'illuminent et tout un tas de trucs qui font que j'suis un rupin content. Bon p't'être pas un rupin parce que j'ai pas l'élégance, d'ailleurs j'aime pas l'élégance. Un putain de pante au chômage, ouais. Avec une crête en prime.

          Les mecs, ceux qu'ont pas cru un seul mot à mon histoire nous encerclent, les p'tits, Walters, et moi. Et nous recommandent fortement de remettre bien gentiment le sac avant qu'ils nous cassent bien gentiment la gueule. Bon. C'est une façon de demander, après tout, pourquoi pas. Mais bizarrement moi j'aime pas. Et le Scott et moi, on est d'la même paroisse. Celle des tempêtés du Démon, qu'ont vu assez de cachemuches dans leur vie pour envoyer les autres à la sainte lumière. Saisi ? C'est pas franc, turellement. Mais y a pas le choix. Tant d'mecs pour une affaire de vol de fardeau. Y a p't'être des tonnes de thunes dans la filoche de la vieille, qui sait. En tout cas, moi, ça me rend badaud. Pas que moi, parce que Gram tient fermement sa trouvaille pendant que nous, on tient sur nous même, attendant le démarrage.

          La fuite du gamin quand on vient essayer de lui ôter le signe, accompagné d'un Stram s'élevant dans les airs pour marcher sur les têtes des pas conviés, et au passage, en assommer provisoirement quelques uns. J'doute que ce soit l'esprit paternel qu'ai fait le Scott démarrer au tour de quart, mais n'empêche. Que. Et moi, quand j'vois ça, j'peux pas rester là, à châsser. Ça fait longtemps alors j'me permets.

          Beigne dans vos gueules, vous baignez dans votre sang.
          Kiril est là pour vous rosser les dents. Hm ? Question d'hygiène.

          Ils prennent la tourlousine, gourmades par gourmades, j'vole dans les plumes, on vole pas dans les miennes. J'suis pas un si mauvais type, j'me qualifierai même de religieux, vous savez. J'fais qu'faire bouffer mes pains à des pauvres pêcheurs perdus, et eux-mêmes arrivent à se servir une dose de leur propre vin dans leur bouche. Une version remasterisé de Jesus. Mais faut avouer qu'j'ai d'autres passions, dans la vie, vous diront les mecs que j'dauble salement. J'les nourris avec des pains fruités, des marrons chauds et des châtaignes grillées. Ça leur met le sang à la bouche, on pourrait presque m'appeler le gourmet.

          J'aime pas trop ces types, genre belle gueule. Alors j'les relook. Comme disait Tatie Anémone, la beauté c'est éphémère alors que la mocheté, j'te garantis qu'tu l'auras pour toute la vie ! Alors j'aide, parce que les gens préfèrent les CDI. Darioles dans le bec, gnons dans le blair, moi j'aime ça, frapper. J'm'arrête jamais, faut dire. Même la nuit, j'dors à poings fermés. Héhé. Mais faut savoir apprécier et se détendre, des fois. S'avoir s'amuser, même au taf. Alors j'en prends un par la tignasse et un autre que j'étrangle avec mon bras.

          Si tu veux pas mourir étranglé comme un pauvre chouard, frappe le.

          Rien ? J'serre.

          Frappe-le.

          Il commence à bouger, j'déserre, il frappe.

          Plus fort.

          Il frappe. Frappe. Fort. J'serre. Il frappe. J'déserre. Il frappe. Une leçon, les enfants, vous avez pas d'amis face à la mort. Ça existe pas. Soyez impitoyables comme eux, fonctionnez au chacun pour sa trogne. Pour ça que le Scott enterre peu de gens. Hé, en parlant du Scott ? Repéré. Apparemment, Gram, l'plus grand avec la grosse filoche est en mauvaise posture, même qu'on arrive à la lui arracher. Scott arrive comme un taré, comme d'hab, avec son sourire de monstre assoiffé de sang et file un tampon tellement puissant qu'un coffret sort du sac. Personne le repère et moi, j'suis trop occupé d'mon côté pour lui accorder une réelle importance. Prenez ça pour info. En attendant ça s'chamaille de près. Et on en reste là.

          J'aimerai côtoyer le Scotch à nouveau, mon Haki annoncé par le Docteur. Longtemps que j'essaie de le faire apparaître mais Il avait raison. Il viendra quand il voudra et non pas l'inverse. J'abandonne, alors, espérant juste. Par curiosité. Mais la force de mes poings est amplement suffisante contre ces combattants d'seconde zone. Mec, t'aurais du passer à Dead End pendant qu'on y était, ça t'aurait endurci. J'le dis à mes pensées pendant qu'j'esquive un coup de castagnette. Le mot me parle alors j'réplique avec ma bottine droite. Dans ses castagnettes. Vrai qu'j'vis pire qu'au jour le jour, mais aux secondes la seconde, si ça se dit. Le pigeon de tout à l'heure s'est pris une beigne dans ta gueule, il est cuit. J'me sers d'son corps temporairement endormi comme bouclier, parce que j'aime pas me prendre des coups de mauviettes. C'est comme si on me crachait dessus. Quoi ?

          J'tends le poing au groupe. J'lève le majeur parce que, montrer la pogne c'était une menace à l'époque où mon paternel avait la vingtaine. J'me fais escaffer rapido, ils ont compris. J'me retourne, toujours sans la garde. Parce que j'aime pas la défense. Et j'le bouchonne de crachats d'phalanges dans la figure. Sali. Chtares et prunes au rendez-vous ? J'suis toujours à l'heure et toi tu décèdes toujours à l'avance. J'suis un type ponctuel. L'important à la baston c'est pas les ramponneaux, c'est ce que vous en faites.


          Dernière édition par Kiril Jeliev le Sam 26 Oct 2013 - 17:14, édité 2 fois

            Parce que ouais, faut bien l'dire, j'aime pas m'reposer. On va dire que les vacances j'aurai essayé, mais qu'elles non plus, elles m'kiffent pas des masses. Et pour changer, j'dois m'en sortir en piffrant l'pif des gens. Pfff... J'crois qu'j'commence à en avoir un peu ras la patate de s't'ambiance. J'veux dire, j'voulais bien causer, pour une fois. Mais non, les aut' is préfèrent la manière forte, alors soit.
            J'vois les gars qui s’alignent. Ils sont en costard, pas super praktish si tu m'demande. Ils s'mettent en position d'couille fou ou un autre truc d'bridé... Pfff... Encore des gamins qui sortent de l'école. S'pas sain d'écouter les profs, vous finissez tous par faire les même conneries. Bref, quelques brisages d'articulations plus tard, j'me r'tourne pour voir mes gamins. Enfin, Am' s'tourne pour m'montrer un truc, plutôt. L'truc, c'est Gram' qui s'est fait prendre par derrière par un des gus alors qu'un autre lui tire sur le sac. C'est l'moment d'être un bon père et d'aller lui donner un coup d'patte j'crois bien. J'prend mon élan, j'saute et...

            "EH MEC ! T'AS UNE TACHE !"

            Voilà, il se r'tourne vers ma gosse, ma cosse, d'où vient l'cri, et voit pas l'double side-kick qu'mon corps lui balance dans les dents. Deux quarante-deux dans les tympans, ça fait pas du bien à grand monde. Lui, il gicle tellement vite qu'l'a pas l'temps d'lâcher prise, et qu'y'a tout l'contenu du sac qui s'répend. Dans les airs, sur la terre, partout tout autours. Et comme j'l'a d'jà pensé, y'a d'la thune en veux-tu en voilà. Un vrai feu d'artifice qui dégèle les plus peureux. Enfin, surtout les moins riches, qui s'jettent sur les bifetons. Un beau boxon d'capitaliste quoi.

            "Pap's !"

            T'en fais pas petit, j'l'ai vu ton grand chauve en ch'mise hawaï. Ouais ouais, celui qui t'as lâché pour m'fout' une trempe. T'as oublié qu'j'ai toujours Amy qui m'sert d'point d'vue ? T'sais, c'est pas mal utile comme truc, ça évite les couteaux dans l'dos. Et c'uy là, j'lui réserve un traitement tout spécial, juste pas'qu'il me les ronge avec son physique de gonfletteux et ses lunettes de soleil. Un vrai tendeur, j'te jure.
            Donc ouais, il m'soulève et pense m'éclater sur son g'noux. Voilà, lui il est d'la bonne école, la buissonnière. Lui il joue dans la court des coups tordus, version catch. Donc, j'me fais envoyé dans les airs, et dans la chute, j'lui tend mon coude vers le front. L'avait pas vu viendre celle-là, héhé. Il pensait m'péter l'dos comme un grand, mais c'est pris un marron comme un gland. Il s'casse la trogne, et avec moi par dessus. Autant dire qu'ça fait pas du bien.

            "Bon, les enfants, voilà comment ça va s'passer:"

            Là, j'm'adresse à la foule à quat' pattes qui s'en met plein les poches. Ils lèvent tous les yeux d'vant moi. J'trouve ça à la fois marrant et, comment on dit déjà ? Pathétique. J'crois bien qu'c'est ça l'mot. Allez, j'suis dans un bon jour, et faut bien qu'j'fasse d'la lèche au karma, comme tout l'monde.

            "J'vous laisse tout c'qu'est au sol, et vous, vous gardez un bon mot en poche pour moi et mes amis. Tout c'que j'veux, c'est l'coffret."

            Parc'que ouais, j'veux dire, j'suis pirate quand même. Tu mets une serrure dessus et j'me tamponne de c'qui y'a n'dans. J'le prend, et c'tout.

            "Euh... Quel coffret ?"

            J'matte l'péon de d'vant, j'lève les yeux...

            Putain, l'est passé où s'coffre ?

              Tu sais pas ? Les coffres, maintenant, ils ont des pattes. Et une voix qui dit, allez cours et sème Kiril. Moi j'lui fais du bien à la voix. J'lui fais du bien en lui faisant mal. Tu t'défiles, c'est ça ? Pauvre camerluche, t'as vu trop de sang ? Des gosses voleurs, de la baston ? T'en as marre qu'on se tape pour toi ? T'en as mal ? Tu prends la malle ? Tapette. T'es comme moi quand je bouffe une soupe de légume de Micha. Tapette. Fuyarde.

              Je me permets de la suivre. Les effets ont maintenant totalement disparu. Je le sens et tu le sens. Je reprends ma crédibilité, petit à petit. Mes mains effacent les lianes et les branches qui voudraient me barrer le chemin. Mes bottes éclaboussent les grosses flaques d'eau dégueu, aussi. Mâle. Le. Pas la. Fini, tout ça. Quand je regardais Lana, avant de la rencontrer, j'disais à monsieur dans ma tête, je la veux, je l'aurai. J'lui disais, j'te veux, j't'aurai. Je l'ai eu. Elle était belle. Simple. Sainte. Tu m'as vu ? Tu m'as châssé ? Son opposé, j'étais. Et je l'ai eu. Et aujourd'hui c'est toi que je veux. Je t'aurai.

              Je te perds pas de vue. Tu passes dans les trous de troncs ? Je te perds pas de vue. Tu passes dans les planques à taupes ? Je te perds pas de vue. Tu sens la valeur. J'aime. Tu sens le secret. J'adore. J'me bauche, j'ricane, j'me dauble avec mes synapses. J'suis déjà fou de toi, coffre. Ouvre toi. Ouvre toi. Fuis pas.

              Non ?

              Tu continues, encore. Il fait de plus en plus sombre. Le décor est de moins en moins maîtrisé. Où est-ce que tu m'emmènes ? J'te suis. J'sens. J'suis. J'te sens. C'est...

              Le vrai.

              Les vautours me guettent, ici. Dans le cœur. Un endroit où les hommes s'aventurent pas. Tu m'y invites, coffre ? J'aime. C'est ta maison. Tu commences à avoir plus de facilité à te déplacer. J'te perds de vue. J'vois des arbres, des arbres. Des pins. Grands. Et là, j'reviens à la réalité.

              Où j'suis ?

              Des pins... Grands ? Haut. Très haut. Le ciel est caché, il fait sombre. Il fait nuit ? Où j'suis ? Et le coffre ? Et le Scott ? J'regarde autour de moi. Rien de tout ça. Mais j'entends des bruits de feuilles. Feuilles secs. Ça vient de là. Je regarde. Là. J'm'approche. La même odeur, la valeur. Mais. Le coffre a disparu. Je vois une... queue ?

              Puis un trou au pied de l'arbre.

              Je tombe.



              Dernière édition par Kiril Jeliev le Lun 9 Sep 2013 - 18:37, édité 1 fois
                Maaaaaiiiiiis vouiiiiiiii, vaaaaaas-y casse toi connard de coffre. J'en demande pas tant non ? Un peu de calme, une p'tite rando tranquille. Mais non, faut que ça dérape. Heureusement, Kiril est rapide à la gâchette et part tracer l'machin. J'vais faire pareil tiens, histoire de pouvoir m'défouler sur quelque chose. Mais d'abord, les gosses. Allez, on commence par larguer la courge des épaules. Fini le ridicule.

                "Tiendez, prenez ça. Amy, ma tête. Merci. Bon, les enfants, j'veux qu'vous restiez bien sages. Vous ramenez tout ce beau monde et vous filez la courge au cuistot du coin, histoire qu'on n'la gâche pas. Bien bien..."

                Et maintenant l'reste de l'équipe.

                "Et pour vous, les zigotos en tenue du dimanche, voilà comment ça va s'passer. Vous rentrez, vous la fermez, v'z'allez manger et après ça, vous oubliez tout. Compris ? C'est bien. Ah et ouais. Vous touchez pas à mes gosses. Y'en a qu'ont essayé, mais 'sont plus là pour en causer. Alors gaffez vous."

                Bon, fini la parlotte, on va faire d'la compote. J'me met à suivre Kiki dans la broussaille. J'arrive à voir ses traces. Plus ou moins. En même temps, il trace comme une débroussailleuse ce machin. S'pas trop dur du coup. Y'a juste à suivre le couloir.

                Et du coup, ben je suis.

                J'suis... Et j'finis par sortir des bois. Une putain de clairière on dirait... Sauf qu'au centre, y'a qu'eud. Juste un trou avec d'la flotte au fond. J'me suis arrêté. Merde, faut pas qu'j'le perde le crêteux. Merde... Gauche ou droite ? Chier chier. L'est passé ou ce con ? K ?

                Ta gueule

                C'bien l'moment d'faire la tronche mec...

                Ok, y'a un type à gauche...

                Donc j'prend à gauche. C'était pas dur, si ? On se r'met au pas d'course. Jusqu'à c'que SURPRISE, grosse branche dans la tronche. Assez grosse pour me faire voler la caboche. Chier.

                Mais c'est pas ton pote...

                Putain le con. J'vois rien et l'aut', tout c'qui m'trouve à dire c'est ça. J'sens du contact. J'sais pas qui c'est, mais i'vient d'me checker. Double chier. C'est quoi s'truc qui m'prend les pattes ? PUTAIN POURQUOI J'VOIS RIEN ?! J'vais l'friter. J'veux l'friter j'm'en fous où mais j'tape !

                ...

                J'sens rien... Juste cette sensation... Comme à Reverse. J'crois que j'tombe...


                Merde.

                J'suis flotté...

                Qu'est-ce qu'il avait dit l'doc d'jà ? Qu'j'avais pécho une allergie à l'eau d'mer ?

                Chier...

                ...

                ..
                .
                .
                .
                  Inferno


                  Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai par une forêt obscure car la voie droite était perdue…

                  Dévalé un gouffre sans fin. Perdre de son souffle dans la course, les cailloux esquintant la peau à côté de la crête, les joues, les mains. Les vêtements déjà en piètre état, déchirés. Une énorme chute. Mais pas que. Un cap. Une chute de la vie à la mort. Car en ces lieux, il n’y avait aucune couleur. Perdu. Aucune senteur, rien à toucher. Rien que la douleur de la descente. Douceur ironique. Aucune parole, rien que les oreilles puissent feindre d’entendre. Même pas le souffle. Rien que les yeux puissent feindre de voir, même pas les images qu’on se fait quand on arrive pas à dormir. Dormir ? Ici, ce serait synonyme de dire Adieu. De partir pour de bon, à la grande joie des autres qui ont toujours détesté ce que vous incarniez. La peste, le choléra, le rat, scélérat, hardeau, vaurien.

                  Sombre. Un vide de surfaces noires. Les yeux clignotent et pourtant, rien ne change, toujours cette non-couleur, toujours ce que vous avez fait dans votre vie. Le soleil n’est plus là pour le rendre plus clair, hélas. Aucune teinte pour le nuancer. Condamné à rester en sa compagnie, celui qui fait peur aux enfants et à d’autres phobistes, malades, fanatiques et curés. La question est, êtes-vous un de ces cités ? On ne doit avoir peur, si ce n’est des objets qui pourraient engendrer le malheur du prochain : pour le reste, aucun mal n’est digne d’être craint. Alors ne craignez pas de mourir, craignez de voir quelqu’un d'aimé mourir. Souffrez, pleurez et ne vivez plus un instant. Réfléchissez à ces mots ensuite : auriez-vous peur pour vous ou pour cette personne tant aimé ? Vous souffrez de ne plus la voir mais souffrez-vous pour elle ? Parce que personne ne craint la mort. La mort n’est que le cadet de la solitude, celle qui vous fait si différent, Kiril. Celle qui vous a appris à l’être, à voir autrement, à voir le masque mortuaire de son cadet. Un masque noir qui n’a ni œil, ni nez, ni bouche, ni oreille. Car vous n’en aurez pas besoin une fois que le moment sera enfin arrivé. Vous ne ferez que visionnez ce que vous avez accompli. Ce noir. Ce masque que vous avez décidé de porter à la seconde où vous êtes né. Un masque pour ne pas voir un monde cruel, un masque pour ne pas qu’on voit votre visage effrayé. Aviez-vous peur pour vous ou pour eux ? La règle à laquelle vous serez soumis, non, la phrase, que vous verrez affichée dans le Royaume des Frères sera celle-ci :

                  Une folie contre une autre.

                  Portez ce masque, et vous ne verrez plus rien, pas même ce que vous avez accompli durant votre vie passée car ce voile vous la vole pour vous montrer ce que vous avez vu et pas ce que vous avez refusé de voir. Lamentez-vous. Repentez-vous. Mais en ces lieux, personne ne peut vous absoudre qu’un Dieu qui en a déjà perdu les pouvoirs. Par moi, vous pénétrez dans la cité des peines, par moi vous pénétrez dans la douleur sans fin, par moi vous pénétrez parmi la gente perdue. Et, une folie contre une autre, si vous parvenez à ne pas vous perdre durant ce voyage, peut-être arriverez-vous à ouvrir les yeux. Mais je vous préviens, l’humanité est bien plus horrible que toutes les horreurs qu’elle peut trouver à raconter.

                  Alors, vous qui entrez, abandonnez toutes espérances.

                  Espérances que vous avez toujours eues, depuis le voile de la mort, son masque, son trésor. Espérances de pouvoir un jour l’enlever et découvrir un monde sain, de devenir l’homme que n’avez jamais pu être, de recouvrir la vie. Car les yeux de la mort offre la mort. Elle vous consume petit à petit tandis que vous vous efforcez à cacher votre visage de sa Sœur. Celle qu’on craint encore plus que lui. Celle qui hante et règne sur bien des cauchemars de peur qu’elle se finisse. Avez-vous peur du début ou de la fin ? Or quand la Mort commence, c’est la Vie qui se finit. Les curés ne vous ne le conte pas, ça. Kiril, défaites-vous de ce masque et oubliez tous les doutes car ce n’est pas Ici qu’un lâche peut entrer.

                  Abandonnez foi aux savants, ceux qui oublient la chaleur des sentiments et de l’apathie, ceux qui préfèrent le froid de l’intellect. Mais que savent-ils ? Ils n’ont regardé rien que le Ciel, les Astres et les Etoiles. Ils pensaient pouvoir s’enfuir des maux et douleurs que tout homme doit subir pour connaître et endurer la vérité. Alors ils ont créé des théories que vous ne devez pas écouter, ni entendre. Ici, des pleurs, des soupirs des lamentations résonnent de partout dans un air privé d’étoiles. Ici la nuit est noir, obscure, sombre. Elle se resserre jusqu’à être si proche qu’elle atteint les fronts. Et susurre des mots et discours étranges aux oreilles des malheureux. Des mots de la douleur, des cris, des complaintes. C’est là la triste destinée qui guette les esprits de ceux qui ont refusé de regarder et de voir. Ils demeurent ici, mêlés au chœur des anges qui n’aiment qu’eux-mêmes. Il y a là des visages baignant dans des ruisseaux de sang se mêlant aux pleurs de ces derniers. Ne baissez pas la tête, ici, vous ne pouvez être lâche. N’écoutez pas le bruit infini des lamentations ou si, écoutez-le. Peut-être qu’au milieu des grandes tirades, vous en reconnaîtrez certaines.

                  Lana... Ma mère...

                  Plus loin, près d’un puits quelconque, de regrets, voici une troupe d’esprits peinés, courbés et soupirant. Eux, n’ont pas commis de pêché mais ont refusé de voir tout comme les savants. Leur seule peine est de vivre et d’attendre. En ignorant l’espoir.

                  Comme vous.

                  Laissez-moi...
                  Mais le voyage n’a pas encore commencé, Kiril, et, bientôt nous entrerons dans les cercles, les lieux où rien ne luit. Les lieux des pêchés. Tout ça pour vous permettre d’ouvrir les yeux. Vous découvrirez bientôt que vous ne pouvez pas seulement mourir. Vous appellerez en attendant, comme vous voulez, celui qui se trouve dans le premier des cercles. Celui qui juge et soupèse les fautes, qui décide dans quel coin de l’enfer l’âme devrait être redirigé. Le responsable de tous ces malheurs.

                  Un démon... Laissez-moi... Laissez-moi...
                  Il y a un antre sans lumière qui mène au deuxième, à côté de son tribunal, un antre où rugit tourments et vagues. A cause du tourbillon qui punit ceux qui ont perdu la vie par Amour ou qui ont été trop luxurieux. Et je vous regarde car j’en ai bien des raisons à cause de celle que vous considérez comme l’amour de votre vie, celle à qui vous vous destinez, celle qui vous a empêché de vous rendre en Enfer avant. Vous pourriez très bien être jeté dans ce tourbillon pour une éternité.

                  Lana... Laisse-la...
                  Réveillez-vous ensuite dans le troisième cercle où vous verrez plein de tourmentés s’étendant aussi loin que vous pouvez tourner les yeux et regardez. Ici, la pluie ne cesse de tomber sur des corps gisant au sol les uns sur les autres. Il y a là des aveugles, leur tête à jamais plongée dans le sol, les jambes en l’air. Ne laissez pas la gourmandise alourdir votre vie déjà légère.

                  Je veux voir... Je veux voir !
                  Dans la quatrième fosse, vous verrez plus de gens que nulle part ailleurs, hurlant terriblement divisés en deux bandes et poussant devant eux des fardeaux inouïs.  A la fin de leur course ils se heurtent  entre eux et reprennent aussitôt leur pénible travail. Faut-il imaginer Sisyphe heureux ? Ici règnent les avares et les prodigues. Quand ils se croisent deux questions résonnent : « Pourquoi tiens-tu ? » et « Pourquoi lâches-tu ? » Mal donner et mal tenir leur a ôté le beau séjour et mis en cette échauffourée.

                  Laissez-moi... Je veux voir !
                  Plus bas se noient dans les eaux boueuses du Styx ceux qui sont tombés dans la colère. Mais ici ne sont pas les plus grands tourments ! Il vous faut avancer encore pour que vos yeux se remplissent de pitié et de douleur. Et surtout, qu’ils s’ouvrent. Quand le voyage prendra sa fin  vous serez un autre homme. Celui auquel vous étiez destiné mais hélas, la crainte est plus forte que tout, compagne de la solitude. Vous ne pouvez pas seulement mourir… Car nous arrivons dans les fosses où le sens de la punition prend tout son sens. Et là, où je vous l’accorde, vous auriez raison d’avoir peur. Dans ces lagons où ne se reflète nulle étoile.


                  Dernière édition par Kiril Jeliev le Sam 26 Oct 2013 - 17:28, édité 3 fois
                    Je me sens seul... si seul.

                    ...Dans les ténèbres je flotte, sans conscience...

                    Merde. J'pensais pas y retourner si vite.

                    ...

                    J'ouvre les yeux, finalement, sur le tissu d'une réalité mensongère. Devant moi, une table. Devant elle, un écran de projection, je crois. J'en ai déjà entendu parlé, je ne sais plus où. Peut-être en ai-je même déjà vu un ? J'imagine que oui, sinon, comment ferais-je pour le reconnaître.

                    ...où suis-je ?...

                    Ma voix. Pas la voix qui sort de ma bouche, mais plutôt celle qui résonne dans mon crâne quand je parle. Je l'entend, qui vrombit dans les ténèbres qui m'entourent. Je tourne la tête. Je veux savoir où je suis, qui je suis.

                    ...je suis là, assis, nu, sur la chaise de mon imagination...

                    En même temps, fallait t'y attendre...

                    K. Il est là, quelque part. Mes yeux plongent devant moi, je le vois. Il siège, au centre de la table. Un kube, avec son nom gravé dessus. Le relief d'une lettre seule, apparaissant sur l'ivoire irrégulier de son corps.

                    ...je le pensais plus impressionnant...

                    Quel gâchis. Tu te rend compte que tu viens de jeter notre corps en pâture à un psychopathe ?

                    ...notre...
                    ...?...

                    Quoi, parce que ça t'étonne ? T'es une épave mec. Sans moi, tu ne serais rien. Tu me dois bien ça non ?

                    À l'autre bout de la table, une lumière frappe l'écran. L'image est brouillée, les couleurs se mélangent, je n'arrive pas à voir ce qu'il s'y passe. Je me lève, la table s'écarte.

                    Vas-y, prend-moi avec! Qu'on lui montre ce qui se passe quand on nous cherche!

                    ...non, pas cette fois...
                    ...plus...

                    Quoi? Qu'est-ce que tu crois pouvoir faire seul?

                    Doucement, je m'approche de l'écran. Je le touche, l'image s'ajuste...


                    TU N'ES RIEN SANS-


                    ***

                    L'air qui s'engouffre dans mes poumons. La lumière qui frappe ma rétine. Les odeurs qui envahissent mon nez, ma bouche. Je suis vivant. Et pourtant, je ne peux pas me relever.  Mes poignets, mes chevilles, mon torse, tout est solidement attaché, je peux sentir les liens. J'ai l'impression qu'un combat entre une scie circulaire et qu'une danse entre divers engins de démolitions se déroule dans mon crâne.
                    Tiens, j'arrive à lever le bras droit...
                    Tant mieux. J'sens que j'sue. J'vais essuyer la transpiration de mon front... Mais ça ne marche pas. J'tourne la tête... J'vois un avant bras qui bouge, et le reste qui repose, toujours attaché à la table, un peu plus loin.

                    "C'est quoi ce bordel ?!"

                    "Aaaah... je vois que vous vous êtes réveillé..."

                    J'entend, mais je n'vois pas. J'essaie de voir, de sentir, de savoir... Mais K n'est pas là. J'peux pas. J'dois utiliser mes yeux.

                    "T'es qui, connard? J'te promets, si tu m'détache tout d'suite, j'te laisse claquer en vitesse."

                    "Des menaces? Vous pensez être en mesure d'en proférer? Sérieusement? Enfin, maintenant que vous êtes conscients, ne perdons pas plus de temps..."

                    Y'a un truc qui s'enfonce dans ma peau, juste sous mon oreille. C'est aiguisé, et ça voyage jusque sous mon menton. J'serre même pas les dents. C'est rien du tout à côté de ce qu'on a pu me faire. Et ça continue jusqu'à l'autre côté du crâne.

                    "Bien bien. Procédons à l'ablation..."

                    "La bla quoi ?"

                    Deux mains s'étendent au dessus de mon visage, depuis derrière. Je sens qu'elles agrippent ma peau... Elles tirent...

                    Là, ça fait mal.

                    ...je crois que j'hurle, mais je ne suis plus sûr...

                    Mes paupières se referment, c'est un reflex. Mais la lumière reviens.

                    ...Encore la table...

                      La peur peigne votre visage et pourtant je vous ai mis en garde, vous ne pouvez pas être lâche. Vous ne pouvez pas seulement mourir. Avez-vous au moins l’envie d’ouvrir les yeux ? Comment un spectacle d’horreur peut vous terrifier au point de devenir le supplicié, vous, qui avez tellement mal fait dans votre vie passée ? Comprenez qu’il vous faudra quitter l’Enfer si vous voulez vivre et enfin ôter le voile qui vous bande les yeux depuis votre naissance. Il ne faut pas que mon discours vous effraye et il ne faut pas que vous accordiez une importance plus grave qu’il en est aux mots tronqués. Sinon, vous vous perdrez et jamais vous ne reviendrez. Il nous faut traverser tous les cercles sans que vous ne vous perdiez. Descendre les fosses jusqu’à « celle-ci ».  

                      Attendez donc et baisse les yeux car les femmes qui se trouvent en haut de cette tour pourrait vous rendre statue à jamais.

                      Dans ce sixième cercle, le deuil et les tourments logent. Ici, rien n’est bon. Vous ne devez rien toucher car la plus fine des herbes vous pourrirait à jamais. Bien plus que vous n’êtes déjà pourri. Observez un peu plus et vous verrez qu’y sont parsemés plus de mille tombeaux où brûlent des âmes ensevelies, soupirantes. Ce sont les hérésiarques, et il y en a bien plus que vous ne pouvez l’imaginer dans un cercueil. Celui-ci restera échauffé pour une éternité et jamais ils ne mourront vraiment. C’est leur misère.

                      Hn…
                      Nous laissons ce champ de tombeaux pour passer le mur et atteindre le sentier qui tombe et débouche au vallon dont monte jusqu’à nous l’immense puanteur. Derrière cette falaise, les éboulements de rocher font un cercle et nous observons un pays encore plus maudit. Au centre de tout cet éboulis de plus en plus petits, vous trouverez trois cercles pareils à ceux que l’on a traversés. Ils sont tous habités par des âmes maudites mais pour qu’en arrivant, vous compreniez plus vite, apprenez à les distinguer. Les violents sont mis au premier des trois cercles, comme la violence à trois buts différents, il est sous-divisé lui-même en trois girons. On peut offenser Dieu, soi-même et le prochain. L’offense peut toucher les biens ou la personne puisqu’on peut infliger une mort violente au prochain, le blesser, le voler ou lui causer des pertes. Tous les assassins, voleurs et destructeurs reçoivent leurs méfaits dans le premier giron. On peut lever la main aussi contre soi-même ou contre ses richesses et le second giron oblige ainsi à de vains repentirs à celui qui met lui-même fin à ses jours qui brelande, dissipe et détruit ses richesses. Quant à la violence à la divinité, on la fait reniant du cœur ou par l’oubli du bien et des lois de nature.

                      Vous n’êtes pas très croyants. Ho, ne dites mot, la terrible odeur est tellement forte qu’elle vous empoisonnerait en vous laissant des maux de tête et vous tomberiez…

                      Le second des cercles ne semble violer que les liens d’amour formés par la nature : c’est pour cette raison qu’ici se nichent les flatteurs et les hypocrites, charlatans et trompeurs, simoniaques, entremetteurs et escrocs, avec leur sale engeance. La dernière, la fraude est un mal propre à l’homme et c’est pour ça qu’elle est plus désagréable au Ciel, elle s’attaque à toutes les consciences et peut s’employer ou bien contre ceux qui se fient ou bien contre ceux qui se méfient jusqu’au bout.

                      Maintenant habitués à l’odeur, nous descendons et pouvons voir les fleuves aux flots de sang où sont punis tous ceux qui contre leur prochain, usent de la violence. C’est un bouillon vermeil où cuisent les esprits poussant des cris affreux. De leur nombre, certains plongent jusqu’au sourcil. De vils tyrans qui n’ont jamais eu soif que de sang et de conquêtes. C’est ici qu’on punit leurs trop sanglants méfaits !

                      Ensuite, nous entrons dans un grand bois épais où l’on apercevra nulle trace de pas sinon les vôtres. Son feuillage est d’un vert plutôt noirâtre et ses rameaux rugueux, noueux et tordus portent au lieu de fruits, des ronces vénéneuses. Avant d’aller plus loin, sachez que  nous entrons au deuxième giron  et regardez, vous verrez des choses que vous ne croiriez pas si je vous les disais. On entend des plaintes monter de toutes parts pourtant on ne voit personne autour et vous arrêtez vos pas, assez déconcerté. Vous croyez que tant de tristes voix viennent de gens qui se cachent de nous mais il en est tout autre ! Et il suffit de casser une branche quelconque pour mieux vous rendre compte à quel point vous vous trompez. On prend donc un rameau. D’un énorme sorbier et le tronc s’écrit « Pourquoi me fais-tu mal ? ». Un sang noirâtre coule de la branche et il continue « Pourquoi donc me déchirer ! Ton cœur est à ce point endurci… » Vous l’aurez compris, quand son âme se sépare du corps, Minos le jette au Septième des cercles où elle vient germer dans ce giron et en sort un rejeton qui devient par la suite un arbre. Et, en venant ronger ses feuilles les Harpies ouvrent un seul chemin à la peine et aux pleurs.

                      Eux aussi, ils iront chercher leur dépouille mais sans qu’aucun d’entre eux ne puissent s’en revêtir car on ne reprend pas ce qu’on a jeté soi-même.

                      Passons ensuite aux confins où débouche le deuxième giron pour nous rendre au troisième. Un désert de sable dont le sol ne porte aucun brin de verdure entouré d’une forêt des douleurs tout comme le fossé contournait celle-ci. Voyez là de grands troupeaux d’esprits nus qui se lamentent tous bien misérablement. Certains gisent par terre, d’autres restent assis, ramassés sur eux-mêmes et puis d’autres encore ne cessent de marcher. Ceux qui rodent ainsi sont les plus nombreux et quoi que les couchés soient moins nombreux, leurs lamentations semblent être les plus fortes. Sur cette mer de sable, il pleut lentement de grands flocons de feux qui tombent sans arrêt et même en touchant le sol ne s’éteignent pas. Voilà là leur supplice. Et on voit leurs misérables mains se mettre en mouvement pour écarter du corps les brûlures nouvelles qui pleuvent de partout. S’ils s’arrêtent un seul instant, ils restent un siècle sans pouvoir secouer le feu qui pleut sur lui. Ceux là sont appelés blasphémateurs.

                      Un supplice est là, bien moindre comparé à ceux que vous avez déjà vu. Sont là les usuriers ! Ils portent piteusement à leur cou une armoirie de leur clan. Ne prenez pas le mépris pour leurs pauvres âmes mais souciez vous de celles qui vous attendant dans le huitième cercle que nous allons bientôt emprunter, nous engouffrant de plus en plus au cœur de l’Enfer. Dites Adieu à ces suppliciés, dites Adieu aussi au bon sol, au brouillard opaque que vous croyiez terrible et au vacarme de lamentations qui vous rend presque sourd, tellement que vous avez du mal à écouter mes paroles. Là-bas, vos yeux saigneront autant que saignent ceux qui subissent leurs punitions. Là-bas, vos pieds se mourront d’emprunter un tel chemin. Dites Adieu aux beaux jours, dites Adieu à ces noires, ces invisibles, ces invincibles étoiles.


                      Dernière édition par Kiril Jeliev le Sam 26 Oct 2013 - 19:41, édité 1 fois
                        ...Toujours cette table, devant moi dressée sans rien à dîner, qui me scrute au travers d'un bloc gravé d'une simple lettre, dans son bois...
                        ...K...

                        Tu devrais me laisser faire, tout serait plus facile tu sais ?

                        ...Accepter un tel marché...
                        ...renoncer...
                        ...encore...
                        ...une...
                        ...fois...

                        Regardes toi, t'es au bout, tu capte plus rien à ce qui t'arrives. Et regardes ce qu'on a construit, ensemble. Libères-moi, je t'assures qu'on sera bien. Tu pourras rester ici te reposer, comme avant.

                        ...Non...

                        Comment ?

                        Je me lèves, dressé devant l'assemblée vide de mon inconscient. Je crois que cette fois, une limite a été atteinte. J'ai été spectateur assez longtemps. J'ai traversé les méandres de l'existence guidé par une fausse déité, décidée à jouer au marionnettiste avec mon esprit. Mais jusqu'à aujourd'hui, j'ai appris. J'ai observé, ai compris. Au fil du temps, comment briser celui qui me retient.

                        ...C'est que je serais philosophe...

                        Fermes ta gueule petit con et fais ce que je te dis, tu veux ? Vas-y, ramasses moi et laisses moi ton corps.

                        Je me souviens de tout. Ce que j'ai fait, ce qu'il m'a fait faire, comment le faire.

                        ...Je peux y arriver...

                        M'approcher, ramasser cette entité désordonnée.

                        ...sans...

                        Et l'ignorer, quand elle me dicte ses mouvements incohérents.

                        toi

                        Et la lancer dans les méandres ténébreux de l'insanité d'où elle vient.

                        Comme je me sens bien.

                        Je me retourne vers l'écran, j'y vois ce que mes yeux voient. J'ai campé mon crane depuis trop de mois. J'étais le spectateur de ma propre tragédie. Dictant les actes sans les jouer. Ce qui va changer. Prendre en main mes responsabilité. J'étais plongé jusqu'aujourd'hui dans la délicieuse torpeur qu'est l'inconscience. Mais aujourd'hui, cela va changer. Je repasse le miroir de mon être, traverse l'écran, quitte la table, reprend en main mes jambes et mes bras. Fini la narration, place à l'action

                        Après tout, j'ai des gamins à éduquer.

                          Et maintenant, nous sommes dans la Malef...

                          Ouvre ta bobine à l'envers, le longé mort. J'y vais tout seul cette fois. Tu peux même partir. Plus besoin de guide. J'ai le panache à mes côtés, le Scotch, un peu de fourrure de Scott. Quoi, un peu de fourrure de Scott ? Ho. Je reprends. Et là, c'est la dernière ligne droite. J'vais un peu à gauche et j'me perds. Pareil pour la droite. Surtout pour la droite parce que... La crête. Et là, c'est le dernier chemin avant de pouvoir rouvrir les yeux. C'est la fin de la fausse morte, c'est le début de la vraie vie. Si tu crois que j'ai pas les roubis, tu te trompes. Et même en Enfer, j'ai le culot de te cracher dessus. Toi. Oui, toi. Tu fais semblant de compatir mais au fond c'est parce que tu t'es posé cette question : et si ça avait été moi ? Et si ça avait été mes pieds, sur le sable brûlant, essayant en vain d'éviter les lames de feu qui tombent. Et si ça avait été moi, scellé dans un tronc d'arbres, mes bras, ses branches, mes organes, ses racines. Et si ça avait été moi, condamné à pousser ou à tirer un lourd fardeau sans s'arrêter. Et si ça avait été moi les voix, les lamentations, les paroles perdues. Alors tu compatis. Parce que c'est pas toi cette personne. Tu ne fais que regarder, les cercueils de poix bouillants, les damnés qui s'étouffent. Méritent-ils ça, pour n'avoir commis qu'un seul pêché ? Méritent-ils même d'escalader, presque, le mont raide du Purgatoire ?

                          C'est pas moi qu'ai la réponse. Dis moi, guide, ne t'es-tu jamais posé cette question... Si ton Illustre est le bien et que son frère Lucifer le mal, pourquoi il l'enverrait le punir ? Peut-être que mes châsses sont fermés mais oublie pas qu'être dans le noir, ça signifie pas ne rien voir.

                          Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai par une forêt obscure car la voie droite était perdue…

                          Il existe en Enfer un lieu dit Malefosse. Là où la fraude règne, là où les hommes ont touchés aux pêchés les plus infâmes, les plus odieux, les plus interdits. Tu parles... Je m'avance, crête en tête. Habillé en américain du vingtième, chemise et jean bleu. Du sang partout. Dans la première bolge, apparemment, sont piégés les séducteurs et les ruffians. Fouettés nus, drôle de façon de punir la luxure, non ? Dans un carnaval de boue et d'odeurs douteuses. Des cris, de splash. Des bruits de maisons closes, quoi. L'habitude pour moi. J'descends en laissant le guide, il s'trouvera ami avec les tortionnaires, p't'être, parce que la bolge suivante m'intéresse.

                          Un fleuve. De la dégueulasserie dedans, attendez. Des gens qui gémissent au fond, se donnent des coups de la main. Et je me crispe... Mon guide m'a suivit, sa main sur mon épaule m'a foutu les chaleurs. C'est là que l'on trouve les flatteurs... Dans un fleuve de chiasse... C’est quoi le rapport avec la flatterie, c’te fois ? J’me pince l’aubergine, couvre mes yeux pour pas voir et fais en sorte qu’on m’approche pas. On les punit parce qu’ils n’ont pas une bonne opinion de soi, ni des autres ? Ou parce que ce sont des menteurs ? Parce que, mentir, si c’est un pêché… Qui peuple votre Paradis ?

                          Le temps s’éloigne alors je le suis. Longuement, lentement. Vers un champ de jambes nues. Des hommes enterrés la tête en avant. Des simoniaques, tu dois te reconnaître dedans dit l’ancien narrateur. Tu dois te reconnaître partout. Et parvenir à te laver. Difficile après avoir baigné dans l’odeur de la merde des flagorneurs. Pas comme si ma vie avait été plus propre, non, c’est que les déchets, on les voit. On les sent pas.

                          Plus loin, encore plus profondément, le sol commence à devenir étrangement rocailleux. Comme si on s’enfonçait dans le centre de la terre. Des vestiges qui datent des dinos, certainement. Non… Les roches sont pointues et Il me dit de faire attention, comme je suis pied nus. Les yeux qui châssent le bas, je ne vois pas la personne qui vient se heurter brusquement contre moi. Sur le point de lui foutre un coup dans la bobine, je m’aperçois que sa tête est à l’envers… En le poussant un peu avec un tissu et en débroussaillant son chemin de pierres fines, j’observe encore d’autres tourmentés. On leur a retiré l’œil, ou il le ferme, ou certains sont comme celui qui m’a bousculé plus tôt. Des voyants, des devins, des magiciens…

                          Je décide d’en suivre un qui ne devrait pas savoir où il va, il marche lentement et son regard me fixe, affolé. Il respire bruyamment, les traits tirés comme s’il venait de faire un cauchemar. Un grand nez, plus vulgairement, gros, et deux énormes globes blancs qui lui servent d’yeux. Au bout de son chemin, il y a un lac de poix où des diables tourmentent des prévaricateurs. C’était un autre giron, celui qui punissait les concussionnaires, les trafiquants… Les diables, dans mon inconscient sont donc des petits hommes laids avec de gros sourcils  en angle. Des dents blanches, toutes des canines. Pas de cornes, pas de tridents. Ils ne me regardent pas et se plaisent à leurs tâches.

                          Passé le lac, on voit des hommes courbés d’un manteau en plomb qui doit faire bien, cinq fois leur poids. Ainsi était puni les hypocrites sous les apparences de moines en procession. A côté d’eux, les voleurs et pilleurs d’églises sont mordus par des serpents puis en deviennent avant d’être réduits en cendres et finalement ramenés à la vie afin d’être éternellement punis…

                          Sans regarder encore le spectacle de métamorphose, j’avance vers la huitième bolge, pressé d’en finir. Je croise alors des âmes enveloppées de flammes, le visage affreux et carbonisé. Les conseillers perfides où devrait se trouver Ulysse. Et où se trouvera mon père. Dans mon esprit, en tout cas. Je me trouve à courir pour arriver à la fin mais je ne suis qu’au neuvième giron où les fauteurs de schismes et de discordes reçoivent ironiquement le châtiment d’être physiquement déchirés. Il y a donc des éventrés, des visages esquintés et défigurés. On les laisse comme ça jusqu’à ce que la plaie se referme et on les déchire à nouveau.

                          Désireux de savoir comme Faust. Mes yeux alors dévorent les corps lépreux des habitants de la dixième bolge de Malefosse. Couverts de gale. Des boutons, de la peau cramoisi, des pustules de pues, de la bave qui coule toute seule de leurs bouches. Des mouches dans les yeux, elles rentrent, elles sortent. Des oreilles bouchées de dégueulasserie dedans, des cheveux poisseux. Ils ont tous un air de vieux, les cheveux gris de poussière. Certains ont le crâne déformé, des sourcils et des ombreuses broussailleux. Des pieds qui ne savent plus où ils vont. Des pieds troués sous les dalles de laves.

                          Et ce sont ?  Les faussaires.  Les bonimenteurs. Les alchimistes.

                          Là-bas, la fin. Tes yeux commencent à s’ouvrir. Tu es dans une grotte. Tu y es tombé par hasard. En suivant un lézard qui a dérobé un coffret précieux. Tu étais avec Walters Scott mais tu ne t’en fais pas pour lui. Et tu as raison. Ça fait bientôt deux jours que tu es coincé dans cette grotte, déshydraté, toujours pas réveillé. Mais alors que je te donne ces informations, nous approchons de l’ultime bolge. Celle où tu reprendras conscience. Prêt ?

                          Au fond, au plus profond de l’enfer se trouvent la plus offreuses des offenses qu’on puisse faire et se faire, la traîtrise. Les traîtres à leurs parents, comme toi. Les traîtres à leurs patries, comme toi. Les traîtres à leurs hôtes… Comme toi. Les traîtres envers leur bienfaiteur et envers les autorités spirituelles. Comme toi. Ceux-ci comme vous pouvez le voir sont condamnés à dévorer leur cerveau entre eux sous l’œil fou de Lucifer. En face, tu le vois

                          Grand

                          Laid

                          Trois visages

                          Jaune, Blanc, Noir

                          Des ailes de chauve-souris agitées, furieuses

                          Des cornes

                          Un grand sourire

                          Des griffes acérées

                          Mordant des âmes qui doivent avoir commis un des grands pêchés vu alors. Si je n’étais pas mort, je restais sans vie. Le visage horrifié, les yeux en globes et la bouche ouverte.

                          Et pourtant, ton visage se déraidit quand tu aperçus la lumière à la droite du démon. C’est ce chemin qu’il te faut emprunter pour rouvrir les yeux. Va-t-en, et cours pour ne pas qu’il te voit. Apprends alors que tout ce que tu as vu était en quelque sorte des parcelles de toi et qu’il te faudra les maîtriser pour ne pas tomber dans le noir intense, le noir de rien. Va-t-en avant qu’elle ne s’échappe. Ton périple prend fin, et tu verras en levant la tête que même si le trou que te propose ta grotte est petit, tu pourras apercevoir quelques étoiles.
                            Et dans la grande chambre noire, pleine de ténèbres, une lumière vient éclairer la table à laquelle je suis assis. Face à moi, l'écran où Walters se démène pour reprendre connaissance. Tout autours, d'autres sont tendus, affichant chacun un visage différent, étranger au pirate. Un homme dressé dans un champ de neige vermeille, un vieillard à la bouche fumante sous son casque, une créature d'une autre espèce, perdue, quelque part, un cadavre sale aux cheveux emmêlés qui baigne dans le sang qu'il a versé... Tant de visages, tant de masques portés et que je porte toujours.
                            Walters Scott, âme torturée, arrive enfin au tournant de son existence où il reprend conscience. Perdu, dans le chaos de ses pensées, chaos qu'il pensait absolu, car après la guerre, la faim, la maladie et la mort, que peut-il rester d'autre ? Chaos dont il s'est maintenant débarrassé. Mais que reste-t-il, une fois le chaos détruit ? Le néant ? L'absolu ? Eh bien non, il y a moi. Musicien, parfois soliste, d'un univers aussi composite que l'œil d'une mouche, tant il est scruté et construit par des yeux différents. Chef d'orchestre d'une multitude de regards, portés sur des fresques construite par nul autre que moi-même. Parfois auditeur, j'écoutes ta parole, toi qui lit maintenant la mienne.
                            Il y a moi, celui qui reste et qui est resté là depuis le début, et qui restera encore après la fin, peut-être. Car il y aura une fin, que ce soit par la vie ou la mort, un jour, peut-être que je quitterai cette chaise, cette table, tous ces écrans. Cette mort, ce ne sera pas celle de Walters Scott, car il l'a déjà vaincu, lui. Mais lui n'est que fiction, lui n'est qu'un masque de caractères s'empilant l'un après l'autre et composant le sien.
                            Son caractère, construit sur une série d'expériences balayées comme un vulgaire jouet dont on se serait lassé. Car, après tout, pour Walters Scott, après le chaos, que reste-t-il ? Comment survivre après avoir été dépecé de chaque parcelle d'humanité ? Comment se battre après la guerre ? Comment manger après la faim ? Se relever après la putrillecense d'une peste sans nom ? Comment vivre après la mort ?

                            En sentant, en ressentant. Un pas après l'autre, prenant à travers son être chaque sensation, chaque sentiment qui y naitra. Après avoir été le pantin d'une lettre, il va vivre selon l'expérience qu'il fera de l'existence. Car c'est tout ce à quoi il peut aspirer. Pas de vie. Juste l'image d'une vie.

                            Attaché à une table, Walters Scott ouvre un œil sans paupière, puis le second, débarrassé de la pourriture qui l'entourait. Il voit le monde, son monde, comme il ne l'a jamais vu avant. Il souffre, et savoure sa souffrance. Pour la première fois depuis longtemps, c'est à nouveau la sienne. Dans ses tripes qui se tordent nait un bouillonnement que l'on appelle la rage. La rage de vaincre, la rage de vivre. Et dans sa tête se profile une pensée, une seule, la sienne:


                            *Maintenant, ça va chier.*

                              Et je respire… Comme si c’était la première fois. Comme si je venais de sortir du ventre. Sauf que je pleure pas. Y a juste le cœur qui bat, y a juste l’eau qui se vide sur les tempes, y a juste cette peur qui me chuchote que rien est fini. Rien, parce que je vois rien. Plus rien. Même pas une âme damnée, non, même pas mes illusions. Pourquoi ? Parce que mes yeux pourraient saigner tellement ils s’entêtent à pas s’ouvrir. J’sens mes os du visage qui veulent se démolir mais ma volonté de pouvoir reprendre une vie de merde me sauve.

                              J’touche près de moi avec la force qui me reste dans le bout des doigts parce qu’à par ça, je sens rien. Comme si je sortais d’un sommeil profond, sommeil qui ressemble plus à la mort qu’autre chose. J’suis revenu de l’enfer… Le sol est dur, roche, un peu humide, roche. Roche. Oui, comme le guide l’a dit, une grotte, une galerie, un truc sous terre. J’balance la tête toujours avec l’énergie d’un zozio. Elle cogne contre une paroi pareille. Non. Y a un truc qui gratte mon crâne. Ben ouais, les cheveux à demi-rasé, ça aide. C’est de la terre. Creusé. Creusé, dans un truc creusé, je suis.

                              Il a dit qu’en haut d’moi, y a les étoiles. Poétique, hein. Plein d’espoir, synonyme d’infini, synonyme de loin, synonyme de grand, de rêve et d'évasion comme dirait les poètes de notre millénaire.

                              J’en ai rien à taper des étoiles.

                              De l’eau que je veux, ouais, t’as bien entendu. Kiril, sûrement premier du nom… Jeliev, veut de l’eau. Mec, j’suis plus gras qu’un poivrot quand il s’agit de bibine. Bon dieu que je déteste ce mot, bibine. Ça fait pute qu’on aime. Enfin, pute pour qui on s’est prit d’affection. De l’eau, j’ai soif, le gosier a jamais été aussi sec. Bien sûr, je sens ma topette dans la poche intérieure et j’essaierai bien de l’attraper si je pouvais mais je suis vidé. Comme si j’étais resté dans cette position, et sans manger, depuis un demi-siècle.

                              Mes comparses… Je pense à eux, qu’ils sont où ? Et que si je reviens pas vite fait, ils  décolleront sans moi. Je parierai bien toute ma fortune. Ah, ça. Mes forces ? Encore une fois. Ça contracte sur les muscles, même que le cou s’étend mais pouf, ça relâche et je perds espoir. Espoir, hein…

                              Rien à foutre des étoiles.

                              Alors je gueule. Je cris. Où vous êtes. Et. Ramenez-moi une bouteille à boire. Et, accessoirement. Dites à Micha qui fallait pas boire l’verre d’eau qu’était sur le plan de travail… Et d’autres conneries, la fatigue joue, la folie prend le dessus, un peu. Le ventre gronde la faim. La faim lui fait montre son majeur. Et moi entre les deux, je me sens de vomir ce que j’ai pas mangé sur mon pant’.

                              Puis les secondes passent.

                              Puis les secondes passent, encore. Non parce qu’on sent pas les minutes, on sent pas les heures. Parce que dans la caboche, on compte un par un. Et j’en suis à…trente trois. Enfin, trente trois depuis plus de trente-trois fois, parce que je sais compter que jusqu’à trente-trois.

                              Et j’arrive à un stade où même bailler me serre les tripes, ça gargouille, j’ai pas faim. J’ai plus soif. J’ai toujours les yeux fermés.

                              Les étoiles, hein…

                              Je lève la tête, la tend vers le derrière pour que mes yeux soient face à la lumière. Je la sens. Le noir se fait déjà moins sombre. A quoi est-ce que ça aura servi, l’enfer. Toutes ces conneries de choses pas biens qui me représentent un peu… Et là je la vois, la lumière à côté des trois têtes géantes… Je les oublie, je vois que la lumière. La lumière. Les étoiles. Les étoiles.

                              Et les châsses clignotent.
                                ...Et quand les yeux s'ouvrent, ils sont aveuglés, même s'ils sont plongés dans l'ombre, car ils voient à nouveau.

                                Walters Scott, toujours couché, toujours attaché, et vraiment libre pour la première fois. Il tire sur ses liens, constate qu'il ne pourra pas les arracher aussi facilement. Il cherche du regard quelque chose, un objet, un outil qui lui permettrait de se libérer. Mais rien ne s'offre à lui. Rien, si ce n'est cette voix rauque qui retenti sur son côté, hors de son champs de vision.

                                "Votre tendance à vous évanouir est quelque peu gênante, monsieur Scott. C'est dommage vous savez, cela vous empêche de profiter pleinement de votre condition..."

                                Le pirate ne voit pas l'homme qui lui parle. Il a beau le chercher du regard, rien. Et pourtant, il pense reconnaitre sa voix. Elle lui dit quelque chose, et lui rappelle quelqu'un. Mais il ne sait plus qui. Il respire à fond, ses poumons se remplissent, et il se délecte de la puanteur qui remplit l'endroit. Un air froid, fétide, qui est resté là depuis des centuries, des millénaires et plus encore.

                                "Mais maintenant que vous êtes à nouveau parmi nous, nous allons pouvoir continuer."

                                Un son, pareil à celui que fait une morceau de poulet jeté dans de l'huile bouillante, se fit entendre. Mais Walters n'y prêta aucune attention, il était trop occupé à ressentir son visage bruler. Derrière lui, sa peau venait d'être délicatement déposée dans une cuve d'acide. Il sentait une à une les particules de son être se faire décomposer. Il savourait la disparition de chacune d'entre elles. Et encore une fois, la voix rauque...

                                "Je ne vous ai pas encore expliqué l'expérience qui se déroule en ce moment même. Voyez-vous, j'ai déjà tenté de vous tuer, et je n'y suis pas parvenu. Et comme mon subconscient semble obsédé par votre existence, je vais tenter de vérifier l'hypothèse suivante..."

                                Le monde, l'univers, et le plafond avec eux, se mirent à tourner au dessus du bosco. Quand il s'arrêtèrent, un nouvel élément lui apparu. Un long bec, semblable à celui d'un oiseau, pendait par dessus lui. La voix s'échappait du fin fond de ce masque.

                                "Si je vous détruit, si je décompose votre corps entièrement, je devrais être libéré des fantômes qui me hantent, n'est-ce pas ?"

                                Walters voulu écarter ses lèvres afin de parler, mais il ne parvint pas à prononcer le moindre mot.

                                "Très bien. Très très bien. Nous allons donc procéder de manière scrupuleuse et mé-tho-dique."

                                Un faible rayon de lumière fut attrapé par un scalpel et lancé sur la rétine nue de Walters. Un son sans sens, qui n'était ni humain, ni animal, mais dont la protestation pouvait clairement être ressentie, résonna dans sa gorge. Il venait de revenir à la vie, et allait déjà rejoindre les tréfonds des enfers ? Peut-être, mais pas sans se battre. Il tira sur ses liens, décidé à les briser. Il força dessus de tout son corps. Il força sur son corps de tout son être. Certains pensent qu'une volonté implacable permet dans certains cas au corps humain de dépasser ses limites...

                                Mais ce n'est pas ce qui arriva.

                                Walters réussit à se lever. Ses mains foncèrent sur la gorge du docteur, comme il le voulait. Il pouvait désormais voir les rétines de ce dernier au fond de deux petits trous percés dans son masque. Il y vit de l'incompréhension et de la folie. Une folie qui était peut-être la même que celle qui avait un jour habité le pirate. Une folie qui s'empare d'un esprit et qui le force, le plie et le forge afin de s'en servir.
                                Une folie née du regret et de l'impuissance. Une folie née de la perte de tout ce qui nous est cher. Née du fait de ne pas avoir été à la hauteur, de ne pas avoir rempli le rôle qui nous avait été offert, de perdre cette place que l'on occupait et qui nous occupait l'esprit, entièrement...

                                Spiritus Tactus - Poena Periurum


                                Et pourtant, tout nous revient. Tout ce qu'on avait oublié jusque là, tout ce qu'on a sacrifié pour cette place. Tout ce, qu'un jour, il y a longtemps, était notre raison d'être. Tout ce qu'on a oublié.
                                Une femme, une fille, une famille.
                                Un famille a qui on avait promis. Que tout irait bien. Que l'on rentrera plus tôt ce soir. Que l'on oubliera pas son anniversaire. Ni son cadeau d'ailleurs. Et que l'on fera tout pour la protéger et la chérir autant que possible, même si ça signifie la perdre.
                                Tant de promesses rompues et oubliées au profit d'une place. D'une place qui nous a forcé à la perdre, cette famille. À la rompre, comme on a rompu sa parole.

                                Et devant cette vérité, cette réalité, le docteur Beaumary se trouva incapable de bouger. Il traversa les mains de Walters Scott pour s'effondrer au sol, conscient de tout ce péché qui l'accable maintenant.
                                Walters, lui, ne comprend pas. Il le tenait pourtant. Pourquoi, et comment lui a-t-il échappé ? Il regarde autours de lui, tout est pareil, et pourtant différent. Il regarde la table, où il gît toujours, ses yeux nus et vide, comme les cavités d'un crane où résonne le son d'un chant oublié. Il peut ainsi se voir, mutilé. Il se reconnait, malgré les différence. Il tente d'attraper les liens, de les détacher... Mais ne parvient pas à s'en saisir...

                                Il lui faut de l'aide... Trouver quelqu'un... Il doit bien pouvoir le faire.
                                Il se souvient, ce pouvoir: regarder, observer et sentir. Le vieux... Dépasser son corps et ses sens...

                                Le plus proche. Kiril. Pas très loin. Derrière lui. Sous la terre.

                                Walters se retourne, se demandant si une paroi de rocher est un véritable obstacle pour lui, vu l'état où il se trouve. Il s'avance, s'arrête, et la voit. Couchée au dessus du bec. Qui pleure, qui jure, qui hait et qui hante. Il la voit, et la reconnait.

                                Car il l'a aimée, et l'aime toujours.
                                Et qu'elle repose toujours sous le sol, comme tous les autres.

                                  Le plus proche. Kiril. Pas très loin. Derrière lui. Sous la terre.

                                  Dans une galerie. Une cité. Devant moi, des milliers d'ossements... De lézards. Les calots en coque de mousseux se délectent du spectacle le plus étrange qu'ils aient eu l'occasion de voir depuis la transformation en gorille de Jack. Des squelettes... De lézards. Des petits, des gros. Des trop gros, même. Un musée souterrain. Un voyage en Enfer. Tout ça pour un coffret...

                                  Et ils le voient, le coffret, s'exposant fièrement en haut d'une pyramide de têtes de charognards, ouvert. A l'intérieur, c'était blanc. Un blanc qui répugnait mes châsses, trop bon, trop pur. Rien qu'elles ne connaissent.

                                  Exilé. Je suis exilé dans un endroit qui m'a l'air pourtant familier. Le plus que bas. Les oubliés du monde. Sous terre. Céleste. Céleste est la vie d'en bas. Du plus que bas. Les enfants bâtards du monde. Respirer. Se sentir bien. Mais ne plus fermer les yeux.

                                  Un lézard de la taille de deux mains sortaient du tas difficilement, une clope au bec. Et non, je ne suis pas choqué parce que Micha parle à Anthrax et Anthrax est un singe psychopathe obsédé par l'idée de tuer. Il me regarde, un sourire en coin et s'approche de moi avec la même démarche que les jeunes de nos jours. Il a une crête, un pansement sur le nez mais.. hé ! Ce lézard est trop cool !

                                  Que me veux-tu, petit être. Il sourit et tire encore sur son méchego pour finalement me foutre la fumée en pleine gueule. Et se casse comme un arcasien en direction du coffret, saute dedans et en sort une carambole violette pleine de gibbosités qui la rendait tout sauf appétissante. Le lézard anarchiste avait des étoiles dans les calots comme quand on voit une balustrade pour la première fois, petit. C'était donc ça, la précieuse chose. Le fruit des dieux, l'impossible en un croc.

                                  Haha, hahaha ! C'est moi qui l'ai saleté de punk faiblard. Je vais enfin pouvoir rencontrer mes ancêtres et foutre le feu à c't'île maudite. On pourra contrôler le monde, comme au temps des dinosaures, bouffer des crapauds volants et tous ces trucs qu'on disparu aujourd'hui. J'prends un petit bout de la carambole et le frotte à un os préhistorique. Bien. Maintenant faut attendre. On attend... On attend...

                                  Haha, hahaha ! Si on m'avait dit que je verrais ça un jour, j'aurais foutu une castagne à la personne. Le lézard gigote le fruit en mode chaman vaudou. Il veut invoquer des esprits ou quoi ? Manquerait plus qu'il danse en mode tribu zoulou et là, je pourrais me demander si j'ai pris autre chose que du whisky...
                                  Oh non, merde.

                                  Même la danse ne fonctionne pas ? Mais dans le film, il disait bien qu'il fallait trouver le fruit pour Sheron apparaisse et qu'il fasse un miracle ! (ndlr. Carambole Ball Z) Je veux refaire vivre les plus grands reptiles de ce monde ! C'est quand même pas compliqué !

                                  C'est pas comme ça, gamin. Les fruits du démon confèrent un pouvoir on ne sait lequel à celui qui le gueuletonne. Les os, ça gueuletonne pas. C'est des os.

                                  Quoi ? Et merde. Le père avait pourtant dit que les séries niaises abrutisaient le cerveau... Mais c'est impossible, j'ai pas bâti tout ça pour rien ! Mes pères, mes frères !

                                  Et il continue à s'agiter en sifflant comme un tox tandis que je caille grave et que je sens le crade.

                                  Ploum ! J'envoie voler le trésor du coffret. Tout ce que j'ai fait... ça n'aura servi à rien. C'était la pièce finale ! Le puzzle allait être complet et on aurait régner, écraser la race humaine, créer l'anarchie ! Tout ça pour rien...

                                  Le lézard à l'air indigné. Et moi, je me sens stupide sachant que ce serait peut-être la dernière chose que je verrais avant que la camarde vienne me prendre dans ses bras. C'est triste, autant pour lui que pour moi. Triste parce que je pensais pas être une merde au point de mourir sous terre. L'enfant est revenu à la maison comme quelqu'un dit.

                                  Ce truc que tu jettes enfant, ça vaut de l'or pour certains cons humains. Un grand pirate en avait mangé un et son corps était devenu élastique. Y en a des plus ou moins puissants. Celui de Tahar lui permet de maîtriser le sang, celui de mon capitaine, Jack kartrouvé L'honneur, lui permet de devenir un singe. J'suis même sûr que y en a qui permettent de devenir un lézard. Dire que t'as des mecs qu'en reverraient. Héhé, leur donne jamais.

                                  Mais oui... Maintenant je me souviens ! Celui-ci a été récupéré à la mort du grand père du grand père du père. Grâce à cette même carambole, il était devenu un dragon. Pas n'importe quelle dragon, mon ancêtre ! Celui de Komodo. Lentement, je recouvre ma joie du début et me jette sur le fruit en le brandissant en direction de l'humain.

                                  Ah par contre, ça, non. Non.

                                  Le lézard était maintenant sur mon épaule, le fruit juste à hauteur de ma bouche. Mais non. J'étais pas un mec fan des trucs mystiques qui peuvent rendre un mec horrible ou de la terre ? Non. J'étais bien comme j'étais. Humain normal à crête. Puis y avait aussi l'odeur du truc, pire que quand je reste longtemps aux chiottes. J'ai jamais bouffé de la merde, mec. Jamais.

                                  BOUFFE LE ! BOUFFE LE BOUFFE LE BOUFFE LE ! ça ou mourir humain ! Je trouverai quelqu'un d'autre à la surface ! ALORS SOIS TU LE BOUFFES ET TU DEVIENS MON ANCÊTRE SOIS TU CREVES DANS UN ENDROIT SOMBRE ET SINISTRE AVEC POUR SEULS COMPAGNONS DES SQUELETTES !

                                  Le lézard siffle tellement fort que mes oreilles crient à l'aide à l'intérieur de ma tête. J'ai dit non. J'ouvre pas la bouche, rien. Plutôt mourir. J'ai jamais de chance, en plus ! Je veux pas devenir mort comme Walters, devenir une fille comme Joe, devenir un putain de gorille qui schlingue, avoir un afro sur la tête...!

                                  Euh patron, pour le dernier, c'est pas un fruit. C'est son choix.

                                  Ah merde, mais elle n'a vraiment plus rien à perdre ..?
                                  Je veux pas !

                                  Je voulais pas en arriver là, mec. Mais tu ne me laisses pas le choix. Cap sur le cou de l'ennemi.

                                  Et dans ce post, lecteur, nous découvrons que Kiril est chatouilleux.

                                  HAHAHAHA

                                  GOBE MAINTENANT !

                                  Mais il avait lancé toute la carambole qui ne pouvait pas rentrer dans la bouche de Kiril, du coup, elle n'a fait que dégringoler sur son corps jusqu'à tomber par terre. Opération failed.

                                  Putain ce lézard est stupide...

                                  Maintenant qu'il s'est aperçu de son erreur, il coupe le fruit en petits morceaux et retente le coup des chatouilles. Kiril, qui n'était pas si bête se retenait étant donné qu'on ne se faisait pas avoir deux fois.

                                  ...

                                  ...

                                  Nous n'avions jamais vu Kiril aussi indigné, même pas quand il avait appris que les croissants du boulanger n'étaient pas fait par lui-même, même pas quand il a découvert que Michaela était une femme ! Il n'en était pas moins compatissant, cela dit. Ça ne devait pas être tous les jours facile d'être aussi débile. Car du côté de notre lézard, c'était le vide. Il n'avait plus rien dans les yeux qu'un sentiment de honte extrême... Il ne comprenait pas comment il avait pu oublier un détail pourtant si important. Nous, à la rédaction, nous ne comprenons pas non plus. Recueillons nous maintenant sur la trépidante biographie commentée de Daniel Cohn-Bendit par un de nos meilleurs journalistes, Rik Achillia, pour nous rappeler qu'il y a toujours plus désolant quelque part.

                                  Il ne me laisse pas le choix. Vraiment pas. D'un bond, je saute de l'épaule pour atterrir à pleine vitesse sur la très certainement "petite" chose du punkopieur...

                                  AAAAAAAAAAARGH

                                  GOBE MAINTENANT ! Je jette la carambole dedans lui et me précipite sur son visage afin de bloquer l'entrée.

                                  Et ils restèrent ainsi pendant plus de cinq minutes...
                                    Et dire que Walters s'attendait à être la chose la plus étrange dans la salle...

                                    Il faut dire qu'un punk recevant la béquée de la part d'un reptile, ça n'arrive pas tous les jours. Surtout quand le lézard a recours aux valseuses du concerné. Après tout, il existe bien d'autres moyens permettant de forcer la bouche d'un gamin: l'avion, le train, la menace du "pas d'dessert"... Enfin, chacun sa technique. Je ne suis pas du genre à juger les choix éducatifs des autres. Walters en revanche...

                                    "Bon, Kiril, quand t'auras fini d'jouer à la dinette avec ton nouveau pote, faudra qu'tu viendes. Y'a du bousin à nettoyer mec."

                                    En ouvrant la bouche, le pirate s'était presque attendu à ne pas être entendu. Mais apparemment, ce ne fut pas le cas. Les deux animaux étendus au sol s'étaient retournés vers l'étrange apparition, premier signe, et leurs mâchoires s'étaient abaissées à la vue de l'être ectoplasmique qui se dressait devant eux. Au départ, ce n'était qu'une sorte de monticule de la taille d'un être humain dont on avait de la peine à distinguer les bords. Par la suite, et au fur et à mesure que cet amas de fumée resta immobile, il prit de la consistance et on pouvait reconnaitre des bras, des jambes, une tête, mais pas de visage, pas encore.

                                    Une goutte d'eau tomba du plafond de la grotte et traversa l'épaule du fantôme. Un trou se forma sur son passage, traversant l'être d'un bout à l'autre jusqu'au sol. Mais cela n'empêcha pas la formation du reste du corps, s'il est possible de le qualifier ainsi. Un nez, une bouche, des cheveux en bataille, le visage de Walters devenait de plus en plus reconnaissable. Deux oreilles, deux narines, deux yeux...

                                    "Du nerf charogne. On s'lève et on s'met au taf tu veux ? Y'a pour ainsi dire ma vie qui en dépend."

                                      Brouillard total alors que je sens un froid glacial congelé l'intérieur de mon corps. Et je repense à cette connerie d'enfer. Il est là, m'offre sa main mais il y a un autre chemin. Un chemin broussailleux et encore plus sombre que la demeure de mon guide et de ses amis les condamnés au fagot. Je ne voudrai pas être tourmenté par quelqu'un qui n'est pas moi alors sans réfléchir, je prends ce chemin.

                                      Mon corps qui était droit et fier se courbe. Mes oreilles se bouchent, je n'entends plus rien. Mon blair s'étend, mon cou aussi, mes yeux s'élargissent, je sens ma bouche jusque sous eux. Tandis que ma langue se fourche à l'extrémité, plus longue, plus fine. Je siffle. Plus de sourcils, rien que deux grosses bosses pour donner du volume à mon regard. Sans pupille. L'estomac et la poitrine maintenant par terre, je sens ma peau devenir dure comme du marbre. Mes bras rétrécissent tout comme mes jambes. mes mains s'élargissent et mes doigts s'écartent alors que mes ongles poussent. Derrière moi naît une queue qui doit faire le même poids que la totalité de mon corps. Ma peau est comme ridée, elle pend au niveau de l'estomac, ornée de minuscules écailles arrondies et ovales.

                                      Le chemin se moue autour de moi. Et je ne vois qu'un flou gris et noir... Et un spectre blanc.

                                      Le petit lézard se met sur mon museau, m'indiquant la direction à prendre mais je sens déjà. Je sais où le Scott est. Et cette odeur vient de ma langue... J'avance. Le spectre est aussi, là, devant. Et au fur et à mesure qu'on avance, mon corps grandit jusqu'à retrouver une taille normale sans perdre les caractéristiques citées précédemment. Je suis fort et Walters est là. Derrière ce bout de terre pas si épais si on a les moyens de le faire...

                                      Exploser !

                                      Étonnement, ce n'est pas mes poings que j'utilise mais ma queue, beaucoup plus puissante. Le mur de terre éclate, je me retourne et constate.

                                      Un longé à bec me regarde, d'abord surpris, puis ensuite comme s'il venait de découvrir une autre merveille du monde. Avant qu'il ne s'approche, j'hurle, jetant ma salive sur son corps. Il s'arrête brusquement alors que le spectre m'indique quelque chose. Je ne vois rien. C'est ?

                                      Tê..

                                      Quoi ? Je n'entends rien.

                                      te !

                                      Le petit lézard court aussi vers ce que me montre le spectre. J'attrape le cou de l'inconnu au bec et je serre. Il se débat, voulant atteindre le sol. Je fais deux mètres et quelques. Try again. Je sens alors un courant d'air froid passer dans mon corps. Pris d'envie de gerbe, je lâche ma prise et aperçois l'âme. Pas le tuer... Je fais quoi alors ? Te suivre ? Je suis.

                                      Une tête ? Mais ce n'est pas celle du Scott... Je prends quand même, cherchant le corps mais arrêté dès alors par l'oiseau géant me sautant dessus, une seringue à la main. Essaie. Si tu peux transpercer ma peau. Essaie. Avant qu'il ne brandisse son sérum, ma queue a vite fait de l'envoyer vers d'autre monde. La tête à la main, je suis encore l'âme. Encore. Oh. Il est là. Couché, forcé. Lui remettant sa tête et son bras, je lui détruis ses liens. Et fais ce que tu as à faire... Le bec est encore là. Et moi aussi. Quelle sensation de devenir une bête.


                                      Dernière édition par Kiril Jeliev le Mar 22 Oct 2013 - 13:46, édité 1 fois
                                        L'amas fantomatique se déplace au dessus du docteur et semble chuchoter quelque chose au dessus de lui. Il parle si bas qu'il est presque impossible d'entendre ce qu'il dit, et les quelques bribes audibles ne font pas assez de sens pour en tirer une quelconque signification. Tout reste ensuite immobile durant un instant. Les hommes restent allongés tandis que les reptiles flairent, écoutent et observent à leur façon. Puis le nuage se déplace, marche vers le corps sans nom libéré, mais toujours étendu, sans vie, sur une table.

                                        Et le cadavre se relève. Neutre, sans visage, à l'apparence aussi effrayante que le tourbillon de sentiment qui le traverse. Un morceau de métal reflète son être, il s'observe, touche la place là où, autrefois, son nez, sa bouche, ses paupières se trouvaient. Seul un amas noir entoure son œil droit, reste de la putrescence qui avait, jusque là, envahi son être. De sa main gauche, il essuie le globe, jette ce pus sur le sol d'un geste sec et se retourne vers le responsable de ces dernières mutilations.

                                        Les sentiments tourbillonnent dans son être. Certains, il les connait bien. La haine, l'impatience, la peur... D'autres lui sont plus étrangers: le regret, la honte, la pitié...
                                        Et même un peu de reconnaissance.
                                        Sur la table, il ramasse son bras, séparé par une section nette du reste de son corps. Il ferme le poing, le rouvre, tourne son poignet... Il contemple l'étendue de son pouvoir...
                                        Et se retourne vers le responsable de ces dernières mutilations.

                                        Il s'approche, se baisse, regarde la peur qui se lit dans ses yeux. Il pose son bras, sa main sur sa gorge, et serre juste assez pour lui faire comprendre.
                                        Plus d'espoir, plus d'échappatoire.
                                        Il se relève, regarde à nouveau son reflet, sans lâcher prise. Il se détourne de l'homme au sol, regarde les reptiles, spectateurs de l'absurdité de son être. Plus de visage, plus de nom. Il se détourne et voit, à portée de bras, à côté d'une cuve d'acide, sa nouvelle identité. Il la ramasse, la considère et la juge. Elle n'est pas parfaite, mais elle devra faire l'affaire pour le moment.


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                                        Nouveau visage. Nouvel être. Renaissance.


                                        Walters Scott, le borgne, le bosco, le fou, l'enflure et j'en passe, se dresse au dessus de l'oiseau. Masque contre masque. l'un se cache, l'autre se revendique. l'un c'est perdu, l'autre c'est retrouvé. Walters Scott se baisse, les sentiments le traversent et tourbillonnent. Il ne sais lequel choisir. L'ire la colère la haine, il les écarte. Il les connait. Walters ne c'est pas libéré pour revivre, mais pour vivre. Peur honte pitié s'éloignent de par leur absurdité. Walters n'en a pas besoin, il veut avancer.
                                        Reste la pitié, et la reconnaissance. Hier, il aurait fait souffrir l'oiseau tombé de son nid. Aujourd'hui, Walters Scott va le guider vers son destin. Il approche son masque du sien, veut lui parler...

                                        Mais rien ne sort.

                                        Rien qu'un alignement de sons sans sens s'extirpant de ses dents. Des mot difformes, dépourvu du moule de ses lèvres. Il prend une grande respiration, recommence. Rien, toujours. Et pourtant, aux reptiles, il leur a parlé. Mais sans son corps, juste avec son âme. Il ferme ses yeux sans paupières qui voient toujours, et cherche à modeler le son d'une autre façon.

                                        "Repens-toi. Rejoins-la, elle t'attend."

                                        Et, d'un geste sec, enfonce son pouce dans la gorge. Bloque cette gorge qui suffoque, qui se meurt. Relâche son doigt, ramasse son bras, se tourne vers les reptiles. Considère ses spectateurs, restés muets durant toute la pièce devant cet acteur morbide. Se relève.

                                        "Allez-y. J'en termines avec lui et je sortirai plus tard."

                                        Walters Scott se détourne. Walters Scott cherche des yeux, et trouve. Walters Scott attrape sa pelle, et, d'une main, Walters Scott se met à creuser.

                                        Sans visage.
                                        Sous son masque.
                                        Il vit.
                                        Walters Scott
                                        Walters Scott
                                        Walters Scott
                                        Walters Scott
                                        Walters Scott
                                        Walters Scott
                                        Walters Scott
                                        Walters Scott
                                        Walters Scott
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