Bras de fer et cœur de pierre

Allez, tout va bien. Détends toi.
Ou…Oui…
Non mais vraiment hein ! Je vais pas te manger, je te jure !
…

Ce pauvre mec… complètement intimidé. J’suis pourtant pas si effrayante que ça sous cette forme ? Si ? Je me demande s’il serait plus à l’aise avec un dragon à côté de lui… Non parce que là je peux limite voir la sueur couler de son front alors qu’il fait pas si chaud que ça. Même pour quelqu’un de normal, je veux dire, parce que bon, mon estimation de la température est un peu dérèglée par rapport aux autres...
Rahlala, ça me fait limite de la peine pour lui…

Et tous ces gens qui nous regardent marcher… Tous ces jaloux quand ils le voient à mes côtés… Décidément, je ne sais pas ce que Reyson m’a fait précisément, mais sur le long terme, je pense que ça va me gonfler. Espérons donc que ce soit temporaire…

Tiens ? Mais enfin ?

Mais, veux-tu lâcher ma main oui ?! Je suis pas ta copine ou autre ! Je suis ta chef ! Okay ?! Alors tu me guides et tu ne me touches PAS !

A bah là, pour le coup, il boude… Pire, même, je crois qu’il… pleure ? La vache… La merde…
Ah mais… Mais non ! T’en vas pas ! mais…
Mais merdeuh !

Pffff.

Ah bah c’est du joli, tiens. Y’a tous les « spectateurs » qui se marrent. Non mais sérieusement… Et ils sont content, et ils…

Bonjour gente damoiselle, je vous observe depuis un certain temps et j’ai cru comprendre que votre guide venait de vous faire faux bond.

Et bah, y’a finalement pas mal de beau gosse sur cette île. Celui-ci est blond, cheveux long, avec une rose rouge tendu dans ma direction et un genou à terre.

Laissez-moi remplacer cet amateur et je vous guiderais et vous protègerai dans cet environnement hostile !

… Il est vraiment mignon et très beau parleur. C’est fou ça. Quand je pense qu’il ne m’aurait jamais approchée sans le truc le l’autre piqûre humaine… Enfin, autant tuer ses attentes dans l’œuf. Allez Narnak, tu vas encore servir à intimider des gens.

Je cherche une forge, alors tu m’y conduis en silence et sans discussion. Et après tu déguerpiras fissa, capiche ?

Ah bah oui, tout de suite, avec un sabre sous la gorge, on fait moins le mariole, hein. Bon allez, je prends quand même la rose, elle va bien avec mes cheveux, et dans mes cheveux aussi d’ailleurs.

Mais c’est quand même fou, parce que même si je le menace, il me regarde limite avec encore plus d’admiration.
Enfin… Il est vraiment temps que je me passe les nerfs sur du travail manuel.

Et après avoir traversé trois vaisseaux, on arrive enfin à destination. Et déjà de l’extérieur de la forge, on entend les tintements du métal sous les coups du marteau du forgeron.

Bon, tu peux te barrer maintenant. Je me débrouillerai seule pour retrouver mon chemin tout à l’heure. Allez, dégage !

Putain… Je lui parle comme à un chien et il me fait quand même une révérence.

Au plaisir de vous reconduire une fois prochain, milady.
C’est ça… On lui dira.

Je ne m’attarde pas plus dehors. Ça fait vraiment trop longtemps que je n’ai pas touché un marteau, trop longtemps que je n’ai pas frappé le métal, il faut vraiment que je forge. Maintenant. Alors j’entre en fracassant à moitié la porte. Et sans un mot, je prends mes aises. Jamais je n’oserais emmerder un forgeron qui travaille, alors je le laisse faire dans son coin. Bon par contre, je commence à fouiller ses réserves de métal, à regarder ses outils, à faire de la place pour foutre le bordel parce qu’on se retrouve toujours mieux dans son bordel…

Mais il faut croire qu’il n’est pas aussi assidu que moi, quel dommage. Et le voilà qui déboule de l’atelier l’air franchement énervé en me gueulant de dégager.
Rah, ces gens qui s’énervent pour un rien… vraiment insupportable.

Désolé, je réquisitionne votre forge, j’en ai besoin.
Et en quel honneur ?!

Je le regarde, il en faut pas plus. Il ne manquait que ça pour que les phéromones agissent. Et le voilà bien moins en colère d’un coup. Mais bon, même s’il est pas forcement bon, c’est un forgeron, alors il vaut un peu mieux que les autres clampins que j’ai croisés et il résiste un peu mieux aussi. Mais bon, un coup de « Parce que je le veux. », de forme hybride et de regard déterminé pour lui indiquer la sortie et c’est réglé.

Et me voilà enfin seul dans cet environnement si familier. Avec ces outils, cette enclume, ces braises et ces seaux d’eau. Ce métal incandescent et fondant, ces moules en pierre et argile… Ces odeurs de feu et de chaleur. Oui, j’aime cet endroit. Et j’aime ce travail.

Alors sans plus attendre je m’y mets. Je ressors les plans que j’avais préparés. Je les retravaille, les améliore, les optimise. Puis je prends un bloc d’argile et commence à mouler la forme que je veux. Il va falloir un nombre important de petit bout pour les phalanges, ainsi que tous les boulons et autres engrenages.

Car oui, j’ai fini par me décider et finalement, cette main bougera. Certes, pas par la pensée, mais elle sera articulée.

Et petit à petit les préparatifs se terminent pour laisser place au vrai travail. Petit à petit, les pièces de ce puzzle fondent et prennent forme. C’est un travail long et fastidieux. Mais j’aime cette sensation de création, j’aime cet effort fourni à la tâche ainsi que cet état de concentration intense. Rien ne pourrait m’en sortir.

Rien ne doit m’en sortir.

Non, pas même lui là.

Je ne sais pas qui s’est, je m’en moque, il ne m’intéresse pas. Je ne sais pas ce qu’il veut et je ne compte pas lui répondre. Je ne l’écoute pas.
En cet instant, il n’existe pas.

En cet instant, il ne devrait pas exister.

J’entends le son de sa voix, mais je ne veux pas la comprendre, ni la reconnaître. Je suis dans mon monde. Celui ou personne n’est invité. Ou il n’y a que moi, la braise et le métal. Celui où seul le son des coups de marteau et autres bruits de la forge sont les bienvenus.

Et toi, là, tu es de trop.

Et tu as aussi fait un pas de trop là. Car à partir de cette limite représentée par la porte de l’atelier, tu tentes une irruption dans ce monde qui est le mien. Et qui que tu sois, tu n’y es pas autorisé.

Alors le coup part. Celui du marteau.
Le marteau qui vole…
Qui vole directement vers ta tête, Red.

Et pourtant ce genre de faute n'est pas vraiment dans ses habitudes, rapport à la prudence résiduelle et à la méfiance instinctive issue d'une vie d'agent. Rapport au fameux pouvoir des vrais pirates, ce Mantra censé prévenir ce genre d'impair et qui s’avère au fil du temps toujours un peu moins efficace que les légendes ne le prétendent... Et rapport aussi que dans les quelques rousses que l'ex agent Red a déjà croisé, il n'en est pas une qui n'a pas fini par lui balancer quelque chose de lourd dans la gueule.

Et pourtant...

Et pourtant c’était bien ça l'intention de base. Rester à la porte, ne pas déranger. Rester dehors et regarder une Izya que Red ne connait pas. Une Izya qui fait corps avec sa forge, plus concentrée et entière que jamais. Complétement focalisée sur l'instant présent et le travail qu'elle est en train d'accomplir. Un abandon et un investissement total que Red sait reconnaitre et apprécier à sa juste valeur, faute d'avoir jamais pu trouver un domaine d'expertise ou il pourrait obtenir la même chose.

Que disait le vieux moine déjà quand il reprochait à l'agent son incapacité à se concentrer sur une tache unique plutôt que sur tout ce qu'elle impliquait ? "Quand tu manges, manges. Quand tu marches, marches. Et ne fais rien d'autre..."

Impossible. Impossible à l'époque pour le jeune agent survolté d'atteindre le détachement d'Izya qui forge devant lui, cette économie de mouvement, cette perfection dans le geste et la pratique, cette sensation de transe quasi mystique qui émane de l'Ange devant la forge...

Chaleur, cheveux de feu, braises qui rougeoient et flammèches incandescentes qui s'éparpillent à chaque coup de marteau, à chaque fois que retentit le tintement clair de l'acier sur l'acier. Illuminant par instant la semi pénombre qui règne dans la pièce et conférant à la scène un coté animal et sauvage.

L'Ange, le Dragon... L'Ange de feu qui attire irrésistiblement Red à l'intérieur, comme un papillon de nuit avide de s'engouffrer dans lampe pour y étreindre une flamme brulante et mortelle avant de disparaitre.

Un pas en avant, celui de trop.

L'harmonie de la forge s’altère soudain en présence de l'intrus, trop tard pour y changer quoi que ce soit. A peine assez pour regretter d'avoir cédé à l'appel qui l'a poussé en avant brisé le tableau. Pas assez pour réagir à la riposte foudroyante d'Izya dont le marteau vient frapper Red en plein visage et l'envoie immédiatement au sol contre un établis dans un vacarme métallique assourdissant.

-Aieuh ! Tu sais ? T'aurais pu juste le dire...

-C'est rien, snirfl, je t'ai déjà dit que j'avais l'habitude non ?

Une manche pour éliminer le saignement et Red se relève pour aller s'effondrer lourdement dans un siège laissé à proximité. Juste a temps pour réceptionner le projectile suivant, la main de fer que vient de finir Izya. Main de fer que Red étale à plat sur la table devant lui pour l'examiner plus à loisir. Faisant jouer les articulations, étudiant son poids et le mouvement des doigts avant de se débarrasser de son manteau pour en extraire son bras coupé et le moignon qui lui tient lieu de terminaison.

Un regard sur Izya qui détourne poliment le regard le temps que le pirate dénoue ses bandages et vienne enfiler le membre absent dans le manchon fabriqué par la miss. Avant de choper les cordes qui permettent de l'attacher et de se rendre rapidement à la douloureuse évidence.

-Je vais pas réussir à l'accrocher tout seul je crois. Tu peux m'aider ?

Et voila Red qui se retrouve à nouveau avec un poids au bout du bras. Un poids un poil plus lourd que l'ancien mais tellement plus agréable que cette absence et le vide qui emplit la manche. Red se relève et fait quelques pas, tournant la mollette il déplie sa nouvelle main pour la mettre à plat avant de faire quelques mouvements de combat, fauchant l'air de façon tout à fait satisfaisante et traversant sans coup férir quelques meubles avant de traverser un mur d'un coup d'estoc.

-Vraiment épatant oui. Sacré travail Izya. Sacré travail.

Dépliant la main Red vient saisir délicatement une bouteille posé sur une étagère, tournant la molette pour refermer lentement les doigts métalliques autour de la bouteille jusqu'a pouvoir manipuler l'objet pour se servir deux verres, puis saisir le sien...

-Presque aussi bien qu'un vrai, et carrément plus impressionnant. Je crois que ça va me plaire. Rien que pouvoir de nouveau tenir un truc dans chaque main ça me change la vie...

Izya ?

Je... 

Sa proximité, son odeur, ses cheveux qui s'agitent juste la sous mes yeux pendant qu'elle se penche pour rectifier la prothèse... Qu'est ce que...

Je me sens bizarre...

Un probléme ? Est ce qu'il y a un probléme ? Je ne sais pas...

Ou plutôt si je sais, évidemment qu'il y'a un probléme !


Je ne me contrôle plus du tout ! C'est comme si j'étais soudain devenu juste un spectateur impuissant collé au fond de mon cerveau et n'ayant plus aucun contrôle sur mon corps et la situation. Un spectateur qui ne peut que regarder en paniquant ce qu'un autre est en train de jouer.

Et voila que ma main mue par une vie propre remonte le long du bras d'Izya et va lui caresser la nuque, jouant une seconde dans ses délicieux cheveux roux avant de l'attraper doucement pour l'attirer vers moi.

L'attirer vers moi et la serrer très fort.

Et pencher ma tête vers son visage pour poser mes lèvres sur les siennes.

Comment j'ai pu ne pas la remarquer avant ? Elle si belle, si désirable, si parfaite.

-Izya je...

-Oh oui, j'suis raide dingue de toi ! Et les phéromones ont rien à voir la dedans. Je l'ai su dés que je t'ai vu la bas à Impel, mais je devais attendre que ton père s'en aille...

Repoussé par la transformation je me relève péniblement, le temps de me libérer du fatras d'outils étrange qui m'es tombé dessus en même temps que l'établi mural. Et en face de moi, ma douce Izya change de forme a nouveau pour me permettre de l'approcher. Je l'adore..

-Oublie cette plaie de Rachel Izya, de toute façon elle est dans la marine alors que nous on est la ensemble. Et c'est toi que j'aime, toi que j'ai toujours aimé, j'aime tout de toi, j'aime tes écailles, tes griffes, tes cheveux roux, ça te va si bien. Tellement sauvage et épique, t'es ma fille dragon à moi !

Elle sourit, elle soupire, c'est dans la poche c'est sur. Je n'ai plus qu'a tendre à nouveau la main vers elle pour l'étreindre et la garder pour moi.

Iyaaa !

Rien ne pourra nous séparer maintenant !

Mais mais ! Mais c'est un monde !

Voila que le monde entier se ligue contre l'amour ! Impensable !

Maudits hommes poissons, maudits empêcheurs de s'aimer en paix et...

ET QUOI ?

Voila que l'horrible bête non contente de soustraire Izya à ma vue se permet de lancer des commentaires grivois sur son compte et de la salir de son regard glauque ! Quelque chose va se payer, et tout de suite !

Bam Shikan dans sa tête. Enfin dans ma tête... Et que j’arrête in extremis juste avant de me crever bêtement un oeil, c'est un piège, la bête est rusée et a prévu le coup, mais je suis plus malin que lui.

Et me repérant à la chaleur dégagé par la forge je me dirige droit vers le creuset et son tas de braise. Et bam, je met un grand coup de tête dedans.

Moi j'ai le Tekkai et le haki, mais pour le poisson ça va sentir le fumé et le sec.

Personne ne s'interposera sur le chemin de l'amour !

Grille sale bête, GRILLE !

-Je m'en occupe tout de suite ! Virer les pirates, trouver un restau !

BAM !

Elle m'aime c'est sur. Suffit de voir la façon dont elle a assommé l’infâme créature d'un seul coup. Elle m'aime, je l'aime.

Et même si j'ai un peu mal au crane à cause de ce coup de marteau et de la bosse qui pousse déjà sur mon front, c'est merveilleux.

-Et tu ne pars pas hein? On se retrouve ce soir, et je sais déjà ou on va aller. Le temps de trouver les bougies et les musiciens, ça va être parfait.

A tout à l'heure mon amour ! JE T'AIME !

Pas le temps de niaiser, je suis déjà dehors. Sauf que... Ah, retour en arrière pour un passage discret de la tête par l'entrebâillement de la porte. Comme disait l'agent Colombo, toujours revenir à la fin pour poser une derniére question.

-Et très joli Haki ma chérie, tu progresses très vite !

Et je repars aussi vite que je suis revenu, à moi restaurateurs de Tortuga ! A moi !

Ah, enfin un petit moment de répits. La machinerie était lancée, les charpentiers apposaient un code couleur sur les navires selon s'ils peuvent naviguer ou non. Certains se lancent même dans les réparations de ceux qu'il suffit de colmater de petites brèches. Les bâtiments trop dégradés servent de matière première. Et du haut d'une figure de proue, bien installé au soleil, j'observe la foule travailler en contrebas. Les mains derrière la tête, je profitais de ce moment de détente tout en vérifiant qu'ils travaillent tous bien. De temps en temps, un charpentier tente de sauvegarder son domicile en apposant la mauvaise couleur dessus. Ah, vais-je encore devoir descendre de mon piédestal pour confisquer un énième phallus ? Désolé Red, ton équipage sera constitué de plusieurs travestis.

Il semblerait que mon esprit avait mis de côté l'histoire du Buster Call et l'épisode d'Impel, comme pour protéger le corps. Evidemment, je n'allais pas m'en plaindre. Si je devais formuler une plainte, ce serait envers Izya qui m'avait abandonné alors qu'on devait lancer ce projet ensemble. Mais bon, sa beauté nouvelle pardonne tout.

Une voix familière m'interpella. Tiens, quand on parle du loup, ou plutôt du dragon, voilà qu'il pointe le bout de son… nez ou museau ? Qu'importe. Je lui fais signe de la main, lui annonçant de ne pas s'inquiéter, j'avais bien pris les choses en main ici. Mais je n'eus pas le temps de terminer ma phrase qu'il y eut un impact.

Après plusieurs roulades, on finit par se stabiliser sur le pont, elle au-dessus de moi. Ma première envie fut de crier, de la critiquer. Mais en ouvrant les yeux, en voyant sa silhouette, je ne pus hausser la voix à son encontre. Sans même m'en rendre compte, l'une de mes mains touchait sa peau draconique. Des écailles dures, mais au combien jouissant d'effleurer des doigts pareille beauté. Etait-ce la même sensation qu'avec une sirène ? Les écailles.

Izya m'implora de retirer mes hormones. De quoi parlait-elle ? Ah oui, les phéromones… Mais même en connaissant l'origine de tout ça, elle restait charmante et envoutante à mes yeux. Et elle voudrait que je lui ôte ça ? Ne serait-ce pas criminel de priver le monde d'un si fidèle symbole du beau ? J'ignore la raison de tout ça, mais tu sembles désespérée. Pourtant, la moue sur ton visage n'enlève rien à ta superbe. Quant à ton empressement, il n'indique qu'une chose : je pourrais bien en profiter…

" A deux conditions, Izya… "

J'avais prononcé son nom avec une certaine douceur. Comme si je voulais garder ce mot en bouche, et qu'il ne s'envole jamais au loin. Mais le vent envieux le prend à son tour, amenant ce nom plus loin, vers d'autres oreilles.

" La première, tu devras m'embrasser. Sous forme humaine, bien entendu… "

A cette idée, une petite voix se mit en route dans ma tête. Est-ce cela qu'on appelle conscience ?

* Tu devrais avoir honte ! C'est la fille du capitaine !
C'est avant tout une femme.
Et une dragonne qui plus est !
Comme tu le dis si bien, c'est une dragonne, pas un dragon.
Mais t'es dégelasse !
Rectification : je suis un homme. *

Tiens, il semblerait qu'il n'ait pas de contre-argument à cela. Dans ce cas, venons-en à la seconde condition.

" Ensuite, tu devras  me laisser marquer ton cou d'un petit cercle rouge… "

Un suçon en somme. Mais je n'aimais pas vraiment ce mot, il rappelait la sangsue. Quoique le message est le même : cette marque indique qu'il y a quelqu'un collé à soi. Héhé, es-tu désespérée au point d'accepter tout ceci ?

Sur le pont, plusieurs charpentiers commençaient à se rassembler autour de nous. Ils prenaient tous la pause en même temps ? Vous voulez devenir aphallique vous aussi ? Non… C'est la venue de la demoiselle qui vous attire ici… N'oubliez pas qu'à la fin de votre travail, elle vous doit un bisou à tous. Leurs regards trahissent à la fois le désir et la jalousie… Il est vrai que tu es quasiment allongée sur moi, Izya. Mais ne t'inquiète pas, cette proximité ne me dérange nullement. De plus, je ne crains pas ces insulaires. Pourquoi ? D'abord parce qu'ils n'ont pas le niveau nécessaire pour me faire du mal, et ensuite parce que tu ne les laisseras pas me faire du mal. A moins que tu ne veuilles perdre l'homme capable de te ramener à la normalité ? Cependant, ils avancent peu à peu vers nous. Peut-être vaudrait-il mieux ne pas trop tarder dans ces négociations…

-Ils sont la chef !
-Juste derriére !

D'un index victorieux le pirate m'indique le coin d'ombre ou viennent de se planquer ma douce et l’infâme Judas au fruit infernal ! J'arrive à temps ! Et tel un super héros de légende je saute d'un bond les airs pour atterrir sur un pont juste au dessus du coin sordide que le vampire a choisi pour se vautrer dans la fange !

-AHAH ! On se cache dans l'ombre pour accomplir son sinistre forfait ? SALE TRAITRE !

En contrebas la scéne est aussi sordide que dans mes pires cauchemars, Reyson, collé contre la belle Izya et qui tente de lui voler un baiser, ses lèvres libidineuses déjà presque collées contre sa délicate peau angélique.

-JE VAIS TE MASSACRER ORDURE ! SHIGAN BACHI !

Et frappant l'air devant moi comme un boxeur en furie s'attaquant à un punching ball qui lui a volé son gouter j'expédie sur l'infect Judas une pluie de poings d'air durcis plus dévastateur qu'une bordée complète de boulets de cuirassés. Et d'un Soru je charge à la suite comme un météore vengeur, bien décidé à le démolir suffisamment pour que même les pouvoirs de son fruit ne lui permettent pas de se regonfler cette fois ci.

T'as commis ta derniére erreur Reyson, cette fois c'est la fin !

Je vais te faire manger tes dents !

Un baiser long et langoureux donné par un ange. J’ignore s’il s’agit d’un ange mentalement, mais son corps a tout du paradis. Elle incarne les 72 vierges à elle toute seule. Et ces lèvres, ce baiser… Ils provoquent en moi une chaleur surpassant le magma. Un désir ardent, brûlant, palpitant… Je ne pense pas avoir jamais ressenti pareil émotion dans ma vie. C’est sûr, je peux mourir heureux… Et elle ajoute même que je suis celui qu’elle a choisi ! Ce regard noir qu’elle me lance me donne des frissons. Noir, couleur du vide, signe qu’il y a de la place pour construire, comme le vide d’un appartement dans lequel on emménage à peine. Est-ce une demande implicite en mariage ?

La belle, la douce Izya m’amène avec elle dans un coin à l’abri des regards. Oh, veut-elle passer à la vitesse supérieure ? Sur le trajet, en plus de cette chaleur embrasant ma poitrine, je ressentais comme des picotements dans ma main. Comme si on pénétrait ma chair… Est-ce cela l’amour ? Quelque chose qui nous transperce sans crier gare ?

Ah, nous voilà tous deux seuls. Je peux enfin goûter à sa peau si délicate que j’ose à peine la toucher. Mais le désir prend le pas sur le reste. Sauf qu’au moment fatidique, une voix familière m’interrompit. Ca devient une manie de venir à mon encontre en criant ?

C’était Red, m’injuriant et m’assaillant. Je n’eus le temps de comprendre, il fallait d’abord me défendre. Par réflexe, je dégainais ma lame dont le tranchant me permit de parer coups. Combattre les ondes par les ondes. Mais je ne parvins pas à les repousser, uniquement à les dévier. Les poings ondulants furent tranchés en deux, ce qui provoqua des dégâts sur mes côtés en laissant ma personne indemne au milieu. Héhé, tu croyais m’avoir si facilement ? Hum ? C’est quoi toutes ces autres attaques ? Mais tes ondes sont une véritables Armada ! Je n’ai plus le physique entraîné que j’avais avant la prison, je n’ai pas encore récupéré. Par conséquent, j’étais persuadé que je n’allais pas m’en sortir facilement… Mais je remarquai un point très intéressant : Izya était épargnée. Il me suffirait donc de me placer dans son sillage pour éviter ces assauts… Du moins, c’était le plan.

Et comme tout plan, il possède ses failles. Le poing, le vrai et non ses extensions ondulatoires, vint argumenter contre ma joue. Evidemment, c’est le poing qui gagna le débat avant que je n’ai eu le temps d’atteindre la demoiselle. L’instant d’après, j’étais au sol avec une sacré migraine et du sang recouvrant ma face. Tout s’était passé si vite que je n’avais pas eu le temps de comprendre. Je me trouvais dans la cale d’un navire… Devant moi, la coque était percée comme si quelque chose, ou quelqu’un, l’avait traversée. Puis, plus loin, Red debout, et Izya derrière. Je tentais de me lever, mais je retombais aussitôt. La vache, c’était quoi ce coup ? Une douleur ardente, brûlante, palpitante… Je ne pense pas avoir jamais ressenti pareil émotion dans ma vie. Mais là, je ne pourrais pas mourir heureux. Du moins, vaut mieux que j’évite de penser le contraire, car ça risque de m’arriver plus vite que prévu.

Comprendre, j’essaie de comprendre. Mais ce sont surtout des injures d’incompréhension envers Red qui me viennent à l’esprit. Je l’avais repêché des eaux d’Impel avec Tahar, je lui ai accordé ma force, j’ai initié son projet Armada, et c’est comme ça qu’il me remercie ? Doit y avoir quelque chose que j’ai loupée, il me manque des données… Attend voir, alors même qu’il ne cessait de m’injurier, c’était Izya qu’il dévorait du regard… Non… Si ?

" C’est elle qui m’a embrassé et non l’inverse ! "

Une annonce qui validera ou non mon hypothèse selon la réaction de Red. De plus, cela me permettra peut-être de gagner un peu de temps, histoire de retrouver mes esprits, et surtout mon souffle. Mais quand même… pas Red quoi. Il est donc le symbole même de la fidélité avec sa Rachel ! Les phéromones sont une arme dangereuse… Si dangereuse qu’elle s’est retournée contre moi, alors qu’à la base c’était pour mener à bien son projet ! Il semblerait que le trafique de phéromones est une entreprise bien ardue… Si je m’en injectais, tombera-t-il amoureux de moi également ? Cela me permettra peut-être de rester en vie… Non, pas le temps d’étudier les tenants et les aboutissants… Il n’y a pas une autre femme qui passe dans le coin pour en faire la nouvelle vedette de Tortuga ? Non. Ce sont les phéromones qui m’ont mis dans cette galère. Essayons d’abord une méthode plus conventionnelle.

" Izya et moi avons conclu un marché. Si tu me tues, tu l’empêcheras d’honorer sa promesse, élément primordial chez les pirates ! Veux-tu la rendre femme dont la parole a autant de valeur que ton bras disparu ? Veux-tu lui porter ainsi préjudice ? "

Comme il semblerait qu’il tienne à elle, c’est sur ce côté que je dois jouer. Mais tout de même, comment tout cela avait-il pu arriver ? Moi qui me trouvais seul à seul avec une créature de rêve, je suis à présent la proie d’un chasseur qui a perdu la raison. Red est à peine devenu pirate qu’il embrasse déjà parfaitement la violence qui va avec son nouveau statut. Mais je me retins de le critiquer, cela ne jouerait pas en ma faveur.

" Laisse nous finir notre affaire, et elle sera toute à toi. D’ailleurs, une relation stable se doit d’avoir des fondations solides, sur des liens de confiance. Or, si tu t’immisces dans cette affaire, tu prouveras que tu ne lui fais pas confiance, et donc que ton amour pour elle est factice ! "

Tu sais que j’ai raison. Et tu sais que je sais que tu sais que j’ai raison. Au moins, de mon côté, mon amour est véritable ! Je la laisse agir à son gré et ne fais que lui apporter des preuves de mon affection pour elle tout en accédant à sa requête ! Puis d’abord, je l’ai vue le premier je te signal ! Du moins, depuis qu’elle a hérité de son nouveau charme. Ce qui paraît plutôt logique, vu que j’en suis le créateur… Alors, vas-tu nous laisser conclure notre marché ? Certes, ma lame gît au sol entre nous deux, mais si tu t’approches, ne va pas croire que j’hésiterais à user de ma malédiction, surtout pas après ce que tu m’as fait ! Si je suis Judas, je te somme de retourner t’occuper de tes clous !  

Voilà que la belle dont on parle prend ma défense. Héhé, elle avait bien dit qu'elle m'avait choisi, moi ! Tiens Red, dans ta pomme ! Retourne dans ton ombre ! Tu devrais avoir l'habitude vu ton pouvoir. Pendant ce temps, c'est moi qui récolte les honneurs, et les griffes sur ma jugulaire… Hein ? Ca, ça faisait pas parti du plan… Non, j'ai beau relire le scripte, on n'avait pas prévu ça. Et c'est pas vraiment le genre de détail que j'aurais oublié…

Toi, tu sembles à bout. T'es pas vraiment en état de négocier ou d'accepter un compromis… On avait un marché ! En plus, après la frappe de Red, je ne me sens pas vraiment d'attaque pour un combat. Je ne me suis pas évadé de prison pour mourir si pitoyablement… Ainsi, je n'ai pas le choix. Mais va pas croire que tu l'emportes pour autant !

D'un signe de la tête, je t'indique que je vais accéder à ta requête, afin que tu laisses ma main pointue caresser ta chair avant de s'y implanter. Oui, je vais te rendre normale en récupérant le surplus de phéromones. Cependant, tu devrais savoir qu'un tel pont est très dangereux. Non, tu n'auras pas encore la moustache cette fois. Cependant, tu as eu droit à une bonne dose d'hormone du sommeil, soit la mélatonine. Suite à cela, je te sens vaciller légèrement.

" T'inquiète pas, ça fait parti du processus pour te remettre par défaut. Cependant, comme tu étais humaine quand je t'ai transformée, tu ferais mieux de reprendre cette apparence, la transition sera alors plus douce. "

Mouais, un petit argument que je trouve bien faible, mais j'ai pas mieux en réserve sur ce coup-là. De toute façon, avec la fatigue qui lui tombe dessus, et vu l'état dans lequel elle se trouve, elle ne va pas entamer un débat avec moi. Surtout que l'expert en traitement hormonal ici, c'est moi. Alors écoute ton docteur, et c'est tout. La voilà qui passe de dragon à ange. Héhé, que j'aime mon pouvoir. N'empêche, en voyant pareille silhouette, qui pourrait imaginer qu'un tel monstre sommeille en elle ?

Lentement mais sûrement, Morphée vient prendre la relève. Le marchand de sable la pose doucereusement dans mes bras, vu qu'elle était au-dessus de moi.  Je préférais déjà cette étreinte à ses griffes menaçantes. Avec toute la délicatesse du monde, je me glissais sur le côté pour ne pas troubler son sommeil, tout en grimaçant à cause de ma tête. Après une baffe de Red, il est fortement déconseillé de bouger…

Mais je tiens bon. Et puis, nous n'avons pas encore fini notre marché. Je te remercie d'avoir fait partir Red, car il aurait été le seul à pouvoir t'aider à présent. Alors que tu disperses tes derniers phéromones, je m'accroupis à tes côtés, caressant tendrement ta chevelure. Après quelques secondes à contempler ton visage, je récupère mon du, apposant mes lèvres sur ton cou et te marquant d'un cercle rouge.

Suite à cela, je me relevai doucement, une main sur la tête. Malgré ce qu'on pourrait dire sur lui à présent, Red n'y est pas allé de main morte… Peut-être vaudrait-il mieux que je me fasse un peu discret prochainement. Au moins le temps que les effets du corps d'Izya se dispersent entièrement. Puis, rien n'empêchera la dragonne de me tuer à présent qu'elle a eu ce qu'elle voulait. Et pour Red, il n'a pas vraiment besoin de grandes raisons, comme il me l'a prouvé. Finalement j'aurais peut-être dû partir vers Curtis, ou Tahar, ou Jack, ou à la retraite, ou partout ailleurs.

Derrière moi, je laissais la belle ange allongée sur le sol. De retour à sa normalité, elle se réveillera sans doute comme sortie d'un mauvais rêve. Depuis que j'ai récupéré ma malédiction, mon pouvoir, j'ai failli y passer plusieurs fois. Mais paradoxalement, je ne m'étais pas senti si vivant depuis des mois !

Dix pas, j'ai fait dix pas. Et pas un de plus. Dix pas avant de m’arrêter net en arrivant au bout de ma réflexion. Non mais Oh ! Non mais quoi ? Un regard noir, une griffe, et voila que je cède la place à l'autre bellâtre au fruit des hormones? C'est pas le Red que je connais !

Hormones ?

Hormones... Le mot me traine dans la tête avec le même entrain qu'une mouche tourne autour de la tête du dormeur, vibrant, agaçant, l'air de vouloir dire quelque chose que je ne comprends pas. Quoi les hormones ? Qu'est ce que j'en ai à foutre ?

Le seul truc important c'est Izya. Izya qui vient de me virer et à qui j'ai obéi sans me battre. Je deviens fou ? N'importe quoi ! Demi tour droite, et retour dans la ruelle. Personne ne me congédie comme ça, surtout pour un autre. Je ne suis pas parti longtemps, on peut encore reprendre sur de bonnes bases, celles ou je tiens Reyson à ma pogne, et ou je lui pète les dents.

Retour ruelle. Ruelle. De Reyson aucune trace, il a du bol, du bol parce que je le poursuis pas, il s'en tire bien. Il s'en tire bien parce qu'il a laissé la princesse, la mienne, laissé par terre. Par terre, pas sur qu'il s'en tire finalement, on verra plus tard. Plus tard. Pour l'instant c'est elle que je vois. Elle. Par terre. Qui dort ? Pire ? Non pas pire. Elle dort. Elle dort et je la ramasse, dans mes bras.

Et ?

Et c'est étrange. C'est Izya oui. Izya et ? La fille de Tahar. L'ange, la princesse pirate. Ma princesse ? Je ne sais pas. J'ai l'impression de me réveiller d'une gueule de bois avec un seau de glaçons dans la gueule. Réveil brutal, prise de conscience encore pire. Putain, mais j'ai fait quoi ? Qu'est ce que je fous ? Trois jours pirate et je perds déjà la boule ?

Hormones...

Le fils de pute. Je réalise d'un coup d'ou vient le souci, c'est Reyson, Reyson et son fruit du démon qui joue les cupidons du pauvre. Pas étonnant qu'Izya lui coure après. Et moi qui court après elle. Quel con, bravo le protecteur et le confident. Si après ça elle se barre pas à tire d'ailes...

Bravo... Comment je vais expliquer ça moi ?

Expliquer ou pas d'ailleurs. Parce qu’après tout elle sait. Dans les brides de ma conscience je me souviens de la première scène, et de la rouquine tentant de m'expliquer le malaise. Bon, toujours ça de moins à gérer. Mais je sens déja qu'il va me falloir un sacré bouquet de fleur pour me faire pardonner...

Je la secoue vaguement. Rien. Droguée, Reyson encore, Reyson qui a laissé sa marque. Elle va pas aimer. Pour me faire pardonner une tête peut être ? Celle du pirate dans une jolie boite avec un ruban? Possible. On va voir.

Mais pour l'instant rentrer. Assez de conneries et de scènes de vaudeville pour aujourd’hui, je suis crevé, je me sens con. Et dans mes bras je suis sur qu'Izya est d'accord.

Retour en coulisse.

Rideau.