Gura

Gura est plutôt grand, dans les 2m20. Mais il est surtout large et sacrément enrobé. Même à côté de ça, Obélix ferait pâle figure. Il pèse d'ailleurs entre 200 et 250 kilos. Ça varie bien sûr selon qu'il vient d'aller pousser sur le trône, ou pas encore. Quoi qu'il en soit, sa graisse est partout. Notamment ses joues bien rembourrées qui lui écrasent les yeux bridés. Des lèvres pulpeuses. Et un cou qui a plus ou moins fusionné avec le reste de son corps.
À ce propos, parlons-en aussi. Ses membres sont larges, eux aussi. Malheureusement, il peut à peine les mouvoir correctement. Pire qu'un pingouin. Il a évidemment les seins qui tombent. Et quant à son abdomen, on ne compte même plus les bourrelets qu'il arbore. Sa bedaine lui coule même sur l'entrejambe. Et du coup, il n'est pas près de le revoir un jour, à ce train-là.
Par-dessus le marché, pour ajouter une touche à sa laideur, il transpire en permanence, au moindre effort. De ce fait, comme la bête température de trop paraît élevée, il a décidé de se trimballer quasi apwal tout le temps. Seule une sorte de grosse couche pour bébé (ou Sumo, c'est au choix) lui recouvre vous-savez-quoi, histoire de pas être arrêté trop facilement pour exhibition, à chaque coin de rue.
Et pour finir, il est chauve. Ses cheveux avaient souvent tendance à se plaquer sur son visage. À la rigueur, tantôt un bandeau sur le front, qui lui sert aussi de ceinture.

Gura se voit comme une force de la Nature. Alors quand bien même il aurait subi telle ou telle moquerie sur son énorme apparence, il s'en contrefout. Encore qu'il n'a jamais croisé des insultes vraiment blessantes et persistantes. Aussi, il a passé sa vie dans un cirque, et outre les messes basses mesquines sur son dos, la foule semblait toujours l'apprécier. Ou en tout cas, elle rigolait bien à pleins poumons. C'est l'essentiel, selon lui. Et puisqu'on sait que par-delà les mers, les gens peuvent être cruels, Gura aura de quoi découvrir sur l'envers du décor.
De plus, la certaine notoriété que lui a apportée ses divers spectacles, n'ont fait que l'encourager. La preuve, cet abruti croit déjà faire carrière s'il se met à parcourir le monde. Pourquoi abruti ? Car il n'a pas conscience que le danger règne et le guette dans l'ombre, sans aucun doute. Bienvenue sur One Piece, quoi ! Et puis, ne nous voilons pas la face.
Malheureusement, il y a fort à parier que l'avenir ne lui fasse pas de cadeaux. Et même s'il semble, certes, agile sur scène ; sa maladroitesse dûe à son physique démesuré pourrait être capable de lui jouer des sales tours. Sans compter qu'il ne pourra plus espérer sur l'aide et la simplicité de sa famille et autres proches connaissances. Bien loin du célèbre "un pour tous, tous pour un", au final. Sera-t-il donc assez téméraire pour aller de l'avant ?

Gura était enfin prêt, majeur et vacciné, à présent. Il allait donc quitter le nid familial sous peu, afin de partir à l'aventure, comme il se plaisait à l'exprimer sur tous les toits. Mais bien avant cela, le grand garçon en avait déjà vécu. Des vertes et des pas mûres. Un peu comme des fruits, quoi. Du démon ? Hmmm, pas si loin de la vérité, en fait.
Ainsi, l'histoire habituelle de la naissance d'un mioche débuta, tout d'abord. Cela allait de soi. Entre les jambes écartées d'une pauvre femme qui souffrait le martyr. Manque de bol, c'était sans compter sur quelques complications de dernière minute. Du coup, entre les cris de douleur... et les cris de douleur, la mère et toute l'assemblée qui l'entourait soi-disant dans les meilleures conditions, découvrirent avec stupéfaction et horreur que l'accouchement finirait mal si on ne se bougeait pas plus le fion pour charcuter ce gros bidon.
Eh oui ! Gura avait tout l'air d'un nabot en bonne santé, à première vue. Pourtant, il portait déjà les signes du type à problèmes ultérieurs. Mais ça, chut ! Quoi qu'il en soit, pour le moment, c'est la mère qui fut la plus à plaindre. Elle mourut après avoir fini cul-de-jatte. Un peu comme si lui ouvrir les entrailles n'avaient pas suffi à extraire le bambin.

Bref, les années s'écoulèrent. Gura avait bien sûr grandi dans ce qu'il lui restait de famille. Assez grande, à vrai dire. Des frères et des soeurs à foison, d'une certaine façon. C'était ainsi que chacun se considérait, en tout cas. Une famille, juste parce que toute l'équipe travaillait dans un cirque. Alors forcément, en se cotoyant l'un l'autre depuis tout petit, ça créait ce genre de liens.
Gura prit donc la vie du bon côté. Et comme tout sale gosse qui se respecte, jouer resterait sa grande passion pendant encore longtemps. Par exemple, si dans d'autres contrées du monde, on pensait plutôt à s'amuser au GI-Joe ou à l'Action-Man, Gura, lui, pétillait des yeux à l'idée de pouvoir claquer de la poupée pirate contre celle de la Marine.
Puis ce fut le drame. Un soir, après une représentation, quelque chose l'avait tellement turlupiné au fil du temps, comme quoi des gens pouvaient accomplir des merveilles après avoir bouffé un certain fruit bien particulier. Résultat, le con s'était mis en tête d'en avaler un. Évidemment, c'était le genre de nourriture qu'on ne laissait pas trainer en flag'. Alors pour être sûr de ne jamais rien louper, Gura prit un malin plaisir à se gaver comme une oie, dès qu'il croiserait tel ou tel aliment suspect. Trois fruits et légumes par jour, qu'ils disaient ! Mon c*l !

Au final, maintenant adolescent, le jeune homme ressemblait grave à une sorte de Grotadmorv. Le truc énorme et sans nom. Qu'allait-on pouvoir faire d'un Sumo aussi lourd, lent et large ? Gura eut la chance de garder sa place dans le cirque. Mais le temps de s'adapter à sa nouvelle condition physique, sa famille connut une longue période de coups durs. Sans doute à cause d'un moral à zéro ? L'argent ne rentrait plus dans la caisse comme avant. Et encore moins avec ce foutu porc qui ne pouvait s'empêcher de se goinfrer sans cesse, dès que ça l'arrangeait.
Lorsque la nouvelle routine s'installa, Gura revint sur le devant de la scène, quasiment en grande forme. Il devenait même l'attraction principale et aimée de tout le public. Son nouveau domaine ? Des épreuves de force et du catch théâtral. Désormais, le mastodonte mettait ses petits scénarios à exécution. Ceux où on racontait que la gentille Marine devait baffer du vilain pirate, bien entendu. Grossomodo, son surpoids et sa graisse démontraient ses nouveaux pouvoirs, tandis que les autres acteurs déguisés du show faisaient la police, tout en lui balançant des armes factices ou non, qui n'avaient, de toute façon, aucun effet sur le gros Gura.

Encore et toujours, le gros tas ayant encore pris quelques kilos, et années de maturité, il savait bien qu'après avoir fait le tour de son île natale, ses représentations ne tourneraient plus aussi bien. Ça, ou alors il se devait d'innover un peu. Ça, ou alors aller voir ailleurs. Ce qu'il fit. Il opta donc pour ce deuxième choix.
Annonçant alors la nouvelle de but en blanc à sa famille, cette dernière fut réticente. Surtout le père, chef de famille et de toute la bande. Il devinait que ça demanderait plus de fric à dépenser. Et pour lui, il y avait une nette différence entre se déplacer de ville en ville, et d'île en île. De plus, c'était bien beau de parodier la guéguerre qui sévissait entre deux grandes factions... mais s'ils étaient amenés à tomber sur le territoire d'un susceptible, que deviendrait la troupe de cirque ?

Gura s'en trouva déçu, sur le coup. Personne ne voudrait le suivre, en fin de compte. Eh bien, soit ! Il jouerait au catcheur tout seul. Quitte à devoir combattre pour de vrai, si besoin est. N'imaginant pas assez bien les risques dans ce monde en proie à la violence, il se disait qu'il gagnerait à tous les coups, grâce à ses mensurations gigantesques.

Spoiler:

"Alors que tu es au summum de ta gloire sur ton île natale, tu souffres d'une indigestion qui te rend temporairement diarrhéique. Tu ne peux cependant pas te permettre de manquer la représentation de l'après-midi. Raconte-nous donc cette galère !"


_ Tu sais où est passé Gura ? Demanda la dresseuse de félins.

Évidemment, on ne lui répondit pas grand chose, si ce n'est peut-être deux ou trois grondements anodins. La bougresse parlait à ses fidèles animaux de compagnie. Par chance, elle avait l'habitude de leurs humeurs, et même si elle n'y comprenait rien, cela voulait tout dire. Si si ! En clair, les bestiaux avaient tourné la tête dans une certaine direction, celle opposée à une odeur qui s'échappait au loin.

Lorsque la jeune femme s'étonna devant la vision qui l'attendait tout à coup, on pouvait remarquer au-delà de la forêt où les roulottes de cirque stationnaient pour la semaine, que des oiseaux prenaient la fuite vers le ciel, en piaillant comme des pucelles poursuivies par le méchant loup. Mais pire encore, des arbres se mirent à sombrer aussitôt après s'être pliés en deux. Un gros boum retentit alors, et tant mieux ! Car le bruit qui résultait de ce mystérieux carnage n'annonçait rien de bon. Il faut vraiment vous le décrire en détails ? Bah prout, quoi !

_ Oh m*rde... soupira la dresseuse, les yeux baissés et devinant le pourquoi du comment.

Ses gros matous compatirent, eux aussi, et poussèrent un petit couinement en choeur.

Cinq cents mètres plus tard, Gura revenait au QG. Le trajet retour lui avait pris moins de temps qu'à l'aller, sans doute parce qu'il se sentait désormais bien plus léger. Manque de chance, ça n'arrangeait pas les choses pour autant. Pour preuve, il arriva de toute façon essoufflé devant ses congénères, comme s'il venait d'avoir couru un marathon. Et lorsqu'on lui demanda si sa santé s'arrangeait, il expliqua que c'était déjà la cinquième fois qu'il allait se vider. Lot de consolation, ça permettait d'éloigner les curieux et la faune sauvage locale.

_ Tu veux qu'on aille chercher un médecin dans le patelin d'à côté ? S'enquit un jongleur.

_ Pas le temps, rétorqua Gura. Cette après-midi, on joue, rappelle-toi. Et j'ai pas envie qu'il me cloue au lit avec ses médocs.

_ Ce sera toujours mieux que les conneries que tu bouffes, au moins, hahaha !

La montagne de graisse grogna faussement, puis se plaignit toujours sur un semblant d'air amusé qu'elle ne pouvait pas deviner que la nourriture était périmée.
En effet, Gura s'était promené près d'un marché, la veille. Ou du moins, de ce qui en restait. Il y avait découvert une pile de cagettes remplies à ras bord. Quelqu'un avait dû les déposer là incognito, qui sait ? Pourquoi ? Peut-être pour s'en débarrasser, entourlouper, ou tout simplement parce que la récolte n'avait pas été bonne ?
Bref, quoi qu'il en soit, le gros s'était goinfré, mais l'avait dans l'os pour un moment dorénavant. Et profond, dirait-on.

_ Alors qu'est-ce que tu comptes faire ? Reprit la Félindra. Nous asphyxier tous une fois sur scène ?

Euh... bonne question. Gura croisa alors les bras, laissa filer malencontreusement une fine caisse (oups), et s'interrogea pendant quelques secondes. Il n'avait pas spécialement prévu cette éventualité, malgré son gabarit, se disant que d'ici là, il aurait guéri. Et quand bien même tout le monde aurait pensé à jouer avec des masques, comment protéger les spectateurs qui rêvaient d'assister à la représentation du balourd. Surtout les enfants. Un génocide pèserait grave lourd sur son C.V., en plus de ses propres kilos.

_ T'as raison, fait ch*er ! Ne sut que dire Gura, sacrément turlupiné, pour la peine.

_ Hahaha ! S'esclaffa le jongleur, prêt à se rouler à terre. Tu l'as dit !

Moralité, Gura pesta de plus belle entre ses dents. Mais pas que ! Sa rondelle aussi, en fait. Ahem !

Ainsi, pendant les heures qui suivirent, le colosse tourna en rond, faisant les cents pas, martelant le sol, baragouinant des propos dénués de sens, et bien sûr... à intervalles réguliers (ou pas), parfuma bruyamment les alentours du camp. Sans le savoir, il avait pratiquement inventé ces fameux désodorisants Febreze automatique, qui lâche un spray tous les autants de temps.
Mais oui ! C'était ça, la solution ! Se foutre du parfum dans l'oignon, pardi !

L'heure fatidique pointa le bout de son nez. Et le public aussi était de la partie, à vrai dire. Les numéros s'enchaînant alors l'un après l'autre, vint enfin la partie où Gura devait faire son entrée en scène. Applaudissements, acclamations, pets contrôlés pendant ces excès de joie, et le tour était joué.
Bien sûr, ça ne fonctionna pas à tous les coups. Notamment lorsqu'il s'agissait de se manger des coups dans le ventre. D'ailleurs, quelques comédiens s'évanouirent malheureusement durant certaines séquences. Par chance, comme le programme exposait principalement de la baston, se faire assommer passer la plupart du temps inaperçu.
Sinon, les gosses n'y virent que du feu. Trop concentrés sur les épées, les trompettes, et les cris des combattants ou de Gura. Eh oui ! Vive les mangas... ou chacun ressent toujours le besoin de réciter telle ou telle technique à voix haute. Même pour les grognements d'estomac faisaient office de rugissements des fauves. Fiouuu ! La nature est bien faite.

Le côté moche de l'histoire serait probablement que pendant un entracte improvisé, Gura avait dû s'absenter pour aller faire une énième grosse commission. Pour étouffer alors au max les bruits et les émanations indésirables, et puis aussi parce qu'il n'allait pas courir des kilomètres dans la forêt avoisinante, il avait donc plongé dans une rivière un peu plus proche. Mis à part quelques ébullitions, et les trois quarts des poissons décédés, personne ne fut en mesure de prétendre que Gura se trouvait malade, ce jour-là. Ouf !
Bon d'accord, deux jours plus tard, on colla ce crime sur son dos et le reste de la troupe du cirque, puisque leur emplacement était connu de la ville. Résultat : interdiction de séjour à l'avenir.