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Sous le Pavillon Noir.

Nous avons une requête.
Vous m’en direz tant…

Mac Manus a déboulé comme ça, dans ma villa, habillé humblement avec un air solennel de celui qu’a forcément quelque chose à demander. Je le savais déjà alors qu’il avait pas encore passé le petit portail d’mon jardin. Je savais aussi qu’il allait pas attendre que j’vienne lui ouvrir pour débouler dans l’entrée. Lui devait pas savoir qu’il allait me surprendre à la sortie de mon bain, pas prête pour un poil  à faire quoique ce soit aujourd’hui, mis à part feignanter en attendant qu’on m’demande si je veux pas feignanter avec un cocktail à la main.
Et Joie, je comprends même ce qu’il dit. Et j’ai pu à taper la discut’ avec Anthrax. Youpi ! Alors, il m’en dira tant dans mon super peignoir trop confortable avec mes chaussons trop doux. Je pourrais presque me faire à cette vie luxueuse et à ce train d’vie loin d’être dégueu.

Presque.

Un pavillon noir pointe à l’horizon.

Parce que Manus me rappelle maintenant que nous sommes définitivement pas du même monde. Et que j’pourrais m’ennuyer à trop rien faire, c’est vrai. Je feignante encore un peu. J’suis pas forcément surprise parce qu’il me raconte, je le savais déjà. Je fais mine que je le suis un poil.

Ils doivent vouloir gouter votre alcool. L’île est réputée pour ça, sans doute.

Mac Manus ne sourit pas. Il se racle même la gorge pour me recentrer dans la conversation. L’aime pas ma blague sans doute. L’aime pas ma façon de détendre l’atmosphère non plus. J’relève pas, même s’il mériterait une volée pour pas avoir ri au moins un peu à ce que je lui ai dit. Non, à la place, il garde son sérieux pour reprendre d’une voix teintée d’inquiétude…

Nous craignons une attaque. Nos clients souhaitent que quelqu’un s’en charge pour continuer à passer un bon séjour…

« Nos clients »… J’suis sûre qu’il préfère ses clients Corsaire pourtant si difficiles à satisfaire à ses petits nobles affolés pour pas grand-chose. Enfin « pas grand-chose », c’est pour moi ça. Pour eux, ça doit faire sacrément flipper quand même. J’essaye d’me mettre à leur place… J’aimerais pas qu’un équipage pirate vienne me cueillir quand je suis en maillot d’bain sur une plage à jouer avec mes brassards… Ouais, allez, je comprends.

Soit.

La directrice vous demande de faire ce travail. Votre travail.

Blah blah blah. « Votre Travail ». Celle-là, elle perd pas l’nord si vous voulez mon avis. Il me colle le discours de sa boss en me passant les petits pics mesquins, j’sais bien. Elle a dû en dire des vertes et des pas mures sur nous, c’qui m’étonnerait guère. Elle doit croire qu’on est à sa botte, un peu. Qu’elle est intouchable, qu’on peut pas la déloger de sa place. J’aimerais pas être sur son cul dans les jours à venir…

Votre Capitaine est-il là ?

J’quitte mes chaussons. J’ai compris l’message. « Va donc déranger ton chef, ma p’tite qu’il aille faire du ménage pour nous. ». Oui oui oui. J’sais même pas où il est, l’autre.

Pas besoin de déranger Jack pour ça. Je m’en charge.

J’sais pas si ça le rassure, mais Manus quitte la pièce en me remerciant comme si ça lui piquait le bout de la langue. J’ai l’impression qu’il aurait pu s’étouffer avec ce mot. Ha ha. Bon.

J’ai du boulot.
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Une rame dans chaque main, je navigue sur ma petite barque en perçant les vagues. J’avance dos à l’horizon, chantant pour moi et les quelques mouettes qui me tournent au-dessus de la tête. Mouettes qui jactent comme pour me faire la conversation, comme pour faire les chœurs. Ça serait presque mignon. J’ai le vent de face et pourtant, le courant ne m’aide pas à quitter la côte et rejoindre le navire pirate qui mouille a quelques miles de là. Le pavillon noir s’agite au-dessus d’une voile crasseuse.

J’ai quitté mes habits de lumière super confortable pour opter pour ma tenue habituelle. Lunettes sur le pif pour compléter le style, le soleil à son zenith assèche ma peau et me tape sur le casque. Je continue à chantonner pourtant, un vieux chant de marin appris durant mes folles années à voguer sur les mers pour quedal  comme paie et rien dans nos assiettes pour bouffer. Mais c’était le presque bon temps, ou la mer était tout dans nos vies et où on pouvait rien demander de plus.

Je pourrais être nostalgique. Et je dis pas ça parce que j’en suis à plus de la moitié de mon chemin et que j’ai encore fort à faire. Je dis pas ça parce que j’ai le temps de penser à ce que je fais en ce moment, à ce que je faisais avant. Je dis ça parce que servir un Corsaire et les hommes qu’il sert lui-même, c’est pas franchement toujours de tout repos, surtout ici, surtout maintenant que je dois faire le sale boulot pour une bande de gens pétés de thunes qu’ont peur de se tâcher les fringues…

Triste vie.
Triste existence.

Savoir mettre les mains dans la merde de temps en temps sans avoir peur d’y aller franchement, c’est quand même le B.A.BA de l’honnêteté. Franche, rustre. Humaine quoi.

Barque à bâbord capitaine !

Je me retourne. Je me relève et fais un signe de main pour qu’on sache bien que c’est moi. Les quelques mousses se pressent à la rambarde pour me voir. Un autre siffle. Finalement, le capitaine perse la petite foule et me regarde. Me reconnait.

Envoyez la corde !

Il faut pas longtemps pour que l’ordre soit exécuté et qu’atterrisse pile dans ma barque une petite corde que je prends à pleine main. J’entoure mes poignets avec, me prépare a bondir. Un ordre est hurlé et la corde se tend brutalement. Mes pieds décollent très vite et s’imprime contre la coque du navire quand que je joue des muscles pour finalement enjamber la rambarde en bois usée qui me sépare encore de la presque civilisation honnête comme je les aime.
Le capitaine s’incline respectueusement et retire son chapeau à plume pour le coller contre son cœur. Un vieux de la vieille à l’œil de verre, la barbe broussailleuse et aux dents jaunes, sinon carrément manquantes.

Pile à l’heure, madame !

Vague sourire, il m’invite à faire le tour de la cargaison. Il m’explique que le voyage a été rapide et bon d’un bout à l’autre. Beaucoup de blablah pour en venir à la vraie question :

Le Corsaire Warth ne vient pas ?

Autre sourire. Un poil carnassier peut-être.

Pas cette fois.
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Le parquet grince sous mes pas lourds, dans mes bottes trop lourdes lacets jusqu’à mi-mollet. Les marches craquent comme une plainte sinistre. Le temps les a usées, comme il a usé la presque totalité de ce navire trop vieux pour encore naviguer. Je sais pas qui a eu la bonne idée de prendre ce rafiot pour traverser la mer la plus dangereuse du monde, mais c’est un type qu’a pas froid aux yeux. Ou qu’est complètement con. Et je penche pour la deuxième…

J’arrive rapidement à la cale, les deux pieds dans la flotte. Une entrée d’eau a inondé cette partie du navire, de quelques centimètres à peine, comme une énorme flaque d’eau qu’aurait pas été lavé. J’allume ma lanterne et la tends devant moi. L’eau ruisselle, ça sent l’iode. Une sardine crevée s’échoue sur ma chaussure. Ma flamme chancèle mais éclaire d’énormes caisses hermétiquement closes. Sur des étagères, des tonneaux plein quand je tape dessus. J’éloigne ma flamme, au cas où.

Un soupir. J’attrape un pied de biche pour faire levier et le met dans une des fentes. Un coup, deux coups, le troisième ouvre d’un bloc le couvercle de la caisse la plus proche. Je mets la lumière au-dessus, regarde à l’intérieur. Des armes, pour la plupart blanche. Machettes, couteaux, sabres. De quoi mener un assaut. Dans les autres, l’odeur de poudre froide me donne la réponse. Clair comme de l’eau de roche.  Les désirs de Jack ont été des ordres, exaucés comme s’il avait claqué des doigts pour les faire apparaitre tel un magicien.

C’est beau, un esprit aussi tordu servi par des sujets complètement tarés.

Les autres caisses semblent pleines à craquer, et j’irai pas vérifier par pure flemme. Arnaquer Jack serait encore plus fou que de traverser Grand Line sur une barque. La confiance sera de mise pour cette fois. J’attrape une des machettes et fais volte-face. Je claque la porte derrière moi et pose la lanterne. Il me faut pas bien longtemps pour regagner le pont, ou tout l’équipage m’attend de pied ferme. Un peu anxieux, de ce que je comprends du regard du Capitaine de ce rafiot, qui ne sait sans doute pas à quoi s’attendre.

Tout est là ?
Oui. Tout. Il y a même une caisse supplémentaire pour ce bon Jack, pour qu’il pense à nous et glisse un mot en notre faveur.
Je lui en parlerai.

L’homme semble déçu de pas rencontrer le Capitaine des Saigneurs des Mers en personne. On peut pas tout avoir dans la vie, et une célébrité comme Jack sait se faire désirer. Oh, il a aussi autre chose à foutre mais c’est moins propre de dire qu’il s’en balance gentiment plutôt que de signifier qu’il est occupé à autre chose. Bon, quand on sait que les passe-temps de Jack ici se résument à courir à poil sous forme de gorille et à bouffer de la pizza en montant une guerre pour le fun… J’préfère me taire. J’me gratte la gorge et regarde l’horizon.

Bon, comment on fait ?
Mh ?
Pour la cargaison… On la décharge où ?
Oh. Non, elle va rester ici.

L’homme m’interroge du regard…

On va échouer le navire sur des récifs accessibles depuis la côte, pour que les sauvages puissent s’en saisir durant la nuit.
Et… Et nous ?
Vous…

Hé.

Disons, « dommage collatéral ».

Désolée.
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Mes mains s’usent sur les cordes, mes bras brulent à force de tirer, de forcer, de lâcher, de faire des nœuds, de tendre les voiles, pour mettre ce navire en marche jusqu’à sa fin. Un vent souffle et tend le tissus brutalement, une corde lâche parce que je l’ai mal serrée. Je me jette en avant, la rattrape de justesse, je manque de me faire embarquer et de finir à la flotte. Je tire sur des muscles déjà trop demandés, j’y mets tout mon poids et cette fois sers de toutes mes forces pour maintenir le nœud et la toile tendue. Et je fonce jusqu’au gouvernail pour redresser brutalement la barre et piquer droit vers les quelques récifs qui parsèment l’une des côtes de l’Île Maléfique.

Soupir…

J’ai été bête.

J’aurais dû attendre de mettre le navire dans les rochers avant de tuer l’équipage. Le sang sur mes mains m’empêche de bien m’accrocher, je suis malmenée par le vent brutal près des falaises. Le gouvernail me glisse des doigts, le parquet teinté de rouge est impraticable et j’ai manqué par deux fois de me casser la figure. Ma cuisse est pleine de sang, mes vêtements imbibés eux aussi…

Et j’ai du sang sur les mains. Le sang de tous les hommes que j’ai mis six pieds sous mer qui seront témoins du travail bien fait, trop bien fait, au nom du Capitaine Corsaire Calhugan. Pavillon noir en berne, désormais enroulé autour de son mât. Une petite défaite pour la piraterie, mais un grand pas en avant pour le chaos que Jack prépare. Il saura s’expliquer du reste sur ce que j’ai accompli si quelqu’un doute de sa bonne volonté.

Quelques rochers commencent dangereusement à frotter la coque. L’un deux l’attaque brutalement. Un tremblement parcours la totalité du navire. L’élan prit manque de faire retourner la bête qui s’éventre sous mes yeux. J’ai le temps de m’accrocher à une corde et de la serrer autour de ma taille pour éviter de finir dans les eaux turquoise qui entourent l’Île Maléfique. Le choc marque mes hanches raccordées au mât d’une grande ligne qui rougie. Finalement, je me détache pour fuir l’épave sombrant sur les récifs qui affichent clairement la carcasse du bateau.

Sinistre œuvre. Mon œuvre.

Sur ces rochers, le navire anciennement navire mais maintenant plus vraiment se montre comme la terrible victime d’une tempête. Et au milieu, les corps de ses anciens passagers sombrent dans la flotte pour la teinter de sang. Il est temps pour moi de quitter les lieux du crime, embarquant dans un bout de tissus la preuve de mes méfaits, la preuve que ma mission a été on ne peut mieux accompli.  Je m’arme d’un bout de bois, décroche à coup de pied une grande part d’une côté du bateau et le mets à la mer.

Et c’est sur mon radeau de fortune, un sac couvert de rouge sur le fond à portée de main, que je regagne la plage.
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Le travail est fait.

Je pose sur le bureau de Mac Manus le sac. Humidifié, il teinte ses quelques papiers de sang et d’eau de mer et sabote une part de son travail. Il n’a pas à regarder dedans pour savoir ce que c’est : les quelques mouches qui virevoltent à gauche à droite avec la ferme intention d’y construire la prochaine génération lui annoncent qu’il s’agit, sans aucun doute, d’une partie du corps de l’un des responsables des craintes de la journée.

La tête, en réalité.

Il y jette un coup d’œil et affiche un visage dégoûté. Repoussant le sac du bout des doigts, comme ayant peur d’être contaminé par une quelconque maladie, il me fait un sourire qui me donne juste l’impression qu’il souffre d’une grosse constipation :

Merci.

Je vais pour tourner les talons.

Vous devriez éviter le secteur touristique avant de vous être changée. Laissez vos vêtements dans un des paniers, nous nous occuperons de les laver pour vous et retirer… Toutes les traces de vos activités diurnes.

Et je referme la porte, avec l’étrange impression d’être la prostituée de monsieur qui se doit de prendre l’escalier de service pour pas être vu avec le beau peuple.

M’enfin, être avec un Corsaire, c’est un peu comme être la putain du grand monde.
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