Shimotsuki, aurore.
Gon était étendu sur le sable. Le soleil se levait timidement, là-bas, loin derrière l’horizon. Ses rayons irradiaient, perçaient les nuages en les teignant en rouge, orange, pourpre… C’était toujours un moment très agréable. Ces moments très simples, ponctuels qui te font te sentir heureux d’être en vie. Tout simplement. Ces petites choses futiles qui te manquent le plus lorsque tu ne les as plus. Sentir la température monter, sa peau se réchauffer et ses douleurs physiques s’envoler. Ecouter le bruit des vagues qui viennent s’écraser dans une course vaine, infatigable depuis la nuit des temps. Et laisser le temps s’écouler, le regarder passer sans lui prêter la moindre attention, lui, le temps qui aura bientôt le loisir d’obnubiler nos pensées. Se concentrer sur soi et sur ce que l’on ressent. Ces moments sont rares et précieux et on les chérit, quand on prend le temps d’en profiter.
L’homme sentit quelque chose lui toucher la pointe du pied. Il n’y fit pas attention et maintint les yeux fermés, mais il le sentit à nouveau. Se redressant lentement, il vit une bouteille qui était régulièrement poussées par les vagues et qui venait lui tapoter le bout de la chaussure. A l’intérieur, un message. Une simple feuille de papier, roulée et placée à l’abri des intempéries, de la vie, du temps. Ecrite hier à Shimotsuki ou il y a cent ans dans le nouveau monde, cette bouteille pouvait provenir de n’importe où et de n’importe quand. Il resta là, à regarder cette bouteille qui s’agitait devant lui, comme impatiente d’être enfin ouverte après un si long périple. Le destin avait amené ce message à ses pieds et il ressentait comme un poids. Le poids du divin. Le hasard n’intervenait plus à un tel stade. Cela lui était destiné.
D’une main tremblante, il retira le bouchon moisi et en fit sortir délicatement la feuille. Elle n’était pas signée. En guise de paraphe, un simple « Papa ». En tant que père, Gon ne put s’empêcher de se sentir directement concerné par cette lettre. Cette lettre d’un homme qui voulait être père, connaître les joies et les peines de la paternité, de la famille, des enfants et de l’amour. Ce père qui ne veut pas infliger la vie en ce monde de malheur à sa fille, qui refuse d’élever son enfant entre les meurtres et la barbarie. Lisant la lettre, Gon laissa tomber une larme qui fit diffuser l’encre au niveau des mots « souffrance » et « angoisse ». Cet inconnu avait raison. Le monde n’était pas assez pure pour y faire grandir et prospérer la prochaine génération, celle qui était destinée à nous sauver tous. Ces êtres purs et innocents, tous juste arrivés ou à venir, ces enfants qui n’avaient pas encore été salis par la pollution qui émane des êtres sans âmes que l’on appelle des pirates. Ses propres enfants étaient déjà là. Là, sur cette petite île plus ou moins à l’abri du monde extérieur. Séparée des horreurs de la vie uniquement par un bras d’eau salée.
C’était les mots d’un homme désespéré par le monde actuel qu’il venait de récupérer. Un appel au secours, une dernière tentative avant de sombrer dans la noirceur de la résignation. Il se devait d’y répondre.
Posant sa main contre le sable, il se releva en s’aidant de son sabre planté dans le sol. Chez lui, il trouverai de quoi apporter une réponse. Une feuille et une plume. Elles étaient là, sur le secrétaire de sa femme. Elle et ses deux enfants dormaient toujours. Il posa la lettre et la bouteille et monta, silencieusement pour les observer dormir. Ils étaient tout ce qu’il avait, tout ce qui importait, tout ce qu’il aimait… Tout. Il devait les protéger, faire quelque chose. Agir pour rendre ce monde meilleur et leur offrir une chance de grandir dans un monde à la hauteur de leur pureté. Il redescendit et s’installa sur la chaise.
L’homme sentit quelque chose lui toucher la pointe du pied. Il n’y fit pas attention et maintint les yeux fermés, mais il le sentit à nouveau. Se redressant lentement, il vit une bouteille qui était régulièrement poussées par les vagues et qui venait lui tapoter le bout de la chaussure. A l’intérieur, un message. Une simple feuille de papier, roulée et placée à l’abri des intempéries, de la vie, du temps. Ecrite hier à Shimotsuki ou il y a cent ans dans le nouveau monde, cette bouteille pouvait provenir de n’importe où et de n’importe quand. Il resta là, à regarder cette bouteille qui s’agitait devant lui, comme impatiente d’être enfin ouverte après un si long périple. Le destin avait amené ce message à ses pieds et il ressentait comme un poids. Le poids du divin. Le hasard n’intervenait plus à un tel stade. Cela lui était destiné.
D’une main tremblante, il retira le bouchon moisi et en fit sortir délicatement la feuille. Elle n’était pas signée. En guise de paraphe, un simple « Papa ». En tant que père, Gon ne put s’empêcher de se sentir directement concerné par cette lettre. Cette lettre d’un homme qui voulait être père, connaître les joies et les peines de la paternité, de la famille, des enfants et de l’amour. Ce père qui ne veut pas infliger la vie en ce monde de malheur à sa fille, qui refuse d’élever son enfant entre les meurtres et la barbarie. Lisant la lettre, Gon laissa tomber une larme qui fit diffuser l’encre au niveau des mots « souffrance » et « angoisse ». Cet inconnu avait raison. Le monde n’était pas assez pure pour y faire grandir et prospérer la prochaine génération, celle qui était destinée à nous sauver tous. Ces êtres purs et innocents, tous juste arrivés ou à venir, ces enfants qui n’avaient pas encore été salis par la pollution qui émane des êtres sans âmes que l’on appelle des pirates. Ses propres enfants étaient déjà là. Là, sur cette petite île plus ou moins à l’abri du monde extérieur. Séparée des horreurs de la vie uniquement par un bras d’eau salée.
C’était les mots d’un homme désespéré par le monde actuel qu’il venait de récupérer. Un appel au secours, une dernière tentative avant de sombrer dans la noirceur de la résignation. Il se devait d’y répondre.
Posant sa main contre le sable, il se releva en s’aidant de son sabre planté dans le sol. Chez lui, il trouverai de quoi apporter une réponse. Une feuille et une plume. Elles étaient là, sur le secrétaire de sa femme. Elle et ses deux enfants dormaient toujours. Il posa la lettre et la bouteille et monta, silencieusement pour les observer dormir. Ils étaient tout ce qu’il avait, tout ce qui importait, tout ce qu’il aimait… Tout. Il devait les protéger, faire quelque chose. Agir pour rendre ce monde meilleur et leur offrir une chance de grandir dans un monde à la hauteur de leur pureté. Il redescendit et s’installa sur la chaise.
Père, où que tu sois.
J’ai lu tes mots en ce jour naissant. Cela ne m’était pas adressé, c’est vrai, et pourtant. Chaque mot m’a pénétré le corps et s’y est installé pour se créer un petit nid douillet pour grandir, se développer et me submerger. Mes enfants sont mes joies et mes peines, mes espoirs et mes angoisses, ma raison de vivre et celle de mourir. Ta progéniture représente tout ce que tu as et tout ce que tu n’auras jamais. Tout le reste devient dérisoire. Un simple sourire te fait oublier toutes tes douleurs et tes problèmes. Il n’y a plus que ça qui compte.
Bien sûr, il y a la mère, celle qui t’a aimé en première et que tu as aimé en retour. J’aime ma femme. C’est une certitude. Et à tout cet amour s’est ajouté celui que nous partageons en commun pour mon fils et ma fille. Tenir ces êtres hors du commun entre mes bras est la chose la plus agréable au monde. Rien ne peut remplacer cela. Ni l’argent, ni la force, ni le succès… Rien. C’est pour ça que je puis affirmer une chose aujourd’hui. C’est que je suis heureux. Et toi père, je te l’affirme. Je te comprends.
Chaque jour qui passe, je les vois grandir, je vois leur corps s’affiner et leur personnalité s’affirmer. Ils deviennent des êtres à part entière, bien dégourdis et débrouillards. Quand je regarde l’horizon de la vie, je vois parfaitement ce point. Un point minuscule, mais brillant. C’est un instant qui approche à toute vitesse. L’instant où ils seront assez grands pour se débrouiller sans moi. L’instant où je ne serais plus qu’un « ancien », devant leur passer le flambeau de la vie tandis que je repartirais en arrière et disparaîtrait entre les multiples rides qui se multiplieront sur mon visage. Mes cheveux tomberont, ainsi que mes dents. J’aurai des propos incohérents et je salirai mes pantalons. Je redeviendrai un bébé et disparaîtrai.
Laissant mes enfants seuls.
Seuls.
Seuls dans le monde que je leur aurais laissé. Seuls à la merci des monstres qui sillonnent les mers, laissant un sillage bordeaux derrière leurs embarcations. Seuls face à ceux qui massacrent et éliminent sous le drapeau de la paix mondiale. Seuls en compagnie de ceux qui mentent, trahissent, tuent et violent. Seuls face à l’humanité.
A toi père, qui a envoyé ces mots, et à vous tous, père du monde entier, il est grand temps de reprendre ce monde en main. Il nous appartient à tous. Je vais partir. Je vais purifier ce monde. C’est mon devoir, ma nouvelle raison d’être. Je ne saurais protéger mes enfants en restant sur mon île. Même si pour cela, je dois faire le plus grand des sacrifices… Les laisser ici.
Seuls.
Gon Blacknife
Sa main tremblante signa et il souffla sur la lettre pour laisser l'encre sécher avant de la rouler et la mettre dans la bouteille de verre, avec la première.
Dans un petit plouf, le verre commença son parcours à travers les vagues, contenant les pensées et les rêves d'hommes lambdas, inconnus, et leur faisant traverser le monde. Gon resta debout sur la plage jusqu'à ce que la bouteille disparaisse de sa vue. Il se tourna alors et rentra chez lui pour préparer ses affaires.
Dans un petit plouf, le verre commença son parcours à travers les vagues, contenant les pensées et les rêves d'hommes lambdas, inconnus, et leur faisant traverser le monde. Gon resta debout sur la plage jusqu'à ce que la bouteille disparaisse de sa vue. Il se tourna alors et rentra chez lui pour préparer ses affaires.