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Troisième Epoque: Si de là-haut elles savaient pourquoi le Monde.

Rappel du premier message :

J’approche.

La goélette de Shri file droit sur le courant presque calme. Il n’y a pas eu trop de gros temps depuis Thriller Bark. Au démarrage, bien sûr, jusqu’à ce que je me sois assez éloigné de la zone du Triangle. Et puis quelques jours après, juste quand j’ai croisé cet équipage au pavillon noir. Ils ont fait demi-tour et fui avant que je puisse leur demander où nous étions. J’avais pourtant pris soin de descendre le fanion de corsaire du mât, il faut croire qu’ils m’ont reconnu à la lunette et que mes traits n’ont pas trop changé depuis avant la prison. Et puis après il y a eu la tempête et je n’ai pas pu les rattraper que les flots les avaient déjà engloutis eux et leur navire.

Mais pas moi… J’ignore si c’est ce navire qui est spécial ou si tous ces jours vécus sur ou dans l’eau depuis ma sortie d’Impel Down m’ont redonné du cœur. J’ai à peine senti que le roulis s’intensifiait et puis déjà le beau temps revenait. Ou alors c’est la mer qui m’épargne, qui prend soin de moi le temps que.

Le temps d’approcher peut-être.

J’ai contourné hier et cette nuit la zone de forts courants du milieu de Grand Line. Je suis si près désormais que, n’était la barrière constituée par les abysses qui m’en séparent, je sentirais presque la vie grouillante des pauvres âmes de Jaya. Les effluves du sang brassé par ce lieu de perdition, les milliers de mille vies que destins et fortunes y confrontent, qui s’y agglutinent et qui s’y battent. Je n’entends pas encore le fracas des os qu’on y brise ni celui des familles qu’on achève d’y déchirer, mais je peux le deviner derrière l’écume qui balaie le bois du pont. Et voir cette mousse blanche projetée sur les bois de mon navire, la voir s’élever haut dans la pénombre du soir qui tombe puis s’abattre de toute la vitesse à laquelle je vogue contre les planches et les cordages, l’image me rappelle l’Ecume que j’ai abandonnée aux mains sales de Jack Sans Honneur.

De lui aussi je me suis rapproché, il n’est plus si loin alentour, avec quelques autres de ceux que j’ai marqués jadis. Finalement c’était bien vers lui que j’étais censé me diriger alors qu’Izya demeure dans mon dos là-bas vers la fin de toutes les voies. Bah. L’un comme l’autre, je les reverrai, même si pour l’heure la préséance semble favoriser les corsaires. Alors à bientôt Jack Wrath Calhugan, et à un peu plus tard Izya Sélindé.

J’arrive.

Une brise un peu fraîche m’annonce la terre à quelques dizaines de lieues. Dans la fumée du tabac que j’allume puis déguste à la bonne santé de Shri Parama, je m’amuse à reconnaître des fantômes plus ou moins connus. J’ai soldé la plupart de mes dettes depuis que je suis sorti, et ma conscience est plutôt tranquille face à leurs visages bien vite dissipés par la lumière de lune. Quand j’accosterai et côtoierai de nouveau ces bêtes humaines de pirates, il sera temps d’être réactif, mais là ce soir sur ce pont et sous cette voûte céleste, je reste relâché.

Relâché sans doute un peu trop.

La constellation de la Biche et ses treize soleils fendus me passe sous le regard puis s’efface sous l’image d’un énorme roc plus noir que la nuit et que je prends d’abord pour un simple nuage. Puis l’ombre s’évanouit soudain et je comprends mais trop tard qu’il n’était venu que dans mon troisième œil. Et je comprends mais trop tard que ses pointes acérées n’étaient pas les fils d’un coton qui s’étire pour se dissiper mais bien celles de lames rocheuses plus tranchantes que le fil d’un sabre. La pipe me tombe de la main avec ses odeurs un peu trop herbées pour être, réflexion faite, tout à fait saines. Et le bruit de son choc contre le pont à mes pieds résonne plus fort dans ma tête que celui de l’étrave qui se fend puis éclate. La séparation du fourneau et du tuyau est une scène plus émouvante pour mon empathie qui l’observe en coin que les échardes de la proue volant dans tous les sens et jusqu’à mon visage. Et déjà l’horizon tangue et penche, et déjà je glisse.

Mes doigts ne se cramponnent à ce qu’ils trouvent que pour mieux lâcher, mon esprit ne combat l’adversité que pour mieux abandonner. La gravité, le tabac qui n’en était pas et la soudaineté de l’instant amoindrissent mes réflexes et me rendent pataud. L’attrait des profondeurs moites, humides puis complètement mouillées est fort puis trop fort. Sans avoir eu le temps de maudire qui ou quoi que ce soit je suis déjà immergé. Mon dos se tourne contre le vide en-dessous dans un dernier instinct de survie et des yeux je contemple le firmament. Entre les débris du bateau les astres reviennent un à un. Ils tanguent un peu par-delà le voile liquide.

Et quand je suis déjà loin sous la surface, quand le calme revient, les étoiles brillent une dernière fois.


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Je t’ai déjà demandé de m’aider.

Et toi tu n’as rien trouvé de mieux que de perdre à un jeu débile, et en plus je t’avais dit pour le raisin.

Défonce-moi ces pinces s’il vous plaît madame avant que je ne voie rouge…


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    J'ose espérer que tu ne menaces pas la seule personne capable de t'aider dans cette pièce ?

    Lilou lui tire la langue avec un sourire narquois.

    Finalement, elle s'approche et...

    Bing. Bang.

    Voilà.

    Merci qui ?
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Merci moi-même.









Put…


Le regard qu’elle me jette, aussi noir que son poing relevé et prêt à me frapper à nouveau là où ça fait mal, dans mon dos, m’incite à retenir mon juron. Visiblement elle ne sait pas qu’elle est moi. J’ai même réussi à créer des constructions mentales totalement indépendantes, je suis vraiment très très bon. Mais soit, jouons le jeu, je n’ai pas payé pour me faire fesser dans ma syncope, oh. J’attrape son poignet en m’arrachant une ou deux clavicules dans le geste et je nous tire.

Direction le cœur du navire, a-t-elle dit.

Par où ?

Le cœur, c’est la vie. Si le vert est le cerveau de mon cerveau, ça mettrait le cœur loin en dessous. Mais il n’y a rien en dessous, aucun escalier qui descende plus bas que la section verte, pour autant que je me souvienne et pour autant que nous pouvons nous en apercevoir à passer deux fois au même endroit et à sérieusement tourner en rond pendant que la voix relance de deux et se met en opposition. Chaque porte que nous atteignons fait mine de se fermer, chaque cactus que nous rencontrons finit dans les vapes et chaque couloir s’éteint un peu plus à mesure que nous les parcourons.

Et courir avec les bras le long du corps comme un pantin, ce n’est pas très pratique, et ça limite à peine la douleur.

Absurde…


Il n’y a bientôt plus qu’elle et moi dans un grand silence à peine brisé de ces petits bourdons incessants dans les murs.

Absurde.

Stop.

Nous courons sans raison et sans but. Et il ne sera pas dit que j’ai paniqué. Surtout pas devant elle, irréelle ou pas. Surtout pas dans ma tête. Je lui annonce que c’est à elle de faire le guide, et en le disant je réalise que c’est pour ça qu’elle est là. Me guider dans mon esprit, voilà. Elle est ses pseudos connaissances et sa pseudo science qui allait guérir le monde.

Et je n’ai pas besoin d’attendre qu’elle donne une direction. C’est comme si réaliser le fait avait débloqué la solution en moi. Peut-être que moi je sais ce qu’elle pense même si elle ne sait pas ce que je pense. Le cœur est en haut, tout en haut juste à côté de la trappe, juste sous la forêt. Normal. Le cœur aspire l’air de la bulle et j’ai la tête à l’envers, donc le cerveau en bas.

Allons-y…


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Dim 29 Déc 2013 - 16:42, édité 1 fois
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Il ouvre la marche, elle le suit de près.

L’homme finit par revenir sur ses pas, reprenant la destination de la sortie. Elle s’étonne de le voir faire, de supposer des positions, d’aller dans des directions. Elle l’interroge sur le ton de la conversation : depuis combien de temps tu es là ? Comment tu as atterris ici alors que les scientifiques de la marine ont mis des mois à trouver et prévoir les mouvements de Serenity ? Pourquoi tu n’essayes pas d’en partir ? Tahar reste évasif. Pour ne pas dire complètement délirant. Entre ses « tu sais très bien pourquoi je suis là », « on est dans ma tête, où tu veux que je parte ? » et « c’est fou ce que je t’ai fait intelligente », Lilou se perd. Qu’est-ce qu’il va imaginer ? Elle doit lui avouer qu’elle ne le suit pas du tout et qu’elle ne le comprend pas.

Il semble déçu, se forçant à imaginer autre chose. Elle soupire, fait mine d’oublier et lorsqu’il ouvre une trappe en se montrant presque poli, Lilou le remercie.

Ils remontent tous deux à la surface. L’air est tout de suite plus chargé en humidité mais on s’y accommode vite. Tahar, lui, par contre, se prend quand même un petit coup sur les épaules. L'eau de mer même mélangée à l’air ne pardonne pas à un possesseur de fruit du démon. Lilou ralentit le pas pour qu’il la suive toujours :

Si ce que tu dis est juste… Il doit y avoir une autre entrée pas loin.

Elle lui fait un sourire et se remet en marche. Mais à son premier pas, un tremblement la déséquilibre presque et elle manque de s’étaler dans la mousse. Le sous-marin semble s’être mis en mouvement de lui-même. Les poissons quittent le navire à toute vitesse, les algues se penchent et tapissent complètement le sol. L’allure est apparemment vive, ils doivent faire vite pour éviter de finir au fin fond de la mer sans possibilité de retour. en arrière Lilou lève les yeux, s’inquiète de voir son navire la suivre encore. La chaine était bien accrochée, elle y avait veillé soigneusement… Espoir en tête, elle reprend sa route.

Tahar donne une direction totalement au hasard. Il ajoute un argument nébuleux pour justifier son choix. Lilou hausse les épaules comme toute réponse : il faut bien commencer quelque part de toute façon. Autant faire vite. Il rajoute qu’il sait.

Alors s’il sait.



Il savait.

En plein milieu de la forêt dans un tronc d’arbre. Non… Dans le tronc d’arbre. La porte est encastrée en son sein derrière une souche qui aurait pu la masquer. Une immense porte blindée, avec une vitre et un volant de verrouillage, recouvert de plantes et de crasse. La rouquine passe ses mains sur la mousse pour la retirer, regarde par le hublot sale pour essayer de discerner l’intérieur. Mais rien. Elle remarque néanmoins une écriture en rouge délavé : « Entrée interdite, danger de mort ». Le logo de Vegapunk en plein milieu… Lilou soupire et attrape le volant en tentant d’exercer une pression. Un grincement retentit, comme le frottement de deux métaux. Mais malgré sa force les verrous sur les côtés ne bougent pas d’un pouce. L’humidité a sans doute érodé les mécanismes. Après l’effort, elle se retourne vers l’homme de la situation :

C’est rouillé. Tu m’aides ?


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 29 Déc 2013 - 17:32, édité 1 fois
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Je hausse les épaules pour qu’enfin elle réalise que non ça va pas être possible.

C’est cassé, tu m’aides ?

Elle s’interrompt dans ses efforts pour me remettre le dos bien droit comme il faut, mais si Tahar, mais si, laisse-moi faire, si ça se trouve ce n’est que déboîté. Et puis c’est toi qui m’a demandé ! C’est vrai, c’est moi qui lui ai demandé. Mais je préfère ne pas prendre le risque d’un de ses massages armés, et vais pour m’arracher les bras et la peau des doigts sur le volant à mon tour. Le volant vers mon cœur. Mais on ne pénètre pas comme ça dans mon amour, ma petite, il ne faudrait pas que tu t’y trompes. Je t’aime bien, on en a vécu de belles toi et moi, surtout moi, mais n’oublie pas ce « bien ».

J’ai rencontré beaucoup de portes dans ma vie. Des étroites, des douces, des apeurées, des effrontées, des secrètes, des magiques, des bien-nées, des pauvres, des qui avaient besoin qu’on les chatouille pour céder, des qui aimaient les gros mots et la violence. J’en ai même rencontré des qui n’étaient pas tout à fait à fait des portes. J’ai eu mon quota de grilles aussi, des solides, des hérissées, des verrouillées à triple tour, des verrouillées à quintuple serrure, des mêmes qui n’avaient pas de serrure du tout. J’ai trouvé pas mal de trappes aussi, qui donnaient sur d’autres mondes et certaines qui donnaient sur rien du tout. Et, même dans mon esprit depuis que j’y coule, j’ai eu la surprise de me heurter à pas mal d’ouvertures plus ou moins récalcitrantes. Surtout plus. Mais je ne pensais pas rencontrer une porte que je ne saurais pas ouvrir.

« Entrée interdite, danger de mort. »
- V -

L’inscription parle pour elle-même et mes coups de pied dans le battant n’y changent rien. Je m’abîme un gros orteil pour tout bénéfice. Je suis sûr que la réponse est là dans ces mots. Un avertissement à Lilou, bien évidemment. Et pour moi ? V.

J’ai connu une V, il y a longtemps. Maman. Mais il y a bien longtemps qu’elle n’est plus présente en cette partie de moi. Bien longtemps que je l’en ai chassée, qu’elle s’en est enfuie. Jenv ne commence pas par la bonne lettre et elle aussi a fini par faire ses valises, et je doute qu’elle aurait eu l’envie de laisser une trace pareille. Alors qui ? La fille de la croisière ? C’est ce genre de marque que ces évènements-là laissent ? Une trace qui s’érode avec le temps, qui s’efface un peu, mais jamais qui ne disparaît réellement ? Eh. On ne m’a pas comme ça, moi. Je suis chez moi, je rentre où je veux.

Une secousse de plus nous emmène dans les bras l’un de l’autre avant que je ne tente à nouveau. Lilou et moi, moi et Lilou.

Ici dans cette forêt d’algues il n’y a pas de voix de métal mais j’imagine sans peine ce qu’elle est en train de criarder dans les couloirs inférieurs du vaisseau qui nous emmène dans le rien de ma tête.

- Protocole final, mur en approche.

Le néant autour de la bulle se fait plus noir, plus sombre et plus froid. J’ai faim, j’ai soif et j’ai mal. Même la rouquine n’est plus rousse avec ses cheveux humides. Je m’enfonce de plus en plus, de plus en plus vite. Mes derniers instants se divisent pour retarder l’échéance aux yeux de mon esprit mais je suis au regret de t’annoncer, Moi-Même, que ça ne durera pas et qu’à un moment tout finira. Finira ? Un sursaut me relève et relève avec moi Lilou. La dernière révolte.

NON !

Si je n’ai rien compris à mon cerveau plus bas, à ces commandes et à cette voix qui parlait pour ne rien dire, je suis curieux de voir ce que cache mon cœur. L’ultime secret de Tahar Tahgel. Et je n’ai pas envie de finir sur cet échec. Cette porte, elle va céder. Tu m’entends, Lilou ? Elle va céder. Je nous prépare à la solution finale. Je crispe mes muscles et les siens. Nous nous serrons les coudes et je silence mes épaules qui voudraient bien que je les épargne une dernière fois. Hardi !

Hm. Et si ?

Avant que notre course sur les algues glissantes ne nous fracasse, ne me fracasse contre le panneau de métal renforcé de mes désirs les plus inavouables, je nous arrête. Mes clavicules me remercient, mais déjà je les maltraite en retournant tourner le volant. Dans l’autre sens, dans le sens que tout ingénieur sait être celui qui visse, qui verrouille, qui ferme. Dans le sens que Lilou, que moi aussi j’ai ignoré par réflexe. Au lieu d’aller à gauche, je vais à droite. Il n’y a pas de miracle, c’est ainsi que je suis fait. A l’envers. Ma tête est sans-dessus-dessous, je nage à contre-courant depuis ma naissance, et mon cœur aussi. Petit coquin. Après quelques efforts parce que quand même il y a aussi un peu de rouille, les gonds claquent.

Et pivotent sur eux-mêmes pour dévoiler mon cœur.

Rouge.


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Rouge.

Comme la lumière clignotante qui les aveugle quelques secondes avant que la vue ne se fasse d’elle-même. La salle est étroite, elle sent l’humidité et le renfermé. Elle n’est composée que de murs en acier rouillé, d’énormes tuyaux entrelacés et d’un petit boitier fermé soigneusement à l’aide d’un cadenas. Une tête de mort sur la seule et unique porte, comme dernière menace et avertissement qui devrait les inviter à s’en aller. L’extérieur devient plus sombre encore, le frémissement de la nature donne des sueurs froides à la rouquine et il ne reste finalement que cette sinistre lumière rouge pour les éclairer.

Elle préfère rester.

La jeune fille approche doucement vers le boitier et tire sur le cadenas. Il ne s’ouvre pas, mais l’absence de clef et d’une autre solution viable oblige Lilou à employer la force. Un coup bien placé brise le fer déjà fragilisé par la corrosion. Elle retire l’outil et ouvre le boitier qui grince. A l’intérieur…

Elle n’en croit pas ses yeux. Les sourcils froncés, les mires écarquillées de stupeur… Elle n’ose même pas regarder Tahar qui est sûrement aussi étonné qu’elle…

Des dizaines et des dizaines de fils différents, de couleurs différentes, de tailles différentes, entremêlés les uns dans les autres, formant un sac de nœuds informe, qui vont et qui viennent inlassablement, naissant d’un côté pour aboutir de l’autre… Et si peu de temps pour se faire à l’envie de mettre de l’ordre dans ce fouillis. Lilou déglutit péniblement.

Vegapunk était un sacré tordu.

Remontant ses cheveux en arrière, elle va pour réfléchir à une solution. Une autre solution. Un détour peut-être, une fuite envisageable. Mais pas de fuite, pas de détour. Sa mission exige qu’elle ramène Serenity et elle a tant envie d’impressionner les autres, de prouver sa valeur et de montrer qu’on peut compter sur ses capacités pour des missions « à risque ». Elle respire un coup, tente d’apaiser sa tension qui monte et tape à ses tympans. La situation la stresse d’autant plus, elle sent ses joues s’enflammer et sa nuque bouillir… A moins que la pression commence à lui jouer des tours… Lilou se détourne un temps de ce capharnaüm et pose les yeux sur l’intérieur de la porte. Un simple mot :

« Choisissez une couleur. Mais choisissez la bonne. »

Silence de mort.

Bon… Ok !

Elle se relève précipitamment et commence à faire les cent pas dans l’espace étroit. La tête en ébullition, elle parle avec les mains :

Choisis ta couleur préférée et coupe la ! Moi… Je vais trouver une autre solution pour réparer ton erreur à venir !


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 29 Déc 2013 - 17:37, édité 1 fois
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Rouge et noir.

Comme une alarme au milieu de la nuit, comme l’alternance régulière d’un rythme cardiaque qu’au lieu d’entendre avec les oreilles on verrait avec les yeux. Doum, doum. Rouge, noir. Elle parle de Vegapunk, c’est sa manière en tant qu’avatar déconnecté de mon esprit de faire sens du V. Soit. Moi je sais ce que sont ces fils au milieu de cette grande salle trop vide. Les liens que j’ai tissés avec les gens que j’ai rencontrés. Tous les liens tissés avec ou sans patience depuis que j’ai foulé du pied le monde des hommes. Et parmi eux je dois trouver le bon, l’important, mon V. Ma couleur préférée, me souffle-t-elle, paniquée ? Je sais quelle est ma couleur préférée. Mais le rouge rend tous les fils rouges. Et le noir rend tous les fils noirs. Comment choisir ? Lequel choisir ? Je les observe en silence, les passe en revue du doigt comme une pelote de laine au milieu de laquelle on cherche un nœud. Un à un ils passent sous mes doigts, puis cinq par cinq puis dix par dix, pendant que derrière moi elle fait le ménage en soulevant toute la poussière du sol avec ses tours dessus.

La poussière diffracte le rouge, lui fait prendre des nuances encore différentes.

Arrête, tu veux ?

Elle ne veut pas mais elle arrête et je peux me concentrer. Je repère une poignée plus rouge que les autres. Moins pleines de nuances. Je me dis que c’est la bonne, je vais pour les arracher. Une image d’Izya me monte au front alors que mes tempes suintent toute leur ultime fièvre. Non, pas la bonne. Ou alors, la bonne ?

Arrête, j’ai dit…

Elle ne faisait plus rien, ça l’énerve et la voilà repartie. Les nuances nouvelles reviennent et j’isole une autre poignée qui n’a pas changé malgré tout. Je sens la vie qui coule en eux, ma vie et celle de je ne sais pas qui. Pas d’image, pas de souvenir, juste un flux d’énergie, imperceptible mais pas pour moi. Le même bourdonnement que dans les couloirs, le même que partout ailleurs je suppose. Oui, eux sont les bons. Schtack, schtick, schtock, schtonck. L’un après l’autre ils cèdent sous ma traction. Mes phalanges sont rouges pâles quand il y a de la lumière, et bientôt il n’y a plus de lumière. J’ai réussi ?

- Ré…i…ni…tia…
Crénom !

Les lumières se rallument. Rouge comme avant et noir et puis le rouge reste permanent. Et la voix poursuit, mauvais augure. Tellement nasillarde, tellement irritante. La colère monte en moi, à quoi sert de comprendre si ça ne résout rien ?

- …li…
Rahh ! Qu’on en finisse !
- …sa…

Sous le boîtier il y a un tuyau où doivent se mélanger tous les fils pour alimenter le reste de moi-même. Et si je coupe tous les câbles en même temps, je réussirai. Je court-circuiterai tout ce vaisseau chimérique et je ressortirai à la surface.

Et je ressortirai mourir ?

- tionnnn

La voix meurt et tout autour avec elle. C’étaient les bons câbles.

Même nos respirations ne font pas de bruit, même elles ne produisent aucune chaleur.

Les vibrations se sont calmées à nos pieds, nous chutons trop vite au fond du puits.

Je ressors du cœur. Au-dessus, loin là-bas derrière la canopée, un point blanc.

Qui s’éloigne, petite étoile.


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    Mhh...

    T'es toujours là ?
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Toujours là, oui. Viens, il fait froid.

Merci d’être passée, Lilou.


Noir total, silence glacial.


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Elle avance la main et attrape celle de l’homme à ses côtés. Une main grande et chaude qui la rassure un instant. C’est tout ce qu’elle a. Pas de lumière, seulement celle de la surface qui passe à travers trop d’eau pour vraiment servir. Lilou plisse les yeux, regarde partout où elle peut pour essayer de discerner quelque chose. Ni couleur, ni forme. Juste des masses informes qui flottent vaguement. Des troncs immenses qui barrent la vue. Et lui, il est là, à avancer habilement dans cette pénombre aussi noire que les méandres de son esprit torturé. Et elle serre cette main en frissonnant à moitié, prise autant de peur qu’à cause de l’humidité ambiante sur ses épaules.

Le noir, ça ne rassure pas. Le froid, non plus.

Elle se sent frustrée que tout tourne ainsi. « Mission à risque », c’est peu dire. Être au milieu d’un océan dangereux, sur un navire qui avance à l’aveugl-…

On avance.

Lilou dit les choses ainsi, naturellement, remarquant l’imperceptible au sein de cette « nuit ». Et ça l’étonne soudainement, parce que ce n’est pas logique, parce que s’ils avancent encore, ils finiront droit dans un mur, ou plus profond qu’ils ne le sont déjà. Elle se concentre, perçoit le mouvement, le courant qui les emporte alors qu’il ne devrait pas…

Pourquoi on avance ? Le- le sous-marin n’est plus alimenté, il ne pilote plus, il…

Comme une impression de tomber de Charybde en Scylla.

Pourquoi on avance, hé ?

Tout ça… ça n’aurait pas dû se passer comme ça. Elle pense pour elle et peste dans sa tête. Ça aurait dû être simple, rapide, vite expédié… Et là, la rousse se retrouve coincée sur un navire à la dérive, un navire qui ne se pilote pas, qui n’a même pas de lumière. Un navire qui n’en fait qu’à sa tête et qui n’obéit qu’à ses propres règles. Qui n’acceptera jamais qu’un autre prenne les commandes.

« Mission à risque ». Un grognement lui échappe. Elle râle ouvertement sur sa situation, meublant le silence en pestant contre ce monde qui ne tourne plus rond, sous le rire d’un Tahar qui semble presque s’amuser de ce stress.

Puis, un grognement sinistre qui vient du cœur même de la forêt.

… Mh, ça… ce n’était pas moi.

Comme le feulement d’une créature des profondeurs. Ça ne rassure pas… Un fin halo de lumière apparait derrière des dizaines de troncs. Une source imperceptible. Puis, suit un grincement qui vient du corps du vaisseau. Le courant prend plus d’ampleur, il embarque le tout, exerce sa force sur la tôle du navire.

Ça ne sent pas bon.

Il faut qu’on parte. Tant pis pour ma mission…
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