Ca va, tu tiens la cadence ? Désolé pour tout à l'heure, je t'ai un peu salopé l'écran avec tous les petits bouts d'os que j'ai dispersés autour du campement, mais parfois nécessite fait émoi....non, c'est pas ça, ce que je veux dire c'est que tous les loups sont ternis....non, attends. C'est quoi l'expression qui dit que la fin justifie les moyens ? Ca va me revenir.
On est presque arrivés à la destination finale. Je vois une série de bâtiments bien alignés, des miradors, des grues de construction. Les maisons ont une particularité logique à la configuration du lieu: elles ne sont pas cimentées. Les pierres sont juste posées et ça tient, merci au père Newton. Quand le pont arrive plus loin dans la construction, on démonte la grue et les maisons et on les remonte plus loin. Maintenant qu'on sait ça, est-ce que, en me battant avec ces salauds d'esclavagistes, on peut vraiment considérer que détruire une maison ou deux c'est un crime ? Vu que je compte bien repartir avec de la main d'oeuvre, ils auront moins de maisons à entretenir. Je vais prendre cher niveau prime de toute façon, même le pauvre cave qui se met du shampoing dans l'oeil on va m'en imputer la faute. La stratégie devient simple. Puisque c'est moi qui régale ce soir, je vais me faire plaisir et assumer l'addition.
J'avance, seul. Alastor est resté à l'arrière pour se servir dans les butins et veiller à maintenir la route dégagée pour les prisonniers. Ca va se passer entre eux et moi maintenant et va falloir assurer pour libérer et ramener des esclaves vivants. J'entends distinctement le travail de chantier, ça doit bosser XXIV/VII là-bas. Il y a deux bâtiments qui ne servent qu'à abriter le comité d'accueil. Comme la garde est trop dense et qu'il n'y a pas vraiment de brèche où s'engouffrer, je me la joue héros de shonen en marchant bien au milieu. Je constate qu'aucune alerte n'a été donnée parce que les mecs qui voient une grande ombre sont attentifs, mais pas paniqués. C'est quand je suis assez prêt pour les laisser distinguer les couleurs que la tension monte d'un cran. Difficile de penser que je suis passé à la régulière vu tout le sang qui me recouvre. Ils m'éclairent la gueule et tout ce qu'ils voient c'est un tas de muscles assombris aux yeux sans iris qui les fixent. En une fraction de seconde, je quitte le faisceau de lumière et me fonds dans l'ombre. Le projo balaye le pont sans me trouver. Je vais te dire mon secret, et c'est pas eau précieuse de belle maman. En me reportant sur le côté, j'ai bondi et me suis accroché à la partie externe du pont. Je suis en train de ramper à la verticale là. Pendant qu'ils se demandent si ce qu'ils ont vu était bien réel, moi j'approche.
Je remonte après avoir contourné le péage et je bondis vers l'une des tours de guet. Enfin, dire que je la charge est plus approprié, parce que le truc cède et s'écroule comme un AT-AT Walker à qui un Snowspeeder vient d'installer le câble. Un peu abstraite cette phrase si t'as pas vu la bataille de Hoth, ce dont je te déconseille de te vanter. En gros, ça se casse bien la gueule dans une chute bien lourde. La gamelle de la tour brise le projecteur à l'impact et sonne sévèrement les éclairagistes qui m'envoyaient du kelvin comme si j'étais Jessica Rabbit. La tour jumelle couvre l'événement en envoyant son faisceau sur la zone du crash. Je n'y suis plus.
Ca commence à se désorganiser. Je te le redis, le nombre n'a plus aucune importance quand l'ennemi est dépassé. Je suis retourné dans ma cachette favorite et je les laisse un peu mijoter. J'entends qu'ils disent de donner l'alerte, ça promet du sport les enfants. Le type qui fonce vers la petite sonnette électrique, je l'écarte violemment de sa course avec un pied bien franc dans le bras tordu par le choc. Je reste immobile un petit moment, le temps que le projo que j'ai épargné m'aligne et que les mecs voient bien ma gueule. Comme je suis bon joueur, je me retourne et j'appuie sur le bouton d'alarme. Ca te sort un boucan d'enfer et il y a plein de petites loupiotes rouges qui se mettent à briller. Vu de loin avec le paysage enneigé ça doit être magnifique. Ca réveille tout le monde alors, pour ne pas perdre de temps, Je réduis une des maisons en kit en tas de briques et j'entame une série de shoots bien vicelards vers les mecs qui pensent tirer plus vite que moi.
T'as vu dans les films des éboulements ? La plupart du temps, toujours même je pense, on veut éviter de buter les figurants, alors on utilise de faux blocs en carton. C'est assez flagrant parce que tu les vois rebondir sur les victimes qui s'écroulent comme si c'était le poison des cailloux qui tuait. Ben là, c'est pas du carton. Ca ne rebondit pas et chaque lucarne humaine que je vise ressemble à un campeur vietnamien qui a posé son oreiller sur une mine. L'image est pas vilaine, mais le bruit aussi il vaut le coup de tympan. Je te raconte pas comme ça va marquer les nuits des survivants. Ca sera comme le massacre de Bliss, mais en pire. Cette fois il y a de la rancoeur personnelle dans mes attaques. Ces types ne sont pas des Marines qui font leur job, ce sont des matons, des enflures qui transforment les hommes en zombies. Un esclave, ça meurt en brave au coliseum, ça ne se presse pas jusqu'à la dernière goutte pour des projets à la con. Parce que construire un pont pendant des centaines d'années c'est un projet à la con. Quand ils auront terminé leur truc, l'érosion aura depuis longtemps fragilisé les structures et le pont sera quasi toujours fermé pour cause de rénovation.
L'entrée est dégagée, mais pour un mec que je bute, il y en a trois nouveaux qui apparaissent. Je zigzague en distribuant les pains comme un Jésus et je progresse. Je suis très à l'aise dans l'obscurité, contrairement à eux j'y vois aussi bien qu'au grand jour. Pas avec les yeux, avec le corps. Quand je me faufile entre deux maisons, je retrouve la condition de combat en milieu confiné de mon pays natal. Les ondes passent contre moi et je décode tout ce qui bouge aux alentours. Pas besoin d'yeux, je sais que derrière ce mur un type est en train de recharger son arme. J'enfonce ma main dans le mur et je lui écrase le crâne avant même d'avoir un contact visuel. Quelqu'un va entrer dans mon couloir ? Je le sens approcher et je change de tranchée. C'est comme packman, je bouffe tout ce que je croise et je sais exactement où aller pour ne pas me faire surprendre.
Je sais où sont les esclaves, je sens de l'agitation et les chaînes qui tirent contre le mur. Je fends la pierre pour voir ce qu'il y a à l'intérieure de la maison et j'y entre par le toit. Ils sont en piteux état, le luxe qu'on leur offre, c'est assez de couches de vêtements pour ne pas tous finir en hypothermie dès le premier soir. Je vois dans leur regard beaucoup de peur, mais aussi beaucoup d'attente. Sans un mot, je prends la chaîne qui lie leurs menottes et je la brise en tirant d'un coup sec. Un truc malsain se produit. Je viens de les libérer et ils ne bougent pas. Ils ne réalisent pas qu'ils peuvent s'échapper, on dirait des oiseaux tellement habitués à leur volière qu'elle est devenue leur chez eux.
Un bateau vous attend en bas du pont, cassez-vous maintenant. J'attends un peu, perché au-dessus de la cage d'où rien ne sort. Une douleur au bras me signal qu'une balle a réussit à passer, mais ça ne réveille même pas mon instinct de survie. Je contourne le bâtiment et me mets devant l'entrée. J'arrache la porte et enlève les briques autour pour les confronter à une grande entrée bien visible sur le chemin de la liberté. On me canarde généreusement et je suis de mieux en mieux mouché. La forêt est bien loin et voilà que ça recommence à sentir le sapin. Une fois la porte bien agrandie, je retourne vers les esclavagistes et je leur balance les briques que j'ai extrait de la zone de détention. Vu la cadence de lapidation, ils comprennent qu'il est temps de se mettre à couvert et ils cessent le feu pour se mettre à couvert. Je lance les derniers projectiles et je me retourne vers la cage. L'un d'eux est sorti. Il est là, immobile, des cernes noires sous de grands yeux blancs et vides qui me regardent.
T'es libre...allez. Il ne bouge pas, moi non plus. On continue à se fixer un moment, puis je le vois qui détourne lentement la tête pour regarder autour de lui. Il s'arrête sur la direction d'où je viens et son tronc s'aligne sur sa tête. Je le vois courir en silence, par automatisme. D'autres têtes commencent à sortir de la maison. Je dois les couvrir assez longtemps pour qu'ils atteignent l'avant poste. Les minutes s'investissent dans une boucherie artistique faite de noir et blanc. Et de rouge, de plus en plus de rouge. J'ai eu le temps d'ouvrir deux autres volières avant que mon toucher m'injecte une alerte rouge, un truc qui n'annonce qu'un paquet d'emmerde pour la suite. Ca vibre fort, très fort. Un machin lourd se déplace et j'estime au rythme des secousses que c'est bipède et probablement humanoïde. Ca l'est, la silhouette se précise dans ma tête tandis que je ne vois que de l'ombre au milieu des bâtiments. Ce n'est pas une ombre, c'est un homme.
Quand mes yeux le distinguent du vide, je me retrouve nez-à-nez avec un mec quatre fois plus grand que moi qui pique un sprint dans ma direction. C'est la première fois depuis que j'ai quitté Grandline que je ressens la peur. L'adrénaline qui voyage dans mon organisme est la même que celle des simples humains qui croisent ma route. C'est toujours impressionnant d'avoir un géant face à soi, surtout quand il dégage cette odeur de mort et de violence. Mon odeur. Aucune phrase ne vient. Dans d'autres circonstances, j'aurais bien lancé un petit "mate un peu les cornes qu'il se paye celui-là" avec la ferme envie de les lui piquer, mais ici je suis un peu trop sceptique sur mes chances d'avoir l'ascendant pour oser la provoc'. Lui, par contre, il cause.
Waaaaaaaargh !
Il gueule un truc qui rend les alarmes muettes en levant une hache grosse un menhir. Réflexe de survie, je me déporte sur le côté et entends distinctement le souffle grave de sa lame qui s'enfonce de plus d'un mètre dans le sol. Ce monstre est assez fort pour me broyer. Avant qu'il ne retire son arme de la pierre, je saute sur son bras, prends élan et lui foudroie le nez avec un coup de talon bien appuyé par un salto. Il a la peau épaisse et l'os dur comme du diamant, j'ai l'impression d'avoir gaspillé une chance de faire la différence. Le choc lui fait quand même détourner la tête, mais voyager sur un corps de plus de vingt mètres de haut, ça met du temps. Merci pour rien père Newton. Le géant en profite pour me filer un revers de bras qui a bien failli me faire passer par-dessus le pont. Un ou deux quintaux de moins et je terminais ma course dans la flotte.
Il a récupéré sa hache. Il n'est pas très véloce, mais il est souple peut porter ses coups très loin. J'ai intérêt à me servir du terrain pour casser la distance. Le colosse ne me laisse pas beaucoup de temps pour agir, il me charge et offre un bon coup bien latéral qui me forcé à sauter pour ne pas finir coupé en deux. Comme c'est ce qu'il attendait, il me plaque au sol en m'écrasant contre son poing et je me retrouve figé dans la pierre du pont. Je le vois à nouveau brandir sa hache. Je ne pourrai pas me dégager à temps.
Il s'arrête, comme s'il avait un bug. Je le vois pencher la tête et éjecter plusieurs litres de sang. Alors mon coup de talon avait quand même fendu l'os. S'il peut saigner, on peut le tuer, je ramène mes bras à moi et me relève le temps qu'il laisse son nez cracher sa boule de sang. Je me redresse et file comme une fusée vers sa main armée. Mon Shock of Titan me transforme en projectile vivant, je percute son pouce dont la peau éclate au contact et son arme se retrouve éjectée un flopée de mètres plus loin. C'est en la voyant riper sur le sol que je constate que les esclavagistes n'osent plus bouger, ils assistent au combat des chefs en pariant intérieurement pour leur champion. en parlant de lui, il n'a pas apprécié que je le désarme, oh ça non.
Sa main valide poisseuse du sang de ses fosses nasales me percute de plein fouet et je fais plusieurs tonneaux avant de me stabiliser. Etre éjecté comme une pauvre merde, ça fait un moment que ça ne m'était plus arrivé. Heureusement que Némésis, mon armure, a absorbé une bonne partie du choc. J'ai quand même l'hémoglobine qui sature ma bouche et j'ai l'impression de m'être fait rouler dessus. Je n'ai même pas le temps de me relever qu'un gros pied dont aucun coordonner ne voudrait s'occuper me remet la gueule en terre comme une bleusaille en plein baptême. J'avais oublié comme c'est bon le goût de la caillasse dans la bouche. Comme l'autre n'aime pas ce que je fais quand je me relève, je sens à nouveau un coup pilon au dos qui m'écrase encore plus. C'est officiel, sans Némésis j'aurais eu le ventre éclaté depuis longtemps et je m'embaumerais dans mes tripes à l'heure qu'il est. Un nouveau coup et si il y avait un arbitre, ça fait longtemps qu'il aurait déclaré le chaos technique. Voir chaos tout court vu comme je ne réagis même plus. Encore un. Un autre. Là c'est un peu trop pour moi, je déconnecte.