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Solitude de naufragés

On a tous un rêve. Un putain de rêve qui nous tient à cœur. On y laisserait la vie, on y laisserait notre âme sœur, on y laisserait notre corps. On n’a plus d’yeux que pour lui et on reste aveugle comme en amour.

Résultat, j’me retrouve ici, à attendre comme une idiote. Choisir n’importe quelle direction, au pif sans réfléchir, c’était pas une bonne idée. Je sens que je vais me mettre à lire, histoire de me « renseigner » et ne pas recommencer un tel bordel. Pas de bateau, pas d’argent, rien que des mouettes avec qui parler et raconter mon magnifique raté. J’ai rêvé d’un endroit qui m’était inaccessible et j’ai pourtant essayé d’y aller. Pourquoi je n’y suis pas arrivée ? J’avais pas vu que c’était bien plus compliqué pour s’y rendre. La folie des grandeurs, hein ? Ça y est, j’ai retrouvé la terre ferme.

Me voilà sur un gros caillou rouge, balayé par le vent, les tempêtes, qui soulèvent des nuages ocre de poussière. Les oiseaux battent des ailes, planent et piquent soudainement au-dessus de ma tête. Ils peuvent voler eux. Moi j’ai des mains, des jambes, une tête et un corps de femme. Même si j’suis pas vraiment femme dans ma manière d’être.

- Conne ! Mais conne !

Le bruit du fer qui cogne la pierre résonne dans ce lieu désert. Il n’y a que moi et le silence. Il n’y a que moi et la montagne. Alors je cogne avec mes armes, la roche qui n’a rien fait, parce que je ne sais que cogner quand j’enrage. Et la pierre ne dit rien, parce qu’elle ne parle pas et qu’elle n’a rien de vivant qui bat en elle. Je pourrais aller parler aux mouettes. Je pourrais. J’ai pas dit que j’en avais envie. Je suis seule avec le paysage.

La solitude, sale amie de toujours, laisse-moi un peu tranquille, veux-tu ? Je n’ai personne à qui parler et j’avoue que c’est un peu ennuyant… Pas qu’il me plaise de ronchonner toute la journée, mais j’en souffre plus qu’avant. A peine ai-je quitté le monde des hommes, leurs bêtises et leur cupidité, qu’il me manque déjà. Un citadin qui part à la campagne regrette aussitôt la ville. C'est une loi que de languir à nouveau de ce qui nous horripilait peu de temps avant.

Le vent soulève mes cheveux, qui flottent en de longs et minces rubans que l'on a arrachés à une fête. Mon coeur n'est pas à cette humeur pourtant. Le vent siffle à mes oreilles. Et il ne m'apporte aucune nouvelle particulière. Il ne susurre que son doux murmure et laisse voler le parfum dont la mer s'est parée pour le séduire.

Une pierre roule, glisse entre mes mains. Le calme revient toujours après mes coups de colère, c'est presque devenu naturel chez moi. Faut que je trouve un moyen de partir d'ici. Le caillou part bientôt à la flotte, parce que j'ai vraiment plus que ça à faire et qu'y'a pas mal de rocs ici. P'têt bien que si j'en jetais assez, je pourrais faire un pont. Ironique évidemment. Je serai morte avant d'avoir fini. J'y connais rien en charpenterie ou tout autre domaine qui permet de faire sortir des villes de terre. Je suis pourtant une bâtisseuse de ce monde.

Le vent murmure et chantonne toujours à mes oreilles. Mais il m'apporte autre chose. Un froncement de sourcil trahit seulement mon trouble. Hm... J'ai beau chercher, je ne vois pas ce que ça peut-être... Cela ressemble à une bonne douzaine de claques qu'on s'envoierait un soir trop arrosé.  Un drap qui se froisse ? Une feuille qui est malmenée par les bourrasques ? Une vague soudaine qui se brise sur les rochers effrités ?

...

Non.

C'est autre chose.

Une voile claque. Une coque qui grince.

... Un navire ?

Je me redresse aussitôt pour regarder l'embarcadère qui se trouve non loin de là. Mes ronchonnements... Non, mes prières ont-elles été entendues ? J'ai jamais fait de stop pour un bateau, espérons qu'on m'accepte à bord. Et encore mieux s'il ne s'agissait pas de pirates, mais plutôt de navires de la translinéenne. Des problèmes en moins pour moi, si vous voyez ce que je veux dire.

Le brouillard ne me fait entrevoir que sa silhouette découpée en ciseaux dans ce pâle manteau effiloché. Il arrive. Il va se poser un moment. Et peut-être que je pourrais repartir. C’est le cœur battant que je me redresse, essuie la poussière ocre qui macule mes mains. C’est que la roche s’effrite facilement et peint tout de sa couleur rougeâtre. Je reprends mes lames avec empressement, cours, trébuche, reprend mon équilibre et continue à cheminer la pente.

Ils sont là, ils sont là ! Les hommes qui vont me faire partir de ce trou perdu. Mes griefs contre eux s’évaporent, du moment qu’ils pourront me rendre service. Y’a plus rien qui compte à part mon envie de partir. Le vent de l’espoir a soufflé, apportant son lot de joie et d’ivresse.

Peu à peu, on déchante. On remarque que l’avant droit du navire est disloqué et que les occupants ont dû colmater comme ils ont pu les brèches, afin d’atteindre le Cap en sûreté. Couillons d’hommes. Je le savais qu’ils étaient des incapables. Regardez-moi ça. Et ils pensent trouver quelque chose pour réparer ? Ça ne risque pas de tenir le coup. Non. Ça ne va pas passer les premiers mètres de navigation. Hm ? Je me suis trop approchée apparemment. Y’a un imbécile qui arrive pour j’sais pas quoi.


Dernière édition par Honaka Suzuke le Dim 12 Jan 2014 - 12:48, édité 1 fois
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Les Avalons - Arc II : Les naufragés du Cap.


Solitude de naufragés. [Log II-0]


Au pied de Reverse Mountain, côté Grandline.

Le pied de la montagne, celle là même qui ne cesse de faire des doigts à toutes les lois physiques connues, disparaît derrière ce qui reste d'un cotre fendant lentement la houle tandis qu'apparaît... Grandline : une immense étendue d'eau baignée de soleil et qui semble... Si calme, après la tempête qui vient de se déchaîner sur Redline...

"Mode diamant !"

... Et pourtant, pas si calme que ça... Et encore moins paisible. Grandline, ou la route de tous les périls comme elle est parfois à juste titre surnommée, est un endroit qui dépasse l'imagination et qui est vraiment très dangereux, même pour les marins les plus aguerris... En effet, entre les champs magnétiques incohérents, la foultitude de monstre titanesques, les changements climatiques violents et les nombreux combattants redoutables qui y naviguent...

"Mode normal !"

... Il est parfois difficile d'y survivre ne serait-ce qu'une semaine ou deux. C'est pourquoi le passage du Cap des Jumeaux est une étape primordiale du périple d'un équipage : il constitue la dernière étape, l'ultime préparation avant que les choses sérieuses ne commencent. Fort heureusement, ne se risquent sur Grandline que ceux qui sont fin prêts...

"Mode diamant, héhé !"

... Et qui prennent ce voyage avec un rare sérieux...

"Et hop, mode normal !"

... Et puis, il y a le grand Lloyd Barrel, et son fidèle Yskino.

"Et mode dia..."
"TA GUEULE !"
"Quoi ? J'essaie mon nouveau pouvoir ! Il faut bien que je m'entraîne avec si je veux le maîtriser !", commencé-je en me justifiant. Eh mais... Pourquoi il faudrait que je me justifie ? Je reprends : "De toute façon, je fais ce que je veux ! Je suis le grand Lloyd Barrel ! Et en plus, maintenant, j'ai la perfection du diamant !", finis-je en faisant étinceler mon sourire en recouvrant une de mes molaires grâce à ma nouvelle capacité. Décidément, cela va m'être bien utile, comme pouvoir, pour prouver au monde que je suis le meilleur !
"Grmbl... Si seulement j'étais pas handicapé et que j'avais un vrai fusil, je te ferais regretter ces paroles...", grommelle t-il d'une façon presque inaudible.
"Tu dis ?"
"Rien, rien..."
"Bon, on a passé Reverse Mountain, on est au Cap des Jumeaux sur Grandline et tout le tralalala mais... Le bateau a quand même sacrément ramassé... Faudrait songer à le réparer avant de continuer notre chemin."
"A ce propos...", entame Yskino, la mine grave.
"Oui ?", demandé-je ingénument.
"Tu es bien conscient que je ne te suis que pour retrouver les Ailes Noires ? Et aussi accessoirement pour te faire la peau, mais c'est secondaire..."
"Hmm... Oui, j'en suis conscient."
"Donc tu as intérêt à me mener à eux... Sans essayer de m'arnaquer... Même si j'en doute de plus en plus...", lâche t-il finalement.
"Tous les pirates sont amenés à se rencontrer un jour, tu sais.", dis-je finalement, tout doucement, en baissant le regard.
"T'es quand même pas en train de me dire que tu as aucune idée de l'endroit où ils se trouvent... Et que tu comptes sur la chance ?"
"Euh... Si pourquoi ?"

Grand silence qu'Yskino à l'air de mal vivre. Son regard se fronce, ses pommettes se réhaussent et il montre les dents comme un chien enragé. Oula... Je crois que j'ai dit une boulette.

"Llooooooyd ! Je vais te tuer !", beugle t-il en arrachant un morceau de la balustrade éventrée du Galahad et en se jetant sur moi.
"Argh ! Tu crois pas que le bateau est déjà assez abîmé comme ça ?!!"

Sans bouger et faisant fi du fait qu'il ait encore plus entamé la coque du navire, j'active les pouvoirs de mon fruit du démon. Le morceau de bois s'éclate sur la cuirasse diamantée qui recouvre désormais la totalité de mon corps. Yskino laisse tomber son arme de fortune et m'assène plusieurs coups de poings, sans que je ne cille d'un pouce. Et pourtant, il continue, encore et encore, sans relâche, jusqu'à ce qu'il ait les mains en sang et les yeux en larmes.

"Valtien, bordel...", murmure t-il, abattu.
"Valtien ? C'est quoi ça ?"
"..."
"Raconte."
"..."
"Raconte, sinon je t'en mets une."
"C'est mon... Mon petit frère...", lâche t-il rageusement, comme s'il était acculé, dos au mur.
"Le fameux petit frère que tu dois retrouver ?"
"Oui..."
"Et tu penses qu'il est retenu prisonnier par les Ailes Noires ?"
"Oui..."
"Et tu penses pouvoir l'arracher de leurs griffes... Sachant que tu ne m'arrives même pas à la cheville, moi, un simple pirate, un nouveau venu sur Grandline ?"
"..."

Grand silence, encore une fois. Décidément...

"Moi, je peux t'aider à les vaincre. Je peux t'aider à t'entraîner. Si tu me suis et qu'on le trouve, je me battrai avec toi."
"...", commence Yskino (enfin non il commence rien vu qu'il parle pas), avant de reprendre (pour de bon cette fois) : "Va au diable, Lloyd."
Il me tourne le dos et part dans les baraquements, sans doute vers sa cabine. Bah, ça lui passera. Comme ça m'est passé à moi. Le coup de blues et l'engueulade semblent être la spécialité de l'équipage... Pour ma part, je me décide à accoster le bateau et à aller me balader dans les environs. Avec un peu de chance, et surtout au vu du nombre incroyable de carcasses éventrées de navires qu'il y a dans le coin, il y a un charpentier par ici... Ou encore mieux : un Log Pose... Qui tomberait justement à pic. Ceci dit, vu tout le monde présent au Cap des Jumeaux... Ce sera sûrement chose facile à trouver. Tiens à peine débarqué, je tombe d'ailleurs déjà sur quelqu'un. Sauf qu'au lieu que ce soit un vieux moustachu bourru armé de clous et de marteaux, il s'agit d'une belle jeune femme. Sûrement à peine plus âgée que moi, ses longs cheveux bruns se marient assez bien à ses yeux qui sont de la même couleur. Pourvue de formes généreuses et avantageuse et affublée d'un joli kimono rose et de collants, la mignonne fait plaisir à regarder. Seul ombre au tableau, sa mine renfrognée de chieuse, ce qui promet... Je décide tout de même de m'approcher d'elle, prenant mon courage à deux mains et... En espérant qu'elle ne me pourrisse pas une si belle journée...

"Hey, salut ma jolie !", lui lancé-je avec enthousiasme. Elle ne répond pas. "Allons bon, tu ne me reconnais pas ?", continué-je donc, sans pour autant qu'elle ne cille non plus. Je poursuis : "Mouais, c'est vrai que je suis pas super connu dans le coin... Par contre, si tu viens des blues, tu as forcément du entendre parler de moi ! Car je suis..."

Et hop ! Le pouce levé, la molaire recouverte de diamant pour le sourire étincelant, la posture classieuse, et...

"Le grand Lloyd Barrel ! Capitaine pirate, combattant d'exception et gentleman pour vous servir... Ou pas en fait, car justement, le grand Lloyd Barrel ne sert personne ! Et vous, vous êtes... ? Mademoiselle... ?"
"C'est quoi ton problème ?", lâche t-elle, visiblement agacée par je ne sais quoi. Sûrement par le fait d'avoir un nom aussi pourri...
"Mademoiselle Cékoitonproblèm ? Ah... Euh... Ouais... Hem... Enfin, on choisit pas son nom..."
"C'est pas ça mon nom, espèce de débile !" vocifère t-elle férocement, dépassant sans aucun le seuil sonore maximal que mes pauvres oreilles peuvent tolérer. Tentant de sentir à nouveau mon tympan droit, j'ai le malheur de laisser s'échapper quelques mots que je risque vite de regretter :
"Ah bah ouais, c'est une chieuse."

... Grand silence (le troisième en seulement quelques minutes !). Ah, tiens... On dirait que j'ai réussi à éviter le catacly...

"QUI C'EST TU TRAITES DE CHIEUSE ?!! ESPÈCE DE... ESPÈCE DE... COUILLON D'HOMME !!", meugle t-elle soudainement, m'enlevant l'ouïe pour de bon et ne me laissant qu'avec des acouphènes. Elle m'agrippe par le col, et dégaine la moitié d'un sabre de son fourreau, puis me dit d'un air menaçant : "Reparle moi encore une fois comme ça, et je me fais un collier avec tes tripes... T'es un homme, un pirate, et tu m'as tout l'air d'être un pauvre con, ce qui me fait trois bonnes raisons de te faire la peau. Je te préviens, j'hésiterai pas."
"Eh bien... En voila une qui sait ce qu'elle veut... M'enfin, c'est la vie ! Si tu crois avoir une chance contre moi, essaye ma mignonne. Mais je te préviens, je vaux plus que mes 43.000.000 de prime, et je défendrai chèrement ma peau...", commencé-je, avant d'attraper son menton avec ma main gauche et à lui serrer avec force, de manière à montrer que je ne plaisante absolument pas. Je finis : "Donc tu te calmes, compris ?"

On dirait que ça fonctionne... Ma foi. C'est peut-être pas autant une chieuse que ça, finalement !

"Et sinon, tu fais quoi dans le coin ? Du tourisme ?"


Dernière édition par Lloyd Barrel le Jeu 6 Mar 2014 - 12:30, édité 3 fois
    Je m'en doutais depuis longtemps. J'en étais même certain. Mais la raison à beau vous présenter implacablement les faits, on se raccroche toujours à un petit fil ténu d'espoir de s'être trompé.

    Mais non.
    Lloyd n'a aucune idée d'où sont les Ailes Noires. Ce n'est qu'un connard (mais ça je le savais déjà) qui s'est servi de moi. Et je me retrouve sur Red Line alors que mon frère est sur North Blue.
    Sur RED LINE ! Et du MAUVAIS CÔTÉ ! Quelle foutue perte de temps et d'efforts...

    Quitte à faire des efforts, autant faire les bons. Ce salaud va payer. De suite.
    Pendant que ce crétin débarque, je rentre dans le navire, là ou sont entreposés les quelques armes qu'il transporte. Pourquoi le snob trimballe des armes alors qu'il se bat à mains nues, ça m'échappe. Enfin, beaucoup de choses qui passent dans son cerveau m'échappe. Il doit avoir une malformation congénitale pour être si stupide par moment.

    Je prends un fusil. Le truc bas de gamme, pas précis, faisant souvent long feu. Une arme à silex pouvant tirer seulement deux coups. Et aussi une large épée. Une hache aurait été l'idéal, mais il n'y en a pas.

    Je m'enfonce plus profondément dans la cale du Galahad. Une fois sous la ligne de flottaison, j'accroche le fusil dans mon dos, et prend l'épée dans les deux mains. Il est temps de suer.

    J'imagine la tête de Lloyd sur la coque. Et j'abats de toute mes forces l'arme dessus. Encore et encore.
    Et je frappe, frappe, frappe, ce refrain qui me plaît.
    Et je tape, tape, tape, le snob ne vas pas aimer !
    Ce rythme qui m'entraîne, jusqu'au bout de la nuit...
    Ah non, c'est bon.

    A force de bucheronné, j'ai ouvert une brèche dans la coque, et l'eau commence à s'infiltrer. Doucement d'abord. Puis un peu plus vite. Avec la pression, le trou va s'agrandir. La cale va se remplir d'eau. Et le bateau va lentement sombrer. Satisfait, je remonte, et recommence l'opération un peu au dessus de la ligne de flottaison, cette fois-ci. Quand il aura suffisamment pris l'eau et se sera alourdit, il se remplira par ce deuxième trou.

    Fin du voyage pour le snob. Soit j'arrive finalement à le buter, soit il se retrouve coincé ici. Il ne peut plus nager maintenant qu'il a mangé ce foutu fruit qui le rend insensible à mes coups. Il ne pourra pas réparer son navire...

    Je remonte sur le pont. J'entends une fois féminine qui hurle, même si je ne comprends pas ce qu'elle dit. Enfin, avec Lloyd comme interlocuteur, je compatis à la pauvre fille.

    Je jette l'épée sur le côté, prend le fusil, pose le canon sur la rambarde du Galahad, et vise soigneusement le snob, avant de tirer les deux balles, quasi-instantanément.

    C'est un tir sublime. En plein dans la nuque. Une mort instantanée et sans douleur.
    Dommage que ce soit la deuxième balle, la première l'ayant manqué d'un bon mètre. Je ne pense pas que ce soit conscient. Un réflexe sans doute en voyant l'éclat du ricochet de la balle sur la roche, mais le snob a activé son « mode diamant ». Un tir sublime, en plein dans la nuque. Sans aucun effet.

    Fait chier.

    C'est dégueulasse un pouvoir sans point faible. Il doit bien y en avoir un. Voire plusieurs. Et attendant, je risque de me faire dérouillé... J'ai bien fait de saboter le navire.

    Lloyd ne bouge pas, là-bas. La fille a reculée, et s'est baissée. Sans doute pour être une cible plus difficile à atteindre.
    Tiens, je pourrais peut-être prétendre que je la visais elle, en ayant eu l'impression que la rencontre se passait mal.

    Je repasse la lanière du fusil par dessus ma tête. Le poids d'une arme dans mon dos est tout de même réconfortant. Puis je saute à terre, et me dirige vers les deux personnages qui me voient approcher et restent un peu interloqué, sans doute de mon coup de feu subit.

    Je ne suis plus qu'à quelques mètres, et remarque que la fille est plutôt jolie. Lloyd a toujours la même tête de gland par contre.

    "Ca va Lloyd ? Vous aviez l'air de vous disputer..."
    "Yskino... Sale borgne !"

    Il s'est encore amélioré l'enfoiré. J'ai à peine le temps de voir venir le coup. Je ne pourrais pas l'esquiver. Au moins, je l'accompagne un peu, histoire qu'il ne me déchausse pas des dents... Et me voilà à plat ventre par terre avec la mâchoire qui me cingle et des flashs devant les yeux pendant que mon cerveau essaye de comprendre ce qu'il se passe. Enfin, à plat ventre par roc serait plus exact, vu qu'il y a que de la caillasse ici... J'espère ne pas mettre cassé le nez en me fracassant au sol, en plus. Parce qu'il me fait vachement mal !

    "Tu m'as tiré dessus !"
    "C'était un tir d'avertissement crétin de snob ! Il était destiné à la fille. Je ne pensais pas te toucher..." Ma réponse est juste un murmure. Ce qui ne m'empêche pas d'avaler plein de poussière.
    "Ha ? Ben tu tires vraiment mal alors !"
    "Euh..."

    La fille semble complètement interloqué. Et du coup, plus tellement énervé. Je suppose quelle se demande où elle à mis les pieds et sur quel gugus elle est tombée... Je devrais peut-être la prévenir... Un acte de bonté gratuit, une fois de temps en temps, ça ne ferait pas de mal...

    "Hé, je ne sais pas qui t'es, mais tu ferais mieux de repartir par où tu es venu. Ce bon à rien qui m'accompagne est fort. Mais c'est sa seule qualité. C'est un mégalomaniaque, un menteur, un pourri prêt à trahir père, mère et compagnons pour avoir de la renommée ou des richesses, un inculte, un idiot, une... AIE !"

    Ce salaud m'a mis un coup de pied dans les côtes !

    "Et une sale brute en plus !"
    "Ta gueule Yskino ! Je me demande pourquoi je garde un incapable comme toi à mon bord..."
    "Parce que tu n'as personne d'autre ?"
    "Oh, la ferme... Tu as même arraché la rambarde de mon magnifique navire pour me taper avec !"
    "Et tu m'as cassé des côtes !" Peut-être pas aujourd'hui, mais lors de notre deuxième rencontre, sur Inu Town, certainement...
    "Et tu as sali la voile que j'avais peinte à mes couleurs en balançant un seau d'eau dessus pour la rincer au lieu de la laver proprement à la main comme je te l'avais ordonné !"
    "Et les dents !"
    "Et tu oses prétendre que ta cuisine est meilleure que la mienne."
    "Et le nez ! Et tu préfères aussi mes plats."
    "Alors mademoiselle Jaioubliétonnom, tu fais quoi là, tu te promènes en touriste ?"
    "Et les reins... Hein ?"

    Ah, j'ai zappé la fille...

    "Elle a l'air d'être en touriste, armé comme ça ? Ça t'arrive de réfléchir ?"
    "Ta gueule j'ai dit ! Tu comptes rester longtemps vautré comme ça à faire le tapis ramasse poussière ?"
    "N'ayant pas vraiment de dignité à laquelle me raccrocher depuis quelques temps, je resterais par terre aussi longtemps que j'en ai envie. Et je t'emmerde."

    Je roule sur le dos. Le fusil, toujours là, fait un peu mal, mais bon. Je regarde le ciel. Quelques nuages sur un fond bleu, deux mouettes qui criaillent. Paisible...

    "Bon, reprenons. Si tu n'es pas là en touriste, tu fais quoi ici ? Je n'ai pas vu d'autre navire dans le coin. T'habites là ? Où tu es coincée ici ? Je peux te prendre sur le Galahad si c'est le cas. T'es une femme, donc tu feras la cuisine mieux qu'Yskino, et j'aurais un deuxième serviteur, c'est parfait."
    "Mais... ESPECE DE CONNARD D'HOMME ! MACHO DE MERDE !"

    Ils font chier les deux-là. J'essaye d'apprécier le ciel, d'avoir un infime moment de bien-être...
    Ciel bleu... A cause de la diffraction de la lumière. C'est une propriété physique qui...
    Qui...
    Ça pourrait marcher ça ?

    "Hé Yskino, arrête de nous regarder comme ça, tu vas lui faire peur. On dirait un chat qui observe une souris. Elle va croire que tu veux lui sauter dessus !"
    "Gloup."

    Gloup ? Belle répartie. Je vois que tu t'améliores de jour en jour.

    Ta gueule ! Il ne faut pas que je laisse filer cette idée. Reprendre le fil, reprendre le fil... Salaud de Lloyd à interrompre mes pensées !

    "Gloup ? Ca veut dire quoi ça ?"
    "C'est un raccourci pour : « Occupe toi de tes affaires » !"

    Donc, reprenons. Les propriétés physique. Celle du diamant. Très compact, très solide. Résiste bien à un choc, mais l'élasticité dégueulasse fait que des chocs répétés très vite peuvent le briser. En gros, on peut le casser si on le jette de haut ou qu'on tape très très vite. Je me vois mal balancer Lloyd dans les airs et je ne tape pas vite. Donc à oublier.
    Mais... S'il s'en recouvre entièrement... Il bloque les pores de la peau. Complètement. Cette « seconde peau » l'empêche donc de transpirer.
    S'il reste longtemps en « mode diamant », et qu'il fait des efforts, son corps va s'échauffer, c'est normal. Mais s'il ne peut pas transpirer pour évacuer la chaleur, il va avoir un coup de chaud. Autrement dit, vertige, tête qui tourne, puis incapacité motrice partielle, et finalement, évanouissement voir arrêt cardiaque.

    Ce crétin de Lloyd m'a proposé de s'entraîner avec moi hein ? Pas de souci Lloyd, on va bien s'entraîner ensemble. Toi en mode diamant. Je te pousserais à le garder pour que « tu puisses l'utiliser le plus longtemps possible en combat réel » ! Et je te ferais courir, encore et encore, sous prétexte de m'entraîner. Et quand tu tomberas dans les pommes ou feras un arrêt, un petit coup de couteau sur la carotide, et hasta la vista !

    "Au fait Lloyd."
    "Quoi ? Cesse de m'interrompre. Je voudrais parler avec cette jeune femme."
    "C'est d'accord pour ta proposition. On s'entraînera ensemble, et je reste avec toi jusqu'à ce qu'on trouve les corbeaux. Mais j'ai une mauvaise nouvelle."
    "Quoi encore ? Elle est en train de partir."

    Ah ouais. Elle a du se dire qu'on était trop taré. Ou que Lloyd était vraiment trop un connard. Voir peut-être que c'était lui qui m'avait fait perdre un œil et elle a eu peur. Et de toute façon je m'en tape. Bon débarras. Buter Lloyd et me tirer d'ici. C'est mon objectif. Pas draguer la première fille qui passe. Surtout que son caractère avait l'air bien pourri, à gueuler tout le temps comme ça...

    "J'ai inspecté le navire. Il est plus mal en point qu'on ne le pensait. Le passage de Reverse n'a pas que fracassé la rambarde. Il a aussi ouvert une brèche."
    "Une quoi ?"
    "Une brèche. Le bateau prend l'eau. Il coule si tu préfères..."
    "Tu te fous de moi là."
    "J'ai l'air de plaisanter ?"

    Le voilà tout paniqué. Ahahah ! Souffre enfoiré, souffre ! Coincé ici, tes espoirs mis de côté, au rabais, à devoir attendre un sauveur... Qui n'arrivera jamais ! Car pendant que nous serons coincé ici, on va « s'entraîner ». Hein le snob ?

    Tu vois que quand tu veux, tu as de bonnes idées ? T'auras le droit à un bonbon en récompense!

    "C'est une catastrophe. Un cataclysme... Un... Attends. Je peux pas aller dans l'eau moi. Bon, ben répare ça vite fais avant qu'il ne coule complètement. Moi, j'ai des choses à faire."
    "Je ne sais pas réparer ça ? Tu veux que je fasse quoi ?"
    "Démerde-toi, c'est un ordre !"
    "C'est ça... Et tes « choses à faire », c'est retourner faire le beau devant cette fille ? Même avec ton égo tu as besoin de faire le fier à bras devant la première femme venue ?"
    "Gloup."
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    Quarante-trois millions. Lloyd Barrel. Putain. Il les mérite, ce con. P'têt même plus. Raison valable pour s'éloigner d'un pas rapide comme je l'ai fait. Raison valable pour ne pas chercher la merde. Raison valable pour rager de cette impuissance qui refait surface. Raison de lâche, quoi. Je ne veux pas qu'il croit que je sois faible. Qu'il pense que je me sois agenouillée devant lui.

    Lloyd Barrel. Pirate qu'a pas l'air d'en être un. Habillé plutôt chic, plutôt maigrelet, un peu pâlot, une tignasse blonde qui ferait pâlir de jalousie le soleil et ses rayons s'effilochant en des épis de blés secoués par le vent. Un gars qu'j'aurais pas cru capable de m'immobiliser en me tenant simplement le menton.

    Et je l'ai senti. La puissance fuit de ses doigts et a caressé mon visage. Je frémis. Rien qu'en y repensant, ça me donne des frissons et des sueurs. Il est pas normal. Et ça se voit dans ses yeux remplis d'arrogance. Le genre de types qui ne connaissent rien au monde et qui s'en croient déjà les maîtres absolus. Sa voix n'a pas tremblé et son regard ferme. Sacrée poigne d'ailleurs. Tout dans les muscles, rien dans le cerveau. Derrière son air pompeux et un peu niais, se cache une bête pire que moi, et qui souhaite étancher une soif inextinguible.

    Quelques pas de plus dans cette poussière ocre. Et l'arrêt définitif. Ils sont loin. Loin de moi, trop occupés à leurs problèmes. Ce calme et ce silence. J'inspire à fond d'expulser à nouveau l'air. Si reposant. Alors que les deux autres ânes ne faisaient que braire leurs bêtises. Les ignorer parce qu'ils ne sont que des hommes. Et que les hommes se ressemblent tous, plus ou moins.

    Mais aussi, et surtout, parce qu'il m'effraie dans le fond. N'avoir pu rien faire face à cet homme. Je me suis juré de ne plus reculer devant les autres. Quelque soit le danger qui se présentera face à moi. Peste soit de ce pirate ! Qui ne sait même pas naviguer, cela dit en passant... Non, vraiment, chacun sa merde et tout le monde ira pour le mieux.

    Je ne peux que scruter les alentours avec exaspération. Ils sont toujours aussi déser...

      -Mademoiselle Jaioubliétonnom ?


    …Tic. Un tic agite un de mes sourcils. Je ne le crois pas. Il est là. Il m’a suivie. Bon, j’me suis pas tant éloignée que ça. Mais vu l’accueil que je lui ai servi, il aurait dû comprendre… Et ben non. Il est devant moi avec son air d’imbécile niais et heureux. Je me pince l’arête du nez, expire leeeeeeeentement… Calme. Faut que je me calme. Le poids de la fatigue me retombe d’un coup sur les épaules. Le dirigeable, le silence régnant en maître ici, puis ce pirate... C’est une note un peu salée pour mes nerfs et ma pauvre tête.

    Je relève la tête et le foudroie du regard. Inspiration. On prend un air sérieux et on détache bien les syl - labes.


      -Je crois qu’on est très mal compris, toi et moi ! De un, quand je disais que tu m’exaspérais, c’était pas pour rien… Et de deux, à ton avis, quand je pars pour vous éviter, toi et ton très sympathique copain, c’est pour quelle raison ?

      -M’éviter ? Haha ! Personne ne peut échapper au destin. Et si le ciel m’a mis sur ton chemin, moi, le grand Lloyd Barrel, c’est qu’il y a une bonne raison ! C’est même une bénédiction ! Et puis, tu parles de me faire la peau… Mais t’en crois-tu vraiment capable ?


    Je le fixe de haut en bas. Un air si assuré et orgueilleux. Agaçant. Définitivement agaçant par cette insolence que je crois voir dans ses yeux. Cette même insolence qui me questionne sournoisement. « T’as les capacités pour le faire ? Nan ? Ferme-là et marche avec les autres dans ce cas ». Les phrases qui détruisent tout de leurs mots à crampons, le genre de trucs qu’on te balance à la figure et qui te font cracher du sang. Je ne cille pas. Faut tenir bon jusqu’au bout. Un jour, je vais me le faire, c’est certain. Je lui tomberai dessus et il ne comprendra pas ce qui lui arrive.


      -… Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te baffer…

      -Je suis le grand Lloyd Barrel ?


    C’est certainement la personne la plus égocentrique qu’il m’ait été donné de rencontrer. Un silence  passe. Ma raison tente de calmer le volcan qui bouillonne. Ça monte, ça monte. Et ça va finir par péter…



      -… Tu me les casses vraiment. Mais contrairement à toi, j’ai rien qui pend entre les jambes, j’risque pas d’avoir mal.

      -Quelle vulgarité dans la bouche d’un si joli brin de fille ! Seulement, même la patience du grand Lloyd Barrel a ses limites… Reparle-moi comme ça et je te tue.



    Je ne cherche même plus à comprendre. J’ai juste retenu sept mots : « joli brin de fille » et « je te tue ».  Ahahah. Il veut jouer au bouffon ? On va jouer alors. Tout s’envole. Les livres sont balayés de la table, comme j’envoie balader la dernière tige de maîtrise de soi que j’ai.

    Et le bouchon saute de la bouteille de champagne.


      -T’as rien à m’apprendre, imbécile. Je parle comme je veux, et c’est pas un pirate qui va me donner une leçon de savoir-vivre. Arrête avec ce ton de sale petit  arrogant, ces « grand Lloyd Barrel ! ». Y’a rien qui te place au-dessus de moi.



    C’est la fête. On a allumé la mèche des bougies. Ah, et celles des canons par la même occasion.
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    "T’as rien à m’apprendre, imbécile. Je parle comme je veux, et c’est pas un pirate qui va me donner une leçon de savoir-vivre. Arrête avec ce ton de sale petit  arrogant, ces "grand Lloyd Barrel !". Y’a rien qui te place au-dessus de moi.", siffle la demoiselle en réponse à tout ce que j'ai pu lui dire de sympathique. Malgré les avertissements que je lui ai donné. Elle s'entête ? C'est son problème : si elle veut jeter sa vie aux orties, c'est elle que ça regarde.

    Après sa phrase, un silence étrange se pose entre nous. Un silence que je brise comme mon poing sur sa joue. Elle cabriole quelques mètres plus loin, mais parvient à se réceptionner tant bien que mal. Hmmm... On dirait que je l'ai un peu sous-estimé, la donzelle... Elle a pas l'air si nulle que ça. Mais bon... Il est clair qu'elle ne fait pas le poids. Elle  passe son poing contre sa joue toute boursouflée, et me lance un regard noir, assassin, tandis qu'elle dégaine deux sabres.

    "Héhé... Quel dommage ! Maintenant ton joli visage est tout abîmé !", commencé-je en ricanant. Je reprends : "Mais... C'est pas encore assez, à mon goût..."

    Elle semble mal réagir à ma provocation, et se jette sur moi, l'arme sortie, et tente de m'asséner un coup de lame horizontal. En réponse, je plonge au sol et lui fauche ses deux jambes d'une splendide talonnade. Elle chute lourdement, et mange à nouveau le gravier, lâchant ses armes par la même occasion. Je m'approche alors d'elle, m'accroupis à sa hauteur et lui relève la tête en l'agrippant par ses longs cheveux noirs tout emmêles de poussière. Tout en continuant de la tenir, je me relève sur mes deux jambes... Et continue en lui envoyant mon genou droit en pleine face, avant de la lâcher et de la laisser retomber au sol une fois de plus. Voila qui devrait la calmer, et la dissuader de me manquer de respect une fois de plus. Et si ça lui suffit pas... Bah. Je la tuerai. C'est loin d'être le plus important de mes soucis, car si Yskino dit vrai à propos du bateau qui coule, on risque de se retrouver coincés ici... Et tous les deux en plus... Et honnêtement, le Cap des Jumeaux, malgré tout ce qu'on en dit, ça a un peu l'air vide d'animation et rempli de péquenots. Hé mais en plus... Il y a tout notre blé à bord ! Définitivement hors de question que le Galahad coule dans ce cas !

    "Yskino ! Tu vas te bouger de me réparer le bateau ! Je m'en fous de comment tu t'y prends, mais si un seul berry à bord prend la flotte, je te tue ! Et je te garantis que je le fais ! Je te mets dans un tel état que même ton petit frère te reconnaîtra plus s'il vient chialer sur ta tombe !", m'écrié-je en me retournant vers lui, de façon à ce que l'autre borgne m'entende de manière claire et concise. Et là, j'assiste à un spectacles des plus... Inattendus. La jeune femme vient en effet de se remettre d'aplomb sur ses deux jambes, en se triturant un nez couvert de sang. Haha. On dirait que j'ai fait fort. Je me demande d'ailleurs si je n'ai pas déjà fait cet enchaînement à Yskino au tournoi à Verterre... Eh mais si, c'est bien ça. Et il en était ressorti dans le même état qu'elle. Pourtant, ça ne l'avait pas empêché d'en redemander. Et la donzelle ? J'évite in extremis un estoc aux sabres qui m'entaille mon veston, et manque de m'arracher un morceau de ventre. Apparemment, oui, elle en redemande aussi.

    "Dix centimètres trop à droite. Le prochain, il fait mouche.", dit-elle froidement, du sang dégoulinant sur ses lèvres. Et merde... Déjà que c'était une chieuse, voila maintenant que j'en ai fait une furie... Sa bouche s'entrouvre légèrement : "L'averse d'été."

    Elle rengaine alors son sabre recourbé et envoie dans ma direction une série de piques très rapides de son autre, que j'esquive de justesse grâce à une série de bonds en arrière. Puis, au premier rocher de taille suffisante que je rencontre sur ma course, je prends appui dessus en fléchissant mes jambes, et m'élance pour contre-attaquer. Bras gauche replié vers l'avant pour bloquer, bras droit armé à la hanche pour cogner, je fuse sur la jeune femme, qui au lieu de se placer en garde, esquisse une botte. En effet, c'est le plus intelligent à faire contre quelqu'un de désarmé, et, si je me battais à l'épée, je ferais sans doute la même chose. Seulement, contre moi... Ça ne prend pas. De la main gauche, je viens enrouler sa garde et empêche son coup de porter ses fruits. Sabreuse compétente (à ma grande surprise) qu'elle est, elle réagit quasi-instantanément en se plaçant en garde haute. Là encore, c'est un très beau mouvement défensif qu'elle effectue. Malheureusement... Elle se sur-estime. Et j'adore quand mes adversaires se sur-estiment. Ma frappe se décoche à toute vitesse et part s'écraser sur le plat de sa lame, qui vole en éclats sous la violence de l'impact. Sa posture brisée, mon poing finit sa course en la touchant en pleine poitrine, la faisant chanceler et tomber à la renverse, les morceaux de son arme tombat à ses côtés.

    "Hahaha... Décidément... Tous ces sabreurs me font bien rire. Pour qui se prennent t-ils ? Sous prétexte qu'ils ont une arme, ils se croient supérieurs aux combattants à mains nues ?", lâché-je dans un éclat de rire. Je reprends, massant mes phalanges tout de même un peu endolories par la violence du choc : "Moi, le grand Lloyd Barrel, je vais te confier une vérité : les sabreurs, les artilleurs, ou bien ceux qui se battent au bô, aux saï, ou même aux tonfas... Ce sont des lâches. Des êtres inférieurs qui essaient tant bien que mal de compenser leur manque de volonté et de force en se servant d'armes, des perdants qui se voilent la face et se cachent derrière un morceau de fer ou de bois. La seule vraie force... C'est celle qui fait cracher les poings comme de la mitraille, celle qui tire son énergie des tripes et qui est forgée en mental plutôt qu'en métal... La force pure, la force bestiale.", conclus-je en la toisant de toute ma magnificence, que dis-je, de toute ma majesté. Et cette déclaration (qui s'avère quand même être des plus classes, comportant allégorie, métaphore et jeu de mots), me fait tout à coup penser à ma défaite écrasante contre Mizukawa, digne de celle que je suis en train d'infliger à cette jeune femme. Le genre de spectacle qui a plus de l'humiliation que de l'affrontement. Oui, j'en suis persuadé : le seul combat qui en vaille la peine... C'est celui qui fait parler les poings, celui qui va jusqu'au bout, celui où la victoire est incontestable... C'est celui ou l'adversaire ne se relève pas... Ou plutôt ne se relève plus. Et toi, ma très charmante (bien que très vulgaire) demoiselle, tu vas expérimenter cela.

    "Maintenant, répète.", la défié-je, le sourire en coin.
    "Qu... Hhh... Quoi... ?", s’essouffle t-elle à me répondre. Mais déjà, elle répond sans m'insulter. On dirait que leçon lui est finalement rentrée dans le crâne, à force de l'y enfoncer à coups de poings. Dommage que ce soit trop tard pour elle.
    "Ce que tu disais juste avant. "Y’a rien qui te place au-dessus de moi.", c'est bien ça ? Laisse moi te dire une chose... Y'a tout qui me place au dessus de toi : le sang, l'honneur, et bien sûr la force. J'aurais bien aimé que tu t'en rendes compte avant, parce que t'es pas moche et que tu as des couilles pour m'attaquer comme ça, pour une femme. T'aurais pu avoir un bel avenir. C'est dommage que tu meures ici, comme un chien errant... Mais bon ! C'est la vie, que veux-tu ? Fallait pas défier le grand Lloyd Barrel. Bon, toute cette philatélie m'a gonflé. Adieu !", lancé-je en armant ce qui va être le dernier coup de poing qu'elle recevra, et avant même qu'elle ne puisse murmurer "C'est "philosophie", abruti". Juste avant de porter le coup, je poursuis, et en guise de derniers mots, lui dis : "Ah, et j'en ai encore sous la pédale..."

    Mizukawa, Kanbei, père... J'espère sincèrement qu'ou que vous soyez, vous puissiez me voir à l'oeuvre. J'espère sincèrement que vous êtes fiers de ce que vous avez créé. J'espère sincèrement que le spectacle vous plait. Parce que ce que la donzelle va subir... Vous en prendrez le centuple. Et j'abats mon poing sur son visage.

    BOUM.

    Ou pas. Le bruit sourd que je viens d'entendre s'avère être, après rapide vérification, celui du tir d'un canon d'un bateau qui s'était approché durant mon combat avec la demoiselle. Canon, qui, apparemment, est pointé pile sur mouaaaaaah ! J'ai à peine le temps d'activer pouvoir démoniaque pour transformer mon corps en diamant, et encaisse le boulet avec cette technique que j'ai décidé de nommer Armored Lloyd. Parce que bon, ouais, faut avouer que c'est quand même la classe de hurler ses noms d'attaques avant de les utiliser, donc il vaut mieux en trouver. Ça fait certes un peu con, mais ça fait surtout très héros. Et le grand Lloyd Barrel est un héros. Un héros qui ne comprend d'ailleurs pas beaucoup le pourquoi de cette agression armée, surtout quand elle l'interrompt avant une super action qui venait d'être précédée par une tirade on ne peut plus classieuse. La fumée de l'explosion se dissipe, me laissant apparaître aux occupants du bateau (qui semble être un navire pirate, au vu du jolly roger qui trône au sommet de leur mat) alors que je redevient normal. Et hop, je n'ai pas une égratignure. Sans déconner... Qu'est-ce qu'ils me veulent ces péquenots ? C'est une tradition de Grandline d'attaquer à vue ses confrères de la côte ?

    "Haaaaaalte là, manant !", tonne alors une voix provenant du bateau. Une silhouette en bondit, et, après un saut périlleux des plus spectaculaires, atterrit juste à côté de moi, accroupi, un haut de forme dans la main. Après cette courte révérence, l'homme repose son chapeau sur sa tête. Il doit faire à peu près ma taille, à des cheveux blanc cassé d'une longueur approximativement égale aux miens lorsqu'ils sont détachés, et porte un costume rouge et noir très seyant. Il ouvre son veston de ses mains gantées de blanc, et en sort une rose qu'il accroche à sa boutonnière. Franchement, ce mec à la classe. Mais bon, il a osé m'insulter, donc je dois avouer que ça m'énerve un tantinet...
    "Tu oses me traiter de manant, moi, le grand Lloyd Barrel, capitaine et navigateur des Avalons, pirate primé à 43.000.000 de berry ? Qui es-tu ? Parle !"
    "Moi... ? Je suis... Le fabuleux Mark Swanson ! Capitaine et navigateur des Rosetta, pirate primé à 30.000.000 de berry !"
    "Ma prime est plus grande que la tienne.", laché-je amusé.

    Grand silence. Le vent souffle au Cap des Jumeaux.

    "Damned !", lâche t-il en tapant du poing par terre. Il reprend : "C'est bien vrai. Mais ce n'est pas bien grave, car c'est ma destinée que d'avoir une plus grande prime que n'importe qui un jour !"
    "Mince, moi aussi."

    Grand silence. Une mouette passe.

    "Je t'aime bien, grand Lloyd Barrel. Quel dommage que tu sois un rustre qui ose s'en prendre à une demoiselle à terre."
    "De même, fabuleux Mark Swanson. Sans vouloir me justifier, car je n'ai jamais à le faire, il faut dire qu'elle m'a manqué de respect à de nombreuses reprises, et que malgré mes avertissements, elle ne m'a pas traité avec..."
    "Avec les égards dus à ton rang... Ah, que je connais ce problème ! Bon, si elle a fait ça, tu as bien fait de lui donner une leçon !", me coupe t-il avant de cracher sur la jeune femme qui gît toujours à terre. Il continue : "Et ne me tiens pas rigueur de ce malencontreux boulet de canon que tu as reçu tantôt... Je pensais que tu voulais du tort à cette jouvencelle sans aucune raison ! Quoi qu'il n'a pas l'air de t'avoir trop blessé..."
    "Un simple boulet de canon ne peut blesser le grand Lloyd Barrel !"
    "J'aime cette attitude !", lance t-il le pouce levé. Finalement, il a l'air plutôt sympa ce Mark. Bon, d'accord, il à les mêmes objectifs que moi (ce qui nous fera surement entrer un conflit un jour ou l'autre), mais au moins, il semble comprendre le calvaire que je vis au quotidien d'être entouré d'abrutis irrespectueux.
    "Et sinon, vous venez d'où ? Nous on arrive tout juste de North Blue, et on vient de passer Reverse Mountain. Malheureusement, notre bateau a un peu morflé, et il faut qu'on le rafistole avant de continuer."
    "Pour notre part, nous venons d'East Blue, et nous aussi nous passons à peine Reverse Mountain. Quelle coïncidence !", commence t-il. Il se tourne ensuite vers son navire, et s'écrie : "Dévoués serviteurs ! Venez donc saluer ce pirate fort sympathique que je viens de rencontrer !"

    Il reprend la parole pendant que sa petite équipe, composée de quatre individus, descend du bateau (avec toutefois nettement moins de prestance que lui) : "Et toi, Lloyd, tu as aussi des serviteurs qui t'accompagnent dans ta quête ?"
    "Certes. Un seul, malheureusement, suite à une petite mésaventure. Et encore, je dois avouer qu'il est plutôt turbulent... Mais au moins, il me suit. Il répare actuellement notre bateau."
    "Ne m'en parle donc pas, je ne connais que trop bien ce problème... J'ai le même à bord..."
    "Dure vie qu'est celle des grands de ce monde..."
    "Je ne te le fais pas dire..."

    Son équipage est désormais assez proche de moi pour que je puisse en distinguer les membres : une charmante blondinette aux yeux bleus habillée comme si nous étions en pleine ère glacière, un guitariste portant un chapeau des plus risibles, et deux orientaux aux mines assez perturbantes, l'un d'entre eux me faisant étrangement penser à Yskino. Une belle brochette de pignoufs uniquement bons à servir leur capitaine, en somme.

    "Mes très chers serviteurs, je vous présente le grand Lloyd Barrel, capitaine de l'équipage des Avalons. Lloyd, voici Bamboleo, notre musicien..."
    "Ola. Ravidado de hacer tu connaissancia."
    "... Irena, notre médecin..."
    "Pouah... Ce qu'il fait chaud ici..."
    "... Et notre cuisinier et notre mousse, les deux frangins de l'équipe, Shang et Xiang."
    "Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler serviteur..."
    "..."

    Ouais. Une belle brochette d'allumés. Surtout que je ne comprends pas un mot de ce que son musicien raconte. Mais bon... Ce n'est pas comme si j'en avais vraiment quelque chose à faire.

    "Euh... C'est moi ou cette jeune fille à l'air mal en point ? Elle aurait pas besoin de soins ?", demande alors leur médecin.

    Grand silence. Echange de regards.

    "Euh..."
    "Bah..."
    "On s'en fout, non ?"
    "..."
    "Caramba ! La muerte es sobre ella. Voy a escribir una canción para la occasión."
    "Mais... Elle est pas de ton équipage ?"
    "Ah, non non, je viens de la rencontrer... Je sais même pas si c'est une pirate, a vrai dire, héhé."

    Grand silence, encore. Irena (si tel est bien son nom), part quand même essayer de la remettre sur ses deux jambes. Dommage, elle méritait pourtant toutes ces frappes qu'elle s'était ramassée... Bah, au pire, au vu de son piètre talent et de sa force ridicule, je n'aurais qu'à recommencer... Et la renvoyer par terre en deux ou trois coups. Surtout que je n'ai même pas utilisé mon fruit du démon contre elle... Pour relancer la conversation, je décide d'aller parler à un des deux frères, au hasard celui qui n'a pas dit un mot depuis le début.

    "Eh bien, tu ne parles pas beaucoup, toi dis donc !", lancé-je en lui envoyant une tape, non sans force, dans le dos. Pourtant, il ne chancelle pas d'un pouce. Et ça, c'est vraiment plus qu'étrange. Je reprends : "Comment tu fais pour n'être qu'un simple mousse ?"
    "...", s'abstient t-il de répondre en me lançant un sourire plutôt angoissants.
    "Xiang n'est pas du genre très... "Loquace", dirons nous."
    "Ah oui, c'est bien vrai ça... C'est Shang qui parle à sa place, je sais pas pourquoi d'ailleurs. Toujours est-il que depuis qu'il m'a rejoint, il a pas dit un mot ! Mais ne t'en fais pas, il méritent leur place... Ils sont tellement inoffensifs qu'ils ne parviendraient pas à voler une sucette à un enfant, à deux ! Haha !", m'explique Mark en rigolant.
    "..."
    "..."
    "Bah quoi, c'est vrai, non ?"
    "Oui oui, ne t'en fais pas..."
    "Il manque un truc."
    "... Capitaine Mark."

    Je ne saurais pas dire quoi, mais quelque chose chez ces types est très très louche. Et seul moi, le grand Lloyd Barrel, sait à quel point je suis doué pour savoir dès que quelque chose de bizarre se trame. Et cet équipage cache un truc, c'est mon instinct de héros qui me le confirme ! En tout cas, ce ne serait pas au sein de mon propre équipage qu'un de mes larbins aurait des pensées fort peu enviables à mon égard sans que je m'en rende compte...

    Et Kanbei ? Tu l'as pas vu venir celle la, hein ?

    Hein ? T'es qui toi ?

    Oups, trompé de personne. Désolé.

    Drôle de truc. Je regarde Shang. Ou Xiang. Je sais plus. Ils ont tellement des noms pareils... Quelle idée d'avoir des prénoms aussi similaires, sans déconner ? Bref, je fixe celui qui est plus décidé à parler. Il me dévisage d'un de ces sourires qui veut dire du genre : "Mouahaha, je vais massacrer tout mon équipage et toi avec, et personne ne le saura jamais !". Mais bon, je doute que ce soit ça. En tout cas celui qui reste silencieux m'intrigue. Il y a... Quelque chose de malsain dans son absence de paroles. Et je suis sûr qu'il est plus fort qu'il en a l'air.

    "Hé Mark...", commencé-je, une étincelle dans le regard. Je continue : "Ça te dis qu'on se fasse quelques petits combats amicaux ? Ton équipage m'a l'air intéressant. Et je veux voir quel niveau ont des pirates qui vont sur Grandline, comme je viens tout juste d'arriver..."
    "Ma foi, quelle fort bonne idée ! J'adore les défis ! Et tu vas combattre tout seul ?"
    "Non, non, je vais appeler mon larbin pour qu'il participe aussi.", lui dis-je lentement. Puis, je m'écrie : "Yskino ! Ramène toi par ici ou je te fais la peau !"
    "Haha, en voila un meneur qui sait parler à ses hommes ! J'imagine que tu vas vouloir m'affronter, n'est-ce pas ? Ce serait normal après tout, car je suis le fabuleux..."
    "Non non.", le coupé-je aussitôt.

    Je pointe du doigt chacun leur tour les deux frères.

    "C'est eux que je veux affronter."

    Grand silence. Tchang et Tchang se lancent un regard hésitant.

    "Mais enfin... Quel intérêt ?! Je te l'ai dit, grand Lloyd Barrel, ils ne pourraient faire de mal à une mouche... !"
    "Ça m'est égal. Au pire, ce ne seront que quelques secondes de perdues, n'est-ce pas ?"
    "Bon, admettons... Allez-y, mes serviteurs ! Et tachez de tenir plus de dix secondes, haha !"
    "C'est obligé ?", demande Tchang, un sourire malsain vissé à son visage. C'est vraiment louche.
    "Mais voyons ! Si l'incroyable, le fantastique, le fabuleux, le..."
    "Eh bien d'accord. Essayons..."

    Nous nous tournons tous, même Irena qui semble avoir réussi à réparer mon ex-adversaire, vers celui que l'on pensait muet. Je n'aime pas ça, mais alors vraiment pas ça du tout... Et en même temps... Je fourmille d'impatience tandis que je retrousse mes manches. Ça promet.

    Spoiler:
      Crétin de snob.
      D'abord, il m'ordonne de retourner sur le navire pour y récupérer le peu de monnaie qu'on a dessus avant que les billets ne prennent l'eau. Je l'aurais bien envoyé sur les roses, mais il faut avouer que sauver le fric n'est pas une mauvaise idée...
      Mais ensuite, il  me gueule de venir, pour je ne sais quelle raison stupide, encore... Et bien il peut toujours attendre...

      Parce que le problème pressant, c'est ces types... Sérieusement, je flingue le Galahad en ouvrant une brèche, et hop, un navire providentiel se ramène pour trimballer Lloyd jusqu'à l'île suivante ? C'est pas un peu facile ça ? Comme si j'allais laisser les choses se passer ainsi...

      J'ignore donc complètement le rejeton des Barrel, et embarque discrètement sur l'autre navire. Là-bas, Lloyd commence tout juste à se battre. Ah. Il m'a appelé pour que je l'aide à combattre ? Hé ben il peut toujours courir...

      Il y a cinq personnes qui ont débarqué. C'est peu, du coup, il y en a peut-être encore sur le navire. Prudence. A peine arrivé sur le pont je m'éloigne de la passerelle et m'accroupis pour qu'on ne me voit pas de là-bas. Puis je regarde aux alentours. Des bouts bien enroulés, des tonneaux... Rien d'extraordinaire. Une entrée pour l'intérieur du navire vers le milieu du bateau, et une porte donnant sur des cabines à l'arrière. En général, c'est là que se trouve les gradés... Mieux vaut explorer le navire lui-même d'abord pour savoir combien de gens sont encore à bord... Les marins débarquent en général une fois le bateau sécurisé, pas immédiatement, contrairement à ceux qui commandent...

      Je parcoure donc le premier pont intérieur. Seize canons, adossés à leurs sabords. Huit de chaque côté du navire. De quoi faire un peu de boucan, même si c'est de l'artillerie légère. Un espace de vie au milieu. Vide. Y a personne.
      Deuxième pont. La cuisine, un dortoir, une grande salle de rangement avec des tonneaux d'eau douce, de poudre, de boulets... Vide. Encore personne.
      Un peu plus loin, l'armurerie. A peine entré, je siffle d'admiration. Je m'approche doucement. De beaux sabres, des haches, des hallebardes, des mannequins d'entraînement sont là. Mais je m'en tape royalement. Je n'ai d'yeux que pour le mur, où est accroché une série de fusils.

      "Les enfoirés, ils ont de l'équipement... Des Brown Bess !"

      Fusil standard, certes, mais d'excellentes qualité... Et ils ont non seulement le modèle classique, mais aussi d'autres plus exotiques, comme le Long Land Patern, spécialisé dans le tir à grande distance, et le Short Land Patern, pour un tir plus rapide sur des cibles mouvantes peu distantes... J'hésite un peu, puis m'empare de ces deux dernier modèle. Je ne peux pas vraiment en prendre trois, je serais trop chargé... Autant sacrifier le classique, intermédiaire, qui ne me sera pas aussi utile que les deux autres.
      Je vérifie que les armes sont chargés, m'empare d'un petit sac de balles et de poudre, et poursuit l'exploration.

      Ballaste. Vide. Salle des ancres. Toujours personne. Bon.
      Ils ne sont que cinq sur ce navire ou quoi ? Ils sont téméraires ces gars...

      Rappelle moi qui navigue sur Grand Line avec seulement un compagnon?

      De une, le snob n'est pas mon compagnon. De deux, je ne suis pas sur Grand Line et je ne compte pas y aller. De trois, c'est toi qui m'a dit de buter Viald !

      Touché.

      Je remonte sur le pont extérieur, et décide d'explorer la cabine à l'arrière. Un beau bureau laqué est contre une cloison de la pièce, une couchette contre le mur opposé. Il y a aussi une armoire. Et toujours personne.

      Rien sous le lit. Dans l'armoire, huit fois la même tenue, à l'identique. Ça doit être dur de choisir quoi mettre le matin, dis-moi... Dans le tiroir du bureau, des lettres et une espèce de montre curieuse.

      C'est un log pose inculte.

      Ça va, je n'en avait jamais vu de ma vie. Je ne peux pas le reconnaître au premier regard.

      Ce discours de vierge effarouchée...

      Ça veut dire quoi ça ?

      Rien, oublie.

      T'es drôlement complaisant aujourd'hui.

      Hmmm... Bon, tu le prend ce log ? Ça vaut cher cette merde.

      Pourquoi j'irais m'encombrer de ça, j'ai déjà les vingt millions de Lloyd que je peux dérober, si j'ai besoin d'argent...

      Je repose le log, et regarde les lettres.

      A Mark Swanson,

      Je crains que tu n'aies encore une fois fait de GRAVES ERREURS.

      Tu te crois peut-être très fort. Tu n'es qu'un idiot. Tu penses être réputé ? Nul ne te connaît.
      Ton « équipage » est une brochette d'incapable. Et tu es le pire d'entre eux. Tu vas droit dans le mur, et tu en es fier.

      Tu pourrais faire bien mieux, pourtant.
      J'ai envoyé mon vieil ami Anton pour t'assister. Il t'aime bien, il te remettra dans le droit chemin.
      Cesse cette fuite en avant, et reviens vite.

      Ton père,
      Ulrich Swanson


      Lentement, une idée commence à germer dans mon esprit. Une idée pour empêcher Lloyd de poursuivre sa route...

      Lentement ? Je ne te permet pas. C'est moi le génie ici ! Toi tu n'es qu'un idiot incapable de ménager la chèvre et le choux !

      Ta gueule !

      Tu savais qu'un hippocampe mâle portait...

      J'ai dit ta gueule !

      Je m'empare d'une plume dans le tiroir, la trempe dans l'encrier, et me penche sur la lettre. Je prends grand soin d'imiter l'écriture, et de ne pas écrire trop serré, que l'ensemble soit naturel. Bon, un nom d'île à inventer... Sareta, ça ira.

      A Mark Swanson,

      Je crains que tu n'ais encore une fois fait de GRAVES ERREURS.
      Ta cible, Lloyd Barrel, a quitté North Blue pour Grand Line sous ton nez !
      Tu te crois peut-être très fort. Tu n'es qu'un idiot. Tu penses être réputé ? Nul ne te connaît hors de notre petite base locale.
      Ton « équipage » est une brochette d'incapable. Et tu es le pire d'entre eux. Tu vas droit dans le mur, et tu en es fier. Tu va attirer la honte sur notre régiment.
      Toute la marine de North Blue va se moquer de nous allègrement.
      Tu pourrais faire bien mieux, pourtant.
      J'ai envoyé mon vieil ami Anton pour t'assister. Il t'aime bien, il te remettra dans le droit chemin. Il n'est que capitaine, mais sa force est sans limite.
      Cesse cette fuite en avant, et reviens vite.

      Ton père,
      Ulrich Swanson, Colonel de la base de la marine de Sareta


      Je me redresse, pose un buvard sur la lettre, puis l'ôte et examine le résultat d'un œil critique. Ouep, les modifications ne se voient pas.
      Si je présente ça à Lloyd, il ne pourra pas m'en vouloir si je sabote ce navire, n'est-ce pas ?

      Par contre, si tu le sabordes comme le Galahad, il va se poser des questions. Il n'est quand même pas con non?

      Pas faux. Enfin, si, il est con. Mais il pourrait se poser des questions.
      Du genre pourquoi ils ont un log pose, s'il explore le bateau. Du coup je l'embarque. Je le balancerais à la flotte plus tard.
      Je ressors sur le pont. Là-bas, ça se bat toujours. Enfin, un chinetoque est par terre, Lloyd gueule, et les autres regardent, à part les deux filles (l'une étant agenouillée au dessus de l'autre, allongée. Elle est dans les vapes ?).

      "Pourquoi tu ne te bats pas sérieusement ? Arrête de faire semblant !"

      Il a pas l'air content le snob... Mais ça ne ressemble pas à un combat à mort ça. Il fait ami-ami avec les autres ? Baaaah, pas grave.
      Je descends au deuxième pont, dans la réserve, après avoir attrapé un bout sur le pont. Tonneaux de poudre, bout, du feu...

      Je place les charges, les mèches (suffisamment longues pour que je me tire), et les allume. Puis je me tire. Pas simple, avec les deux fusils en bandoulières, mais bon.

      Je remonte sur le Galahad, qui prend bien l'eau à présent. J'en sort le fric. Pas la peine de le perdre...
      Et maintenant ?

      L'autre navire ne va pas tarder à péter. Mais là-bas ils sont cinq. Lloyd peut sans doute tous les fracasser. Mais eux ne le savent pas. Du coup, ce n'est pas impossible que deux ou trois d'entre eux viennent par ici. La solution logique est donc de m'éloigner du bateau pour me planquer, et éventuellement les abattre de loin.
      Problème, où me planquer ?

      Dans l'eau ? Merci pour les fusils. En plus, à la sortie de Reverse, il y a un sacré courant...
      Vers le phare ? Je m'approcherais d'eux. Pas très discret.
      Red Line ? Ouais, l'idéal serait que je longe prudemment le bord de l'eau, pour les contourner, puis que j'escalade un peu la falaise et que je me planque sur une vire...

      Je pars donc vers les rochers. Mais j'ai à peine le temps de faire quelques pas que la déflagration retentit et que le navire nouvellement arrivé vole en miettes. La vache, j'ai forcé la dose...
      Je me tourne vers le groupe là-bas, qui me rend mon regard...
      Bon, il va falloir que je manipule le snob pour qu'il tabasse ces crétins... Notre relation est un foutu jeu de dupes.
      Je pourrais aussi faire l'inverse et manipuler les crétins pour qu'ils butent Lloyd, remarque...
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      Deux portes qu’on se prend dans la figure, successivement. D’abord, le coup qu’on croit recevoir, qu’on attend, qu’on attend… Qu’on attend toujours. Qui ne vient pas. La fatigue prend le relai, te prend la tête à deux mains et t’éclate la tronche contre le sol. Bam. Noir complet. Un gouffre inexploré de l’esprit qui m’aspire.

      Un goût métallique, puissant, qui me prend à la gorge. Et me retire de ce monde de ténèbres. Ecarquiller les yeux brusquement, avaler des goulées d’air marin qui me cisaille les poumons. Retour dans le monde des vivants. La lumière du soleil floute ma vue. Je cligne des yeux le temps que ma vue s’adapte.

      Le feu d’artifices fait son entrée quelques mètres plus loin. Une déflagration emporte les miettes de ce qui devait être un navire. Suffit de regarder autour de moi pour comprendre que j’ai raté beaucoup de choses. De deux personnes se trouvant sur le Cap… On est passés à sept.

      Une grimace déforme mes traits quand je tente de me relever. La vache, il m’a pas raté cet enfoiré. La douleur parcoure mon corps comme des milliers de petites aiguilles. Pourtant, y’a autre chose que le sang qui a envahi ma bouche. Quelqu’un a pansé mes blessures. Sûrement pas l’autre imbécile heureux.

      J’ai la tête qui tourne. Tout s’emmêle, se mélange. Les sons, les visages, les voix, la lumière. Un tourbillon flou qui me donne la nausée. Je réprime un haut le cœur, tandis qu’une main glacée se pose doucement sur mon épaule :

      -Ça va ? Tu n’as pas trop chaud au moins ?

      -Non, c’est bon…

      Je ne relève même pas sa deuxième question qui aurait dû me paraître étrange. Assise en tailleur, je cherche quelque chose à ma ceinture.

      …Vide.

      Le fourreau est vide. Non ? J’ai le cœur qui chancelle brusquement, le sang qui se glace et les jambes flageolantes. Mauvais souvenir que de se rappeler de la manière dont ce blondinet arrogant a brisé un de mes sabres. On fera avec... En attendant, je ne comprends strictement rien à la situation. Y’a des morceaux de bois qui traînent çà et là, entraînés par le souffle de la déflagration. Comment ont-ils réussi à en arriver là ?

      -Mais qu’est-ce qui s’est passé pour en arriver à un bazar pareil ?

      -Le capitaine qui t’a attaquée a voulu combattre amicalement des membres de notre équipage. Et quelques minutes plus tard, le navire avait explosé. Il n’y avait que le borgne qui se trouvait juste à côté.

      … La discrétion et eux, ça fait plus de deux apparemment.

      Le regard de la blonde transperce de part en part le pirate Lloyd Barrel et son ami borgne qui semblent être en pleine discussion. Trop loin pour que je les entende. Dommage. Je vrille aussi les deux hommes. Ou plutôt le blondinet. Je frémis en repensant à la raclée qu’il m’a mise. Oui, raclée. Un bon coup de pied au cul qui fait redescendre sur terre. Je l’ai pressenti pourtant. Et j’ai fait mon orgueilleuse. Je sais bien à quoi m’en tenir à présent. Je ne nie pas que j’aimerais bien que ce sale petit arrogant se prenne une bonne dérouillée. Seulement, il a bel et bien la puissance. Moi, je n’ai que des larmes pour pleurer ma défaite et l’humiliation qu’il m’a faite.

      Mes pupilles se posent sur les compagnons du médecin. Ils semblent attendre des réponses quant à cet « incident ».

      Me venger de ce qu’il m’a fait.

      Il y aurait peut-être un moyen de poser un obstacle au pirate Barrel.

      Il a dépassé les limites du possible

      Tout le monde le sait, la seule chose que je sache faire de mon mieux, c’est gueuler. Alors, ça va gueuler. Mec, tiens-toi prêt. J’suis pas prête d’oublier ce que tu m’as fait. J’suis pas prête d’oublier qui tu es. Au moment où tu te casseras la figure dans les escaliers, je serais là pour rire.  Pour l’instant, j’peux pas te mettre à genoux. Mais on est sept au total. Ton compagnon m’a fait un beau cadeau en éclatant leur navire.

      Gonfler ses poumons et…

      -S'PÈCE D’ENFOIRÉ, APRÈS M’AVOIR ÉCLATÉ LA TRONCHE, TU BOUSILLES LEUR BATEAU ?

      Je ne suis pas encore morte. Qu’est-ce que tu crois ? Que je vais rester à ruminer mes peurs et à me pousser du chemin ? Moi je dis « non ».
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      "Tu m'expliques pourquoi t'as fait ça ?", l'apostrophé-je en l’agrippant au col.
      "C'est des marines qui se font passer pour des pirates et qui veulent ta peau ! Regarde cette lettre !"
      "S'PÈCE D'ENFOIRÉ, APRÈS M’AVOIR ÉCLATÉ LA TRONCHE, TU BOUSILLES LEUR BATEAU ?"
      "Tu n'avais aucune intention de te battre amicalement, manant ! Tu voulais juste faire diversion pour exploser notre sublime bateau !"

      D'abord le combat contre l'un des deux frères Tchang qui simule et ne se bat pas à fond. Puis Yskino qui éclate leur bateau. Ensuite la gonzesse qui s'allie à eux. Et eux qui se révèlent apparemment être des marines. Tout se passe vite, bien trop vite. Mais quand les différentes pièces du puzzle trouvent à se compléter et forment le dessin final, j'y vois clair et je comprends ce qui se trame... Voila donc pourquoi les deux types me semblaient louche... Et ça explique aussi pourquoi l'autre s'est laissé si facilement défaire, même en ayant pris en compte que je suis le fantastique Lloyd Barrel... Hmmm... Il faut reconnaître qu'Yskino a été vraiment très efficace sur ce coup là, ce qui confirme effectivement que je peux compter sur lui et sur sa fidélité. Bien. Ça risque de m'être utile, au vu du combat déloyal à six contre deux qui semble se préparer...

      "Tu pensais pouvoir me duper encore longtemps ?!"
      "Tu pensais pouvoir me duper encore longtemps ?!"


      Grand silence.

      "Ne comptez pas vous en tirer si facilement, toi et ton complice... Je vais vous apprendre par la manière forte qu'on ne s'en prend pas impunément aux Rosetta Pirates !", lance Mark, dans un état d'énervement sans égal. Il continue, mais cette fois en hurlant encore plus : "AUX ARMES ! TUEZ MOI CES CHIENS !"

      La demoiselle et lui dégainent leurs sabres. Leur médecin sort quant à elle un jeu de scalpels. Le musicien au langage incompréhensible se prépare sans doute à jouer une mélodie aussi gutturale que diabolique. Yskino se met en joue. Et moi, j'éclate de rire.

      "Hahahaha ! Vous savez ce que je déteste plus que des marines... ?", commencé-je, faisant monter la pression jusqu'au seuil d'explosion. Je reprends, en désignant très précisément la jeune femme à qui j'ai collé une raclée il y a quelques minutes à peine : "Ce sont des marines qui n'ont pas de couilles et se font passer pour des pirates. Et toi, c'est pareil c'est ça ? J'aurais du m'en douter..."

      Je m'approche d'eux, laissant mon seul allié en retrait, et je commence à enlever mon manteau.

      "Tu dis vouloir m'apprendre la vie, Swanson, à moi, le magnifique, le superbe, le légendaire Lloyd Barrel ? Tu te crois fort, entouré de tes serviteurs et en me défiant en supériorité numérique ?"

      Je laisse tomber au sol ma cape verte, et me fais craquer les phalanges et le cou.

      "Mais quoi que tu fasses, qui que tu prennes sous tes ordres, ça ne marchera pas. Que vous soyez six, cent ou bien même mille... Je ne peux pas perdre contre vous. Et je vais te dire pourquoi."

      Je suis désormais à deux pas de ce soit-disant "équipage pirate", fixant dans le blanc des yeux leur capitaine et le toisant de tout mon être.

      "Parce que j'ai quelque chose en plus que ce ramassis d'incapables derrière lesquels tu te terres..."

      Et les reflets du soleil me traversent tandis que je transforme la totalité de mon corps en diamant, grâce aux fantastiques pouvoir de mon fruit et de ma nouvelle technique, Armored Lloyd.

      "Une destinée."

      Et, usant de ma technique Brilliant Punk en profitant de la stupéfaction générale, je me jette sur leur médecin, que je percute de tout mon poids. Déséquilibrée, la blondinette ne peut pas esquiver la frappe adamantine qui s'en suit et... Se retrouve transpercée par un poing dont les métacarpiens transformés en diamant sont devenus aussi tranchants que des lames de rasoir. Du sang s'écoule de sa bouche et de ses yeux perlent des larmes. Elle meurt sur le coup. Aujourd'hui, sous le soleil de plomb du Cap des Jumeaux, j'ai tué pour la deuxième fois de ma vie. Et je me souviens de cette promesse que je me suis fait il n'y a pas si longtemps de ça, celle qui m'a permis de construire les fondements de ma nouvelle vie.

      Il faut parfois faire ce qui doit être fait, car la fin justifie les moyens.

      "IREEEEEENAAAAAAAAAAAAA !", hurle un Mark qui vient de comprendre ce qui venait de se passer en une fraction de seconde. Comme pour le provoquer encore plus et le faire sortir de ses gongs, j'extirpe mon poing du corps sans vie de son ex-compagne d'aventure en la repoussant avec mon pied. Le cadavre tombe au sol, crachant une gerbe de sang du trou béant laissé par l'impact de mon coup.

      "A qui le tour ?"

      Le capitaine ennemi, dans un mélange de tristesse et de larmes, fonce alors sur moi, accompagné par la demoiselle aux cheveux noirs, qui elle garde bien une distance de sécurité, ayant sûrement encore en bouche l'amer goût de la cuisante défaite qu'elle essuyé auparavant. Lorsque je vois ces deux sabreurs se jeter sur moi, je sais que je peux éviter leur assaut d'un saut en arrière. Pourtant, je ne bouge pas et reste de marbre, c'est un test : je veux voir de quoi je suis capable, et jusqu'à quelle mesure je peux compter sur cette fameuse destinée en laquelle je croyais dur comme fer. Finalement, leurs lames me touchent, et viennent s'écraser sur moi comme une feuille qui tomberait au sol. C'est sans espoir. Je souris lentement, et vois le désespoir remplir leurs yeux au fur et à mesure qu'ils comprennent que leurs efforts sont vains. D'un coup de paume dans le torse chacun, je les repousse sur quelques mètres en leur coupant la respiration. Je comprends désormais ce que pouvait ressentir Mizukawa lors de notre affrontement... Ce sentiment de domination pure et dure, cette force écrasante que j'abats sur mes ennemis... C'est jouissif. Et je retrouve cette impression que j'avais eu pendant toute une année durant, et que j'avais perdu lors de mon passage de Reverse Mountain. Désormais, je me sens à nouveau invincible, inarrêtable, sans crainte aucune de l'avenir. Ce nouveau pouvoir est apparu dans ma vie comme une bénédiction, comme une tape dans le dos du destin. C'est une nouvelle arme qui me permettra de me débarrasser de mes ennemis, et pire...

      Kanbei.

      En repensant à cette ordure, j'envoie une frappe sans aucun contrôle dans l'épaule de Mark qui semble encaisser bien mieux que son ancienne subordonnée. Arrive alors ce fameux moment dans l'affrontement ou plus personne n'attaque et ou les combattants reprennent leur souffle, ayant jaugé leur adversaire et sachant de quoi il est capable. Sauf que moi, je ne suis même pas haletant.

      "Déjà fatigués ? Rassurez vous. Dans quelques instants vous pourrez vous reposer... Pour l'éternité !", lancé-je alors avec une classe difficilement imitable, en fusant sur eux. Ma course folle est alors tout à coup arrêté par un coup de pied qui s'écrase violemment sur ma joue et qui, bien qu'il ne me blesse pas, m'envoie tout de même valdinguer plusieurs mètres plus loin.

      "Qu... ?"

      Je relève mes yeux de cristal et sur qui je tombe ? Tiens donc, comme c'est intéressant, comme il est bon d'avoir raison ! C'est Tchang. Ou peut-être bien l'autre, je sais plus. En tout cas, c'est l'asiatique muet sur lequel j'avais des suspicions dès le départ. Par contre, ce que je n'avais pas prévu... C'est qu'il est au moins aussi fort que moi, vu la violence du coup que je viens d'essuyer... Sans ma forme de diamant, c'était la fracture à coup sûr...

      "Tiens donc... Peu bavard mais costaud hein ? Pourquoi tu diminues ta force ?",, demandé-je sérieusement.
      "Parce que mon frère me l'a demandé."
      "Héhéhé... Il semblerait qu'on ne puisse pas faire confiance à ces abrutis pour nous débarrasser de toi. Alors il faut bien qu'on s'y colle nous même, non ? Parce qu'à ce rythme là, si on fait rien, on va tous y passer.", dit alors celui qui joue le rôle de la pipelette du couple, et qui vient de s'avancer jusqu'à moi.
      "Hahaha ! Bien deviné, je l'avoue. Ton frère est très fort, c'est indéniable. Peut-être au moins autant que moi, bien que j'en doute fortement... Malheureusement, comme tu l'as vu, je suis indestructible.", réponds-je alors en me relevant et en montrant qu'effectivement, je n'ai pas une égratignure.
      "Ah... Les utilisateurs de fruits du démon... Tous plus arrogants les uns que les autres."
      "Ce n'est pas de l'arrogance à ce niveau là, microbe. On appelle ça la vérité."
      "Non... Tu vas voir que la vérité est dure à encaisser."

      Et Xiang (ah, ça y est !) m'envoie un autre coup de poing en plein ventre. Haha ! Comme si j'en avais quelque chose à faire ! Je me prépare donc à le prendre de plein fouet, et à me moquer de sa tentative ridicule. Seulement, au moment de recevoir sa frappe, je me rends compte de quelque chose d'anormal : son poing est devenu tout noir. Et là, en même temps que ses phalanges brisent mon ventre transformé, je ressens la douleur qui m'envahit. Une douleur sourde, comme si j'étais nu, sans armure. Un douleur qui s'infiltre au plus puissant de mon être, sans contourner les barrières mais plutôt en les submergeant, comme un raz de marée d'énergie qui me défilerait dans le corps. Je suis propulsé plusieurs mètres plus loin. Et je hurle, comme pour couronner le tout, tandis que je reprends ma forme "humaine" et que je tousse du sang. Comment est-ce possible ? Un fruit du démon ? Non, son frère n'aurait pas prononcés ces mots sinon... Ce n'était pas non plus du granit marin, je ne pense pas. Blessé, je me re-transforme alors sans peine. Mais la douleur est pourtant bien présente.

      "Super Xiang ! Mais... Comment t'as fait ça ?!!"
      "Ça ? C'est la vraie puissance Mark. Celle que toi, ta bande d'abrutis et ce con n'ont pas. Il est facile de trouver un fruit du démon par hasard, de le manger et de se sentir fort. Mais la vraie force, ce n'est pas ça. La vraie force, ce n'est pas celle qui vient du mental, ni celle qui vient des tripes. C'est celle qui vient de la destinée, du monde, d'une connexion privilégiée avec le divin : le haki."

      Son dernier mot résonne dans mon crâne comme s'il avait été balancé sur un gong. Ce n'est pas possible.

      "Foutaises ! J'ai déjà vu à quoi ressemblait le haki ! C'est une force mentale surpuissante qui s'infiltre dans ton corps et qui...", commencé-je, avant de m'arrêter, me rendant compte que mes paroles sont dénuées de sens. C'est exactement la même sensation que j'ai ressenti face à Mizukawa, lorsqu'il a utilisé son haki sur moi. Mais pourtant... Je reprends : "Quoi qu'il en soit, ça ne ressemble certainement à cet espèce de poing noir qu'il m'a fait !"
      "Le haki est une force détenue par tous les êtres vivants de ce monde, que seuls de rares élus parviennent cependant à éveiller. Il s'agit en fait de l'expression de l'énergie spirituelle d'un individu, pouvant se manifester sous trois dégradés selon la personne : l'Armement, l'Observation, et la Royauté. J'utilise l'Armement. Il permet de déployer son énergie et de frapper la vraie nature des choses, et rend donc les pouvoirs de ces arrogants utilisateurs de fruits du démon sans aucune utilité, en plus de renforcer physiquement celui qui l'emploie.", explique alors calmement Xiang.
      "Tu dois te sentir con, hein, après ton petit discours sur la destinée ? Mon frère va te montrer ce que c'est vraiment."

      Je lâche un grognement, tandis que dans ma tête se bouscule une foultitude d'envies de meurtres et de questions. Peut-il utiliser ce pouvoir à volonté ? Y'a t-il des limites ? Et surtout... POURQUOI JE SUIS INCAPABLE DE FAIRE CA, MOI, LE GRAND LLOYD BARREL ?! Et ça me met hors de moi. Haki ou pas haki, je vais lui faire la peau à cet enfoiré. Je vais leur faire la peau à tous. Et le temps presse, apparemment. Tournant la tête, je me rends compte qu'Yskino est aux prises avec le musicien incompréhensible... Et que même s'il a du mal à supporter sa musique particulièrement inaudible, il a largement le dessus. Seulement, étant donné que seul Xiang est capable de me blesser, il est plus que probable que tout le reste de l'équipage et l'impétueuse demoiselle aille tenter de lui régler son compte. Et je ne peux pas me permettre de perdre un élément aussi précieux. Surtout que...

      Je ne veux plus être seul. Plus jamais. Je me mets en garde, prêt à défendre chèrement ma peau et mon équipage, mon oeuvre. Et je ne compte pas échouer cette fois.

      "Tu ne sembles pas comprendre, toi qui ne te bats que pour ta petite personne avec colère. Le haki n'est ni du à une émotion, ni du au hasard. C'est quelque chose de supérieur à tout ça... Et c'est sans espoir pour toi. Je vais te tuer. Et ensuite...", annonce froidement mon adversaire. Il continue : "Je tuerai tous ceux qui m'auront vu utiliser cette capacité."
      "Qu... ? Quoi ? Tu ne vas quand même pas tuer tes compagnons... ?"
      "Hein ? Quoi ? J'ai du mal comprendre... Mais non, c'est impossible, je suis le fabuleux Mark Swanson..."
      "Quoi ?"
      "Personne ne doit être au courant de rien, c'est ce que veut Shang. On retrouvera un autre équipage d'imbéciles et on recommencera si besoin est.", dit alors Xiang en désignant toute l'assemblée. Sans exception.
      "Impossible ! Arrête de délirer Xiang ! Tue ce connard et va aider Bamboleo avec moi !", beugle un Mark désabusé qui ne veut pas comprendre. Il s'en va alors en courant, l'arme à la main, et part combattre Yskino.
      "Tu vas les... Trahir ?", demandé-je alors, la boule au ventre. Entendre ce mot m'est déjà douloureux, alors le prononcer...
      "Sans aucun remord."

      Je grince des dents. Je ne sais plus vraiment si ce sont des pirates ou bien des marines. Je ne sais plus si ce sont des connards ou non, ces "Rosetta". Mais une chose est sure... Les deux frères là, je leur fais la peau. Bon. Tant que je retiens Xiang, c'est déjà ça. Mais contre Mark et l'autre, Yskino risque d'avoir du mal. Il faudrait donc que je trouve un moyen de... Mais oui, c'est bien sûr... Parfois, non tout le temps même, je m'aime, moi, le grand Lloyd Barrel.

      "Hé bidule !", lancé-je en direction de la jeune femme, qui ne semble pas trop que penser. Je reprends : "Tu as entendu le chintoque, hein ?! Il veut nous buter, tous, et toi aussi ! Alors si tu tiens un tant soit peu à ta misérable vie... Bouge ton cul d'aller aider mon larbin !"
      "Tu veux me tuer aussi de toute manière !", s'écrie t-elle en réponse. Bordel, quelle plaie... Elle a donc tout dans la bouche et dans les seins plutôt que dans le crane ?

      Xiang passe à l'attaque, sans utiliser son haki, profitant du fait que j'essaie de la persuader. J'encaisse ses coups difficilement, mais au moins, je ne me fais pas plus blesser. Et visiblement, ça commence à l'énerver, donc je doute qu'il résiste à l'envie de continuer à ce rythme bien longtemps...

      "Bouge toi, bordel ! Je promets sur mon honneur et sur mon nom de pas te buter si tu sauves mon larbin !", lâché-je finalement avec amertume. Y'a intérêt à ce que ça marche...
      "Putain !", jure t-elle avant de partir en direction d'Yskino. Bon, c'est déjà ça de fait. Et maintenant...

      "Et maintenant, à nous deux, espèce de sale traître..."
      "Viens prendre ta raclée, connard prétentieux..."

      Les choses sérieuses commencent quand je vois le poing noirci de Xiang m'arriver dessus. En plus de taper fort, ce connard est si rapide que je peine à esquiver l'assaut, et que je suis obligé de le bloquer. Le coup m'érafle le bras gauche, et une fois de plus, je sens toute son énergie pénétrer en moi et me glacer les os. Et cette douleur... Mais je ne reste pas sans rien et lui rentre dedans avec un Brilliant Punk. Presque immédiatement, il saute en arrière, se vrille sur lui même dans les airs, et me frappe à la tête avec un coup de pied "classique" qui m'envoie valser sur le côté. Bordel, il est vraiment doué en arts martiaux, le chancre. Dans ma chute, j'accomplis une roulade parfaite pour ne pas me retrouver au sol et à mon grand dam, de son côté, il se réceptionne également sur ses deux pattes. Je repars à l'assaut, tentant un coup de pied haut qu'il esquive en plongeant au sol. Pour éviter un balayage, je saute presque instantanément et tente de l'atteindre avec un deuxième coup de pied, plus bas cette fois. Roulant sur le côté, il avorte aussi sec ma tentative. Il faut voir le bon côté des choses : tant que je reste sur l'offensive, il ne peut pas se servir de son haki pour m'attaquer... Et il vaudrait mieux pour moi que ça continue dans cette optique là, parce qu'au vu de son niveau... C'est son fluide contre mon fruit du démon. Je retombe par terre sur les paumes, et aussitôt me propulse en l'air dans un mouvement de pompe pour éviter un coup de pied au haki qui était destiné à ma tête.

      Et... Je continue sur ma lancée, attaquant de plus belle, multipliant les esquives et les assauts, sachant pertinemment que que chaque erreur pourrait m'être fatale. Sauf que je ne peux pas faire d'erreur, car je suis le grand Lloyd Barrel... Mais lui non plus. Lorsque je tente de le balayer, il saute. Lorsqu'il contre-attaque en m'envoyant un coup de pied dans la tête, je plonge au sol, et les positions s'inversent. Lorsque c'est un coup de poing qui part, l'autre esquive en glissant sur le côté. Lorsque c'est un coup de coude ou un coup de genou, c'est un saut en arrière qui est employé pour éviter chaque choc. Finalement, après trois minutes d'une danse martiale acharnée, c'est la phase d'attente qui commence.

      "T'es moins nul que ce que je croyais, héhé... Mais c'est ce qui rend ce combat intéressant. J'aime ça ! J'adore ça !", me lance t-il tout à coup de la plus malsaine des manières.
      "T'es vraiment un pauvre malade, toi...", réponds-je sans baisser ma garde, toujours concentré.
      "Un malade ? J'aime me battre, et j'aime gagner. C'est ce sentiment d'excitation qui me donne le sentiment de vivre.", commence t-il. Il continue : "Et nous sommes pareils, toi et moi..."

      Ça y est. Je sais pourquoi ça me perturbe depuis toute à l'heure, de me mesurer à ce timbré. Parce que dans ses actes, dans son raisonnement, dans sa façon de penser, dans ses pulsions de meurtre et de trahison il me fait penser à quelqu'un. Et lorsqu'il répète sa phrase, je ne peux m'empêcher d'entendre une autre voix que la sienne.

      "Nous sommes pareils, toi et moi."

      Et ça bouillonne, ça crépite, la pression monte. La colère surtout, aussi. Au bout d'un moment, forcément, ça explose. Et ça vient plus des tripes, mais carrément de l'âme. C'est un cri d'agonie, sans que je sache s'il est destiné à un homme ou a un spectre. Le diable s'empare des commandes de mon corps, libérant quelque chose d'enfoui en chacun de nous. Et je n'ai pas la moindre idée, ni suffisamment de lucidité pour m'apercevoir de ce que c'est.

      "CASSE TOI ! SORS DE MA VIE, BORDEL ! JE VAIS TE CREVER !"

      Je me jette en avant vers Xiang, perdant ainsi tout mon calme, mon sang froid et ma technique, ne laissant plus place qu'à la rage et au mépris, en relâchant toute la force que j'ai. Et je la sens. La force qui afflue, comme si un torrent de puissance déferlait en moi, comme si toute l'énergie et la volonté de chaque être vivant m'accompagnait, comme si je ne faisais plus qu'un avec le monde. Inondant mon corps telle une pulsion euphorique, la pulsion de vie se synchronise avec les battements de mon coeur, palpite comme le sang dans mes veines, jusqu'à m'enivrer à un tel point que je le ressens jusqu'au plus profond de ma chair et de mes os, à l'instar de lors des assauts de Xiang. A un tel point que plus rien d'autre ne compte que cette frappe, à un tel point que je me fiche de remarquer que son bras se noircit, à un tel point que je me fiche des dégâts que mon corps pourrait subir. Et nos deux poings s'entrechoquent violemment, comme dans ce rêve étrange ou j'affrontais Kanbei. Sauf que dans ce cauchemar surréaliste, les poings, et des deux côtés, n'étaient pas noirs de haki. Je lâche un hurlement, tandis que mon bras s'enfonce dans le sien, arrachant net peau, tissus, tendons et cartilages, et le propulsant en arrière. Et lorsqu'il se relève, je ne peux que constater avec stupeur que sa main est en lambeaux, par terre, qu'il a un moignon sanguinolent au niveau du poignet, et qu'une tache noire comme la nuit sur mon propre membre s'estompe, se résorbant comme un bleu.

      "Alors ça... C'est étonnant..."

      Au sol, serrant fort dans sa main et contre sa poitrine son bras amputé, Xiang peine à croire que je l'ai fait. Et pourtant, oui... Je me suis éveillé au haki... Pour de vrai cette fois. Haletant, peinant à reprendre mon souffle, je me rapproche de lui alors qu'il se relève immédiatement, imperturbable, un sourire malsain vissé sur les lèvres. Presque comme s'il est satisfait de ce qui vient de lui arriver. Son moignon tout tremblotant, il se remet ainsi en garde, prêt à continuer le combat de plus belle. Je fais de même : hors de question de baisser ma garde un seul instant, car je suis certes le grand, le fabuleux, mais également l'impitoyable Lloyd Barrel. Et contre un adversaire aussi puissant, montrer de la miséricorde serait signer mon arrêt de mort, chose inconcevable au vu de tout ce que j'ai à accomplir.

      Nous reprenons, plus violemment encore. J'attaque le premier, toujours transformé intégralement en diamant, et remarque alors que Xiang a changé de garde, sans doute pour s'adapter à son nouvel handicap... Et il ne semble pas vraiment se préoccuper de cela, ni même de sa blessure. Sauf que malgré les apparences, même s'il est si habile qu'il peut se battre autant en droitier qu'en gaucher, un combattant possède toujours une garde préférée à laquelle il est parfaitement habitué... Et je compte bien profiter d'avoir l'avantage d'être dans la posture qui me convient, de jouer selon mes règles, et d'être sur mon terrain. J'envoie une frappe du droit à son visage, qu'il esquive en se déplaçant à peine sur le côté. Tiens... ? On dirait que sa façon de se battre à radicalement changée depuis qu'il a changé sa garde... Et si... ? Je rentre dans la faille que constitue son membre manquant, comme je l'avais prévu initialement, avant de réfléchir à l'éventualité d'un piège ou d'un dernier atout qui serait encore caché dans sa manche... Qui ne tarde pas à sortir pour s'écraser sur mon poing. Ayant sans doute aucun anticipé que je chercherais à l'attaquer par son angle mort, Xiang m'avait laissé venir. Et maintenant, il bloque mon coup avec son moignon qu'il recouvre de haki. Bordel... Ce haki... Cet "Armement"... Il lui permet de bloquer mes coups de poings les plus puissants avec une moitié de bras, en plus que ce soit moi qui suis envahi par la douleur derrière... Bordel. C'est à ce moment précis, lorsque je suis occupé à grommeler à propos de ce pouvoir, lorsque je suis surpris qu'il ait prévu mon attaque et l'ait bloquée, que je me rends compte que ma tête est en avant, exposée. Sauf que lui, il s'en est aperçu depuis longtemps. Son seul poing noirci rencontre ma joue, brise mon diamant, percute mon crâne comme un gong et m'envoie valdinguer plusieurs mètres plus loin. La douleur, comme un écho, va et vient entre mes oreilles, résonnant dans ma tête et me donnant envie de hurler à la mort. Mais je reste silencieux, et je me relève, la totalité de mon corps exceptée la tête transformé en la plus solide des matières... Qui pourtant se fait entamer comme du beurre par le haki de Xiang. Bordel. Nos niveaux sont identiques... Mais son fichu pouvoir lui permet de me dominer aisément. Du moins, pour le moment, car les secondes lui sont comptées, au vu de la quantité de sang qui s'écoule de son bras. L'hémorragie va le gagner petit à petit, et lentement lui faire perdre des forces. Je n'ai plus qu'à temporiser et porter le coup décisif. Le combat se poursuit alors que ma tête se retransforme.

      Et nous enchaînons les coups, chacun se méfiant de l'autre à un tel point qu'il n'est pas possible de l'imaginer, chacun pouvant décocher une frappe hakifiée à un moment ou à un autre. Je prends tout de même l'avantage, petit à petit, seconde par seconde : sa vue doit commencer à se brouiller, et ses réflexes doivent être amoindris... Voila le bon moment ! Maintenant ! Je lui rentre dedans, et envoie un coup à plat du droit dans son ventre, dont il entame un blocage... Avant de se rendre compte que c'est une feinte, et que le coup de poing se transforme en coup de coude uppercut qui touche son menton. J’enchaîne avec une attaque à grande amplitude, du tranchant de la main gauche, visant son bras déjà blessé, qu'il recouvre instantanément de haki. Malheureusement pour lui, me battre aux côtés d'Yskino m'aura appris l'art de la feinte, et il ne comprend pas assez vite que mon mouvement ne visait pas à le frapper, mais à me donner assez d'élan pour effectuer un coup de pied retourné sauté. Grâce à sa vitesse spectaculaire, il bloque ma première jambe grâce au haki... Mais il ne peut alors esquiver la deuxième, celle qui lui était destinée à l'origine par une autre feinte, et que j'abats dans un cri de douleur et de colère sur sa nuque. Il chute lourdement au sol, tandis que je me réceptionne tant bien que mal non loin. Xiang tente de se relever, puis abandonne, relâchant tous ses muscles et crachant du sang. Je connais cette sensation. Je sais ce qu'il ressent. J'ai éprouvé cette douleur contre Mizukawa Sutero, lorsque je ne voulais même plus remuer le petit doigt et que j'étais prêt à accepter la mort. Par moments, il faut savoir accepter la défaite...

      Mais cette règle ne s'applique pas au grand Lloyd Barrel. Car je triomphe. J'ai déjà failli, certes, mais cela n'arrivera plus jamais. Et je suis bien décidé à le prouver à quiconque pensera le contraire. Je me rapproche de Xiang, et mon regard cristallin traverse le sien, le fixant avec un mépris des plus complets.

      "C'est la vie, il y a toujours un vainqueur et un vaincu... C'était toi ou moi.", murmure t-il en râlant, acceptant avec honneur une mort à laquelle il tend les bras.
      "C'était toi ou lui."
      "TA... GUEULE !!", hurlé-je pour que ces voix et ces visions d'un passé que je ne me ressasse que trop souvent cessent. Et dans un mouvement sec et d'une rare violence, sa tête craque brutalement sous mon pied qui l'écrase.

      "Je suis l'invincible Lloyd Barrel, crevure ! Je peux pas perdre ! Pas ici ! Pas maintenant !", continué-je à hurler en massacrant le cadavre de mon adversaire.
      "XIIAAAAAAAAAAAAAANG !", s'écrie alors Shang qui vient sans doute de comprendre ce qui s'est passé, et qui court pleurer sur la bouillie difforme qu'est devenu son frère, juste à côté de moi. Et pour lui montrer ma toute puissance, je le laisse faire. Je balaie l'autre groupe qui se bat de mon regard cristallin. Personne n'est encore mort... ? Les faibles...

      "Xiang... Dis moi que c'est pas vrai... Ne me dis pas que je ne vais plus jamais te voir ! C'est un cauchemar ! Je vais me réveiller !!", hurle à la mort un Shang désemparé, en larmes, perdu. Tsssk... Lui qui semblait si arrogant, si fier, si confiant envers son frère... Je me retourne vers lui, le méprisant de toute ma stature. Et, affichant un sourire en coin, je lui dis :

      "Ne t'inquiète pas Bientôt... Tu seras à ses côtés."


      Dernière édition par Lloyd Barrel le Dim 23 Fév 2014 - 17:04, édité 4 fois
        Merde. Ça n’aurait pas dû se passer comme ça. Jamais. Aider ce con, pour sauver ma peau face à un taré. Mais dans le fond, ils sont tous les deux aussi timbrés. La même arrogance et indifférence devant la mort d’une personne. Des tueurs. D’un sang-froid implacable, sans foi, ni loi. Des criminels. Mon devoir serait de les arrêter. Mais Lloyd Barrel m’a étalée à terre une fois. Puis deux. La deuxième fois, je ne me suis pas relevée. La personne qui m’a soignée git plus loin dans son sang. Pas encore trois. Ça ne devrait pas tarder. Le temps que je sauve son compagnon, on parie combien qu’il viendra me sauter à la gorge ?

        J’en ai des sueurs froides. Une telle sauvagerie. Même une bête féroce ne tuerait pas son semblable aussi directement et sans sourciller. Non. Je n’arrive pas à concevoir que l’homme est son propre prédateur. Il suffit que des démons viennent te titiller, te faire douter mais aussi t’attirer dans un chemin de vices et de désirs innommables, que les valeurs humaines cultivées pendant des années pourrissent en quelques secondes. Voici la folie humaine et sa bestialité.

        Il m’arrive de haïr. De détester avec force et colère. Mais jamais, je ne suis passée à un acte aussi cruel et horrible. Tuer. Tuer de ses propres mains. Voir le sang couler le long de mes phalanges, courir le long de mes avants-bras et perler sur mes coudes, avant de tacher le sol de son pigment vif et clair.

        Je ne devrais pas aider un meurtrier. Pourtant, je cours, je vole au secours de son fidèle… Yskino ? Tu ne mérites pas mon aide, Lloyd Barrel. Vu la situation, je n’ai pas bien le choix. Mais à quoi bon ? Il veut notre mort à tous, tu veux la mienne. J’ai été impolie, vulgaire, mais toi, m’as-tu respecté ? M’as-tu traité avec le même respect que je t’aurais donné si tu l’avais fait ? Non. Alors, la politesse, pardon hein, mais tu peux l’oublier pendant un bon moment. Sale type.

        En parlant de personnes si sympathiques. Le borgne a l’air sacrément en difficulté contre un drôle de musicien et l’autre mec, avec un style vestimentaire aussi soigné que l’autre imbécile aux pouvoirs bizarres. Faudra que je règle aussi cette histoire de sa cuirasse brillante et incassable au passage… Jamais vu ça de ma vie.

        Grimper sur de la caillasse, ça ralentit pas mal. J’ai le souffle court après ma grimpette. Bon dieu, faut vraiment que je fasse tout pour devenir endurante… C’est pas comme ça que je vais faire la course à tous les criminels de Grand Line pour faire remonter mes revenus.

        - Sors de ton trou mécréant ! Viens te battre à la loyale devant le fabuleux Mark Swanson !

        Yskino s’est apparemment réfugié dans les hauteurs. Et qui plus est, derrière un bon gros rocher, assiégés par les deux rigolos qui me tournent le dos. Plus que quelques mètres. Je pousse encore sur les jambes, glisse déjà ma main vers le seul sabre qui me reste…

        PAN

        Une balle siffle à mes oreilles. Arrêt précipité en mode « je balance mes bras dans le vide et j’ai l’air très maligne » activé. Le temps de retrouver l’équilibre, un semblant de contenance et de relever la tête pour voir d’où vient le tir, qu’un deuxième projectile frôle à nouveau le haut de ma tête. Et qui vois-je en possession d’un fusil et n’a pas l’air de savoir viser ?
        Le borgne auquel je suis sensée porter secours.

        - Eh ! J’suis venue en soutien, pas pour t’apporter des difficultés en plus ! Si tu pouvais éviter de me tirer dessus, ça m’arrangerait bien !
        - Alors sois utile, fais un truc et te fous pas devant ! Démerde toi pour que les balles perdues touchent Lloyd, ou aide moi à le tuer après !

        Est-il rongé par une haine aussi violente pour vouloir tuer son capitaine ? Il devrait me remercier de venir à son secours plutôt que de me tirer dessus. Sont-ils tous aussi bizarres les uns que les autres ? Se raisonner. Ce sont des pirates. Des pirates qui me prennent pour un officier de la Marine. Des criminels qui ne savent pas qui je suis et ce que je fais pour gagner de l’argent. Vaut-il mieux qu’ils restent dans l’ignorance ? De toute façon, ils finiront morts ou vifs. Parole de samouraï, parle de chasseuse, parole de femme. Et Lloyd Barrel n’aura pas fini d’entendre parler de moi…

        - Meurs, charogne !

        Juste le temps de bloquer une lame en reculant d’un pas pour éviter que le front y passe et de relever les yeux vers lui. Ses iris  noirs pétillent de rage et de colère. Il y a autre chose aussi. Une étincelle grise, sans vie. La tristesse. Son cri face à la mort de sa camarade a résumé le tout. Paix à l’âme du médecin. J’irais bien pleurer sur son corps moi aussi… Mais trop de choses importantes à régler. Beaucoup trop.

        « Meurs, charogne »
        C’pas aujourd’hui que je vais mourir, bouffon.

        - … Vous voulez tous ma mort ou quoi ? Qu’ai-je fait pour que deux pirates souhaitent me refaire le portrait en une seule journée ?

        Une nouvelle tranche perce l’air pour m’éventrer. Je recule à nouveau, bloque sa lame qui crisse contre la mienne avec un bruit de métal horrible. Le chant des sirènes du Cap, qui hurlent la souffrance des hommes qui se couchent ici pour la dernière fois.

        - On ne dupe pas le fabuleux Mark Swanson ! Tu croyais pouvoir nous rouler dans la farine avec ces chiens ? Sous-estimer les Rosetta Pirates sera votre plus grande erreur à tous les trois !

        … Hein ? Il est tombé sur la tête ou quoi ?

        Et il repart à l’attaque. Pas le temps de souffler avec lui. Pas le temps de parler non plus. Son arme glisse entre ses mains. Le métal s’entrechoque. Et je recule. Je recule. Je ne peux que reculer. Eh ! J’ai pas dit que je voulais seulement avancer ? C’est mal parti, vraiment.

        Gneh. C’est qu’il a de la force le bougre. Pas mauvais pour ce qui est de tenir un sabre entre ses mains. Pas mauvais, p’têt bien parce que mon corps entier me fait souffrir. Les chevilles éclatées, le dos bousillé, les côtes déglinguées, le nez en miettes et j’en passe.

        J’ai le souffle court. Et il continue ses attaques. Une pointe manque tout juste d’endommager une de mes cuisses. Les bleus me font souffrir. La douleur dans une telle situation, se joue bien de mes tourments.

        Un pas.
        Deux pas…

        Et allez quatre en plus ! Je le vois qui sourit, avec cette expression des vainqueurs ayant déjà vaincu. Le fabuleux Mark Swanson semble être certain de sa victoire. Tss. C’est au moment où tu t’y attendras le moins que je vais te frapper. J’enrage. Je serre les dents. Je pare ses coups qui semblent gagner en violence. Je défends mes murailles, encore et encore. Il m’aura pas. Nous effectuons un cercle dans la poussière de Reverse Mountain. Nous bouclons une boucle infinie. J’évite en allant à gauche, il suit. Et ainsi va la vie. Le premier qui tombera le payera cher. Non, j’serais pas la première à tomber. Une nouvelle taille arrive pour viser mon ventre. J’ai la vue trouble, les sens coulés dans le marais et les jambes coincées dans du goudron.

        Non, j’ai plus le temps d’éviter. La fatigue assaille à nouveau mes épaules et tout vous retombe sur le dos d’un coup. Un fardeau qu’on a toujours sur le dos, mais qui est si lourd, qu’on doit s’immobiliser pour récupérer un peu d’air.

        Le pourpre s’éparpille sur le sol sec et brûlant, chauffé par le soleil. Il coule, il coule, pleut doucement de mon flanc. La sueur colle à mon front, mes joues, mon cou, je ne suis plus que sueur moi-même et une grande envie de rendre mes tripes sur le sol. Je presse d’une main la blessure tandis que l’autre tient ma lame en tremblant. Merde. J’ai plus de forces. Je suis à deux doigts de m’évanouir. Les blessures infligées par Lloyd Barrel sont trop récentes. A se demander comment je fais pour tenir encore debout…

        - Alors, tu as enfin  compris ? Personne n’arrive à la cheville du fabuleux Mark Swanson ! Surtout pas des imbéciles comme vous !
        -Comprendre quoi ? Qu’t’es un enfoiré qui m’attaque alors que je suis déjà dans un sale état, sans état d’âme, ni d’honneur ? Tous les mêmes, hein. T’as pas réussi à toucher l’autre imbécile et sa connerie d'armure scintillante !

        Balancer avec un ton ironique, le teint blafard et grimaçant de douleur, c’pas la bonne solution. Ses yeux s’enflamment à nouveau. Il lève son sabre, me foudroie d’un regard arrogant et courroucé. La guillotine s’abat sur moi.

        Aussitôt, une détonation retentit.

        Le coup qui aurait dû me toucher se stoppe net.

        Je ne m’y serais jamais attendue. Pourtant, il est là. A une dizaine de mètres. Un fusil entre les mains, le canon encore fumant du tir lancé. Mark Swanson ravale des gémissements, tenant son épaule transpercée par la balle. Un coup d’œil dédaigneux vers moi. Le borgne, qui lutte contre le musicien. J’sais pas pourquoi il a fait ça. Ça n’a pas l’air d’être son genre de s’apitoyer sur tout le monde.

        - C’est MON combat ! Débrouille-toi pour faire sa fête à l’autre, mais ce bretteur aussi arrogant que ton pote, il est pour moi. Question d’honneur et d’égo, si tu préfères !

        - … Lloyd n’est PAS mon AMI  ! S’il pouvait crever, ça m’arrangerait plus que cela ne me dérangerait.  « Ton » combat ? C’est ça, et tu t’en fous s’ils te tuent ? Vu la situation, je crois bien qu’on n’ait pas le choix. Et, tu l’as dit toi-même. Tu es là pour me soutenir. Alors aide moi du mieux que tu peux au lieu d’être un poids !

        Et il repousse les attaques des deux pirates qui en redemandent. Je pousse un grognement renfrogné. Cette vérité a une amertume que je n’apprécie guère. Comme un grand verre de potions et d’médocs que le médecin te fourre dans la bouche, qu’est tellement dégueulasse que même ta gorge déglutit de dégoût quand tout l’truc te passe et t’arrache les papilles.

        Dans ce genre de bourbier, je me remets d’aplomb sur mes jambes et je raffermis ma prise sur la garde de mon sabre. Un crissement se fait entendre quand je le rengaine doucement dans son fourreau, avant de le reprendre d’une main ferme. Un soupir expulse tout l’air qu’il reste dans mes poumons. Allez. On se ragaillardit. Et on repart dans l’action, dans la mêlée formée par les trois diables.

        Deux contre deux, ça devrait le faire. Surtout que le borgne s’est décidé à sortir son épée pour faire face au capitaine des Rosetta Pirates.

        Je surveille du coin de l’œil le musicien qui s’est quelque peu éloigné. Il gratte quelques notes avec son instrument, marmonne des paroles incompréhensibles avant de reprendre sa mélodie. Ça sent le mauvais coup à plein nez. Mark se retrouve donc face à deux adversaires.

        Plus le temps de chômer donc. Expédier ça vite et rapidement. Pour pouvoir ensuite panser mes blessures et (peut-être) me venger de l’humiliation de Lloyd. Avec hargne, je lui envoie un coup du plat du sabre au visage, tandis que le borgne tente un estoc sur son flanc gauche.

        Là, il aura pas vraiment le choix. Il pare soit l’un, soit l’autre. Soit une lame, soit un bon coup de fourreau dans la tronche. Il se décide finalement à bloquer le coup d’Yskino. Se mange le mien dans la tronche. Mais ne recule que d’un pas. Saigne un peu du nez et est éraflé sur la joue droite. Et esquisse un sourire méprisant. Il a l’air d’avoir la tête sacrément dure.

        Il nous repousse lourdement  avec deux tranches bien maîtrisées. L’effort que j’ai dû maintenir pour encaisser le choc provoqué par le frottement de  sa lame contre la mienne a légèrement brûlé mes paumes.

        Et c'est alors qu'IL se mit à chanter...

        Première réaction : écarquiller les yeux et baisser ma garde. Je n’ai JAMAIS entendu quelque chose d’aussi affreux. Un son distordu, guttural sort de sa bouche. Rien ne m’aurait jamais plus déstabilisée que ça. Après une seconde d’hésitation, alors qu’Yskino se démène contre le capitaine bretteur du mieux qu’il peut, je me décide à me rapprocher du musicien. Oui, même si mes tympans risquent bien de se ramollir… Je ferais tout pour de la cire ou des bouchons, histoire d’arrêter cette foutue cacophonie.

        Le talentueux chanteur semble être si concentré sur sa musique, qu’il n’a pas l’air d’avoir remarqué que je rapproche. Y’a vraiment de drôles de bonhommes qui se rendent sur la route de tous les périls. Je sors ma lame de son fourreau, me mets en garde (tout en bouchant une de mes oreilles d’une main) et…

        Coupe tout simplement les cordes de sa guitare. Un dernier bruit plaintif émane de l’instrument. Et puis plus rien. Le musicien regarde l’objet maintenant inutilisable entre ses mains. Me regarde de ses yeux jaunes étincelants sous l’ombre de son chapeau. Et commence à crier des… Euh… Des ?...

        - Madre de dios ! Tipo di puta ! Mi guitara !

        … Vu le ton employé, on va dire que ce ne sont pas des paroles très aimables. Avec le reste de sa guitare entre les mains, il entreprend alors de me… Ouais, disons-le comme ça l’est, il compte me casser la figure avec son bout de bois. Une seule tranche et il se retrouve avec la moitié entre les doigts. Un silence. Et je l’assomme avec le fourreau de mon sabre. Il tombe par terre, soulevant un léger nuage de poussière rouge au passage. Je secoue mes cheveux trempés par la sueur. La fatigue a engourdi mes muscles. Heureusement que je me suis débarrassée de ce sacré numéro. Je baisse ma garde et en profite pour souffler un moment. C’est vraiment pas la journée pour être tranquille.

        Et c’est le moment que Mark Swanson choisit pour attaquer. Sa tranche lacéra ma main droite, mon sabre atterrit quelques mètres plus loin, tandis que la pointe du sien appuyait sur ma carotide. Perdu, encore une fois. Le pirate aux longs cheveux gris et au regard tout aussi magnifique eut un léger sourire stupide sur les lèvres. Un mélange d’arrogance, de fierté non-dissimulée et d’insouciance immodérée. Tss. Agaçant. Je vais finir par me répéter en déclamant à tout va que je les aurais tous un jour…

        Pour l’instant. Seule la mort s’est rapprochée de moi, mon honneur est resté impassible dans mon cœur. Autant mourir comme un samouraï, et avec classe, je vous prie. Une belle fin est le plus beau des cadeaux que l’on puisse me faire. Même si être exécutée de la sorte me frustre quelque peu. Adieu, les lointains frémissements d’un combat acharné. La victoire s’est tout bonnement enfuie comme la chienne qu’elle est, ne laissant que moi et mon corps endolori par les coups reçus.

        Il déclare la sentence en me lançant un crachat à la figure. Moi, je reste impassible. Y’a des ordures qui ne changent pas. On ne peut que les ignorer, seulement, on dirait bien qu’ils continuent de s’accrocher à nos basques.

        - Ton sang immonde va salir ma lame ! Rends-toi compte de l’honneur que je te fais !

        J’ai choisi une voie difficile. On lancera des cailloux à toutes celles qui souhaiteront l’emprunter. On continuera à leur cracher dessus, à leur dire « Connasse, ta place n’est pas ici. Si t’étais plus forte, tu pourrais faire c’que tu veux. Mais c’est pas le cas. Alors tu t’remets dans le rang comme les autres et t’arrêtes de gueuler ta colère. Les illuminés, les bêtes étranges, ils font jamais long feu quand ils veulent se retrouver sous la lumière ».

        Que l’on m’égorge dans ce cas. La pointe appuie un peu plus sur ma gorge. La froideur du métal sur ma peau glace mon sang. On éprouve toujours une certaine angoisse devant la mort. Un mystère inquiétant qui prend aux tripes tout un chacun. Cette fois-ci, c’est vraiment fini. J’ai les yeux rivés sur le sol. J’attends, j’attends seulement la fin de ma vie, la fin d’un film qui a commencé il y a bien longtemps. L’écran sera bientôt noir.

        Floc. Des gouttes rendent le sol encore plus éclatant de rouge. Et le flot ne s’arrête pas. Il se répand, une mare écarlate où le soleil a laissé ses rayons du soir. Je relève les yeux vers Mark Swanson. Son teint pâle et sa bouche ouverte. Son air crispé et ce faible souffle qu’il parvient à peine à expirer :

        - P… Père…

        Là. La pointe d’une lame dépasse de sa poitrine. Une tache pourpre s’étend sur sa chemise, comme une toile d’araignée dans le coin d’une pièce. Un dernier éclat s’agite dans ses yeux, un mince filet carmin s’écoule de sa bouche. Le sabre est retiré de son corps. Et il s’effondre juste devant moi. La flaque s’étend toujours plus, une rivière de larmes que l’on laisse tacher mes mains.

        Mes mains secouées de tremblements incontrôlables justement. Du sang. Du sang les macule. Un sang poisseux, dont l’odeur aigre me prend à la gorge, comme elle m’a prise il y a une douzaine d’années de cela.

        Mort. Mort… Mort, mort, mort. Un mot âcre à penser et à dire. Tué dans le dos par fourberie.

        Je relève des yeux furieux vers le borgne. Dans le dos. Il l’a frappé dans le dos. Comment a-t-il osé ? Un dégoût sans limites m’envahit en voyant qu’il nettoyait sa lame ensanglantée avec autant d’impassibilité.

        - Pourquoi ? Hein, pourquoi ? Il l’avait mérité ? Tu ne crois pas qu’on aurait pu simplement le faire prisonnier pour ensuite le relâcher ?
        - Il ressemblait trop à Lloyd. Et j'en ai déjà assez d'un.

        Et cela dit, il reprend son fusil et tire sur le corps du musicien toujours assommé à côté de moi. Dans la tête. La terre déjà gorgée de sang, se repaît d’une nouvelle âme. Un nouveau tas de chair sans vie se trouve sur cet îlot destiné aux naufragés. Aujourd’hui est un triste jour pour Reverse Mountain. Je contemple le spectacle, sans voix, ni autres émotions que l’incompréhension et une peur qui me prend aux tripes. Yskino ne déclare rien de plus et me fait signe qu’on doit retourner vers son capitaine.

        Je ramasse mon sabre, le remet à la ceinture. Jette un dernier regard vers ceux qui sont partis. Un nœud me serre l’estomac avec un poids qui n’avait jamais pesé jusque alors. La culpabilité. J’ignore pourquoi… Mais je m’en veux terriblement. Deux êtres humains. Même si ce sont des hommes. Trois vies. En seulement une journée. Je ravale des larmes qui couleraient avec acidité sur mes joues. Et je suis ce connard de borgne qui a ôté la vie sans aucune pitié, ni aucun respect pour l’honneur de qui que ce soit.

        Un cri résonne et me fait frissonner. Un hurlement déchirant. Un homme appelle son frère. L’un des deux chinois est à terre, devant Lloyd. L’autre, agenouillé à côté du corps pleure et gémit. Un frisson parcoure mon dos. De mauvais souvenirs… Oh oui… De très mauvais souvenirs.

        Mon sang se glace et je me raidis sensiblement quand je vois que ce salopard de snob est armé de sa cuirasse étincelante.

        Non.
        Il ne va pas le faire ?
        D’accord, il a tué la jeune femme… Mais… Mais il n’oserait pas massacrer un homme détruit par la mort de son frère ?


        Quelque chose se tortille dans mon corps. Ils reviennent. Ils reviennent, les démons.

        Je manque finalement d’air quand je vois qu’il s’apprête véritablement à le faire. Je suis trop loin.

        La mort, la mort, la mort, la mort, la mort.
        La mort partout.
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        Mizukawa, Kanbei, père... Oui vraiment, j'espère sincèrement qu'ou que vous soyez, vous puissiez me voir à l'oeuvre. J'espère sincèrement que vous êtes fiers de ce que vous avez créé. J'espère sincèrement que le spectacle vous plait. Parce que ce que le chinetoque va subir... Vous en prendrez le centuple. Et j'abats mon poing sur son visage.

        "NON ! ARRÊTE !"

        Pas cette fois. Mon bras continue sa course vers la tête de Shang, mes oreilles ignorant complètement les cris de la jeune femme, mes pensées concentrées sur l'achèvement de ce combat... En passant par celui de cet homme. Ou pas. Ayant compris que ses hurlements étaient vains, la demoiselle aux cheveux noirs s'interpose entre ma frappe et ma cible, écartant les bras et s'exposant à mon coup, qui s'arrête à quelques centimètres de sa tête. Oui, malheureusement, un être aussi fabuleux que moi se doit de respecter ses engagements. Et je lui ai promis que je ne la tuerais pas, ce qui m'empêche naturellement de lui porter ce coup, qui aurait sans doute été mortel pour elle. Les yeux au bord des larmes, son regard croise le mien. Pourquoi ? Pourquoi m'empêcher de tuer ce salopard alors qu'il a essayé de nous tuer ? Pourquoi me défie t-elle à nouveau alors qu'elle sait qu'elle ne fait pas le poids ? Pourquoi vouloir se montrer courageuse alors qu'elle tremble comme une feuille ?

        "Pourquoi ?", demandé-je tout simplement, sans désarmer le poing.
        "Assez ! Il y a déjà eu assez de morts ! Ce type...", commence t-elle, cherchant visiblement des mots qui ne lui viennent que difficilement. Elle reprend, ayant récupéré son souffle et ses esprits : "Ce type, même si c'est un connard... A perdu un être qui lui était cher. Son frère. Le voila déjà bien assez puni. Le tuer... Le tuer ne te ferait que plus de sang sur les mains."
        "Il a suffisamment souffert, c'est ce que tu me dis ?"
        "Oui... Alors ne le tue pas !"
        "Tu te crois en position de me donner des ordres ?", lancé-je alors soudainement. S'en suit un lourd silence lui rappelant bien qu'on ne négocie pas avec moi, le grand Lloyd Barrel : on se contente de faire ce que je dis. Je reprends alors, pour essayer de comprendre quelle pensée dénuée de raison peut bien lui traverser le crâne : "Mais admettons... Pourquoi voudrais-tu le défendre, alors que ses potes, dont son cher frère, ont essayé de te faire la peau ?"
        "Un type comme toi pourrait pas comprendre..."
        "Il t'est arrivé pareil ? Oui ! Tu as perdu un membre de ta famille aussi ? Pire encore, on l'a tué sous tes yeux ? J'ai juste ?"

        Aucun son ne sort de sa bouche.

        "J'ai juste, donc.", lâché-je, avec un ton des plus hautains. Bien évidemment que j'ai juste, comme avec Yskino... Ne suis-je pas le grand Lloyd Barrel après tout ?
        "Ta gueule..."
        "C'est pour ça que tu veux pas que je le tue hein ? Tu te revois en lui, hein ?"
        "Ta gueule...", siffle t-elle à nouveau. La tension monte d'un cran.
        "Mais c'est pas tout... Tu me revois en celui qui l'a tué, c'est ça... ?"
        "Mais ferme ta gueule !", hurle la jeune femme, sans pour autant se dégager de mon chemin.
        "Je passe l'éponge pour le manque de respect évident...", commencé-je en désarmant mon bras droit. Je reprends : "Par contre, ce qui m'agace bien plus, c'est que tout le monde me prend pour un imbécile incapable de comprendre les choses..."

        Et je la percute en plein dans les côtes de mon bras gauche, l'envoyant valdinguer plusieurs mètres plus loin.

        "Pourtant, j'en ai compris des choses... Rah la la...", lancé-je en haussant des épaules. Depuis tout ce temps, Shang n'a pas bougé d'un pouce, et il continue à pleurer recroquevillé à côté du cadavre de son frère.
        "Enfoiré... !", crache t-elle en toussant, peinant à se remettre debout sur ses jambes et mettant plusieurs secondes (tant elle est exténuée) à reprendre ses esprits. Elle reprend : "Tu avais promis sur ton nom ! Tu as donc si peu d'honneur, Lloyd Barrel ?!"
        "Premier truc que j'ai compris : sur ces mers, y'aura toujours des gens qui vont te mentir, essayer de te baiser, de jouer avec les mots...", commencé-je. Le regard de la demoiselle se perd dans le vide tandis que je continue mes explications : "Regarde. J'ai dit que je te tuerais pas, pas que je ne te blesserais pas..."
        "Tu es vraiment un être immonde..."
        "Le deuxième truc..."

        J'attrape Shang par les cheveux, et le traine dans la poussière rouge avec moi, jusqu'à ce que nous soyons au niveau de la jeune femme aux cheveux noirs. Je lui assène alors bon coup de pied dans le ventre. Elle crache du sang.

        "... Sur ces mers, y'aura toujours des gens qui seront plus forts que toi. Et il vaut mieux pas leur chercher des noises. J'ai appris ça à l'ancienne. A ton tour."

        Je la refrappe, toujours en prenant bien soin qu'elle ne clamse pas, et je repense à Mizukawa Sutero. Ouais, j'aurais mieux fait d'apprendre cette leçon avant qu'il me donne une bonne correction...

        "Je te ferai la peau, connard !", crache t-elle comme un serpent en même temps qu'un peu d'hémoglobine. Moi, le grand, le merveilleux, la généreux Lloyd Barrel, je continue de la titiller du pied, rigolant comme un larron en foire. Puis, je lui appuie un Shang que je tiens par les cheveux, complètement désemparé et vide de toute joie, contre son corps frêle et faible.
        "Le troisième truc...", débuté-je lentement, presque en murmurant. Je continue : "... C'est que la vie tient à peu de choses."

        Et je transperce l'asiatique d'un coup de poing surpuissant en plein torse. Ses yeux s'écarquillent, sa bouche s'ouvre : il veut crier, mais aucun son ne s'en échappe. Une gerbe de sang jaillit de son corps pris de convulsions et asperge la jeune femme, qui est visiblement sous le choc. Des larmes coulent sur ses joues.

        "Avant, je considérais que la plus grande sagesse d'un homme possédant le pouvoir d'en tuer un autre, était de justement ne pas le faire. C'est comme dans la légende du pirate qui avait mangé le Fruit de l'Araignée : "un grand pouvoir entraîne de grandes responsabilités", tu vois le truc ? Mais, avec du recul... Avec de l'expérience... Après avoir traversé des moments difficiles... On se rend compte que l'honneur ne nourrit pas. Que l'amitié n'entraîne que la douleur. Que la confiance n’entraîne que la trahison... Et que la gentillesse n'est d'aucune utilité dans un combat où ton adversaire veut ta mort."

        Un grand silence s'installe, tandis que je reprends ma forme normale. Un léger nuage de sable ocre est soulevé par le vent, et vient gâcher ma superbe coiffure et ma magnifique couleur blonde. Rah, si j'avais su, je serais resté en diamant... Euh... J'en étais ou déjà ? Ah, mince, au milieu d'un monologue super classe ! C'est dans ce genre de moments que moi, l'illustre Lloyd Barrel, doit briller !

        "Euh... Ouais, donc... J'ai déjà parlé de l'homme-araignée ?"
        "Oui...", se facepalme un Yskino qui nous a rejoint quelques minutes plus tôt, et qui depuis est occupé à nettoyer ses nouveaux jouets.
        "Ah... Ah ! Je me souviens ! Ouais, non. Je trouve plus les mots. En bref, il vaut mieux tuer qu'être tué, c'est ça l'esprit."
        "Dans le genre discours convaincant, c'est fameux..."
        "Ta gueule !"
        "Ta gueule !"
        "Toi, ta gueule !"
        "Toi d'abord !"
        "Miroir miroir ! Tout ce que tu dis revient vers toi !", balance alors Yskino, les paumes ouvertes face à moi, comme un enfant dans une cour de récréation.
        "Quel gamin..."
        "Je m'en fous, je suis en diamant !", rétorqué-je en le pointant du doigt et en me transformant entièrement grâce à Armored Lloyd.
        "Vous ne pouvez pas être sérieux..."

        Grand silence alors que je me retourne vers elle, redevenant normal. Elle pose une question sotte, le regard vide de toute âme.

        "Si on est sérieux ? Qui, jusqu'à preuve du contraire, à failli mourir aujourd'hui par la faute de ses principes ? Qui aujourd'hui a pu être sauvée par la mort d'un homme ? Toi. Nous, on est restés sérieux, on a fait ce qu'il fallait : on a tué pour survivre. Lorsque tu manges de la viande, est-ce que tu éprouves le moindre état d'âme pour avoir tué un animal innocent ? Non. Et bie..."
        "C'est différent ! On parle d'hommes, pas d'animaux !", hurle t-elle en sanglotant, me coupant le parole au passage. En réponse, je le refrappe : la douleur est bon professeur.
        "En quoi serait-il différent de tuer un animal par rapport à un homme qui se comporte comme un animal ? Ce monde n'est pas tout rose et plein de bonbons, tout simplement car les personnes qui n'ont jamais connu la paix n'ont pas les mêmes valeurs que celles qui n'ont jamais connu la guerre. Et notre monde est en guerre, en guerre perpétuelle entre humains, une guerre qui façonne une civilisation ou les parents rejettent, ou les amis trahissent et où on ne peut faire confiance à personne d'autre qu'à soi-même. C'est un monde où des êtres semblables doivent dévorer pour éviter d'être dévorés. Un monde où il vaut mieux être un loup qu'un agneau.", réponds-je, le regard fixant l'horizon. Cette fois-ci, mon discours n'est interrompu que par ses bruits de reniflements, et le son de ses larmes qui tombent au sol. Je conclus : "Tout dépend de ce que tu choisis d'être."

        Je tourne les talons, et commence à partir vers un Galahad qu'il serait grand temps de renflouer.

        "Viens Yskino, il faut qu'on aille voir le navire. Et savoir si on peut utiliser les débris du leur pour le réparer."
        "Je doute que ce soit possible..."
        "Rien n'est impossible pour le grand Lloyd Barrel, voyons !"
        "Lloyd... Barrel..."
        "Hmmm ?", me retourné-je vers la demoiselle ayant séché ses larmes, et tentant désormais de se remettre débout. Couverte de sang, elle tremble de tout son être.
        "Je m'appelle Honaka Suzuke. N'oublie pas ce nom. Je suis chasseuse de primes..."
        "Enchanté.", l'interromps-je d'une révérence. Puis, je rajoute : "Mais... Euh, désolé mais je suis pas super doué pour retenir les noms autres que le mien..."
        "... Et le jour où les rôles seront inversés, le jour où tu croupiras dans une prison, menotté et abattu, alors que je me tiendrai de l'autre côté de la grille, fière d'admirer ma prise... Je te tiendrai ce même discours."

        Je fonce sur elle et la remet à terre, d'une frappe forte mais contrôlée dans l'estomac.

        "J'aime les gens qui ont un but dans la vie. Ce sont généralement ceux que la destinée à choisi d'épauler, ceux qui sont exceptionnels. Alors je vais être miséricordieux : récupère leurs cadavres et leurs armes, récupère leurs primes pour toi toute seule. Attise la haine qui est en toi... Et le jour ou tu seras prête, reviens te battre, cette fois à mort, avec moi."
        "Pourquoi... C'est ridicule... Pourquoi ne pas me tuer maintenant ?"

        Le plaisir du jeu de la domination, comme Mizukawa Sutero avait fait avec moi ? L'exaltation de me battre contre des adversaires toujours plus forts, comme Xiang ? Je n'ai aucune idée de ce que c'est, mais ce frisson bouillonnant est la plus belle sensation qui soit. Avec celle d'être moi, cela va de soi. Toujours est-il que je ne réponds pas à Honaka, et qu'Yskino et moi nous éloignons à nouveau d'elle.

        "Es-tu un loup ou un agneau ?!", demande t-elle alors, réitérant ainsi sa question en la reformulant. Nous nous arrêtons, et je me retourne.
        "Aucun des deux, voyons..."
        "Je sens la réponse pourrie...", dit Yskino en se massant les tempes.
        "... Je suis le grand Lloyd Barrel !"