Ma main encore fébrile lâcha enfin la plume, et je bondis littéralement de mon brancard, sortant de ma chambre à toute allure, tout comme mes compagnons, dont certains étaient encore à moitié endormis
Y s’passe quoi ? Lança une des deux présumées saphiques en se frottant les yeux, encore sous l’emprise de morphée.
Reverse mountain droit d’vant.
Oh. Je vais prévenir Hana !
Oublies pas de la becter au passage, tiens.
L’air marin fouetta mon visage dés lors que je mis mon bout d’nez hors de la cale. Erin se tenait fier à la poupe, une main à la barre, et criait du plus fort que ses cordes vocales ne le permettaient :
Préparez vous les jeunes, ça va tanguer ma gueule !
Wouhouuuu !
Ahah, elle qui voulait un parc d’attraction depuis qu’elle était à Las Camp, elle allait être servie. La plus grand des montagnes russes sur terre l’attendait. Devant nous se profilait un cours d’eau défiant toute loi physique. Reverse Mountain portait bien son nom. La vue des quelques épaves me refroidit un instant, mais la bravoure de mes comparses d’odyssée semblait terriblement contagieuse. Bientôt le navire se mit à tanguer au gré des remous que produisait l’ascension, et chacun de nous fut obligé de s’agripper à quelque chose, sous peine de tomber, face à l’inclinaison assez prononcée de la « pente aquatique ». Mon cœur se mettait à battre violement, un mélange incandescent d’alacrité et d’optimisme tandis que j’agrippai fermement la première corde que je voyais.
Oui. Maintenant, je me souviens quel sens a le mot vivre.
Hé ! Masuka ! T’aimes bien manger épicé ?
Ouais ! Mais pas les deux en même temps !
AHAHA ! Tapes m’en cinq bro !
Ma main lâche la corde, l’espace d’un instant. Sacré mec ce Masuka, le seul à pouvoir partir dans des délires aussi profonds et complexes que les miens. Mais l’espace d’un instant, je crois que j’ai oublié que c’était avec cette main là que je tenais la corde. Et que du coup, je tiens plus grand-chose. Mes pieds se défilent du sol. J’essaye de rattraper la corde. Elle me file d’entre les doigts. J’essaye de m’agripper à Masuka. Mais je crois que lui aussi, il tiens plus grand-chose. Le navire tangue encore plus, comme si une force mystique l’avait fait bougé exprès au moment le plus critique. Au loin, j’entends déjà Jun nous sermonner, et se plaindre de nos conneries.
Oh merde.
Posté Sam 18 Jan 2014 - 16:28 par Akira
#2 : The fall.
Tu connais ces moments où tu regrettes d’avoir fait le con ? Ces moments où tu te dis que pour pouvoir faire le fier une poignée de secondes, tu risquais de te casser la colonne vertébrale ou de ressortir trisomique ?
Moi non. Et c’est pas cette fois que ça va changer.
Mes pieds patinent lamentablement sur la surface terriblement lisse du parquet. Le navire s’ébranle encore un chouia. Mes pieds décollent lamentablement du sol. C’est mon menton qui m’intercepte, pour cette fois. Combattant la méchante douleur qui m’était affligée, j’essayai en vain d’agripper un rempart, une rambarde, une table, une chaise, un chien, un chat, une paire de roustons, n’importe quoi qui puisse arrêter ma chute. Mon œillade s’aventure un instant plus bas, vers mon point de chute qui paraissait inévitable. Le torrent qui se profilait sous moi était tumultueux, et immodérément dissuadant d’y finir. Putain, finir comme ça, de la manière la plus pitoyable qui soit ? Je crois que je commence à regretter. Mais juste un peu.
Ma senestre tire sur un de mes sabres, du plus fort que je ne le puisse. Le projectile de fortune file en direction du bas-mât le plus proche. Pas facile de viser dans cette position, mais j’ai fait ça avec des cibles en mouvement, alors j’avais toutes mes chances.
Puis.
Je sens plus rien sous moi. Genre, vraiment plus rien. Je vole. Oh bon dieu, je vole. Oh que je vole que je vole. Sauf que je vole en direction inverse. Et l’impact est… Imminent. J’fais mes dernières prières. J’pense au vioque, qui doit se retourner dans son sépulcre en me maudissant. A mes amis d’enfance, que je reverrais jamais. Aux dragons célestes que j’ai envie de buter, à l’équipage et à sa réaction. A mon chien que je n’ai jamais eu, aux poneys en petite soubrette, au garçon vendeur de glace. Bref, j’pense à peu près à tout.
Sauf à mon sabre que j’ai lancé vers le bas-mât y’a pas longtemps.
La chaîne métallique se tend, retenant mon destin funeste. Mes mains tremblantes l’agrippent, dans un léger regain d’espoir. Je tire un coup sec, histoire de me retrouver à nouveau de l’autre côté du bateau. J’agrippe la plateforme la plus proche, n’ayant ni le temps ni l’envie de l’analyser. L’embarcation bringuebalante me file la nausée, mais je n’ose même plus bouger. Mes muscles se crispent et mes ongles s’enfoncent dans l’objet, quel qu’il soit.
Et puis l’ascension se fait moins brutale. Le navire se stabilise carrément. Mes muscles se relâchent. Je m’octroie même la liberté d’enlever ma main de l’objet que je tenais.
Et puis, je me souviens que je suis sur reverse mountain. Le navire se remet en marche, penchant cette fois-ci en direction inverse. Je re-glisse, dans l’autre sens.
Non, sérieux, arrêtez-ça. Tout de suite.
Posté Sam 18 Jan 2014 - 17:54 par Akira
#3 : The fall, bis.
Je repars en sens inverse, avec cependant cette fois-ci la quasi certitude de ne pas finir au fond de l’eau. J’essaye tant bien que mal d’agripper le mât, et y parviens finalement. Je ne le réalise pas sur le coup, mais ça y’est, je suis de l’autre côté de grand line. Le bateau tangue encore plus violemment sur les parois rocailleuses, mais ne cède pas. La chute à toute allure continue, encore plus rapide que la montée. Et du haut de Reverse, je parviens à distinguer peu à peu le paysage qui se forme.
Un bleu oscillant entre le céruléen et l’azuré à portée de vue, se mêlant étrangement avec un ciel cyan, qui ne présageait rien de bon tel qu’on l’avait décrit dans ce genre de contrées. Mieux vaut avoir un temps nuageux que clair et dégagé sur Grand Line. Car ça ne présage souvent que le calme avant la tempête. Je me perd un instant à regarder le panorama qui s’étend à vue d’œil, en pensant à toutes les contrées qui n’attendent plus que moi. Toujours agrippé au pylône tel un Koala, c’est avec une pointe d’appréhension que je vois le cap des jumeaux se rapprochant dangereusement, et avec lui, le récif et ses dangereuses épaves. Tous ces bateaux qui n’avaient pu finir, ni même entamer leur odyssée, ça sonnait toujours comme un petit pincement au cœur.
Fier à la barre, le capitaine se mit carrément à batailler avec les flots, afin de slalomer un minimum entre les différentes carcasses qui jonchaient la route. Tout l’équipage hurla fiévreusement d’enthousiasme, et avec satisfaction, je constatai que Masuka était toujours à bord, en position fœtale appuyé sur le canon pourtant lui aussi pas très stable.
Le choc tant attendu, et la fin du voyage par la même occasion se firent ressentir. Difficile de juger si le plus difficile était fait, ou encore si il était à venir.
Mais la chose la plus difficile pour l’instant était manifestement celle de contenir ma vessie.