Tu es née soleil un jour de pluie.
C’est ce que lui disait son père,
Pour la bercer la nuit des morts,
Celle où les disparus reviennent
Pour quelques rêves trop courts.
Tu es née étoile dans la nuit.
Sa mère lui racontait l’histoire,
Quand le tonnerre au-dehors,
Faisait trembler le grand lustre,
Les murs, le toit et les fenêtres.
Tu es née chant parmi les cris.
Les mots de son frère jumeau,
Pour la faire sourire sans raison,
Quand la terre était triste et sale,
Quand la vie s’éteignait le soir.
C’est ce que lui disait son père,
Pour la bercer la nuit des morts,
Celle où les disparus reviennent
Pour quelques rêves trop courts.
Tu es née étoile dans la nuit.
Sa mère lui racontait l’histoire,
Quand le tonnerre au-dehors,
Faisait trembler le grand lustre,
Les murs, le toit et les fenêtres.
Tu es née chant parmi les cris.
Les mots de son frère jumeau,
Pour la faire sourire sans raison,
Quand la terre était triste et sale,
Quand la vie s’éteignait le soir.
Noix, pois, baies…
Paupières closes, lumière chaude, la frimousse redevient d’enfant.
Loin du monde, loin des gens, la bouche entr’ouverte exhale un soupir,
Baume mélancolique pour lèvres sèches de la rudesse du grand air,
Et déjà dispersé par la bise acérée qui assaille les flammes et le camp.
En rase campagne ils sont deux à s’abriter ainsi du vent qui mord,
Dans cette bicoque en ruine sans vraiment ni murs ni toiture.
Elle, frigorifiée mais tranquille en sa lourde couverture de feutre,
Et lui, regard vide et mains jointes, comme en prière, d’une corde.
De part et d’autre du feu les visages se font durs car le jour meurt,
Mais les yeux de l’homme sont bêtes surtout, et ceux de la fille gris.
Au milieu de nulle part, autour du chaud, l’humain n’est plus ennemi.
Et la femme, silencieuse sous sa cape de cuir et de laine, un mystère.
Petit écureuil, Petit écureuil.
C’était son double animal, totem,
Celui qu’elle s’était choisi pour elle,
Et dont elle suivait les bonds là-bas
A la lisière du grand bois sombre,
Celui où le monde commençait,
Le monde des gens nombreux.
A toutes les saisons il allait,
Petit écureuil tout roux, fou,
Venait, chipait les noix du pré,
Du pré devant la grande maison,
Venait, chipait les pois du jardin,
Du petit jardin à côté des fleurs,
Venait, chipait les petites baies,
Les baies rouges du houx piquant.
Puis il partait, sautillait, divaguait,
Et enterrait ces noix, pois, baies
Qu’il oubliait jusque l’hiver,
Qu’il retrouvait juste à l’hiver.
L’hiver où les enfants meurent,
Petits écureuils froids comme elle,
L’hiver que les parents craignent,
Grands et sages et tristes écureuils.
C’était son double animal, totem,
Celui qu’elle s’était choisi pour elle,
Et dont elle suivait les bonds là-bas
A la lisière du grand bois sombre,
Celui où le monde commençait,
Le monde des gens nombreux.
A toutes les saisons il allait,
Petit écureuil tout roux, fou,
Venait, chipait les noix du pré,
Du pré devant la grande maison,
Venait, chipait les pois du jardin,
Du petit jardin à côté des fleurs,
Venait, chipait les petites baies,
Les baies rouges du houx piquant.
Puis il partait, sautillait, divaguait,
Et enterrait ces noix, pois, baies
Qu’il oubliait jusque l’hiver,
Qu’il retrouvait juste à l’hiver.
L’hiver où les enfants meurent,
Petits écureuils froids comme elle,
L’hiver que les parents craignent,
Grands et sages et tristes écureuils.
Qui diable es-tu donc ?
Elle ne répondra pas, se perd à suivre les étincelles qui fusent.
Tout à la fois, elle semble assister à un spectacle de nature
Ou distraire sa vue pendant qu’elle pèse le pour et le contre.
Elle est trop jeune pour savoir que faire d’un malin comme lui.
C’est ce qu’il imagine, à tout ignorer de qui l’a capturé plus tôt,
De qui et de pourquoi et de comment. Il n’a rien vu, rien compris.
Mais il comprend maintenant : si elle persiste, demain c’est fini.
Ses méfaits, ses rapines, mais aussi ses angoisses, ses questions.
Il sera mort, jugé puis châtié. Vendu d’abord, et tout ça ensuite.
Pendu, qu’importe l’ordre qui précède. Pendu à l’arbre touffu,
L’arbre dont on fera du bois la prochaine année, un parmi tous.
Les troncs sont anonymes, comme les truands qu’on ensevelit.
Noix, pois, baies, comptine futile.
Qu’elle se répétait tout le soir,
Et parfois jusque dans la nuit
Quand son frère, nouvelle étoile,
Détrônait la lune dans le ciel noir.
Noix, pois, baies, comptine fébrile.
Qu’elle répétait pour lui sourire,
A lui parti. Et alors elle s’endormait,
Et alors ses songes la transportaient
Près de cet écureuil qui gambadait
Dans les feuilles à l’orée du bois,
Le bois du monde désenchanté.
Qu’elle se répétait tout le soir,
Et parfois jusque dans la nuit
Quand son frère, nouvelle étoile,
Détrônait la lune dans le ciel noir.
Noix, pois, baies, comptine fébrile.
Qu’elle répétait pour lui sourire,
A lui parti. Et alors elle s’endormait,
Et alors ses songes la transportaient
Près de cet écureuil qui gambadait
Dans les feuilles à l’orée du bois,
Le bois du monde désenchanté.
Noix, pois, baies…
Rengaine ésotérique, le voile noir se répand comme l’huile.
Froid, langoureux, il engourdit les muscles, prend les cœurs.
Seul terrain clair dans les ombres, la peau luit sans chaleur,
D’invisibles lettres s’y lisent, tracées d’hésitation morbide.
Elle aussi sait le destin qui l’attend si elle l’amène, si elle le vend,
Ce cycle insensé qui régit les hommes et leurs actes, terrible.
Un signe pour orienter son prompt élan de justice serait utile,
Désormais qu’elle a réduit la menace et endigué le méchant.
Les chuchotis s’évanouissent dans l’éther, l’âtre est éteint,
L’astre de la nuit a remplacé celui du jour et le bandit dort.
Il est mal plié sous l’ombre des étoiles, le fin mot lui échappe :
Miroir céleste, un point a lui là-haut dans le drap lacté.
Et sa gardienne a sa réponse.