Jour J, matin,
Côte de la jungle de JayaUn matin brumeux, humide d’un crachin qui vient tout juste de cesser. L’atmosphère grisâtre et morne ne semble vouloir quitter les côtes tropicales de l’île de Jaya, comme un brouillard encore plus épais caresse déjà les arbres à larges feuilles, les fougères et les palmiers de la jungle de l’île. Sans un bruit, une barque à la silhouette indistincte dans la brume fend les eaux calmes bordant la côte, propulsée par deux rames qu’on manœuvre paresseusement. Seul le son des remous créés par les deux outils de navigation est perceptible de la côte, laissant croire que même la faune de l’île hésite à s’éveiller en ce jour funèbre. Dans un bruit mât suivi d’un grincement, la barque s’échoue sur la plage de galets bordant la jungle endormie. À son bord, trois personnes.
Et l’on peut apercevoir les yeux glauques et brillants de l’une d’entre elles fendre le brouillard.
Ses lourdes bottes de cuir écrasent les galets comme il quitte la barque d’un pas véhément, ne perdant pas une seconde. On peut remarquer, dans l’éclairage morne de cette aube grisonnante, les teintes bigarrées de la chemise qu’il porte sous son large manteau de Commodore et à quel point ces couleurs se marient bien avec celles de sa peau. Sans un mot, avec la démarche calculée d’un prédateur, il s’arrête à la lisière des bois, humant la jungle, sur ses gardes.
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Derrière lui, ce n’est pas une silhouette, mais une véritable montagne qui s’élève de la barque, une sacoche aux dimensions de container pendant sur son flanc. D’un pas qui se veut le plus silencieux possible, le colosse quitte la chaloupe qui grince de soulagement tout en tenant son borsalino d’une main ayant la taille d’une pelle. Le bas de son manteau rapiécé à larges bords volète derrière lui, tandis qu’il s’avance vers le commodore qu’il n’aperçoit que très peu à travers la purée de pois du petit matin.
Finalement, c’est un troisième homme, bien moins imposant que les deux premiers, croulant sous une montagne de matériel de communication, qui tire la chaloupe hors de l’eau tout en se dirigeant tant bien que mal vers ses deux supérieurs.
Wallace replace son chapeau, puis gobe une pilule qu’il tire de sa poche, arrivé au même niveau qu’Oswald. Ce dernier balaie du regard la jungle une dernière fois, puis souffle avec ce timbre typique du tueur déjà en chasse :
-La voie est libre, en avant.
-Assurez-vous de bien suivre, Karl. Lance poliment l’immense psychologue au binoclard bouclé qui tient à bout de bras une caisse débordante d’équipement.
Répondant au silence des bois, le trio s’engage dans les broussailles et disparait rapidement sous l’épaisse végétation.La veille du Jour J,
Le Léviathan
Un pont bondé, des centaines et des centaines de matelots s'entassant dans les haubans, les gréements. Tous assis un peu partout, certains coincés en rang, sur les rambardes, d'autres amoncelés dans les marches des nombreux escaliers du pont. C'est une véritable marre d'hommes et de femmes en uniformes qui ont les yeux rivés vers le gaillard arrière, tous en l'attente des mots de leur capitaine. Comme si plus d'un millier d'enfants venaient écouter l'histoire qu'un seul père avait à leur conter.
Les Rhinos Storms écoutent, comme une seule et immense famille.
Oswald, au devant du gouvernail, accompagné d'une carte de Jaya de la taille d'un homme, inspire longuement avec gravité.
-Écoutez tous. Je ne répéterai pas ce plan une seconde fois.
Sa voix porte et atteint chaque marin du navire, de l'équipe médicale aux cuisiniers, en passant par les scientifiques, les soldats et les charpentiers. Il s'arme d'une baguette télescopique, puis braque cette dernière sur la jungle de Jaya, d'un geste sec, non retenu. Claquement sonore. Aux côtés de Double Face, la moustache du lieutenant-colonel Queen frémit, les cheveux de Ketsuno volent au vent, la mine de Serena s'assombrit, la cigarette de Sarko s'éteint, puis se rallume, Smile sourit (comble de l'habitude) au beau milieu de la foule et Jeska se raidit de plus belle. Le Léviathan, lui, se suspend aux lèvres du Commodore en retenant sa respiration, Wallace, lui, tenant bien haut la carte, replace son chapeau d'une main aux proportions de marteau.
-Je ne serai pas de la partie pour tout de suite. Je ne serai pas là dès le début pour vous épauler. Sachez le tous maintenant, il faudra jouer stratégiquement et subtilement pour la réussite de cette mission. C'est pourquoi je serai sur l'île, sans toutefois intervenir directement, je resterai dans l'ombre, à coordonner les opérations qui auront lieu sur l'île et à m'assurer d'un constant relais de communication.
Mais dès qu'il faudra, je serai toujours là pour intervenir en cas de situation fâcheuse. J'ai besoin d'une petite troupe de choc, c'est pourquoi je prendrai avec moi le médecin en chef Johnson et le matelot de première classe Karl avec moi, l'un pour son expertise médicale et l'efficacité de ses interventions sur le terrain, l'autre parce que j'ai besoin d'un assistant sur qui me fier.
Regard au psychologue reptilien qui lui envoie un clin d'œil, puis au mousse qui, au milieu de la foule, se sent soudain comme étant le centre du monde.
La machine est déjà lancée.Jour J, matin,
Quartiers de Jaya
http://listenonrepeat.com/watch/?v=A9D7PVfgXD0
L'inhérente pestilence des lieux est saupoudrée du même crachin que plus tôt, mouillant les planches pourries des habitations mal loties et biscornues. Toutes construites sans un seul soucis de l'espace, escamotant les fondements même de l'architecture pour en venir à des aberrations sans poutres, aux fenêtres défoncées, aux proportions mal mesurées, aux toits couverts de trous, aux murs mal isolées et à l'hygiène plus que douteuse. Déjà aux petites heures, des ivrognes ont déjà enclenché leur activité quotidienne tandis que d'autres malandrins écument les brumeuses allées à la recherche d'emmerdes à exploiter ou de combines scrupuleuses à faire gober. Les tavernes expulsent les squatteurs de la veille, les tenanciers balaient ce qui leur fait office de porche et les pirates, eux, s'éveillent avec le pouls de l'île qui s'emballe. Une journée de plus sur l'immense cité pirate, sur ce bidonville gigantesque carburant aux crimes, aux pillages et aux aventures de flibustiers et de forbans de par delà Grand Line.
Des rats courent ça-et-là, des détritus et des bouteilles vides jonchent le sol, sont même parfois piétinées par des passants maladroits. Les manteaux, les tricornes et les chemises de marin sont au rendez-vous parmi les déjà nombreux pirates qui arpentent les rues. Tous possèdent des sabres, des pistolets, des massues, des poignards et de subtiles armements en tout genre. Tous savent de quoi il en retourne sur cette île où la puissance et la renommée font office de lois. Tous savent que la vie sur Jaya n'est pas tout les jours porteuses de bons signes. Des filles de joie aguichent des hommes dans les rues, malgré la température et l'heure jeune de cette aube morose. Des marchands vantent leurs étalages, les hommes du port s'activent.
Le cœur de Jaya pulse à nouveau de sa chaotique activité.CRAC! CLING!
Un homme traverse la fenêtre d'un restaurant et s'écrase sur le pavé de lattes montées sur pilotis, à l'extérieur. Depuis l'intérieur de l'établissement à l'enseigne miteuse et usée, on entend les cris de surprises des uns, les rires cruels des autres.
- Spoiler:
Gaspard Fetcher
500 dorikis
-Écoute moi bien espèce de sous-merde! Ça fait déjà plus de deux mois que tu as dis que tu me rembourserais! Tu sais, je me trouve très patient, je n'ai pas l'habitude de prêter autant de berrys à un homme indigne de ma confiance comme toi. Et j'avais bien raison, au final, tu n'es qu'un ingrat qui a gaspillé toute sa fortune dans un pauvre bateau qui n'en a pas valu la peine!
L'homme est gras. Sa voix l'est aussi. Il sort dans la rue pour rejoindre sa victime d'un pas claudiquant. Une fois à la hauteur du pauvre homme qui se relève tant bien que mal, des morceaux de verre ayant lacéré son pauvre visage couvert de sang, il plaque ce dernier au sol d'un violent coup de canne. Autour, les opportunistes et les intéressés s'agglomèrent déjà pour assister à la raclée que recevra le mauvais payeur. Car il en recevra une, de raclée, le pauvre homme qui geigne au sol. Le gros parvenu qui l'écrase est bien connu de tous, c'est Fetcher, alias Crésus, le plus riche et véreux prêteur sur gage de l'île. Un vieil aventurier, plus avare que Shylock, ayant construit sa fortune en abusant des petits forbans et en raflant leurs butins grâce à ses taux d'intérêts colossaux. Un véritable vautour aujourd'hui propriétaire d'une flottille de contrebande subvenant l'île en biens alimentaires et matériaux depuis plusieurs années déjà. En bref, même s'il commence soudain à matraquer le pirate sans défense à l'aide de sa canne, tout en le sermonnant à la manière d'un mafieux, personne n'interviendra. De un, parce que l'homme incarne en lui-même un des plus importants vecteurs économiques de l'île, mais aussi parce qu'il n'est jamais réellement seul…
La foule se fend en deux pour laisser passer une haute et svelte silhouette que le brouillard ne dissimule que trop bien. Deux iris verts luisent à travers la purée de pois, des talons cognent lentement contre le bois de l'allée à chaque pas de cet homme qui agit à la manière d'une apparition pour les badauds saisis de stupeur.
-Alors, on a des ennuis, très cher Crésus?
- Spoiler:
http://django-red.deviantart.com/art/Qualmior-Hero-Progress-150201158
Capitaine Casimir Souffleciel
2400 dorikis
S'il y a bien un contrebandier à la fois connu et inconnu sur Grand Line, c'est celui qu'on qualifie d'Ombre de Jaya. Capitaine des nombreux navires de Fetcher, Souffleciel n'a d'égal en subtilité que le meilleur agent du cipher pol. Il est à la fois une légende vivante pour les habitants de Jaya, mais un mythe inaccessible à ceux qu'il escroque de tous les coins de la route de tous les périls. Et s'il y a bien une seconde raison au fait que personne ne s'en soit jamais pris à Fetcher, le Capitaine Casimir l'incarne parfaitement en agissant comme le protecteur légitime du prêteur sur gage.
-Un autre crève-la-faim qui ose ne pas me rembourser!
-Hmm… C'est déplorable.
La voix de Souffleciel est celle d'une lame qu'on aiguiserait sur une meule. Elle est du même timbre que le sabre qu'il dégaine lentement, en se pourléchant déjà à la vue de la victime de son associé. Il s'accroupit calmement face au pauvre forban terrifié, et lui souffle quelques paroles faisant office de sermon.
-Tu sais, sur Jaya, il n'y a de loi que celles qui sont écrites par les chefs de quartiers. Et c'est dommage, parce que le quartier du vieux port, il m'appartient.
Cette phrase est ponctuée d'un sourire cruel. Sourire qui agit presque comme un signal mainte fois pratiqué. Des dizaines de matons envahissent l'allée en s'y faufilant comme des ombres. Des grognards sans personnalité ni développement qui n'ont comme utilité que d'agir selon le bon vouloir de Souffleciel en échange de sécurité, d'aventure, et d'une part toute sauf équitable des richesses de leur capitaine. Souffleciel se penche à l'oreille de sa proie, sous le regard bravache et vitreux d'un Crésus se pavanant comme un seigneur face à la foule agglomérée.
-Et les lois, quand on est rien, on apprend à les respecter, sinon on crève.
-M…m…mais mon navire s'est fait dévoré par un monstre marin! se plaint la mauvais payeur dans une ultime supplique.
-Ah bon? Bienvenue sur Grand Line. Dommage. Prenez lui tout ce qu'il a, et tabassez son équipage, accessoirement.
Avec une fluidité déconcertante, Casimir se remet debout, puis s'en va comme il est venu, son manteau voletant au vent. Le mauvais payeur, lui, est tiré vers les ruelles par les sbires de Souffleciel, tandis qu'il hurle désespérément des explications auxquelles la populace est complètement imperméable.
Bienvenue sur Jaya.
Dernière édition par Oswald Jenkins le Mar 8 Avr 2014 - 22:04, édité 1 fois